
fignc équivoque avec les deux valeurs dans le
même m o t, comme j e voiturois , i l c r o ifo it , où
le premier oi eft diphthongue, & le fécond un e
plus ou moins ouvert. Tous ceux qui ont fongé à
rectifier notre Orthographe, ont propofé des remèdes
contre cette équivoque.
L e plus aife a imaginer, & certainement le moins
admiflible , a été de propofer ê ou è à la place
«foi, pour repréfenter IV plus ou moins ouvert :
a in fi, l ’on éeriroif conèjfance, j e cônes , j e co-
néjfes , au lieu de connoijfance , j e cannois , j e
Connoijfois. Ce trait de Néographifme étoit trop
éloigne de i ’Orthographe reçue , de l'ancienne prononciation
, & de 1 analogie nationale, pour ne pas
être re jeté ; & i l T a été.
41 L ’abbé Girard , en 1716 , fubftitua a i à oi pour
IV ouvert, dans ion Ortografe fra n ça ife fa n s
équivoques & dans f e s principes naturels ; mais
i l paroît avoir depuis abandonné fes principes naturels
, & fpécialement celui dont i l s’agit. En
effet, dans fes V ra is principes d e là langu efran-
Çoije, imprimés en 1747 (tom . 1 1 , p a g . 3 4 4 ) ,
voici comme i l s’explique en parlant de l ’a i
fubftiraé à l ’oi : « Cet ufage ne venant que de
» naître , fouffirant beaucoup de difficultés en d’aü-
» très oçcafions, & ne pouvant pas abfoluraent être
» introduit. partout où oi rend le fon dV ouvert,
» je ne crois pas qu’on doive l ’adopter avant qu’i l
» ait aquis le^ crédit public , quelque r a i fo n n é ,
» qu’ i l puiffe être: Comment ofer défigurer tous
» les préfents relatifs ( ou antérieurs ) des verbes ?
» renverfer' toutes les analogies pareilles à celles
» qu’i l y a entre notion & connoître ? fe déter-
» miner entre deux prononciations douteufes, peut-
» être en faveur de ce lle qui n’aura point de
» fuccès, comme B ea u jo lois & B e a u jo la is ? Je
» regarde donc cette entreprife comme une témé-
» rité ». ,
Cependant Voltaire a jugé à propos de l ’adopter;
& bientôt une fouie de jeunes gens , qui fe font,
crus fes rivaux parce qu’ils font devenus fes co-
pifte s, ont écrit fra n ç a is , a n g la is , j e v o u a is ,
j e conaijfais ; & n’ont laiffé fubfifter oi que pour
tenir lieu de la diphthongue .comme dans S.Fra?i-r
f o i s , j e rçrois , la f o i , moi J oifeau. « Ain.fi, dit,
» l ’abbé d’Oliv et ( Remarq. fu r Rac ine , z e édit.
P art. 1 z ) , les courtifans d’Alexandre fe croyoient
» parvenus être des héros, lorfqu’à l ’exemple
» de leur maître ils penchoient la tête d’ un c ô t é ».
V o lta ire a eu^ raifon fans doute d’être c h o q u é
de l ’équivoque d’o i, & je conviens avec lu i d e1 la
néceffité d’y apporter remède. Mais ai a les mêmes
inconvénients qu oi , 8c donne lieu aux mêmes
équivoques. A i repréfente un / fermé dans ) a imai
, un ê ouvert dans jam a is , & la diphthongue
naturelle dans B ifcà ie ; ce figne équivoque fe
trouvera auffi dans le même mot avec deux acceptions
différentes, comme dans j ’aimais , je f a i f a i s ,
c e qui eft auffi v i c i e u x que IV i - dans je jo ig n o is . J
Si c’eft an vice dans notre Orthographe de repréfenter
IV ouvert par o i , parce que o i ne devroit
être que le figne de deux voyelles prononcées en
deux fyllabes ou en une diphthongue , ■ comme
dans,M o ifc qu m o iji, oU, fi l ’on v e u t, dans la
diphthongue initiale du mot grec ùxwp-Bi ; nVft-
ce pas un vice pareil d’y repréfenter cet e" ouvert
par a i , puifque a i ne devroit être de même que
le ligne des deux voyelles prononcées en deux
fyllabes ou en une diqhthongue , comme dans N à i f
ou B i f c a is , o u , fi 1 on veut, dans la diphthongue
finale du mot grec ripai ?
I Dans une lettre d l ’abbé d’O l iv e t , qui fe trouve
à la fin de fes Remarques fu r la langue fran çoife
( Paris , 176 7), Voltaire lui dit à ce fujet : « J’avoue
» <]“ étant très-dévot à S . François , . j ’ai Voulu le
” " lft“ 1g uci' , des f r a n ç a i s ................I l m’a toujours
» lemblé qu’on doit écrire comme on parle , pourvu
» qu’on ne choque pas trop l ’u fa g e , pourvu que
».1 on conferve les lettres qui font fentir l ’étymo-
n lo g ie & la vraie lignification da mot Mais i l
eft évident, r0.,q u ’ il ne faut'pas fi fort diftinguer
le nom de S . François de celui des fra n ç o is ,
puifque c’étoit le même dans l ’origine , & que par
Conféquent Voltaire ne conferve pas toutes le s
lettres qui font fentir l ’ étymologie & la vraie
lignification du nom de S . François ; *». que par
le changement de IV en a i l choque bien plus 1 ufage qu’i l ne le reftifie. On doit écrire fans
doute comme on pa rle; mais "on doit écrite avec
les lignes autorifés par l ’ufagé & dans les mêmes
çirconftances oil l ’ ulage les a fixés : s-il en refaite
quelque équivoque, ï ’ufage a encore contacté des
ngnes propres a les lever ; on peut s’en fervir ,
pourvu qu on ne manque jamais aux vues de fan a -
lu g ie , qui n eft qu’une extenlion de l ’ ulàge aux
cas femblables, a ceux qu’i l a déjà confàcrés. ,
C eft ainfi que j’ôterai l ’ é q u iv o q u e d’ o i , en p la çant
Amplement un accent grave fur l ’ô de la fauffe
diphthongue o i , quand elle repréfente un e plus
ou moins ouvert: ainfi, perfonne n’héfitera entre
François 8c fra n ç o is , quoiqu’écrits avec le s mêmes
lettres ; ni entre les deux fyllabes des mots je voilois,
i l v o ilo it, ils voilàient ; ni fur les différentes prol
nonciations des mots ang lois , fu éd o is T p o lo n o is ,
ga lo is : cette corre&ion fi légère conferve d’a illeurs
les c a r a c tè r e s de l ’étymologie , de l ’analogie ,
& de l ’ancienne prononciation que garde encore le
peuple de Picardie.
14°. Les deux caractères ch fe prononcent quelquefois
en fifflant, comme dans méchant, & quelquefois
à la manière du k , comme dans archangê.
I l étoit fi aifé de lever l ’équivoque , qu’i l eft fur-
prenant qu’on n’y ait point penfé : la cédille étant
Faite pour marquer le fiffiement, i l n’y avoit qu’à
écrire çh pour marquer le fiffiement, 3c ch pour
le fon guttural'; m éçh ant, monarchie , archevêque
, marçhons, çherçheur, , en fifflant ; archange ,
archiépifeopat , qrchontç, çhcçur, avec le fois
dur*
Avec cette correction lé g è r e , on auroit pa
conferver & l ’on pourroit rétablir l ’analogie entre
monarçhie & monarche, & autres mots pareils,
comme elle fubfiite encore entre archevêque & archiépifeopat.
15°- Qu el avantage pour diriger la prononciat
io n , fi l ’on mettoit une cédille fous le fécond
jambage de la lettre h , quand elle eft a fp k é e i
Ce la ne feroit pas un grand embarras dans i’ecri-
ture , & les imprimeurs feroient fans doute a (fez
honnêtes pour faire fondre des h cédillées en faveur
de l ’amélioration de notre Orthographe : plus ‘on
facilitera l ’art de lire , plus auffi l ’on multipliera
les leCteurs & par conféquent les aquéreurs de
livres.
i 6°. J en dirois autant des t cédilles pour les
cas où cette lettre repréfente un fiffiement. N ’eft-
i l pas ridicule d’écrire avec les. memes lettrés , .
nous portions & nos portions , nous dictions &
les dictions , nous objections & les o bjec tions,
nous inventions & dés inventions , & une infinité
d’autres ? Cette fimple cédille , en fefant difpa-
roître l ’équivoque dans la leCture , laifferoit fub-,
fifter les tracés de l ’étymologie ,' & feroit bien
préférable au changement qu’on a p ropofé du t en c
ou eh f
17°. L ’ana logie, fi propre à fixer les langues ,
à lès 'éclairer , à en faciliter l ’intelligence & 1 étude,
confeille encore quelques autres changements très-
utiles dans vnotre Orthographe ; parce qu’ ils font
fondés : en raifon , que ' i ’ufage contraire eft une
fource féconde d’inconféqüences & d’embarras.,, &
qu’ i l ne peut réfulter de ces correCtions aucun
inconvénient réel. Suivons ces changements.
L e premier feroit de retrancher des mots radicaux,
la confonne finale muette, fi elle ne fe retrouve
dans aucun des dérivés : pourquoi en effet
ne pas écrire rempar fans t & nocu fans d , puif-
qu’on ne forme dù premier que remparer, & du
fécond nouer j dénouer , dénoûment, renouer, re- .
noueur, r.enoûment, où ne paroiffent point les
confonnes finales des radicaux ?
L e fécond, de changer cette confonne ou dans
le radical ou dans les dérivés , fi elle n’eft pas la
même de part & d’autre , & que la prononciation
reçue ne s’oppofë point à ce changement. L ’ù fàg e,
par exemple , a autorifé abfous , dijfous , réfous,
au mafeulin, & abfoute , dijfoute , réjoute , au
féminin ; inconféquenee choquante , mais dont la
correction ne dépend pas d’un choix libre : le t fe
prononce au féminin, & la lettre f eft muette au
mafeulin; écrivons donc a b fou t, dijjout , réfout.
Par la même raifon écriyons talut avec un t fin a l,
puifqu’on n’en dérive que taluter ; & renonçons à
talud 8c talus , qui choquent l ’analogie. Renonçons
de même à. ,habit, & écrivons habil avec une l
muette comme dans f u f i l , puifqu’on n’en dérive
que les mots h a billé, habillement, ha b illa g e ,
habilleur ? déshabiller, rhabiller, rhabillage ? où
l ’on ne trouve que /. Au lieu d’écrire f a i x , f a u x ,
heureux , ro u x , écrivons avec f , f a i s , fa u s ,
heureus , tous , à caufe des dérivés ajfaijfement-,
a ffa ijfe r , fa u ffe , fa u jfem en t, fa u jfe r , fa u jf e ié ,
heureufe, heureüfement, roujfe, roujfeur, rouffir:
une analogie plus générale demande même que
l ’on change x partout où elle ne fe prononce
pas^ comme es ou g\ , 8c qu’on écrive Aufsèrâ
{ v ille ) , Brufsè le s ( v ille ) , fo ijfa n te , fifième ,
fi-^ain, dixième, comme on écrit déjà di\ain 8t
dizaine ; i l faut écrire auffi les lois , de la p o i s ,
la vois , des pous , les f o u s , ceus , les voeus ,
& c , & ne laiffer à la fin des mots que les x qui s’y
prononcent, comme dans bo ra x , J lix . I l eft d’ufage
d’écrire d ép ô t, en tr ep ô t, im p ô t , fu p ô t , avec
un r inutile , & un accent qui. réclame , dit - on ,
une ƒ fuppriméé : eh! fupprimons au contraire ce t
in u tile , 8c rétabliffons 1 j réclamée d’ailleurs avec
■ juftice par les dérivés dépofant, dépofer, dépoji-
taire, dépofitjon , entrepofeur, im p o fin t , ïm -
pbfer.., impofeur, impofition , impojleur, fu p o -
f e r , fupofition , Jupojitoire ; 8c nous écrirons
dépos , entrepos , impos , fu p o s , comme nous
avons déjà , par la même ana logie, d ifp o s , prop
o s 8c repos , à caufe des dérivés d ifpofer, d if-
p o fe tif, d ifpôfition, propofable , propofer , .pro-
pojition , repofé, repojer, repofoir. I l eft d’ufage
d’écrire ne^ avec un \ , 8c les dérivés avec f ,
n a fa l, na fa lité , n a fa rd , nafarde, nafarder ,
• nafeaic , n a filla rd , najiller : i l faut ch oifir, 8c
mettre \ dans les dérivés comme dans le rad ica l,
ou f dans lé radical comme dans les dérivés ; ce
dernier parti eft le plus sur.
U n troifième changement analogique à faire dans
notre Orchographé-, c’ eft d’ajouter aux radicaux
une confonne finale muette , fi dans les dérivés i l
s’ en prononce une qui puiffe devenir finale. A b r i
fans t étoit b ien , quand on en formoit le verbe
abrier ; l ’Euphonie ayant changé ce verbe en abriter
, pourquoi l ’Analogie ne feroit-elle pas écrire
abrif avec un t muet ? Nous avons c o u rù fa n ,
'courtifan e , courtifer, courtois , 8cc , qui viennent
de cour. Reprenons l ’ufage de nos pères , qui écri-
, voient c o u r t, du latin cors, t is ( baffe - court ) ,
d’où viennent le corte des efpagnols, 11 corteggio
des italien s, & notre mot cortège ; en reftituant
ce caractère d’Étymologie , objet fi précieux pour
les amateurs, nous rétablirons les droits raifonnables
8c bien plus utiles de l ’Analogie.
Un quatrième principe d’Analogie eft de ne jamais
fuppfimer la confonne finale du radical dans
les dérivés quoiqu’elle y foit muette , à moins
que fa pofition. dans le'dérivé n’induife/à la prononcer
: c’eft ainfi qu’on écrit fansp les mots cor-
fa g e , corfelet, c o r fe t , co r fé , quoiqu’ils viennent
de corps, parce que le p embarrafleroit la prononciation
& la rendroit douteufe. . Je crois que
- par analogie on doit de même écrire fans/? les mots
batême , batifer ,fSezx\-Baiijle , batiftère , parce
qu’on feroit ten té 'd y prononcer le p , comme i l