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parler que de v o l , d’ufurpation , de fuceeffion ,
$le partage, de formalités 1 Mais de quel feu n’eft-on
pas animé , quand on attaque des guerriers chargés
aes dépouillés des ennemis vaincus, quand ori brig
u a i* fouveraine magiftrature de (on p a y s , quand
en s éleve contre 1 ambition défordonnée d’un Corps
formidable, ; quand on foulève un peuple qui commande
a l univers, qu’on réforme les lois, qu’on fou-
tient les a llie s ! C’eft alors qu’on déploie toutes
les forces, que l ’efprit devient créateur , & que 1 Eloquence prend tout fon effor. U n génie fu-
blime ne peut s’étendre qu’à proportion de fon
objet. Le s héros ne fe forment pas à l ’ombre ; ni
\ Orateur, dans la pouffière d’un greffe.
io ° . Quels fentiments n’infpiroit point à un
Orateur , dans le temps que ia république fub-
lilto it , la vue d’un peuple entier qui diftribuoit
les grâces & les honneurs ? d’un Sénat qui formoit
les Confeils & dirigeoit le plan des conquêtes?
d une foule de confulaires illuftrés par vin en triomphes
? d une multitude de clients qui compofoieijt
ion cortege ? d’une fuite nombreufe d’ambafladeurs,
de rois , de Souverains , d’étrangers, qui imploroient
la protection ? L ’homme le plus froid ne.feroit-il
point échauffé à la vue d’un fpeda cle auffî augufte>
ivous les. empereurs, quelle folitude dans les tribunaux
, & quelles gens les compofoient !
C epend ant après l ’ ex tin élion des premiers C é fa r s ,
fous l e ré gn é de V e fp a fien & fous c e lu i de T ra ja n ,
deux Orateurs vinrent encore lu t te r contre l e mauvais
g o û t de le u r f iè c le , & ra p p e le r l ’É lo q u en c e
des anciens J ce furent Quintilien & Pline le jeune.
I raçpns leur caradere en deux mots, & cet art
ic le fera fini. '
Prei^ er brilioit par une grande netteté, par
un efprit d ordre & par l ’art fingulier d’émouvoir
le s paflions : on le chargeoit pour l ’ordinaire du
lom dexpofer l e f a i t , quand on diftribuoit les
differentes parties d’une caufe à différents Orateurs.
On le voyoit fouvent, en plaidant, verfer
des la rm es , changer de vifage , p â lir , & donner
toutes les marques dune vive & fmcère 'douleur.
II a v o u e -q u e c’eft à ce ta len t q u ’i l d o it tou te fa
rép u ta tio n .. I l é to it comme l ’avo ca t né des S ou v
erains j i l eut l ’honneur de p a rle r devant l a reine
Bérénice pour le s intérêts de' c e tte princ effe même. -
XNon content d’inftruire par fon e x em p le & de
marquer du d o ig t la route de l ’É lo q u e n c e , i l
v o u lu t auffi en fixer le s p rinc ipe s p a r fes leçon s ,
& verJer, dans 1 efp rit des jeunes patriciens qu i af-
p iro ien t a la g lo i r e du Barreau & confultoient
le s lum iè r e s , l e goût fo lid e des anciens maîtres.
Ses Infiitittions, monument éterne l de la beauté
de Ion g en ie , p eu v en t nous donner fine idée de
fes talents & de fes moeurs : c’eft là qu’au défaut
de fes piè ce s que le s injures du temps n’o n t pas
la i f le parvemc jufqu’à n o u s , i l nous t ra c e , av ec une
franchife & une mo.deftie qui lu i éto ien t naturelles
le plan de la méthode qu’i l fuivoit dans fes nar-
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rations & dans fes péroraifons. C ependant i l y a fout
l ie u de foupçonner q ue , p ou r obéir à l a coutume
qu i l avoir trouvée é tab li & p o u r donner q ue lqu e
clio fe au g o û t de fon f iè c le , i l em p lo y o it des
armes b rillante s , & ne re je to it pas toujours les
penfées fleuries , le s a n i itk è fe s , & le s pointes. L o in
de réprouver to ta lem en t la d é clama tion , q u i ,
comme ch e z le s G r e c s , ruina l ’E lo q u e n c e l a t in e ,
i l la ju g e très | u tile . 11 eft v rai qu i ! lu i preferit
des bornes é t ro ite s , & qu ’i l ne s’ y fournet -que par
condefcendance : mais enfin a u r o i t - i l été .entend u ,
s’i l eût tenu un la n g a g e différent ? I l faut p a rle r
la la n g u e de fes auditeurs & prendre en q u e lq u e
forte le u r efp rit , p ou r le s perfuader & le s convaincre.
L e s hommes , fo it qu e ce fo it un don de
la nature , fo it N q u e - c e fo i t un pré ju g é de l ’ éduca
tion , n’approuvent ordinairement que ce qu’ ils
trouvent dans eux-mêmes.
P iin e l e jeune s’ét-oit p ropo fé p ou r modè le D é -
mofthène & C a lv u s ; i l ch ériffo it une É lo q u e n c e
imp étu eu fe , abondante , étendue , mais é g a y é e par
des fleurs -autant que la matière l e p e rm e tto it ;
i l v o u lo it être g rav e & non pas ch a g r in ; i l ai-
m o it à fraper av ec magnificence ; i l n a im o it pas
moins à furprendre la raifon par des agréments
é tu d ié s , que de l ’ac cab le r par l e po id s de fes
foudres. L e s armes b rillante s éto ien t autant de fon
g o û t que c e lle s qu i ont de la forc e : p o l i , humain ,
tendre , enjoué , droit , grand , nob le , b r illa n t *
fon efprit a v o ir l e même caractère que fbn coe u f.
Sa comp ofition ten o it comme l e m ilieu entre l e
fie c le de C ic é ro n & c e lu i de S én èq u e ; en forte q u ’i l
au ro it p lu dans l é p r em ie r , comme i l p la ifo it dans
k fécond. Son p la id o y e r p o u r le s p eu p le s de la
B é tiqu e & p o u rA c c ia V a r io la , montre tou te la
fermeté de fon cou ra g e & tou t l e beau de fon
g én ie . Ses conclurions furent modeftes , & firent
admirer par 11 l ’équ ité des premiers fiècle s.
M ais dans fon P an é g y r iq u e de T ra ja n , i l p ro d
igua tro p toutes le s fleurs de fon efp rit , affectant
fans ce ffe des antithèfes & des tours recherchés.
L e s richeffes de i ’ ima gin ation , la p om p e des
d e fc r ip fio n s , y fon t étalée s fans mefure < & ce tte
abondance exceffive r ép a n d , fur l e tribut de juftes
lo u an ge s q ue la reconnoiflance e x ig e o i t , l e d é -
go ift qu’ in fpire la flatterie. Q u e l le beauté dans
le s é lo g e s q ue C ic é ro n fa it de P om p é e & de
C é fa r ! tout le Barreau retentit de bruyantes a c c la mations.
Q u e de fadeur dans l e P an é g y r iq u e de
T ra ja n f i l ch oqu e par l ’ excès de fes lo u an g e s ,
& fa tigu e pa r fa p ro lix ité .
M a lg r é c e s défauts de P l in e , qu i éto ien t ceux
de fon f iè c le , p lu s d’une fo is c e t Orateur, admirab
le à plufieurs autres égards , eu t la fa tis fa& io n
de ne p o u v o ir parvenir qu’a v e c p e in e au Barreau :
tant é to it grande la fo u le des perfonnes q u i v e -
noient l ’entendre p laid er ! Souvent même i l é to it
o b lig é de p a ffer au travers du tribuna l des ju g e s ,
p ou r arrive r à fa p la c e . A fa fuite marchoit une
trou pe ch o ific de jeunes avoca ts de f am i l l e , en qu i
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il. avoit remarqué des talents ; i l fe fefoit un
plaifir de les produire & dé les couvrir de fes
propres lauriers. L ’amour de la patrie , un noble
défintéreffement, une prote&ion déclarée pour, la
vertu & pour le s Sciences , un coeur généreux &
magnanime , fes vertus , fes bienfaits , (a fidélité a_
fes devoirs , fa bonté pour les peuples , fon attachement
aux gens de Lettres , le rendirent précieux
& aimable à tout le monde. I l étoit l'admiration
des philofophes & les délices de fes concitoyens.
G o û té , eftimé, & refpe&é, i l régnoit au Barreau
en maître, $c i l commadoit en père dans les provinces.
11 fut le dernier Orateur romain ; & malgré
fes foins & fon attention, i l n’eut point d’imitateurs.
Plus Rome v ie i ilif fo it ,. plus la chute de
l ’Éloquence étoit fans remède.
Je fais bien qu’après le fiècle heureux de Trajan ,
on vit encore quelques empereurs qui tâchèrent
de la ranimer par leur voix & par leur générofité :
mais malheureufement le goût de ces princes étoit
mauvais; & leur P o litiq u e , incertaine. Adrien ,
fucceffeur immédiat de Trajan , n’ai moi t que l ’extraordinaire
& le bifarre : efprit romancier , il
courôit après le faux & après l ’hyperbole. An-
tonin le Philofop he, tranfporté de l ’enthoufiafme
du Portique , n’avoit de confîdération que pour
des philofophes. & des jurifconfultesj & ne s’atta-
choit qu’aux grecs. Enfin leürs établi fîements n’a-
voient aucune fiabilité. Comme un empereur n’hé-
xitoit point du diadème , qu’i l le tenoit de la
fortune, de fa P o litiq u e , de fon argent , & de
fes violences, i l effaçoit jufqu’aux veftiges des
grâces de fbn devancier. Des Savants, places à côté
du trône fous un règne , fe voyoient contraints,
fous un autre, de mendier dans les places les moyens
de fubfifterw Les Sciences , chancelantes comme
l ’Éta t, effuyoierit les mêmes revers.
A in n dégénéra & finit; avant l ’Empire, l ’Éloquence
•romaine : arrachée de fon élément , c’eft à dire ,
privée de la liberté & affervie au caprice des
Grands, e lle s’affoiblit tout d’un coup ; & après
quelques efforts impuiffants qui montroient plus tôt
un véritable épuifement qu’un fonds folide-, elle
s’enfevelit dans l ’oubli : femblable à un grand fleuve,
qui s’étend au loin dès Ca fource , s avance d’un
pas majeftueux à l ’aproche des grandes v i l le s ,
& va fe perdre avec fracas dans l ’immenfe abîme
des mers. ( L e chevalier DE JAUCOUR T.)
(N.) O R A T O R IO , f. m. Efpèce de petit drame ,
écrit en latin ou en,langue vu lg a ire , fait pour
être mis en mufique. Quoiqu’i l foit dialogué &
divifé par fcènes à l ’imitation des pièces de théâtres
, les différents rôles en font récités Amplement
& fans aucun appareil de repréfentation , par les
.chanteurs qui en font chargés. Les fujets en font
prefque toujours tirés de l ’Hiftoire fainte , ce qui
a fait appeler auffi ces ouvrages des Hiérodrames.
Le s italiens ont créé l ’Oratorio ; nous l ’avons
imité d’eu? , & introduit à notre concert fpiri-
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fuel depuis une vingtaine d’années ; mais nous ne
croyons pas que ce genre de'Toème lyrique foit
propre à produire jamais de grands effets , autres
ue ceux qui peuvent réfulter d’une b elle mu-
que. ( L ’É d i t e u r ■ )
( N ). O R D IN A IR E , C O M M U N , V U L G
A IR E , T R IV IA L . Synonymes.
L e fréquent ufage rend les chofes ordinaires ,
communes, vulgaires , & triviales : mais i l y a à
cet égard un ordre de gradation entre ces mo ts,
qui fait que Tr iv ia l dit quelque chofe de plus
ufé que V u lg a ir e , qui a fon tour enchérit fur
Commun, & celui-ci fur Ordinaire. I l me paroîfr
aullî qu’Ordinaire eft d’un ufage plus marqué pour
la répétition des aélions ; Commun, pour la mu ltitude
des objets ; V u lg a ir e , pour la connoiffanca
des faits ; & T r iv ia l, pour la tournure du difeours.
L a diffimulation eft. ordinaire à la Cour. Le s
înonftres font communs en Afrique. Le s .difputes
de religion ont rendu vulgaires bien des faits qui
n’étoient connus que des Savants. De tous les genres
d’écrire , il n’y a que le comique où les expref-
fïons triviales puinent trouver place.
Ces' mots peuvent être confidérés dans un autre
fens que. dans celui du fréquent ufage ; ils fe difent
fouvent par raport au petit mérite des chofes ;
Sc ils ont encore un ordre de gradation , de façon
que le dernier de ces mots eft celui qui ôte le
plus au,mérite. Ce qui eft Ordinaire n’a rien de
diftin^ué ; ce qui eft Commun n’a rien de recherché
; ce qui eft Vu lg a ir e n’a rien de noble ; ce
qui eft Tr iv ia l a quelque chofe de bas. ( JJabbé
G i r a r d . )
O R D IN A L , adj. Gramm. O n nomme ainfi, en
Grammaire, tout mot qui fert à déterminer l ’ordre
des individus. I l y en a de deux fortes, des ad-
je&ifs & des adverbes.
Les adjeétifs ordinaux fo n t , premier, fécond ou
deuxième , troifiéme, quatrième, cinquième , &c.
dernier.
Les adverbes, ordinaux to n t,premièrement, f e -
condement ou deuxièmement, troijièmement, quatrièmement
, cinquièmement, &c. L ’adverbe dernièrement
n’eft point ordinal comme l ’adjeétif
dernier, i l fignifie depuis peu de temps : l ’adverbe
ordinal correfpondant à dernier , eft remplacé par
en dernier lieu , en fin , &c. V oy e \ N o m b r e .
(M. BEAUZÉE.)
(N . ) , O R D R E , R È G L E . Synonymes.
Ils font l ’un & l ’autre une fage difpofition des
chofes : mais le mot SOrdre a plus de rapport à
l ’effet qui réfulte de cette difpofition ; & celui de
Règ le en a davantage à l ’autorité & au modèle
qui conduifent la difpofition. i
O n obferve 1'Ordre : on fuit la R èg le . L e premier
eft an effet de la fécondé. (L ’abbé G ir a r d ,\
A a a a a z