
foient l ’ancien Empire- romain, que d’être en proie .
aux nations du- Nord. Anciennement elies conqué-
roient un pays & s’en emparoient; préfentement
elles ne vexent point les habitants , ne ravagent
point les terres , mais elles en emportent les
lciences. Commigrant ad nos quotidie ca llid i ho-
m in e s , pecunidinfiruclifjimi , & præclaram illam
mufamm fupellecTilem , optima volumina, nobis.
abripiunt ,• â n e s etiam ac difciplinas paulatim
abducluri a lio , nifi flu d io& diligentiâ refifia-
tis . ( V oye\ Barthol. D e lib. legend. dijfertat.
i i P ag* 7 ■ Heuman. V ia ad hijior. litter. c. vj
pa ra g . 43 , pa g . 338. FaccioL Orat. 1 , Mern.
de Trev. ann. 1730 >pag. 17.9-3. )
; Les L iv r e s élémentaires femblent être ceux qui
le font le moins multipliés , puifqu’une bonne
Grammaire, ou un Dictionnaire , où des Inftitutions.
en quelque genre que ce f o i t , font rarement fuivis
d’un double dans un ou même plufieurs fîêeles.
Mais on a obfervé qu’en France feulement, dans
le cours de trente ans, i l a paru cinquante nouveaux
L iv r e s d’Eléments de Géométrie ,. plufieurs
traités d’Algèbre , d’Arilhmétique , d?Arpentage ;
& dans l ’elpace de quinze années on a mis au
jour plus de cent Grammaires, tant frauçoifes que
latines , des Dictionnaires , des Abrégés , des Méthodes
, , à proportion. Mais, tous ces L iv r e s
font remplis des mêmes idées , des mêmes découvertes
, des mêmes vérités , des mêmes fauffetés.
( Me'm . de T rev . a n n . 1 7 3 4 , p a g . 804.)
' Heureufement on n’eft pas obligé' de■ lire- tout
ce qui paroît. Grâces à Dieu ) lè plan dé Carà-
muel , qui fe propofoit d’écrire environ cent volumes
in - f o l io , & d’employer le pouvoir fpirituel
& tempoiel des princes pour obliger leurs lujets
à les lire , n’a pas réuffi, Rin ge lferg avoit aufli
forme le deffein d’écrire environ mille volumes
différents ; ( V a y e ^ M. B a ille t , E n f a n t s cé lèb res ,
f r e t . 1 1 , J u g . d e s S a v . t om . V , p a r t . 1 , p a g .
373 ■ ) & 11 y a toute apparence que , s’i l eiît
vécu affez lo n g temps pour compofer tant de
L iv r e s , i l les: eut donnés au Public. I l auroit
prefque égalé Hermès Trifmégifte, q u i, feion Jam-
blique , écrivit trente-fix-mille cinq - cents vingt
cinq L iv r e s ; fuppofé la vérité du fa it , les anciens
auroient eu infiniment plus dë raifon que les modernes
de fe plaindre de la multitude des L i v
res .
-Aü refte, de tous ceux qui exiftent, combien
peu méritent d’être férieufemènt étudiés ? Les uns
ne peuvent fervir qu’occafionnellement r les autres
qu’à amufer les lecteurs. Par exemple, un mathématicien
eft obligé de fàvoir ce qui eft. Contenu
dans les L iv r e s de Mathématiques»; mais une connoif-
fànce générale lui fuffit , & i l peut l ’acquérir aifé-
ment en parcourant les principaux auteurs, afin de
pouvoir les citer au. befoin; car i l y a beàueoiip
de chofes qui fe confèrvent mieux par le fecours
des L i v r e s , que par celui de la mémoire. T elle s
font les obfervations agronomiques-, les tables ,
les règles , les théorèmes , & c , qui , quoiqu’on eft
ait eu connoiflance , ne s’impriment pas dans le
cerveau comme un trait d’hiftoire ou une belle
penfée. Car moins nous chargeons la mémoire de
chofes, & plus l ’efprit eft libre & capable d’invention.
( V oy e \ Cartes , E p i fi- à h o gel. apud.
Hook > p h il. collecï. n°. 5 , pa g . 144 & fu iv . )
Ainfi un- petit nombre de Livrés ehoifis eftfufïî-
fantv Quelques-uns en bornent la quantité au feul
Livre de la Bible , comme Contenant toutes les
fciences- ; & les turcs fe réduifent à l’Alcoran.
Cardan croit que trois Livres fùffifent à une per-
fonne qui ne Fait profeftion d’aucune fcience ; fàvoir
une V ie des faints & des autres hommes vertueux
, un Livre de Poéfie pour amufer l ’e fp rit,
& un troifième qui traite des règles de la vie civ
ile. D ’autres; ont propofé de fe borner à deux
Livres pour toute étude ; fàvoir , l ’Écriture qui
no iis aprend.ee que c’eft que Dieu ; & le Livre
de la création , c eft à dire , cet univers qui nous
découvre fon pouvoir. Mais toutes ces régies , à
force de vouloir retrancher tous les L i v rex Tup erflus ,
donnent .dans une autre extrémité , & en retranchent,
auffi de néceffairéSv 11 s’agit don c , dans le
grand nombre, de choifir les meilleurs ; & parce
que l ’homme eft naturellement avide de fàvoir ,
ce qui paroît fiiperflu en ce genre , p e u t , à» bien
des égards, avoir fon utilité. Les L iv r e s , par leur
multiplicité , nous forcent en quelque forte à les
lire , ou nous y engagent pour peu que nous y
ayons de penchant, u n ancien Père remarque que
nous pouvons-retirer cet avantage de la quantité.
des Livres écrits fur le même fujet ; que fouyent
ce qu’un leéteur ne faifit pas vivement dans l ’u n ,
i l peut l’entendre mieux dans un autre. Tout ce
qui eft é c r it , ajoute-t-il , n’eft pas également à
. la portée, d e .„tout le monde ; peut être ceux qui
liront mes ouvrages comprendront mieux la matière
que j’y traite , qu’ils n’auroient fait dans d’autres
Livres fur le même fujet. I l eft; donc néceffaire
qu’une même chofe foit traitée par différents écrivains
& de différentes manières : quoiqu’on parte
; des mêmes principes, que la folution des difficul-*
tés foit jufte ; cependant ce font différents chemins
qui mènent à la: connoiflance de là vérité. Ajoutons
à cela , que la m u l t i tu d e des Livres eft le
; feul moyen d en empêcher la perte ou l ’entière
■ deftruétion. C ’eft cette m u l t ip l i c i t é qui les- a pré—
: fervés dès injures du temps , de la rage des ty -
j rans , du fanatifme des perfécuteurs., des ravages
des barbares, & qui en a fait paffer au moins une
! partie jufqu’â nous, à travers les longs intervalles
de l ’ignorance & de l ’obfcurité.
Solaque non nôrunt hoe c monument a mon» *
( Voye-{ Bacôn , Aügnient. fe ien t. lib. 1 , t. j%
pag. 49; -S. Auguftin, D e Trinit. L ib . I , c. iij.
Barthol. D e L ib . legend. diffère, 1 , p a g . 8 &
fu iv , ).
A l ’égard du choix & du jugement que l ’on doit
Taire d’un Livre., les auteurs ne s’accordent pas fur
les qualités néceffaires pour conftituèr la bonté
d’un Livre. Quelques-uns exigent feulement d’un
auteur qu’i l ait du bon fens , & qu’i l traite fon
fujet d’une manière convenable. D ’autres , comme
Salden , défirent dans un ouvrage la -folidité , la
c la r té , & la concifîon ; d’autres,, l ’intelligence 8c
Texaéfitude. L a plupart des Critiques aflurent qu un
Livre doit avoir toutes les perfections dont 1 efprit
humain eft capable : en ce cas , y auroit rien
de plus rate qu’un bon Livre ? Les plus raifonna-
foles cependant conviennent qu un Livre eft bon
quand i l n’a que peu de défauts : Optimus ille eft
f u i minitnis itrgetur v itiis , ou du moins dans lequel
es chofes bonnes ou intéreffantes _ excèdent notablement
les mauvaifes ou les inutiles. D e meme
lin Livre ne peut point être appelé mauvais.,
quand i l s’y rencontre du bon à peu près également
autant q u e d’autres chofes. ( V oye\ B a ille t , Jug.
des Sdv. tom. I , part. I , ch. vj , pag. 19
& fu iv . Hoaor. R é fle x . fu r les règles de crit.
d ije r t . I. )
Depuis la décadence de la langue latine , les
sauteurs femblent être moins curieux de bien écrire ,
que d’écrire#ie bonnes chofes ; de forte qu’un Livre
eft communément regardé comme bon , s’i l pàé?.
vient heureufement au but que l ’auteur s’étoit propofé
, quelques fautes qu’i l y ait d’ailleurs. Ainfi ,
un Livre peut être bon , quoique le ftyle en foit
mauvais : par conféquent un hiftorien bien informé
, v rai, & judicieux; un philofophe qui raifonne
jufte & fur des principes sûrs ; un théologien orthodoxe
, & qui ne s’écarte ni de l ’Lcriture ni des
maximes de l ’É g life primitive , doivent être regardés
comme de bons auteurs , quoique peut-être
on trouve dans leurs écrits des défauts fur des matières
peu effencielles , des négligences , même
des défauts de ftyle. ( V oy e \ Baille t , Jug. des
S a v . t. 1 , ch. v i j , pa g . M & fuiv. ) 1
Ainfi , plufieurs-Livres peuvent être confidérés
comme bons & utiles fous ces diverfes manières
de les e-nvifager ; de forte que le choix femble être
difficile , non pas tant par raport aux Livres qu’on ■
doit choifir 5 que par raport à ceux qu’i l faut rejeter.
Pline l ’ancien avoit coutume de dire qu’i l n’y
avoit point de L iv r e , quelque mauvais qu’i l fû t ,
qui rie renfermât quelque chofe de bon: Niillum
Librum tam malum e jfe , qui non aliquâ e.x parte
profit. Mais ; cette, bonté a des degrés;. & dans
certains Livres elle eft fi médiocre, qu’i l eft difficile
de s’ en reffentir ; elle eft ou cachée fi profondément,
ou tellement étouffée pa rles mauvaifes
chofes , qu’elle ne vaut pas la peine d’être recherchée.
V irg ile difoit qu’ i l tiroit de l ’or du fumier
d’Ennius ; mais tout le monde n’a pas le même
talent ni la même dextérité, f V o y . H o o k , Collecï.
n. j , pa g . i i 7 & 135. Pline. , E p i/ i. 5 , /. lu .
Jleimman, Bibl.ac rom , iji prcéfat, parag. 7 ,p . 8
& ftù v . Sacchin , D e ra tio n .lib . lïg end. ch. i i j ,
p a g . 10 & fu iv . )
Ceux-là femblent mieux atteindre a ce b u t , qui
recommandent un petit nombre de m eilleurs Livres ,
& qui confeillent de lire beaucoup, mais non pas
beaucoup de chofes ; multum legere, non multa.
Cependant, après cet avis , la meme queftion revient
toujours : comment faire ce choix ? (Pline , E p i f i . 9 ,
l . V I I .)
Ceux qui ont établi des réglés pour. juger des
L iv r e sy nous confeillent d’en obferver le titre , 11
nom de l ’auteur , de l ’éditeur, le nombre des éditions
, les lieux ou les années où elles ont pa ru ,
ce qui dans lés Livres anciens eft fouvent marqué
à la fin., le nom de l ’imprimeur , furtout fi c’en eft
un célèbre.- Enfuite i l faut examiner la préface &
le deffein de l ’auteur ; -la caufe ou l ’occafion qui le
détermine à écrire ; quel eft fon p a y s , car chaque
nation a fon génie particulier ( Barth. D i j f . 4 , p a g •
1 9 . B a ille t , c. vii , p ag. 218 & fu iv . ) ; les per-
fônnes par l ’ordre defquelles l ’ouvrage a été com-
pofé , ce qu’on aprénd quelquefois par l ’épitre
dédicatoire. I l faut tâcher de lavoir quelle étoit la
vie de l ’auteur , fa profeftion , fon rang; fi quelque
chofe de remarquable a accompagné fon éducation ,
fes-'études, fa manière de vivre ; s’i l étoit en commerce
de lettres avec d’autres Savants ; quels éloges
on lui a donnés , ce qui fe trouve ordinairement au
Commencement du Livre. On doit encore s’informer
fi fon ouvrage a été critiqué par quelque écrivain
judicieux. Si le deffein de l ’ouvrâge n’eft pas
expofé dans la préface , on doit paffer à l ’ordre
& à la difpofition du Livre ; remarquer les points
que l ’auteur a traités ; obferver fî le fentiment & les
chofes qu’i l expofe , font-folides ou futiles , nobles
ou vulgaires , fauffes ou puifées dans le vrai. On
. doit pareillement examiner fi l ’auteur fuit une route
déjà frayée , ou s’i l s’ouvfe des chemins nouveaux,
inconnus ; s’i l établit des principes jufqu’alors ignorés;
fi fa manière d’écrire eft une dichotomie; fi
e lle eft conforme aux règles générales du ftyle , ou
particulier & propre à la matière qu’i l traite. ( Struv.
Introd. ad notit. rei litter. c. v , parag. 2 , p a g .
53»» Cf fu iv . ) . .
Mais on ne peut juger que d un tres-petit nombre
de Livres par la leëhire, vu , d’une part, la multitude
immenfe des L iv r e s , & de l ’autre , l ’extrême
brièveté de la- vie. D ’ailleurs i l eft trop tard pour
juger d’un Livre , d’attendre qu’on l ’ait lu d’un
bout à l ’autre. Qu el temps ne s’expoferoit-on pas
à perdre par cette patience ? I l paroît donc néceftaire
d’avoir d’autres indices , pour juger d’un Livre ,
même fans l ’avoir lu en entier. B a ille t , Stollius, &
plufieurs autres, ont donné à cet égard des r è g le s ,
q u i , n’étant que des préemptions & conféquemment
fu jettes à l’erreur , ne font néanmoins pas abfolument
à méprifer. Les journaliftes de Trévoux dilent que
la méthode la plus courte de juger d’un L iv r e , c eft
de le lire quand on eft au fait de la matière, ou
de s’ eji ïaporteï aux connoiffeurs. Heuman dit à