
L o u is , inftitua dans l ’Univerfité de Paris cette fa- meule école de T h éo lo g ie , q u i , du nom de fon
fondateur , eft appelée Sorbonne : le nom de Sorbonne
fe prend aullî , par figure, pour les dofteurs
de Sorbonne , ou pour les fentiments qu’on y enfei-
gne : L a Sorbonne enfeigne que la puiffance
eccléjîajlique ne peut ôter a u x rois les couronnes
que D ie u a mifes fu r leurs têtes , ni difpenfer
leurs fu je t s du ferment de fidélité. Regnum meum
non eft de hoc mundo f jo a n n . xviij". 36. )
V . L e fig n e pour la chofe fignifiée .
Dans ma vieillefTe languiifante, \
L e fceptre que je tiens pèfe à ma main tremblante :
( Qu in. Phaè't. u . v. )_j c’eft à dire , je ne fuis
plus dans un âge convenable pour me bien aquit-
ter des foins que demande la royauté. A in f i, le
fceptre fe prend pour l ’autorité royale ; le bâton de
maréchal de F ra n c e , pour la dignité de maréchal
■ de F rance 3 le chapeau de c a rd in a l, & même Amplement
le ch apeau , fe dit pour le cardinalat.
Uépée fe prend pour la profeflion militaire 3 la
robe , pour la magiftrature & pour l ’état de ceux
qui fuivent le barreau. Corneille dit dans le iklenteur
( act. I . f c . j . ) :
A la fin j’ai quitté la robe pour Vépée.
Cicéron a dit que les armes doivent céder à la
robe :
Cedant arma togce, concédât laurea lingute;
c’eft à dire, comme i l l ’explique lui-même ( Orat.
in P ifo n . n. lxxiij. aliter xxx. ) , que la paix
l ’emporte fur l a guerre , & que les vertus civiles
& pacifiques font préférables aux vertus militaires
: more poêtarum loquutus hoc in te llig i volui,
bellum ac tumultum p a c i atque otio concejfu-
rum.
« L a lan ce, dit Mézerai ( H ift. de Fr. in -fol.
» tom. in ,p a g . 900 ) , étoit autrefois la plus noble
» de toutes les armes dont fe ferviffent les gentils-
» hommes françois » : la quenouille étoit auffi plus
fouvent qu’aujourdhui entre les mains des femmes.
D e là on dit en plufieurs occafions lance pour
fignifier un homme, & quenouille pour marquer une
femme. F i e f qui tombe de lance en quenouille , c’eft
à dire , qui paffe des mâles aux femmes. L e royaume
de France ne tombe point en quenouille ; e’eft à
dire qu’en France les femmes ne fuccèdent point à
la couronne : mais les royaumes d’Efpagne , d’Angleterre
, & de Suède tombent en quenouille ; les
femmes peuvent aufti fuccéderà l ’Empire de Mofi-
çovie.
C ’eft ainfi q u e , du temps des romains, les f a i f -
ceaux fe prenoient, pour l ’autorité confulaire 3 les
a ig les romaines, pour les armées^ des romains, qui üioient des a ig le s p o q r -eü fe ign e s i L ’a ig le , q u i eft
le plus fort des oifeaux de proie , étoit le fymbole
de la victoire chez les égyptiens.
Sallufte a dit que Ca tilin a , après avoir rangé foft
armée en bataille , fit un corps de réferve des autres
enfeignes,‘ c’eft à dire , des autres troupes qui lui
reftoient : Reliq'ua in fu b jid iis arcliàs collocat.
O n trouve fouvent dans les auteurs latins pubes ,
p o il f o l le t , pour dire la Jeunejfe, les jeu n es gens :
c’eft ainfi que nous difons familièrement à un jeune
homme , V o u s êtes une jeu n e barbe ; c’ eft à dire ,
vous n’avez pas encore afîez d’expérience. Canities ,
les cheveux blancs , fe prend aufti pour la vieil-
leffe. Non deduces canitiem ejus ad inferos,
( I I I . R tg . ij* 6. ) D ed u ce tis canos meos cum
dolore ad inferos. ( G en. xliij. 38.)
Le s divers fymboles dont les anciens fe font fer-
vis , & dont nous nous fervons encore quelquefois
pour marquer , ou certaines divinités, ou certaines
nations , ou enfin les v'ices & les vertus 3 ces fymboles
, dis-je, font fouvent employés pour marquer
la chofe dont ils font le fymbole. Boileau dit dans
fon Ode fur la prife de Namur :
En vain au L i o n belgique
Il voit l’A i g l e germanique
Uni fous les L é o p a r d s .
Par le Lion belgique , le poète entend les Pro-
vinces-Unies des Pays-Bas 3 par 1* A ig le germanique,
i l entend l ’Allemagne 3 & par les Léopards , i l défï-
gne l ’Angleterre , qui a des léopards dans fes armoiries.
Mais qui Sous les fait enfler la Sambre J um e a u x effrayés. ( I d . ib id . )
Sous les Jumeaux , c’eft à dire, à la fin du mois
de Mai & au commencement du mois de Juin. L e
roi affiégea Namur le z6 de Mai 169Z , & la v ille
fut prife au mois de Juin fuivant. Chaque mois de
l ’année eft défîgné par un figne , vis a vis duquel
le fo le il fe trouve depuis le z 1 d’un mois ou enviro
n , jufqu’au z i du mois fuivant.
S u n t A r l e s , T a u r u s , G e m i n i , C a n c e r , L é o , V i r g o ,
L ib r a q u e , S c o r p iu s , A r c i t e n e n s , C a p e r , A m p h o r a , P i f c e s i
A r ie s , le bélier , commence vers le z 1 du mois
de Mars, ainfi de fuite.
« Les villes , les fleuves , les régions, & même
» les trois parties du monde avoient autrefois leurs
» fymboles , qui étoient comme des armoiries par
» lefquelles on les diftinguolt les unes des autres ».
( Montf. A n t i q . explic . tom. 1 1 1 , p a g . 183. )
L e trident eft le fymbole de Neptune j le paon
eft le fymbole de Junon 3 l ’olive ou l ’olivier eft
le fymbole de la paix & de Minerve , déefle des
Beaux Arts 3 le laurier étoit le fymbole de la victoire 2
les vainqueurs étoient couronnés de laurier , même
les vainqueurs’ dans les arts & dans les fçiences »
c eft à dire , ceux -qui s’y diftinguoient au deftiis
des autres. Peut-être qu’on en ufoit ainfi à l ’égard
de ces derniers, parce que le laurier étoit confacré
à Apollon , dieu de la Poéfie 6c des Beaux Arts.
Les poètes étoient fous la protection d’A p o llon
& de Bacchus 3 ainfi, ils étoient couronnés quelquefois
de laurier , & quelquefois de lierre : D o é la -
rum ederoe preemia frontium. ( Horat.. 1. Od. j.
i?» )>jî / I .
L a palme étoit aufti le fymbole de la victoire.
On dit d’un fa in t , qu’i l a remporté la palme du
martyre ; i l y a dans cette expreflion une Métonymie
; palme fe prend pour victoire ; & de plus l ’ ex-
preftion eft métaphorique , la viCtoire dont on veut
parler eft une viCtoire fpirituelle.
a A l ’autel de Jupiter , dit le père, de Montfau-
» con ( A n t . expi. tom. I I , p . 119 ) , on met-
» toit des feuilles de hêtre 3 à celui d’A p o llo n , de
» laurier 3 à celui de Minerve , d’olivier : à l ’autel
» de Vénus , de myrthe j à celui d’H e rcu le , de
» peuplier j à celui de Bacchus , de lierre 3 à celui
» de Pan, des feuilles de pin ».
V I . L e nom abjlrait pour le ’con cr e t.* .. Un
nouvel éfclavage f e forme tous les jo u r s pour
vous a dit Horace ( I I . Od. viij. 18 ) 3 c’eft à dire ,
vous avez tous les. jours de nouveaux efclaves : T ibi
ferv itu s crefcit nova. Servitus eft un abftrait, au
lieu de fe rv i ou novi amatores qui tibi fe rviant.
Invid iâ major ‘ ( ib. 20. ) au deflus de l ’envie j
c’eft à dire, triomphant de mes' envieux.
Çuftodia , g a rd e , confervation', fe-prend en
latin pour ceux qui gardent : Noctem euflodia
ducit infomnem. ( Æ n . IX . z 6 6 . )
S p e s , l ’efpérance , fe dit fouvent pour ce qu’on
efpère : Spes quoe differtur a fflig it animam.
( Proy. X I I I . 12. )
P e titio , demande , fe dit aufti pour la chofe
demandée : D éd it mihi JOominuspetitionem meam.
( / . Reg. 7 . 2 7 . )
C ’eft ainfi que Phèdre a dit ( I . fd b . 3. ) tua ca-
lamitas non fen tir e t, c’ eft à dire , tu calamïtofus
non fentir es : tua calamitas eft un terme abftrait ,
au lieu que tu calamitofus eft le concret. ' Credens
co lli longitudinem ( ib. 8. ) , pour collum longum :
& encore ( ib. 13 .) corvi ftu p o r , qui eft l ’ abftrait,
pour corvus Jlupidus , qui eft le concret. V irg ile
a dit de même ( Georg. I. 143. ) fe r r i r ig o r ,
qui e f t l’abftrait, au lieu de ferrum rigidum , qui
eft le concret.
V II. L e s parties du corps qui font regardées
comme le fiège des paflions & des fentiments intérieurs
, fe prennent pour les fentiments mêmes.
C ’eft ainfi qu’on dit I I a du coeur , c’eft à dire,
du courage.
Obfervez que les anciens regardoient le coeur
comme le fiège de la fagefle , de l ’e fp rit, de l ’a-
dreffe : ainfi , habet cor , dans Plaute ( P e r fa , act.
ï v f f c . iv. 7 1 . ) , ne veut pas dire, comme parmi
nous , e lle a du courage , mais elle a de l ’efprit.
S i e f l mihi cor ( Id. Moftel. act. i , f c . ij. 3 .) , fi
j ai de 1 e fp r it , de l ’intelligence. V ir cordatus
veut dire en latin un homme de f e n s , qui a un bon
difeernement. Cornutus , philosophe fto ic ien , qui
-fut le maître de Perfe & qui a été enfuite le commentateur
de ce poète , fait cette remarque fur ces
paroles , fum petulanti fplene cachinno , de la
première Satire : Pfvyfici dicunt homines fp len e
ridere , f e l le irafei , jecore amare, corde fapere ,
& pulmone ja ê ïa r i. Aujourd’hui on a d’autres lumières.
Perfe dit ( in p ro l.) que le ventre, c’eft à dire ,
la faim , le befoin , a fait aprendre aux pies &
aux corbeaux à parler.
L a cervelle fe prend aufti pour l ’efprit , le jugement.
O la belle tête , s’écrie le renard dans Phèdre
3 quel dommage , e lle n’a point de cervelle i
6 quanta fp e c ie s , inquit , cerebrum non habet !
( I . 7* ) On dit d’un étourdi, que c’eft une tête fans
cervelle. U ly ffe dit à Euryale , félon la traduction
de Mad. Dacier ( Odyff. tom. 11 , p a g . 13. ) :
Jeune homme , vous ave\ tout Vair d’un écervelé ;
c’eft à dire , comme e lle l ’explique dans fes lavantes
remarques, vous ave^ tout V air d’ un homme
peu fa g e . A u contraire , quand on d i t , C ’ e jî un
homme de tête, C ’eft une bonne tête , on veut dire
que celui dont on parle eft un habile homme , un
homme de jugement. L a tête lu i a tou rné; c’ eft:
à dire , qu’i l a perdu le bon fens , la préfence
d’efprit. A v o ir de la tête , fe dit auffi figurément
d’un opiniâtre. Tête de f e r , fe dit d’un homme
appliqué fans relâche, & encore d’un entété.
L a la n g u e , qui eft le principal organe de la
parole , fe prend pour la parole : C ’eft u n e méchante
langue , c’ eft à dire , c’eft un médifant :
avoir la langue bien pendue , c’eft avoir le talent
de la parole , c’eft parler facilement.
V I I I . L e nom du maître de la maifon fe prend
auffi pour la maifon qu’i l occupe. V irg ile a dit
[Æ n . 1 1 , 312. ) : Jam proximus ardet U calegon ;
c’eft-à-dire , le feu a déjà pris à la maifon d’Uca-
légon.
On donne auffi aux pièces de monnoie le nom
du fouverain dont* elles portent l ’empreinte. D u -
centos Philip p o s reddat aureos (Plau t. Ba cch id .
I V . ij. 8. ) , qu’e lle rende deux-cents Ph ilip p e s
d’or. Nous dirions deux cents L ou is d’or.
V o ilà les principales efpèces de Métonymie.
Quelques-uns y ajoutent la Métonymie par la quelle
on nomme ce qui précède pour ce qui fuit,
ou ce qui .fuit pour ce qui précède ; c’eft ce qu’on
appelle Vantécédent pour le conféquent , ou le
confêquent pour Y antécédent : on en trouvera des
exemples dans la Métalepfe , qui n’eft qu’une
efpèce de Métonymie , à laquelle on a donné
un nom particulier ( V . M étalepse ) 5 an lieu
qu’à l ’égard des autres efpèces de Mé ton ym ie , dont
nous venous de parler , on fe contente de dire , M étonymie
de la caufe pour l ’e f fe t , Métonymie du
contenant pour le contenu, Métonymie du figne, &c.
(M. DU Marsais. ) .