numériques que par une forte d’imitation, & pour
être en concordance avec les Noms ou les Pronoms
auxquels ils ont raport, & qui font comme leurs originaux.
Par exemple, dans ce début de la première fable
de Phèdre, A d rivum eundem lupus M agnus
vénérant f i t i compulfi ; les quatre Noms rivum ,
lupus , agnus , & f i t i , font au Nombre fingulier ,
parce que l ’auteur ne vouloir 8c ne dëvoit effectivement
défïgner qu’un fcul ruiffeau, an feulloup,
un feul agneau , & un feul & même befoin de
boire. Mais c’eft par imitation & pour s’accorder
en Nombre avec le Nom rivum , que l’Adjeétif
eundem eft au fingulier. C’eft par la même raifon
d’imitation & de concordance que le Verbe vénéran
t 8c l ’Ad/eétif-verbe , ou le participe compulfi,.
font au Nombfe pluriel; chacun-de ces mots s’accorde
ainfi en Nombre avec la collection des deux
Noms finguliers, lupus & agnus , qui font enfembie
pluralité.
Les quatre efpèces de Mots réunies en une feule
elaffe par leur déclinabilité, fe trouvent ici divrifées-
en deux ordres- caraétérilés par des points de vue différents.
Les inflexions numériques des Noms & des Pronoms
fe décident dans le difcours d’après ce qui
exifte dans Pefprit de celui qui parle : mais quand
on fe décide par foi-même pour le Nombre ungu-
lier ou pour le Nombre pluriel , on ne peut avoir
dans l ’efprit que des-êtres déterminés: les Noms &
les Pronoms préfentent donc à l ’efprit des êtres détermines
; c’efî là le point de vue commun qui leur eft
propre.
, Mais les Adjeéfifs & les Verbes ne fe revêtent
des terminaifons numériques que par imitation ; ils
ont donc un raport néceffaire aux Noms ou aux
Proftoms , leurs corrélatifs : c’eft le raport d’identité •
qui fuppofe que les Adjectifs & les Verbes ne présentent
à l ’efprit que des êtres quelconques &
indéterminés ( v o y e ^ I d e n t i t é ) ; & c’eft là le
point de vue commun qui eft propre a ces deux
efpèces, & qui les diftingue des deux autres, .
i ° . La même doétrine que nous venons d’établir
fur la théorie des Nombres , fe déduit de même
de celle des Cas. ^ Les Cas en général font des ter-
minaifons différentes, qui ajoutent à l ’idée principale
du Mot l ’idée acceffoke d’un raport déterminé
à l ’ordre analytique de l ’énonciation. ( Voye% C a s ,
& les articles des^ d ifférents ca s . ) La diftinCtiou
des Cas n eft pas d’un ufage univerfèl dans toutes
les langues : mais elle eft potTxble dans toutes ,
puifqu’elle exifte dans quelques - unes ; & cela
îùffit pour en faire le fondement d’une théorie générale.
=
La première obfervation quelle fournit, c’eft
.que les quatre efpèces de Mots déclinables reçoivent
les inflexions des Cas dans les langues qui les i
admettent ; ce qui indique, dans les quatre èC -
pèccs, une lignification fondamentale commune.
Nous avons déjà vu qu’elle confifte à- préfentey
à l ’efprit les idées des êtres., réels ou abftraits ,
qui peuvent être les objets de nos penfées ; & l ’on
déduiroit la même conféquence de l-a.nature des Cas,
par la raifon qu’i l n’y a que des' êtres qui fbient
lufceptibles de raports , & qui puiffent en être les
termes.
L a fécondé obfervation qui naît de l ’ufage des
C a s , c’eft que deux fortes de principes en règlent
i le choix , comme celui des Nombres: ce font les
befoins de l ’énonciation ,• d’après ce qui exifte dans
1 efprit de celui qui parle , qui fixent le choix des
Cas pour les Noms 8c pour les Pronoms-; c’eft- une
raifon d’imitation & de. concordance , qui en décide
pour le s -A d je é t if s - & pour les Verbes.
A in f i , le Nom r iv u m , dans la phrafe de Phèdre,
eft à rA c c u fa t if , parce qu’i l eft le complément
de la prépofition' a d , & que le complément
de cette prépofition eft affujetti par l ’ufage de la
langue latine à. fe revêtir de cette terminaifon :
les N o m s lu p u s 8c a g n u s font au Nominatif, parce
que chacun d’eux exprime une partie grammaticale
du fujet logique du Verbe v é n é r a n t , & que. le
Nominatif eft le Cas deftiné par l ’ufage de la langue
latine à défïgner ce raport à l ’ordre analytique.
V o ilà des raifonS.de néceflïté ; en voici d’imitation
L ’Adjeétif e u n d em eft à rA c c u fa t if , pour
s’accorder en Cas avec fon corrélatif r iv um ; PÀd-
jeétif- verbe , ou le participe c o m p u l f i , eft au Nominatif
, pour s’accorder aufli en Cas avec les Noms
lu p u s 8c a g n u s ,. auxquels i l eft appliqué.
C e c i nous fournit encore les mêmes confoquences-
déjà établies à i ’occafïon des Nombres. L a diverfïté
des motifs qui décident les Ca s, divife pareillement
en deux ordres les quatre efpècesde M o t s déclinables
; & ces deux ordres font précîfément les
mêmes qui ont été diftingués par la diverfïté des
principes qui règlent le choix des Nombres. Les
Noms 8c les Pronoms font du premier ordre les
Adjeétifs & les Verbes-font du fécond.
Les Cas défignent des raports déterminés , & le s
Cas des Noms 8c des Pronoms fe décident d’après
ce qui exifte dans l ’efprit de celui qui parle. O r
©n ne peut fixer dans fon efprit que les raports
des êtres déterminés r parce que des êtres indéterminés
ne peuvent avoir des raports fixes. I l fuit
donc encore de ceci , que les Noms & les Pronoms
préfentent à l ’efprit des êtres déterminés.
A u contraire , les Cas des Adjeétifs & des Verbes
ne fervent qu’à mettre ces efpèces de M o t s eh
concordance avec leurs corrélatifs : nous pouvons
donc en conclure encore que les Adjeétifs & les
Verbes ne préfentent à l ’efprit que des êtres indéterminés
, puifqu’ils ont befoin d’une détermination
accidentelle pour pouvoir prendre te l ou tel
Cas.
3°. L e fyftême des Nombres & celui des Cas font
les mêmes pour les Noms & pour les Pronoms ;
ôc l ’on en conclut également que les uns & les
lüffeS préfentent à l ’ efprit des êtres détermihés,
ce qui conftitue l ’idée commune ou générique de
leur effence. Mais par raport aux Genres, ces deux
parties d’oraifon fe féparent & fuivent des lois diffé-
rentesk • * t
, Chaque Nom a un Gehre fixe & détermine
par l ’ulage , ou par la nature de l ’objet nommé
, ou par le choix libre de celui qui parle :
ainfi, p a t e r , père , eft du mafculin , m a t e r , mère ,
eft du féminin , par nature ; b a c u lu s , bâton, eft
du mafculin , m e n f a , cable, eft du féminin , par
ufage ; f i n i s en latin , d u c h é en françois , font
du mafculin. ou du féminin , au gre de celui qui
parle. ( V o y e \ G enre ). Les Pronoms au contraire
n’ont point de Genre fixe ; de forte que ,
fous la même terminaifon ou fous des terminai-
fons différentes, ils. font tantôt d’un Genre & tantôt
d’ un autre , non au gré de celui qui p a r le , mais
félon le Genre même du Nom auquel le Pronom
a raport: ainfi , îyw en g re c , eg o en la t in , i c h
en allemand , i o en ita lien , j è en françois, font
mafculins dans la bouche d’un homme , & féminins
dans celle d’une femme ; au contraire i l eft toujours
mafculin, 8c e l l e to u jo u r s féminin, quoique
ces deux M o t s , au Genre près , ayent le même fens,
ou plus tôt ne foient que le même M o t avec différentes
inflexions 8c terminaifons.
V o ilà donc, entre le Nom & le Pronom, un raport
d’identité fondé fur le Genre ; mais l ’identité
fuppofe un même être préfenté , dans l ’unë des deux
efpèces de M o t s , d’une manière précife & déterminée
8c dans l ’autre , d’une manière vague &
indéfinie. C e qui précède prouve que les Noms &
les Pronoms préfentent également à l ’efprit des
êtres déterminés : i l faut donc conclure ici que ces
deux efpèces. diffèrent entre elles par l ’idée déterminative
: l ’idée précife qui détermine dans les
Noms , eft vague & indéfinie dans les Pronoms ;
& cette idée eft fans doute le fondement de la
diftinétion des Genres , puifque les Genres appartiennent
exclufivement aux Noms, & ne fe trouvent
dans les Pronoms que comme la livrée des Noms
auxquels ils fe raportent.
' L e s Genres ne fon t, par raport aux N om s , que
différentes claffes dans iefquelles on le s a diftrï-
bués affez arbitrairement ; mais à traveïs la bi-
farrerie de cette difttibution, la diftinétion même
des Genres, & les dénominations qu’on leur à données
dans toutes les langues qui les ont reçus , indiquent
affez clairement que , dans cette diftribu-
tion , oh a prétendu avoir égard à la nature des
êtres exprimés par les Noms. ( V 'o y e \ G enre. )
C eft precifément l ’idée déterminative qui les ca-
ra&érife , ^ l ’idée fpécifique qui les diftingue des
autres efpeces : les Noms font donc une efpèce de
M o t s déclinables qui préfentent à l ’efprit des êtres
déterminés par l ’idee de leur nature.
Cette conclufion .aquiert un nouveau degré de
certitude , fi l ’on fait attention à la première divi-
fion des Noms en ^ a p p e lla t ifs 8c en p r o p r e s , &
à la foudivifiori des appellatifs en g é n é r i q u e s 8c
en f p é c i f i q u e s . L ’idée déterminante dans les Noms
appellatifs , eft ce lle d’une nature commune à
piufieurs : dans les Noms propres , c’eft l ’idée
d’une nature individuelle : dans les Noms génériques
, l ’idée déterminante eft celle* d’une nature
commune à toutes les efpèces comprifes fous un
même g en re , 8c à tous les individus de chacune
de ces efpèces ; dans les Noms fpécifiques, l ’idée
déterminante eft' ce lle d’ùne nature qui n’eft commune
qu’aux individus d’une feule efpèce. A n i m a l ,
h om m e , b r u t e , c h i e n , c h e v a l , &c , font des Noms
appellatifs ; a n im a l eft générique à l ’égard des
Noms h om m e 8c b r u t e , qui font fpécifiques par raport
à a n im a l ; b r u t e eft générique à l ’égard des
•Noms ch iien , c h e v a l , & c , & ceux-ci font fpécifiques
à l ’égard de b r u t e ; C i c é r o n , M é d o r , B a c é p
h a l e font des Noms propres compris fous les fpécifiquesh
o m m e , c h i e n , c h e v a l .
I l en eft encore des- Adjeétifs & des Verbes, par
raport aux Genres , comme par raport aux Nombres
8c aux Cas : ce font des terminaifons différentes qu’ils
prennent fucceffivement, félon le Genre propre du
Nom. auquel ils ont raport, qu’ils-imitent en quelque
manière, & avec lequel • ils s’accordent. A in f i,
dans la même phrafe de Phèdre, l ’Adjectif e u n d em
a une inflexion mafculine , pour s’accorder en Genre
avec- le Nom r iv um , auquel i l fe raporte ; &
l ’Adjectif-verbe , ou participe' c o m p u l f i a de même
la terminaifon mafculine, pour s’accorder en Genre
avec les deux Noms l u p u s 8c a g n u s , fes corrélatifs.
I l en réfiilte donc encore que ces deux e f pèces
de M o t s préfentent à l ’efprit des êtres indéterminés.
4°. La difttibution phyfique des Noms en différentes
claffes , que 1 on nomme Genres , & leur
divifîon métaphyfique en ap pella tifs, génétiques ,
fpécifiques , & propres , font également fondées fur
1 idée déterminative qui caraâérife cette efpèce.
L a divifîon des Pronoms doit avoir un fondement
pa re il, fi l ’analogie , qui règle t,out d’une manière
plus ou moins marquée , ne nous manque pas ic i.
O r on divife les Pronoms par les Perfonnes, & l ’on
diftingue ceux de la première, ceux de la fécondé,
& ceux de la troifième.
Les Perfonnes font les relations des êtres à l ’a été
même de la parole ; 8c i l y en a t ro is , puifqu’on
peut diftinguer le fujet qui parle , celui à qui on
adreffe la parole , & enfin l ’être qui eft Amplement
l ’objet du difeours fans le prononcer & fans
être apoftrophé. ( V o y e 3 P e r s o n n e . ) O r les
ufages de toutes les langues dépofent unanimement
que l ’une de ces trois relations à l ’aéte de la parole
eft déterminé ment attachée à chaque Pronom
: ainfi, t y a en g rec , e g o en latin , i c h en
allemand, i o en ita lien , j e en françois, expriment
déterminément le fujet qui produit ou qui eft
cenfe produire l ’.a|tè de la p a ro le , de quelque
nature que foit ce fu je t, mâle ou femelle , animé
ou inanimé, réel ou abftrait ; en g r e c , t u en