
foy e z fur que les portes des fens demeureront fermées
, & que les diftra&ions de toute elpèce , fi naturelles
à cet âge , rendront inutile tout l ’appareil
de la traduction interlinéaire. J’ajoute que , pour
ceux-mêmes qui feront les plus attentifs , i l y
auroit à craindre un autre inconvénient 3 je veux
dire qu’ils ne contractent l ’habitude de ne railbnner
<jue par le fecours des moyens extérieurs & fenfî-
bles j ce qui eft d’une grande conféquence. J’avoue
q u e , dans la routine de M. du Marfais, la traduction
interlinéaire- & la conftruCtion analytique doivent
être mifes fous les ieux 3 mais en fuivant
l a route que j’ai tracée , ces moyens deviennent
iuperflus & même nuifibles.
Je n’infifterai pas ici fur la Méthode de M. Pluche
: outre ce qu’elle peut avoir de commun avec
c e lle de M. du Mariais , je crois avoir fuffifamment
dilcuté ailleurs ce qui lui elt propre. V oye\ I n v e r s
i o n . ( M . B e a u z é e . )
M e t h o d e , A rts & Sciences , en grec /«Ooéfoj,
c*eft à dire ordre, règle, arrangement. L a Méthode,
dans un ouvrage, dans un difcours, eft l’art de dilpofer
fes penfées dans un ordre propre à les prouver aux
autres , ou â les leur faire comprendre avec facilité.'
L a Methode eft comme l ’ArchiteCture des Sciences :
e lle fixe l ’étendue & les limites de chacune , afin
q u e lle s n’empiètent pas fur leur terrein refpeCtif3
car ce font comme des fleuves qui ont leur rivage ,
leur lource , & leur embouchure.
I l y a des Méthodes profondes & abrégées pour
le s enfants de génie , qui les introduifent tout d’un
coup dans le fanCtuaire, & lèvent à leurs ieux le
voile qui dérobe les myftéres au peuple. Les Méthodes
clafliques font pour les efprits communs, qui
ne lavent pas aller feuls. On d iro it , à voir la
marche^ qu’on fuit dans la plupart des écoles , que
les maîtres & les difciples ont conlpiré contre les
Sciences. L ’un rend des oracles avant qu’on le con-
fulte 3 ceux-ci demandent qu’on les expédie. L e
maître , par une fauffe vanité, cache fon art 5 & le
difciple , par indolence , n’ôfe pas le fonder 5 s’i l
cherchoit le f i l , i l le trouveroit par lui-même ,
marcheroit a pas de g é a n t , & fortiroit du labyrinthe
dont on lu i cache les détours : tant i l importe
de découvrir une bonne Méthode pour réuifir dans
le s Sciences !
E lle eft un ornement , non feulement eflen c ie l,
roais abfolument néceflaire aux difcours les plus
fleuris & aux plus beaux ouvrages. Lorfque je l i s ,
-dit Adiffon , un auteur plein de génie , qui écrit
fans Methode , i l me femble que je fuis dans un
bois^ rempli de quantité de magnifiques .objets qui
s’élèvent l ’un parmi l ’autre dans la plus grande
confufion du monde. Lorfque je lis un difcours
méthodique, je me trouve , pour ainfi d ire, dans
un lieu planté d’arbres en échiquier , où , placé
dans fés différens centres , je puis voir toutes les
lignes & les allées qui en partent. Dans l ’un, on
peut roder une journée entière , & découvrir à tout
moment quelque chofe de nouveau 5 mais après'
avoir bien couru, i l ne vous refte que l ’idée con-
fufe du total : dans l ’autre , l ’oeil embrafle toute la
perlpe&ive , & vous en donne une idée fi exaCte
qu’i l n eft pas facile d’en perdre le fouvenir.
L e manque de M é t h o d e n’eft pardonnable que
dans les hommes d’un grand favoir ou d’un beau
g én ie , qui d’ordinaire abondent trop en penfées
pour être exaCts , & q u i , à caufe de cela même,
aiment mieux jeter leurs perles à pleines mains
devant un leéteur , que de fe donner la peine de
les enfiler.
L a M é t h o d e eft avantageufe dans un ouvrage ,
& pour l ’écrivain & pour fon leéteur. A l ’égard
du premier, elle eft d un grand fecours à fon invention.
Lorfqu’un homme a formé le plan de fon
difcours , i l trouve quantité de penfées qui naiflent
de chacun de fes points capitaux , & qui ne s’étoient
pas offertes à fon efprit lorfqu’i l n’avoit /jamais
examiné fon fujet qu’en gros. D ailleurs fes penfées s
miles dans tout leur jour & dans un ordre naturel
les unes a la fuite des autres , en deviennent plus
intelligibles & découvrent mieux l e but où elles
tendent, que jetées fur le papier fans ordre & fans
liaifons. I l y a toujours de l ’oblcurité dans la confufion
3 & la même période , qui placée dans un
endroit auroit fervi à éclairer l’efprit du leéleur',
l ’embarralfe lorfqu’elle eft mife dans un autre.
I l en eft a peu près des penfées dans un dilcours
méthodique , comme des figures d’un tableau , qui
reçoivent de nouvelles grâces par la fituation ou
elles le trouvent. En un m o t , les avantages qui
reviennent d’un tel difcours au leéteur , répondent
à ceux que l ’écrivain en retire : i l conçoit aifément
chaque chofe , i l y obferve tout avec plaifir , &
l ’imprelfion en eft de longue durée.
Mais quelques louanges que nous donnions â la
M é t h o d e , nous n’approuvons pas ces a u t e u r s &
fur-tout ces orateurs méthodiques â l ’excès , q u i ,
dès l ’entrée d’un difcours , n’oublient jamais d’en
expofer l ’ordre , la fymmétrie , le s divifions. O n
doit éviter , dit Q u in tilien , un partage trop déta
illé : i l en réfulte un compofé- de pièces & de
morceaux , plus tôt que de membres & de parties»
Pour faire parade d’un elprit fécond , ori fe jette
dans la fuperfluïté , on multiplie ce qui eft unique
par fa nature , on donne dans un appareil
inutile , plus propre â brouiller les idées qu’à y
répandre de la lumière. L ’arrangement doit fe faire
fentir à mefure que le difcours avance : fi l ’ordre
y eft régulièrement obfervé , i l n’échapera point
aux',yperfonnes intelligentes.
Le s Savants de Rome & d’Athènes, ce s grands
modèles dans tous les genres, ne manquoient certainement
pas de M é t h o d e , comme i l paroît par
une le â: ure réfléchie de ceux de leurs ouvrages qui
font venus jufqu’à nous : cependant ils n’entroient
point en matière par une analyfe détaillée du fujet
qu’ ils alloiem traiter j ils auroient cru acheter trop
cher quelques degrés de clarté de plus, s’ils avoient
été obligés de facrifier à cet avantage les fmefles de
l ’art , toujours d’autant plus eftimable qu i l elt
plus caché. Suivant ce principe , loin.d’étaler avec
emphafe l ’ économie de leurs difcours, ils s étu-
dioient plus tôt à en rendre le fil comme imperceptible
; tant la matière de leurs écrits étoit inge-
nieufement diftribuée , les différentes parties bien
alTorties enfemble, & les liaifons habilement ménagées
! Ils déguifoient encore leur Méthode par la
forme qu’ils donnoient à leurs ouvrages ; c étoit
tantôt f e lly le épiftolaire I plus fouvent lu fa g e
du dialogue, quelquefois la fable & 1 allegoue . Il-
faut convenir I à la gloire de quelque« modernes ,
qu’ils ont imité avec beaucoup de lucces ces tours
ingénieux des anciens . & cette habileté délicate a
conduire un lefteur od l'on v eu t , fans qu i l s aperle
nom de Cérès , 8c au vin le nom de B a c ch u s ;
on en trouve un grand nombre d’ exemples dans les
.poètes. _
V irg ile ( Æ n . I . i l ? ) a d i t , un v ieu x B a c chus
, pour du vin vieux :
Im p le n tu r v e te r is B a c c h i.
Madame des Houlières a fait une b allade, dont
le refrein e f t ,
L’Amour languit fans Bacchus ic Cérès ;
c’eft la traduction de ce paflage de Terence ( E u n .
Ijr . 6 . ) Sine Cerere & Libero ftiget^ V enus •' c
à dire , qu’on ne fonge guères à faire l’amour , quand
on n’a pas de quoi vivre.
V irg ile (Æ n . I. 1S1 ) a dit :
T u m Ce rerem co r ru v tam u n d ïs c e r e a lia q u e a rm a
M É T O N O M A S IE , f. f. L in . mod. , c’eft à
dire , changement de nom. Le s Savants des derniers
fiècles fe font portés avec tant d’ardeur à changer
leur nom , que ce changement , dans des perfonnes
de cette capacité , méritoit qu on f it un rîïGt
nouveau pour l ’exprimer. C e mot meme^ devoit
être au deffus des termes vulgaires 3 aulfi l ’a-t-on
puifé chez les grecs , en donnant a ce changement
de nom celui de Métonomajie. Al. Baille t dit que
cette mode fe . répandit en peu de temps dans toutes
les éco le s , & q u e lle eft devenue un des phénomènes
les plus communs de la Republique .des L e ttres.
Jean-ViCtor de Rofli abandonna fon nom, pour
rendre celui de Jonus Nicius Erythræus 3 Matthias
rancoN/itz prit celui de Flaccus Illiricusj Philippe
Scharzerd prit celui de Mélanéton j André Hozen
prit celui d’Ofiander, &c ; enfin , un allemand a
fait un gros livre de la lifte des métonomajiens,
ou des pfeudonymes. ( LeChev.DEJAU COU RT• )
* M É T O N YM IE , f. f. ( ^ Trope par lequel
un m o t, au lieu de l ’idée de fa lignification primitive
, en exprime une autre qui a , avec la première
, un raport de coexiftence. Métonymie vient
de p.trà , qui dans la composition marque chang
em en t, & de ïvo/Aa, nom; ce qui lignifie changement
de nom. L a carrière de ce trope eft très-
vafte 3 & l ’on ne peut ici que s’attacher à quelques
uns des raports les plus connus & qui fournirent
le, plus à cette figure. ) [M . B e a u z é e . )
Les maîtres de l ’art reftreignent la Métonymie
aux ufages fuivants.
I. L a caufe pour Veffet. P,ar exemple : vivre 'de
fo n tra v a il, c’eft-à-dire , vivre de ce qu on gagne
en travaillant.
Les païens regardoient Cérès comme la déeffe
qui avoît fait fortir le bled de la_terre , & qui a v o i r
apris aux hommes la manière d’en faire du pain 3
ils croyoient que Bacchus étoit le dieu qui avoit
Éjsouvi l ’ufage du vin : ainfi ? ils donnaient au bled
Scarron , dans fa traduction burlefque ( lib. I.) ,
fe fert d’abord de. la même figure 3 mais voyant
bien que cette façon de parler ne feroit point entendue
en notre lan gu e , i l en ajoute l ’explication :
Lors fut des vaiffeaux defeendue
Toute la Cérès corrompue ;
En langage un peu plus humain ,
. C’eft ce de quoi, l’on fait du pain.
Ovide a dit ( T r ift. JV , 4 ) qu’une lampe
prête à s’éteindre , fe rallume quand on y verfe
P a lla s :
Cujus ab alloquiis anima heee mpribunda revixit,
Ut vigil infusâ Pallade flamma folet ;
P a l la s , c’eft à dire , de V huile. Ce fut Pallas ,
félon la F a b le , q u i , la première , fit fortir l ’olivier
de la terre & enfeigna aux hommes l ’art de faire
de l ’huile : ainfi, Pallas fe prend pour l ’huile, comme
Bacchus pour le vin.
O n raporte à la même efpèce de figure les
façons de parler où le nom des dieux du paganifme
fe prend pour la chofe à quoi ils préfidoient, quoiqu’ils
n’en fulient pas les inventeurs. Jupiter fe prend
pour Y air, V u lcam pour le f e u . A in f i, pour dire,
oit vas tu avec ta lanterne ? Plaute a dit ( Ampli.
ƒ. j . 18) ) Quo ambulas tu , qui Vulcanuni in
cornu conclufum geris ? ( O ù v a s - t u , toi qui
portes V u lca in enfermé dans une corne ? ) Et V ir g
ile (r Æ n . V , 6 6 z ) fu r it V u lcan u s : & encore
au I. liv. des Géorgiques, v ou lan t parler du vin
cuit ou du raifiné que fait une menagere de la
campagne , i l dit qu elle fe fert de Vulcain pour
difiiper l ’humidité du vin doux :
' A u t dulcis mufti Vulcano decoquit humorem. ( y. 2 9 ,. )
Neptune fe prend poux la mer q ^M a r s , le dieu