
hardie•: a in fi , l ’homme inculte & groffier
l ’homme *altier & indépendant, laiffent aller leur
penfée & leur ame; l ’un, parce qu’i l ignore la me-
fure prefcrice par l ’ ufage & les convenances ; &
l ’au tre, parce qu’i l dédaigne & néglige de la
garder.
Entre ces deux extrêmes, le langage fam ilie r
noble tient le milieu ; & ç’eft a .lu i qu’appartiennent
les ménagements , les réferves , les détours du
fentimejnt & de la penfée, les demi-teintes, les
nuances, les reflets de l ’expreffion.
Dans le commerce a’ un monde p o li jufqu’au raffinement,.
où i l ne s’agit pas d’inftruire, détonner,
d’émouvoir, mais de flatter, de plaire, & de féduire ;
©,ù la perfitafion doit être infinuante , la raifon mo-
defte , la paffion retenue & déguifée ; où toutes les
rivalités de l ’amour-propre s’obfervent réciproquement
& font,comme fur le qui-vive; où les combats
d’opinions & d’affeétions perfonnelles fe p a ffent
en légères atteintes , & à la pointe de l ’efprit ;
où l ’arme de la raillerie & de la médifance eft
comme les flèches des fauvages , fouvent trempée
dans du p o ifo ii, mais fi fubdlement aiguifée que
la piquûre en eft-imperceptible ; dans ce monde,
dis- je , le langage ufûel doit être rempli de fineffes,
d’a-Ilu fions, d expre fiions a .dpuble fa c e , de tours
adroits , de traits délicats ou fubtils ; & plus il. y a
de fociété & de communication entre les efprics,
plus la galanterie & le point d’honneur ont rendu
la politeiTe recommandable, plus auffi la langue
lbclaie doit être maniérée raffinée par i ’ufàge.
I l s’enfuit i° . que dans aucun pays du monde le
langage fam ilie r npbie ne doit être plus cu ltiv é ,
pljjs élég an t, que parmi nous.
z°.- Que dans les ouvrages déftinés à inftrüire &
à p la ire , c’eft le ftyle qui>convient le mieux, parce
au i l eft le plus infmuant, le plus féduifant pour
1 amour-propre , & qu’i l a toutes les adreffes dont
i l faut u fer avec des hommes vains., foit pour
adoucir la cenfure , foit pour affaifonner la louange,
foit pour dégüift r la leçon.
. 3°- Que dans les ouvrages de ce genre , les femmes
doivent exceller : parce que dans la lice de la
converfation, elles font fans ceffe exercées aux
artifices de la parole ; que la furveillance réciproque
de leur malice & de leurs jaloufies doit les
rendre plus attentives à choifir , à p lacer les mots ;
que l ’une de leurs grâces eft ce lle du lan g a g e , &
qu’un défir inné de plaire leur défend de la néglig
e r ; que foibles:, elles ont befoin d’adreffe, &
quelquefois de rufe ; qu’i l ne leur eft permis de fe
montrer fenfibles qu’avec délicateffe , . inftruitès
qu’avec modeftie , paffionnées qu’avec pudeur, ma-
llcieufes qu’avec l a i r d’un badinage innocent &
lég er ; qu a infi, leur fincérité même eft toujours
accompagnée d’un peu de diffimujation ; & qu’enfîn
ambitieufes de dominer par la perfùafion , leur
naturel les porte dès l ’enfance à en étudier tous
les moyens : de là fur nous 'leur avantage pour la
facilité , la grâce ,1 a légèreté , l ’élégance, les nuances
fines ou délicates du ftyle , foit dans leurs
lettres, foit dans les ouvrages d’agrément qui font les
fruits de leurs loifirs. 4°* '-Que dans les eompofitions d’un ftyle re lè v e ,
comme dans la Poéfie héroïque & dans la plus haute
Eloquence , un art effenciel à l ’écrivain eft de
favoir du moins entremêler quelques traits du F a milier
noble., de le choifir avec goût ,& de le placer
a propos, C e mélange a trois avantages : l ’un, de
détendre le haut ftyle , de Faffouplir , d’en varier
les tons, fans quoi i l feroit roide, guindé , & monotone
; l ’autre, de lu i donner un air de naturel &
de vérité : car fi jamais le héros qu’on nous fait
entendre ne parle comme nous, fi -jamais l ’orateur
ne prend notre lan g a g e , nous admirerons peut-être
l ’art de l ’orateur & du p o è te , mais nous ne l ’oublierons
jamais ; & l ’art doit fe faire oublier. Un
troifième avantage .de ce mélange du Familier &
du fubiime, eft de prêter à- celui - ci des nuances
qu’i l n’aurôit pas : fon caractère eft l ’élévation, la
majefté, la force, la hardieffe.des figures , l ’éclat
des imagés , la véhémence & la rapidité des mouvements
.; mais les foupleffes de l ’expreffion , fes
délicateffes, fe£ demi-jours, font du langage / ami-
lie r ; & c’eft de là que le poète & l ’orateur doivent
les prendre : Racine, Boffuet, Maffillon, n’y
manquent jamais. Quelquefois même l ’expreffion
d’ufage eft la plus énergique : elle eft fubiime dans
fa fimplicité ; & une image , une métaphore, une
hyperbole , un mot étrange ou pris de lo in , gâte
roi c tout. Madame f e meurt , madame e ji
m&nc :
Je ne t’ ai point aimé, Crue! ! qu’ai-je donc fait ?
Quand yous me haïriez , je ne m’en plaindrois pas.
V o ilà rexpréffion naturelle, & on le diroit de
même fans étude & fans art.
I l eft bien vrai que dans le langage de la eonver-
fation tout n’eft pas digne de pafler dans le ftyle
fubiime ; mais à cet égard le goût cônfîfte à n’être
ni trop indulgent ni trop févète dans le choix. I l
eft bien vrai auffi qu’après s’ecre rapproché du t.on
de la converfation, l ’orateur & le poète doivent
fe relever-y mais c’ eft en cela que çonfiftenc ces
‘ belles ondulations du ftyle , q u i , comme je l ’ai
d i t , lui donnent de la fouplefle , de la variété , &
du naturel, fans en dégrader la majefté : car i l
en eft de la dignité du langage comme de ce lle
de la perfonne : celle-ci doit favoir s’abaiffer avec
n oblefle, & fe relever fans orgueil.
1 5°. Enfin des caractères propres au ftyle fam ilier
, on doit inférer que les ouvrages bien écrits
dans ce ftyle font les plus difficiles à traduire ;;
qu’i l eft même impoffible qu’ils paffent d’une langue
à une autre fans une extrême altération; & la raifon
en eft fenfible.
L e haut ftyle eft partout le m êm e, parce
qu’i l eft partout étranger a Tufàge , & qu’i l eft
pris dans l ’analogie des images avec les idées, la -
quelle analogie eft la même dans tous les pays
èc dans tous les temps : au lieu que les propriétés,
les fingularités , les fineffes , les -grâces, les délicateffes
de chaque langue, fon.-efprit , fon génie
enfin, font confignés dans le langage de la foc iété;
puifque c’eft là que le naturel, les moeurs , les
ufages d’une nation dépofent leur couleur locale :
de là v ien t , par exemple, que Racine eft plus
difficile à bien traduire que Corneille ; & que dans
aucune langue i l n’eft poifible de traduire L a Fontaine
& madame-de Séyigné.
Quant au choix des locutions qui peuvent paffer
du langage fam ilie r dans le ftyle héroïque , i l me
femble- qu’i l eft aifé de les recotinoître aux fignes
que voici : nulle affinité avec les idées & lès imagés
auxquelles l ’opinion attache le caractère de baffefie;
rien que l ’ ufage ait avili ; d e là clarté, de la juf-
te ffe , de l ’analogie dans les termes ; & pour i ’o-
reilie , l ’agrément qui réfulte de la*liaifon des
mots , du mélange des fon s , des nombres qu’ils
forment enfemble. C e choix étoit le fecret de Racine
: toutes fes pièces, fans en excepter Athalie ,
préfentent mille façons, de parler prifes dans le
fam ilie r n oble; & ceux qui veulent qu’on1 les
évite dans le langage des héros , n’ont pas l ’idée
de ce qui fait la grâce & le naturel de la Poéfie dramatique.
Dans le genre de Poéfie dont l ’hypothèfe eft
l ’ inlpiration, & où le poète parle lui-même, i l
peut s’é le v e r , autant qu’i l lui p la î t , au deffus du
langage fam ilie r : le fien n’eft obligé d’avoir que.
que fa vérité relative ; & le Dieu qui l ’inftruit,
comme dans l ’Ép op é e,' ou qui le pofiède, comme
dans l ’Ode , peut & doit lui faire parler une langue
extraordinaire : fon ftyle fait partie du merveilleux
de fon Poème. Mais dans le genre dramatique
, tout eft fuppofé naturel : le ftyle , ainfi que
l ’a& ion , y doit donc avoir avec la nature une
reffemblance embellie.
Je fou-mets ce que je vais dire à l ’ examen des
gèns verfés dans la langue de Sophocle & de D é -
mofthène. Mais je cr-ois entrevoir que rien n’eft
plus rare dans l ’un & dans l ’autre, que les expreffions
éloignées du langage fam ilie r noble. Partout où
la vehémence _du fendaient & l ’énergie qu’i l veut
fe donner ne demande pas une figure hardie, rien
ne me femble plu,s naturel que l ’Éloquence de Dé-
mofthène, & que la Poéfie de Sophocle ; peu de
métaphores , prefque point d’épithète : dans l ’un ,
e’eft la raifon dans toute fa forc e , & prefque dans
fa nudité ; dans l ’autre, . c’eft le fentiment approfondi',
mais rarement orné par l ’fixpreffion poétique
, & d’autant plus énergique & touchant, que
le langage en eft plus naturel. V . Sty le. (M . M a r -
MONTEL.)
* F A M I L L E , M A ISO N . Synonymes.
( ^ Famille eft plus de bourgeoisie. Maifon eft
plus de qualité.
Qn d it , en parlant de naiffance, Etre d’honnête
Famille & de bonne M a ifon . On dit auffi F am ille
royale , & Maifon fouveraine. ( JJ abbé G ir a r d . )
C ’eft que l’on n’entend alors, par F am ille ro y a le ,
que les proches parents du ro i, vivants annuellement;
Car dès qu’on porte fes vues ou fur les parents
éloignés ou fur les individus morts de la
même l ig n é e , on dit L a Maifon royale. C ’eft peut-
être de là que vient i ’ufage du mot F am i lle , pour
exprimer une lignée bourgeoife, parce que le mot
de M a ifon ne femble deftiné qu’ à réveiller là mémoire
d’ancêtres illuftres. ( M . B e a u z é e .*)
Les F amilles fe font par les alliances, par une
façon de vivre p o lie , par des manières diftinguées
de celles du bas p eu p le, & par des moeurs cultivées
qui paffent de père en fils. Les M a ifon s fe forment
par ies titres, par les hautes dignités dont elles font
illuftrées, & par les grands emplois continués aux
parents du même nom ). ( U abbé G ir a r d . )
C ’eft la vanité qui a imaginé le mot de M a ifon ,
pour marquer encore davantage les diftinétions de
la fortune & du hafard. L ’orgueil a donc établi
dans notre langue , comme autrefois parmi les romains
, que les titres , les hautes dignités, & les
grands emplois continués aux parents du même
nom, formeroient ce qu’on nomme les M aifon s de
gens de qualité , tandis qu’on appelleroit F am ille s
celles des citoyens' qui , diftingués de la lie du
p eu p le , fe perpétuent, dans un État, & paffent de
père en fils par des emplois honnêtes, des charges
utiles , des alliances bien affames, une éducation
convenable , des moeurs douces & cultivées; ainfi,
tout calcul fa it , les F amilles valent bien les M a i fo
n s : i l n’y a g-uères que lesnaitos de la côte du
Malabar qui peuvent penfer différemment. ( L e cheva l
ie r DE J A U COU R T . )
(N.) F A N É E , F L É T R IE . Synonymes.
Ces deux mots diffèrent entre eux du plus au
moins, ; le fécond enchérit au deffus du premier.
Une fleur qui n’eft que fa n é e peut quelquefois reprendre
for* éclat ; mais une fleur flé trie n’y revient
plus..-
L a beauté, comme la fleur , fe fa n e par la longueur
du temps , & peut fe flé tr ir promptement par
accident. ( JJ abbé G i r a r d . )
( N . ) F A N T A S Q U E , B IZ A R R E , C A P R I C
IE U X , Q U IN T E U X , B O U R R U .Synonym.
Toutes ces qualités , très-oppofées à la bonne
foc iété, font l ’effet & en même temps l ’expreffion
d’un goût particulier , qni s’écarte mal à propos de
celui des autres. C ’eft là l ’idée générale qui les fait
fynonymes , & fous laque lle ils • font employés
affez indifféremment dans beaucoup d’occafions,
parce qu’on n’a point alors en vue les idées particulières
qui les diftinguent. Mais chacun n’ en a pas
moins fon propre caractère , que je crois rencontrer
affez heureufement en difant, que s’écarter du goût
par excès de délicatefle ou par une ifccherche du
mieux faite hors de fâifon, c’eft être fan ta fqu e ;