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paganilme, s i l eft pris dans un fens figuré, fi à
regard de l ’être luprême il eft regarde comme
jfujet de quelque qualification déterminative. L ’ origine
des dieux au paganifme (excellent ouvrage
de M. l ’abbé Bergier ). V o u s êtes tous des dieux
& les enfants du Tr è s -Hau t ( PI. S i . ). L e
dieu des miféricordes, le dieu des vengeances,
le dieu des armées , le dieu d’Abraham. Dans
tous ces cas, D ie u eft un vrai nom appellatif.
4°. Les noms des fciences, des arcs, des métiers
, s’ils font pris dans un feus individuel qui
diftingue la fcience, l ’arc, le métier , de toute
autre fcience, de tout autre art, de tout autre
métier , doivent prendre une initiale majufcule.
L a Grammaire a des principes p lu s importants
& p lu s fo lid e s qu’ i l ne paroit d’ abord. I l eft
honteux d ’ignorer les fondements de l ’ Orthographe.
N ou s avons depuis quelques années un
bon dictionnaire de Mujique. L a Menuiferie emprunte
le fecours de la Géométrie & du DeJJin,
p o u r fou rn ir des embelli(fements à l ’Architecture.'
Mais ces noms rentrent dans l’ordre commun,
dès qu’ils deviennent fujets d’une qualification déterminative
; & on les écrit fans initiale majufcule.
On a appliqué fa n s jugement la grammaire
latine à toutes les- lan g u e s , comme f i chaque
langue ne devoit p a s avoir f a grammaire propre.
Notre orthographe actuelle eft déjà loin de Vorthographe
ancienne. L a mufique italienne vaut-
elle mieux que la mufique fran çoife ? I l y a
beaucoup de dejfins précieux dans fo n portefe
u ille . Un bâtiment d ’ architecture gothique qu’ on
a embelli d ’ une menuiferie élégante & d ’une ferru-
rerie recherchée.
5°. I l faut donner des lettres majufcules pour
in itiale s aux noms appellatifs des tribunaux , des
compagnies , des corps, & à ceux qui déterminent
par l’idée d’une profeffion ou d’une dignité foit
eccléfiaftique foit civile , lorfque cés noms font
employés fans complément déterminatif pour dé-
figner individuellement leur objet. I l f u t condanné
p a t arrêt du Parlement. I l fa u t f e foumettre à
L’autorité de l ’É g life . Confulte\ le dictionnaire de
VAcadémie. L ’A p ô tr e f a i t une belle p einture de
la charité. L e R o i reçut alors les preuves les p lu s
éclatantes de Vaffection de f e s peuples^
Mais ces mêmes mots s’écrivent fans majufcule
in itiale , s’ ils demeurent fans application individuelle
, ou fi l ’application eft défignée par un
complément déterminatif. L a fupprejjîon momentanée
des parlements fe r a époque dans notre
hiftoire. N ou s devons prier pour l ’ union des
églifes. On doit de grandes lumières a u x académies
de V fu ro p e . Un apôtre doit fu r tout prêcher
d ’ exemple. U n roi fage fa i t fo n ca pital de
mériter l ’affection de f e s fu je t s . L e fa in t évêque
fie Genêvei L e pape régnant.
6 °. Quand on adreffe la parole à une perfonne
pu à un être quelconque , le nom qui défigne cette
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perfonne ou cet ê t re , frit-il ap pella tif, doit avoir
une initiale majufcule , parce qu’i l eft déterminé
individuellement par l ’idée de la fécondé perfonne.
IL n ’y a p lu s qu’un f é a l prodige que j ’ annonce au-
jourdhui au monde : ô C ie l, 6 Terre, étonnez-
vous à ce prodige nouveau î c’ eft que parmi
tant de témoignages de l ’amour divin , i l y
ait tant d ’incrédules & tan t d’ infenfibles. ( Bol-
fuet. ) '
D e là vient qu’on écrit avec une initiale ma -
jufcule Monfeigneur, Monfieur, M a d am e, M a -
demoifelle, en adreffant la parole aux perfonnes.
C e la arrive fi fouvent , qu’on a cru devoir écrire
ces mots avec une majufcule , même hors, le cas
de l ’apoftrophe : on a fenti enfuite qu’i l falloir
donner , à cet ufage univerfel, un principe également
univerfel; & on a imaginé que c’étoic
une affaire de politeffe , comme fi l ’Orthographe'
devoit peindre autre’ chofe que la parole avec les
accefloires relatifs aux différents fens : cette p o li-
teffe déplacée a fuggéré enfuite aux imprimeurs
d’écrire avec des majufcules les pronoms I I , E l l e ,
quand ils fe rapportent aux noms R o i ou M aje fté .
Ce font de vrais abus , des fautes contre les vrais
principes : i l faut écrire-, J ’ a i remis votre lettre,
à monfieur ou à mT l ’ abbé N , à madame ou à
mdC la ducheffe de N . S a majefté le nomma à cet
emploi, dès q u e lle f u t inftruité de la ju ft ic e de
f e s prétentions.
7°. Quand un mot a dans l ’ufàge plufieurs fens
différents , i l eft affez convenable d’employer une
initiale majufcule , pour défigner le fens le plus
confidérable. Àinfi , écrivons la jeuneffe , pour
marquer le plus -bel âge de la vie ; & la Jeuneffe ,
pour défigner les jeunes gens. Les Grands font
les premiers hommes de la nation ; '& grands n’eft -
qu’un adjeélif, quand' on d i t , par exemple , les
grands principes , de grands talents. L e gouvernement
eft l ’aétion de gouverner ; & le Gouvernement
défigne les perfonnes qui gouvernent.!
Les lois de l ’E ta t ('du Gouvernement ).; les devoirs
de votre état ( de votre condition , de votre' ’
profeffion ). L e voeu général; un Général d’armée,
d’ordre , &c. Cette diftinétiori doit même avoir
lieu entre deux fens individuels d’un nom appel-r
latif. I l f e rendit au fén a t ( en parlant du lieu ) ;
I l f u t blâmé p a r le Sénat ( en parlant de la compagnie),;
quoique dans les deux cas i l s ’agiffe uniquement
du fénat de Rome.
8°. Dans la Poéfîe i l eft reçu , pour mieux
aflurer la diftinétion des vers , de mettre une majufcule
au commencement de chacun, grand ou
petit( , foit qu’i l commence un fens foit qu’i l né
faffe que partie d’un fens commencé»’
Renonçons au ftérile appui
Des Grands qu'on implore aujourdhui;
Ne fondons point fur eux une efpérance folle :
Leur pompe , indigne de nos voeux,
N'eft qu’ un fimulacre frivole ;
Et les folides biens ne dépendent pas d’eux. Roujfeau. '
Éviter
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Éviter de faire majufcules les lettres' initiales
dans tous ou dans plufieurs de ces cas , c’eft une
entreprife qui doit révolter la raifon autant qu’elle
choque les ieux. C’eft une pratique contraire à
un ufage très - réfléchi de la nation. E lle tend a
nous priver de l ’avantage réel qu’on a trouvé juf-
qu’à préfent , à fe conformer là-deffus aux règles
qu’on vient de preferire; & ne peut être bonne
qu’à bannir de notre écriture la netteté de l ’ex-
preffion , qui dépend toujours de la diftinélion
précife des objets. Ajoutons que l ’oe il même a intérêt
à la confervation des In itiale s .majufcules ;
i l s’égareroit 8c fe lafferoit dans la plaine trop
uniforme d’une p a ge ,. où. toutes les lettres feroient
conftamment égales : les grandes lettres, femées
avec intelligence parmi les petites , font des points
de repos pour l ’oe i l , auquel elles offrent en même
temps le piaifir de la variété. Lorfque ces repos
deviennent en même temps des avis muets fur des
©bfervations néceffaires, on fent quel eft le prix
d’une bagatelle apparente , qui eft en effet une
heureufe invention de l ’a r t , pour augmenter ou pour
fixer la lumière. ..."
Dans les différentes écritures à la main , les
maîtres diftinguent des lettres courantes i n i t i a l e s ,
dont la forme particulière indique qu’elles font
deftinées ou mêrrje qu’elles ne font deftinées qu’à
cet ufage.
Dans les inferiptions on défigne fort fouvent
des mots entiers par la feule lettre i n i t i a l e :
ainfi , S . F . Q . R. fîgnifie comme on fait, S e n a t u s
p o p u lu f q u e r o m a n u s . O n a quelquefois abufé
de l ’équivoque de ces lettres, . pour leur prêter un
fens tout autre que celui qu’on a voulu leur donner
à l ’origine. I l y â vo it, par exemple , fur la porte
du palais du pape , M. C C C . L X ; ce qui étoit
fimplement une date : Spéron Spéroné dit à quelques
cardinaux que ces lettres fignifioient, M u l t i
c a r d in a l e s c c e c i c r e â r u n t L e o n e m d e c im u m , parce
que ce pape étoit encore trop jeune quand i l fut
élevé à la dignité pontificale ; & les maux qu’i l
a oecafionnés dans l ’Ëg life par le fchifme de Luther
& enfuite de Calvin , n’ont que trop juftifié cette
interprétation. { M . B e a u z é e . )
- ( N . ) IN S IN U A T IO N , f. f. B e l l e s - L e t t r e s .
T o u rd ’É lo quence, qui confîfte à préfenter à l’auditoire
, au lieu de l’objet qu’on fe propofe, 8c
pour lequel on fait qu’i l a de la répugnance
ou de l ’éloignement , un autre objet qui ,1’in-
téreffe, & qui , par fes raports avec l ’objet dont
i l s’agit , difpofe d’abord les efprits à ne pas en
ctre bleffés , & les amène infenfiblement à le voir
d’un oeil favorable. Cicéron recommande cette méthode
toutes les fois que celui qui eft en caufe, ou
la caufe elle-même , préfente un afpeâ: odieux.
I n f in u a t i o n e u t e n d u m , e f t q u u m a n im a s a u d i t o r i s
i n f e n f u s e f t . Ex. il.indique les moyens d’ufer à’ I n -
f j n u a t i o n . S i c a u f c e tu r p i t u d o c o n t r d h i t o f f e t i -
G r a m m , e t L i t t é r a t . T o m e I L
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f io n e t n ; m i t , p r o e o h o m in e i n q u o o f f e n d i t u r ,
a l i u m h om in em . q u i d i l i g i t u r in t e r p o n i o p o r t e t ;
a u t p r o re i n q u â o f f e n d i t u r , a l i a m r em q u e z
p r o b a t u r ; a u t p r o re h om in em , a u t p r o h o -
m ir ie r em ; u t , a b eo q u o d ' o d i t , a d i d q t t o d
d i l i g i t a u d i t o r i s a n im u s t r a d u c a t u r . Par exemple
, i l s’agit d’un fils dont l’imprudence 8c
la témérité ont befoin d’indulgence , 8c dont la
défenfe direéte révolteroit les juges : on parle
des vertus & des fervices /de fon père , & on le
peint accablé de douleur de l ’égarement de forr
fils. I l s’agit, d’une action odieufe 8c puniffable
qu’un homme de mérite a commife dans quelque
malheureux moment : on commence par rappeler
les actions louables qui ont honoré le refte de fa
vie ; 8c l ’on demande comment i l eft poflible qu’un
caractère honnête, un heureux naturel, fe foit
tout à coup démenti ? D e i n d e , q u u m j a m m i t i o r
fa c lu s e r i t a u d i t o r , i n g f e d i p é d e t e n t im i n d e f e n -
f io n em , & d i c e r e , e a q u e e in d ig n a n t u r a d v e r -
f a r i i , t i b i q u o q u e i n d ig n a v id e r i : d e in d e q u a n t
l e n i e r i s e u m q u i a u d i e t , d em o n f t r a r e n i h i l e o r u m
a d , te p e r t in è r e .
C e n’eft pas feulement dans l ’exorde de fes harangues
que Cicéron emploie cet artifice ; i l y
revient quand i l s’agit d’émouvoir, de gagner le s
juges : 8c on le voit dans fes péroraifons tantôt Ce
préfenter lui-même à la place de l ’accufé ( p ro
S e x t i o , p r o P l a n c i o ) ; tantôt faire parler l ’accufé
à fa place ( p r o M i l o n e ) ; tantôt introduire à la
place de l ’accufé fes parents , fes amis, fa femme
fes enfants { p r o F l a c e o , p r o C æ l i o y p r o M u r e n â ) ;
ou quelque perfonne facrée , comme la veftale dans
la péroraifbn du plaidoyer pour Fonteius; tantôt
appeler à fon fecours le peuple , les chevaliers ,
les centurions, les foldats , dont l ’accufé a mérité
l ’eftime , comme dans la péroraifon du plaidoyer
pour M ilo n , où i l épuife toutes les reflources de
rÉloquence pathétique. V o y e z P é r o r a iso n .
L e difeours de Phénix à A ch ille pour l ’adoucir,
au neuvième livre de l ’Iliad e, eft rempli à ’ I n f i -
n u a t io n : fa propre hiftoire , les leçons de Pélée
lorfqu’i l lui confia fon fils , l ’aventure de Mé-
léagre , l ’allégorie des prières, font autant de détours
pour arriver au même but.
L ’ I n f in u a t i o n s’emploie de même à rejeter fur
l ’ad ver faire ce que la caufe a d’odiéux, & à détourner
d’une partie à l ’autre l’indignation de l ’auditoire.
Mais i l faut y mettre, dit le même orateur
, beaucoup de prudence ou d’adreffe , faire
femblant de ne vouloir que fe juftifier foi-même ,
& n’attaquer qu’avec beaucoup de précaution
ceux à qui l ’auditoire paroît s’in éreuer : N e g a r e
t e q u id q u a m d e a d v e r fa r i i s e f f e d i c lu r u m : u t
n e q u e a p e r t e l e s d a s e o s q u i d i l i g u n t u r , & t a m e n
i d o b f c u r è f a c i e n s , q u o a d p o f f i s , a l i é n é s a b e i s
—a u d i t o r u m v o lu n t a t em .
' O n voit par là que les raffinements de l ’art de nuire
ne font pas nouveaux; & dans les oraifons de
V v v