
riétés & par le mélange de fes caractères, qu’elle
enchante l ’oreille fans la raffafîer jamais ? D e quelque
côté que mon Critique fe retourne , i l verra
que les faits lu i font aufli contraires que les rai-
fon s, & qu’i l eft aufli peu à’accord avec lui-même
qu’avec moi.
L ’air meliiré , cette efpèce de chant dont les italiens
ont des exemples fublimes & dont ils nous
ont donné l ’idée , n’étoit pas connu du temps de
Quinault ; mais par fentiment Quinault lui a ouvert
une carrière bien plus vafte que ce lle où, par théorie,
on veut ic i le renfermer.
En e f fe t, les pallions violentes ne font pas les
feules dont le ton s’élève au deffus de la fimpl.e
récitation. L a tendreffe, l ’inquiétude, l ’ef^érançe^
la joie , la volupté s’animent ; &: toutes les fois
que l ’âme eft en mouvement, foit que ce mouvement
ait plus ou moins de violence & de rapidité
, i l donne lieu à une expreflion plus vive, &
plus marquée que le langage tranquille & fimple :
c’eft là ce qui diftirigue l ’air , ce qui le rend fuf-
ceptible d’une infinité de nuances; 5c c’ eft aufli ce
qui rend l ’Opéra françois fufceptible d’üne variété
Inépuifable dans les carâderes du chant. I l eft
tragique par intervalle , .comme l ’Opéra italien ;
& la Mufique du plus grand genre y trouve à dép
loyer fes forces : mais- i l préfente aufli, à la Mu-
jique douce , voluptueufe, & tendre , des Sentiments
à exprimer & des tableaux gracieux à peindre.
V o ilà les fources de fa richefle , & ce qui fera
tout abandonner pour le fyftême de Qu in ault,
l ’idée la plus grande & la plus magnifique qui
foit fortie de la tête d’un poète depuis Homère &
depuis Efchyle.
« Si vous choiflflez deux compofiteürs de 1*0 -
» péra françois, infifte encore mon adverfaire ; que
>> vous donniez à l ’un à exprimer le défefpoir d’Ân-
» dromaque lorfqu’on arrache Aftyanax du tom-
» beau où fa piété i ’avoit caché , ou les adieux
» d’Iphigénie qui va fe foumettre au couteau de
» Ca lch a s , ou bien les fureurs, de fa mère éperdue
>> au moment de eet affreux facrifice; & que vous
i) difiez à l’autre, faites-moi une tempête, un trem-r
» blement de terre, un choeur d’aquilons, un dén'
» bordement de N i l , une defeente de Mars , une
» -conjuration magique , un fàbbat infernal : n’eft-ce
» pas dire à c e l u i c i , je vous choifis pour, faire
» peur ou plaifir aux enfants ; & à l ’autre , je vous
» choifis pour être l ’admiration des nations & des
» fiècles » ?
11 y a , fi je ne me trompe dans ce parallèle
un peu de déclamation. D ’abord l ’on ne voit pas
à quoi bon ce partage : le même compofiteur à qui
l ’on donneroit à exprimer le défefpoir d’Androy.
maque , ne feroit pas - déshonoré fi on lui donnoit
aufli à exprimer les gémiffements de l ’ombre d’Hector
, qui fe feroient entendre du fond de fon tom? beau ; celui qui auroit exprimé les adieux d’Iphi-r
^énie ou le défefpoir de fa mère , pourroit fort
pien annoncer la defeente de Diane par une fymr
phonie augufte ; celui qui auroit à exprimer la
douleur d’Idoménée oblige d’immoler fon fils , ne
dédaigneroit pas d’imiter la tempête de l ’avant-
fcène ; la chute du N il ne feroit pas un fpe&acle
moins magnifique à peindre aux yeux & à 1 oreille,
que le triomphe de Séfoftris ; & fans être un peu-
pie d’enfants on pourroit être ému de la beauté
de ces peintures; U n choeur infernal peut aufli
ri’être pas un bruit de fa b b a t : les grecs ne l ’ap-
peloient pas ainfî fur le théâtre d’E lch y le , i l n’y
■ reffemble pas davantage dans l ’Opéra de Caftor j
& quant à l ’exécution, i l eft poflible & ' facile
encore d’y mettre plus de vraiferoblance.
Enfin i l n’eft pas plus effenciel à l ’Opéra françois
qu’à l ’ Opéra italien déjouer fu le m o t , de
badiner fur des fyllabes ; mais dans l ’un & l ’autre
on peut peindre, c’ eft à dire, imiter des Ions avec
dès fons reflemblants , mais harmonieux : c’eft là
ce qu’on ap pelle embellir la nature. Eh pourquoi,
fi une fymphonie plaît lors même qu’e lle n’exprime
rien, déplaira-t-elle en difant quelque chofe?
Pourquoi les prodiges de la nature qui font fen*-
fibles à l ’oreille -ne feroient-ils pas retracés à l ’oreille
? L a Mufique n’a - t - e l l e pas fes couleurs
comme la Peinture? L ’âme ne jouît-elle pas dé
l ’une & de l ’autre imitation? Sans doute le compofiteur
qui aura vivement exprimé les pallions,
fera admiré^de tous les fiècles ; mais fi ce même
homme ajoute à ce talent celui de peindre en fons
harmonieux les grands phénomènes de la nature,
i l n’en aura que plus de gloire : & te lle eft là
double earrièrè que préfente au génie le fpeétacle
du merveilleux ; car fon avantage eft d’entremêler
continuellement les fèènes pathétiques, de prodiges
qui les amènent, d’ incidents qui les interrompent, 5c de tableaux qui les varient : tel eft le plan d’Ar-
mide , d’Amadis , de Roland , de Proferpine , de
Théfée 6c d’Atys , de Dardanus 5c de Caftor.
( q- Le fyftême de l ’Opéra françois eft fidèlenjent
exprimé dans ççs vers :
Le chant luï-mêmje eft fabuleux, magique }
Que tout foit dohe magique ôc fabuleux
Avec le chant, tintôt fombre & tragique ,
Tantôt ferein, tendre , 8c voluptueux,
Si vous voulez entendre Cornélie-,
Céfar, Brutus, Orofmane, ou Néron -,
Le viel Horace, ou la fière Emilie ;
C’eft au théâtre où fleurifloit Clairon
Qu’il faut aller. Vous-cherchez la nature J
Là tout -eft vrai dans fa noble peinture.
Mais attirés par «de plus doux accents ,
Aimez-vous mieux, dans une heureufe ivreffe,
D e tous des arts jo u it par tous, les fçns ?..
De l'Opéra là.Mufe enchanterefle
Va vous caufer ces fonges ravivants,
L’illufion eft fon brillant empire: : -
Là tout s’exalte 8c fe met au nivçau,.
N ’êres-yous pas dans un monde nouveau ?
Faites-vous donc à-l’ air qu’on y refpire.
Ainfî Quinault, que l’on attaque en vain ,
L’avoit conçu, ce fpeftade divin.
Tout eft fiétif dans fon hardi fyftême,
Hormis le coeur, qui fans cede eft le même.
A h ! plût au ciel qu'il revînt, ce Quinault,
Avec fa plume élégante & flexible,
Plier au chant le langage fenfible
D ’A ty s , d’Églé, d’Armide, 8c de Renaud!
M
J V j Î , f. f. Grammaire. C ’eft la treizième lettre
& la dixième confonde de notre alphabet. Nous :
la nommons emme y les grecs la nommoient mu , !
P» , 5c les hebreux mem. L a facilité de l ’épellation
demande qu’on la prononce me avec un e muet ; ■
& ce nom alors n’eft plus féminin , mais mafe !
culin.
L ’articulation repréfentée par la lettre M eft
l a b i a l e 5c n a f a le labiale , parce qu’e lle è x i« e
l ’approximation des deux lèvres , de la meme manière
que pour l ’articulation ^; n afale, parce que ;
1 effort des levres ainfi rapprochées fait refluer par
le nez une partie de l ’air fonore que l ’articulation
modifie , comme on le remarque dans les perfonnes
fort enthumees qui prononcent b pour m , parce que
le canal du nez eft embarraffé 5c que l ’articulation
alors eft totalement orale.
Comme labiale , e lle eft commuable avec toutes j
les autres labiales b , p , v , f : c’eft ainfi que ;
fcabellum vient de feamnum , félon le té mo ion a de
de Quintilien; que f o r s vient de que5pu.1-
v in a r vient -de pluma. Cette lettre attire aufli les
deux labiales b 5c p , qui fo n t , comme e l l e ,
produites par la réunion des deux lèvres : ainfi
voit-on le b attiré par m dans tombeau, dérivé
:de tumiilus y dans flambeaw, formé1 de flamme y
dans ambigo, compofé de am 6c.de ago ; 8c p eft
introduit de même danspromptus, formé dzpromo-
tu s ; dans fum p fi ôc fum p tum , -qui viennent de
Jumo.
Comme nafale, la lettre ou articulation M fe
.change aufli avec N : c’eft ainfî que flgnum vient
de sÿtcîi:, nappe de mappa , 5c natte de matta
en changeant m en n y au contraire amphora v i e n t ■
de avacpjpM, amplus d e âvdirAw, abflemius à’abf- "
tineo , fomme il de fomnu s : en changeant n
en m.
M obfcurum in extrtmitate , dit ifti •„ ( A/,.
de ,aceid. lu t . ) ut templum : aperium in prin-
eipio , ki mao„„s : médiocre in medüs ut ombra
H nous eft difficile de bien-diftir.«.»« aujou.dhui
CtS 11015 P'ononcuüons.difentes dem, rfaiqüéeS
Qui chantera l ’Amour tendre 5c timide,
Si ce n'eft pas Acys Ôc Sangaride?
Qui chantera l’Amour fier 5c jaloux.
Mieux que Roland & Médée en courroux?
Qui chantera, fi ce n’eft pas Armide?
V q y ei A i r , C h a u t , C h oe u r , D u o , Ré c i t
a t i f , & p a r t i c u l i è r e m e n t O p é r a , o i i j ’ e x a m i n e
p l u s - e n d e t a i l q u e l l e e f t l a f o r m e q u i l u i e f t p r o '-
p r e , & q u e l e f t l e f t y i e q u i l u i c o n v i e n t . ) ( M M A l l a
i Ofi T EL. )
M
par Prifcien : mais nous ne pouvons guères douter
qu’outre fa valeur natu re lle, te lle que nous la
.démêlons dans munie , moeurs , &c , e lle n’ait
encore fervi , à peu près comme pa rm i'nou s, à
indiquer la nafalrte de la v o y elle finale d’un mot-
& c e ft p eu t -ê t re dans ,cet état que Prifcien d i t ’,
M objeurum m extremitate, parce qu’en effet ou
n y entendoit pas plus diftinâement l ’articulation
in , que nous ne l ’ entendons dans nos mots
françois , nom , fa im . Ce qui confirme ce raifon-
nement, c’eft que , dans les v er s, toute vo ve lle
™'^1®. accompagnée^^de la lettre m étoit fujette
a Pétition , fi le mot fuivant commençoit par une
v o y e lle : r
Divifüm imperium cum Jove Ccefar habet.
Dans ce c a s - l i même, fi l ’on en croit Quinti-
,Pen ( In f lu â t l x . 4..) , ce n’eft pas que la lettre m
-fut muette , mais c’eft qu’e lle avoit un fon obfcur -
adio u tpenè cu ju flam novae litteræ fonum reddat ■
neque emm exim itu r , f e d obfcuratur : c’eft bien ld
le langage de Prifcien.
« O n ne faurbit nie r, dit M. Harduin ( Rem
» d iv .fu r la prononc. p a g . 4 ) , que le fon natal
» n a it été connu dès.anciens.Nicod affiîre, d’après
» Nigidius F igu lu s , auteur contemporain & ami
b de Cicéron , que les grecs employoient des f in s
b de ce genre devant les confo'nnes ? , * , x b . Mais
Cicéron lui - même & Quintilien nous donnent
allez à entendre que m d la fin étoit le ligne de la
nafalité..V oici comme parle le premier ( Orat. a y JI.
t?« )• Q u id Ü l lu d non 'o ie t u n ie f i t , q u o i d i-
eirur cum iilis , cum aucem nobis non dicitur
f e d nobifeum ? Q u ia f i ita dtcèretur , obfloenius
concurrerent litteræ , ut etiam modo, n ifi au-
tem imerpofuijfem , c o n cu r r e n t . Quintilien
( In f t . v u l . 3. ) s’exprime ainfi dans les mêmes
viles & d’après le même principe. V ita n d a e ll
ju n â u r a deforimiter fo n a n s , ut f i cam'homini-
bus notis loqài nos dicimus , nifi hoc ipfum homP
nibus medium f i t , in x*ny«.Ti, videmùr incidere;