
juftefle, & le principe que Ton pofe eft faux pour
être trop général. Cette Inverfioii eft vicieufe, parce
qu’elle-rompt l ’unité du complément. Pour affûter
le fu c cè s . On peut mettre , quoi qu’en dife le
commentateur du grand Corneille, & l ’on met
très-fouvent une prépofidon à côté de de; Avec
de bons avis , Contre de belles apparences. Dans
de grands défauts , En de meilleures mains , P a r de fidèles mains Pour de fortes raifons, Sans de trop grands efforts , Sur de puiffants
motifs , &c ; & cela eft bien, lorfque de avec les
mots qui font dans fa dépendance forme le complément
'total de la prépofidon qui précède. Mais
il le complément de cette prepofîtion précédente
ne vient qu’après celui de la prépofidon de , c’eft
alors que le rapprochement des deux n’éft plus
permis , comme on le voit dans l ’exemple dont- il
s’agit. Au relie , je ne lais pourquoi Voltaire
parle de l ’article de : premièrement de n’eft jamais
qu’une prépofidon ; & en admettant le langage
ordinaire des grammairiens , qui font quelque
fois de ce mot un article indéfini, ce feroit dans
les exemples que je viens de citer que de feroit
article , & non dans celui qui elt cenfuré : il s’en-
fuivroit donc au contraire qu’il eft permis de
mettre une prépofidon à côté de Fartiçle de.
z°. Le complément objeétif d’un verbe / auquel
i l n’eft pas lié par une prépofidon e x p r e l ï e , ne
doit jamais le—mettre avant le verbe , parce que
fa relation au verbe ne peut être rendue fenfible
que par la pofîtion : & l ?on lent en effet qu’il y
a je ne fais quoi de choquant dans ce vers , cité
pourtant par un de nos grammairiens , comme exemple
d’une Inverfion permife ;
Que je ne lui faurois ma parole tenir.
Mais fi le complément objeétif eft complexe, &
qu’i l renferme un complément liibordonné qui y
foit lié par une p r é p o f id o n ; le poète-a la liberté
de rompre l ’unité du complément objeétif total,
& d’en placer avant le verbe la partie adverbiale :
Saie auffi des méchants arrêter les complots;
JL mes jujîes dejfeins je vois tout conjpirer ;
au lieu de dire , les complots des méchants, conf-
jpirer à mes jufles dejfeins.
Obfervons, en finilfant, que les anciens don-
noient, à une certaine Inverjion particulière , le
nom fuperflu d Anajlrophe, qui a le même fens
( voye-{ ce mot); & que, pour n’avoir pas carac-
térifé d’une manière allez précile l’idée qu’ils en-
vifàeeoient, ils ont encore imaginé une autre
elpece d* Inverfion fous le nom d Hypallage, qui,
fi elle exifté , eft moins une figure qu’un vice réel
dans FÉlocution. H. ce mot. ) ( M. B e a u z é e . )
(N . ) IN V E S T IG A T IO N , f. f. Recherche.
Manière de trouver. Ce terme eft uniquement ufité
dans le langage de la Grammaire, & fpécialement
de la Grammaire hébraïque & de la Grammaire
grèque.
Dans la Grammaire hébraïque , i l eft parlé
de YItivejligation de la Racine. C ’eft la manière
de trouver le mot radical ou p r im itif, d’ où eft
dérivé celui qui donne lieu à cette recherche. Dans
les Dictionnaires hébreux , on n’a rangé par ordre
alphabétique que les mots primitifs; & fous chacun
d’eux on trouve enfuite ceux qui en font defeendus,
loiç par composition loit par dérivation : fi l ’on
a donc befoin de chercher un de ces mots fecon-
daires, i l faut d’abord faire la recherche de fa
racine. Mafclef a expofé clairement tout ce qui
concerne YInvejligation de la racine dans les
chapitres x x i & x x x i i de fa Grammaire hébraïque
; & l ’on trouve fa même matière félon la méthode
des Mafïorèces , dans la Grammaire he\
braïque de l ’abbe Ladvocat, p . 164— 16$>,
Dans la Grammaire grèq u e ,' on parle de l ’i>z-
vejligatioh du Thème. C ’eft la -manière de trouver
le préfent indéfini de l ’indicatif d’un verbe, d’après
quelque temps , quelque mode, ou quelque per-
fonne que ce puifle être. L a Méthode grèque dç
P ort-Royal traite amplement de Y Invejligation du
Thème dans les quatre derniers chapitres du liv . V«
V o j e ^ T h èm e . ( M . B e a u z é e , )
( N . ) IO N IE N , E N N E , adj. Cet adjeCtif eft
ufité dans la Profodie ancienne des grecs & des
latins ; & i l fert à caraCférifèr un pied compofé
de deux pieds fimples , dont l ’un eft un fpondée
& l ’autre un pyrrhique : alors i l fe prend fubftanti-
vement.
Quand YIonien commence par le fpondée, comme
cdntàbïmüs, vicïorïd ; on l ’appelle grand Ionien;
en latin major ou à majoré, parce qu’i l commence
par le plus grand des deux pieds fimples.
Quand i l çdmipence par le p y r rh iq u e com m e
r'élèvtibünt, v encrante s ; on l ’appelle pe tit Ionien,
çn latin minor ou à minore , parce qù’i l commence
par le moins grand des deux pieds fimples.
( M . B e a u z é e . )
* IR O N IE , f. f. Grammaire. « C ’eft, dit M. du
» Marfais ( Tropes I I , x iy ) , .une figure par la-
» quelle on veut faire entendre le contraire de ce
» qu?on dit . . .
» M. Bo ile au ,qu i n’a pas rendu à Quinault toute
» la juftice que le Public lui a rendue depuis, en
n parle ainfî par Ironie ( Sat. i x ) :
» Toutefois, s’il le faut, je>eux bien m’en dédirej
n Et pour calmer enfin tous ces flots d’ennemis,
» Réparer en mes vers les maux qu’ ils ont commis ,
» Puifque vous le voulez, je vais changer de ftyle ;
n Je le déclare donc , Quinault eji un Virgile ».
Lorfque les prêtres de Baal invoquoient vainement
cette faufle divinité , pour en obtenir un
mira cle
’kiiracle que le prophète É lie favoît bien qu’ils
n’obtiendroient pas , ce faine homme les pouffa
par une Ironie excellente ( III. R eg . xviij. 17 ) ;
i l leur dit : Clamcue voce majore ; D eu s ehim
e j l , & fo r fitan loquitur , aut in diverforio e ft,
au t in itinere, aut certè dormit, u t . excitetur.
L ’épitre du P . du Cerceau à M . J. D. F . A . G . A . P.
( J o ly de Fleury , avocat général au Parlement ) ,.
eft une Ironie perpétuelle , pleine de principes
excellents, cachés fous des contre, - vérités ; ( mais
l ’auteur, en s’y plaignant de la décadence du bon
go tic, y devient quelque fois la preuve'de la vérité
& de la juftice de les plaintes.
« Lés idées acceffoires, dit M. du Marfais (ibid. ) ,
» font d’un grand ufage dans Y Ironie : le ton de
» la vo ix , & plus eùcore la connoiffance du mé-
» rite où du démérite perfonnel de quelqu’un ,
» & de la façon- de penfer de celui qui parle ,
i> fervent plus a faire connoître Y Iron ie , que les
»»paroles dont on fe fert. Un homme, s’écrie :
» O le bel e fp r itl Parle-t-il de C icé ron , d’H o -
» race ? i l n’y a point là dTrpnie ; les mots font
w ptis dans le fens propre. P a rle-t-il de Z o ïle ?
» c eft une Ironie. A in f î, Y Ironie fait une fatyre,
» avec les mêmes paroles dont le difeours ordinaire
» fait un éloge ».
Quintilien diûingue deux efpèces d Ironie , l ’une
trope -, & l’autre figure de penfée. C ’eft un trope ,
félon lui , quand foppofîtion de ce que l ’on dit
a ce que l ’on prétend dire, fte confîûe que dans
un mot ou deux; comme dans cet exemple de
Cicéron ( I. Catil. ) , cité par QuimiÜen même :
A quo repudiatus , a d fodalem tuum, virum
optimum, M . Marcellum demigrafii, où i l n’y
a en effet d Ironie que dans les deux mots virum
optimum. C ’eft une figure de penfée , lorfque d’un
bout a l ’autre le difeours énonce précifément le
contraire de ce que l ’on penfe : telle eft, par
exemple , Y Ironie du P. du Cerceau fur la décadence
du goût. L a différence que Quintilien met
e}nîf e ces deux efpèces eft la même que ce lle de 1 A llégorie & de la Métaphore ; U t quemadmo-
dum ctAÀsryop/av f a c i t continua ^Tacpopà , fie hoc
fehema fa c ia t troporum ille, c çn te xtu s . ( In jl.
■ orat. i x . iij, ) '
N ’ y a-t-il pas ici quelque incoriféquençe ? Si
les deux Ironies font entre elles comme la Métaphore
& l ’A liég o t ie , Quintilien a du regarder,
également les deux premières efpèces comme des
trop es , puifqu’i l a traité de même les deux dernières.
M. du Marfais , plus conféquent, n’a regardé
YIronie que comme un t rop e, par la raifon
que les mots dont on fe fert dans cette figure ne
font pas pris , d it- il, dans ie fens propre & littéral
; mais ce grammairien ne s’eft-if pas mépris
lui-même ?
« L e s tropes, d it-il ( P a r t , J , art. jv ) , font
»ùes figures par lefquelles on fait prendre à'
» un mot une fignifîeation qui n’eft pas précifé-
1» nient la fignification propre de ce mot ». O r
G r a m m . e t L i t t é r a t . Tome I I% *
i l me femble que dans Ylronie i l eft effenciel
que chaque mot foit pris dans fa fignification
propre ; autrement , Ylronie ne feroit plus une
Ironie , une moquerie, une plaifanterie, illufio ,
comme le dit Quintilien, en traduifant littéralement
le nom grec «/peove/a. Par ex emple, lorfque
Boileau dit , Qu ina ult e jl un Virgile ; i l faut
i ° . qu’i l ait pris d’abord le nom individuel de
V irg ile dans un fens appellatif , pour fîgnifier,
par Ântonomafe, excellent poète ; z ° . qu’i l ait con-
iervé à ce mot ce fens ap p e lla tif, que l’on peut
regarder en quelque forte comme propre, relativement
à Y lron ie ; fans quoi, l ’auteur auroit eu tort.de
dire,
Puifque vous le voulez, je vais changer de ftyle :
i l avoit affez dit autre fois que Quinault étoie
un mauvais p o è te , pour faire entendre que cette
fois - c i , changeant de ftyle , i l alloit le qualifier
àzpoè te excellent. A in fî, le 110mde V ir g ile eft
pris ici dans la fignification que l ’Antonomafe lu i
a aftignée; & Ylronie n’y fait aucun changement-
C ’eft la propofition entière, .c’ eft la penfée qui
ne doit pas être prife pour ce qu’elle paroît être y
en un mot, c’eft dans la penfée qu’eft la figure».
I l y .a apparence que le P. Jouvency l ’eiitendoit
ainfî , puifque c’eft parmi les figures de penfées
qu’i l place Y lro n ie ; & Quintilien nauroit pas
regardé comme un trope le virum optimum que
Cicéron applique à Marcellus , s’i l avoit fait réflexion
que ce mot fuppofe un jugement acceffoire ,
& peut en effet fc rendre par une propofition incidente
, qui e jl viroptimus.
( ^ L ’Ironie fimple emploie' fouvent les and—
phrafes. ( voye% A nt iphrase ) ; & Y lro n ie foutenue
eft un tiffu de contre-vérités. ( V oy e \ C ontr ev
é r i t é ).
L ’ ufàge de Ylronie fuppofe du -goût, pour n©
l ’employer qu’à propos ; & de la diferétion, pour
n’en pas abufer. U y a encore du choix fur le ton
qu’elle doit prendre dans l ’occurrence, & dont les
variétés la font partager en fîx efpèces ; la Mimèfe ,
Y A f lé ifm e , le Charientifme, le Ùiajirme , l e
Chleuafme ou P e r fiffla g e , & le Sarcafme. (V o y e z
ce.s mots. )
Socrate fefoit habituellement ufage de Ylronie:
i l feignoit de vouloir s’inftruire par des queftîons ;
i l louoit les réponfes qu’on lu i fefoit ; p u is , fous
prétexte de les aprofondir pour fa propre inftruc-
tion , i l amenoit ceux-mêmes qui les avoient faites
à en reconnoîçre lafauifeté. ) (M . B e a u z é e . }
(N.) IR O N IQ U E , adj. O ù i l y a àzYIronie.
Q u i tient de Ylronie. Ton ironique. D ifeou rs
ironiaue. L ’Épitredu P.du Cerceau, don: il eft parlé
dans l ’article précédent, eft une pièce toute ironique.
( M . B eauzée. )
(N .) IR O N IQ U EM E N T , adv. D ’une manière,
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