
& abftraite , plus i l y a d’intfividus auxquels elle
peut convenir ; & plus au contraire i l y entre
d’idées p a rtie lle s , moins i l y a d’individus auxquels
la totalité puiije convenir» Par exemple , l ’idée
de f ig u r e convient à un plus grand nombre d’individus
que ce lle de t r i a n g l e , -de - .q u a d r ila tè r e , :de
p e n t a g o n e , d'h e x a g o n e , &c : parce que cette idée
ne renferme que les idées partielles d’efpace , de
bornes j de côtes , & d’angles , qui fe retrouvent dans
toutes les efpècës que io n vient de nommer ; au
l^eu que celle dé t r i a n g l e , qui renferme les mêmes
idées partielles , comprend encore l ’idée précife
tr°is côtés & de trois angles ; l ’idée de q u a d
r i l a t è r e , outre les mêmes idées partielles , renferme
de plus ce lle de quatre côtés & de quatre
an g le s , & c . D ’où i l fuît d’une manière très-évidente
que l ’Étendue & la Compréhenfion des N o m s
appellatifs font , fi je peux le dire, en raifon in-
verfe 1 une -de l ’autre, & que tout changement dans
lu n e fuppofe dans l ’autre un'changement contraire.
D ’où i l fuit encore que les N o m s propres , déterminant
les êtres par une nature individuelle & ne
pouvant convenir qu’à un feul individu, ont l ’Étendue
la plus reftreinte qu’i l foit poflîble -de concevoir , &
conféquemment la Compréhenfion la plus complexe
& la plus grande.
Ici fe préfente bien naturellement une objection ,
dont la folution peut répandre un grand jour fur
l a matière dont i l s’agit. Comme i l n’exifte que
des êtres individuels & finguliers, & que les N o m s
doivent préfenter à l ’efprit des êtres déterminés par
1 idée de leur nature; i l femble qu’i l ne devroit
y avoir dans les langues que des N o m s propres ,
pour déterminer les êtres par l ’idée de leur nature
individuelle ; & nous voyons cependant qu’i l y a
au contraire plus de N o m s appellatifs que de propres.
D où vient cette contradition? Eft-eile réelle ?
n’eft-eiie qu’apparente ?
. un *?om P roPre à chacun des
individus reeis ou abftraits qui compofeut l ’univers
ph y tique ou in telle étu e l, aucune intelligence créée
ns ferait capable, je ne dirai pas d'imaginer, mais
lentement de retenir la totalité des Noms qui’
entreraient dans cette nomenclature. I l ne faut
J u W r i r les ieux pour concevoir qu’i l s'agit d’une
inbnite rée lle, qui ne peut être connue en détail-
que -par celui qui numerat multitudinem f le l -
larum , <5- omnibus eis nomina vocac ( Pf. d xly j. 4. )• D ’ailleurs 1?. voix humaine ne peut'.fournir
qu’un nombre aflez borné de fous & d a r ’
ticulations Amples; & elle ne pourrait fournir à
1 intime nomenclature des individus, qu’en mul-
ti pliant a 1 infini les combinaifons de ces éléments
imp ies : or fans entrer fort avant dans les profon-
deurs de 1 infini, imaginons feulement quelques
milliers de Noms compofés de cent-mille fyllfibes
& voyons ce qu’i l faut penfer d’un langage qui ‘
de quatorze ou quinze de ces f t t & W B
un volume femblable a celui que le lefteur a aéluel-
iement fous le s ieux.
1 . L ’ufoge des Noms propres fuppofe déjà une
connoiffance des individus, firion détaillée & ap-
■’ profondie , du moins, très-pofitive , très-précife
& a la portée de ceux qui parlent & de ceux à
qui 1 on parle. C ’eft pour cela que les individus
que la fociété a intérêt de connoîtfe , & qu’elle
connort plus particulièrement, y font communément
defignes par des Noms propres, comme les
Empires, les Royaumes, les Provinces-, les Ré-1
g io n s , certaines Montagnes , les Rivières , les
Hommes, &c. Si la diftinflion précife des individus
eft indifférente , on fe contente de les défi—
gner par des Noms appellatifs ; ainfi , chaque grain
de fable eft un grain de fable -, chaque perdrix
eft une perdrix , chaque étoile eft une étoile ,
chaque cheval eft un cheval, &c : voilà l ’iifage
de la fociété. nationale , parce que fon intérêt ne
va pas plus loin. Mais chaque fociété particulière
comprife dans la nationale a fes intérêts plus marqués
& plus détaillés ; la connoiffance des individus
d une certaine efpèce y eft plus néceffaire ;
ils ont leurs Noms propres dans le langage de
cette fociété particulière : montez à i ’obferva-
toire ; chaque étoile n’y eft plus une étoile tout
fimplement, c eft l ’etoile /S du Capricorne, c’eft
le y du Centaure, c ’eft le £ de la grande O u r fe ,
: entrez dans un manège ; chaque cheval y a
fon Nom propre , le gueux, Brillant , le Lutin , le Fou
&c : chaque particulier établit de même dans
fon écurie une nomenclature propre ; mais i l ne
[ s en fort que dans fon dômeftique, parce que l ’intérêt
& le moyen de connoître individuellement
n’exiftent plus hors de cette fphère. S i l ’on ne
vouLoit donc- admettre dans les langues que des Noms propres , i l foudroit admettre autant de
langues différentes que de fociétés particulières;
chaque langue feroit bien pauvre , parce que la
fomme des connoiffances individuelles de chaque
petite fociété n’eft qu’un infiniment petit de la
fomme des connoiffances individuelles poflibies :
& une langue n’auroit avec une autre aucun moyen
de communication, parce que les individus connus
ci une part ne feroient pas connus de l ’antre.
3°. Quoique nos véritables connoiffances foient
effenciellement fondées fur des idées particulières
& individuelles , elles fuppofent pourtant effenciellement
des' Vues générales./Qu’eft-ce que généra-
lifor une idée ? C ’eft la féparer par la penfée de
toutes les autres avec lefquelles elle fe trouve
affociée dans tel ou tel individu , pour la confi-
dérer à part & l ’approfondir mieux ( voye% A b s traction
) ; & ce font des idées ainfi abftraites
que nous marquons parles mots appellatifs ( Voye-^
A ppellatif). .Ces idées abftraites , étant 1 ouvrage
de l ’entendement humain, font aifément faifies par
tous les efprits ; . & en les raprochant les unes
des autres, nous parvenons, par la voie de la
fynthèfé , à compofer en quelque forte les idées
moins générales ou même individuelles qui font
l ’objet de nos connoiffances, & à les tranfinettse
autres au moyen des fignes généraux & appellatifs
combinés entre eux comme les idées fimples
dont ils font les fignes. ( V o y e \ G énérique. ')
A in f i, i ’abftraétion analyfe en quelque manière
nos idées individuelles , en les réduifant à des idées
élémentaires, que l ’on peut appeler f im p l e s par
raport à nous ; le nombre n’en eft p a s , à beaucoup
près , fi prodigieux que celui des diverfes eombi-
naîîbns, qui en réfultent & qui earaûérifent les
individus; & par là elles peuvent devenir l ’objet
d’une nomenclature quifoit à la portée de tous lés
hommes. S ’agit - i l enfui te de communiquer fes
penfées ? le langage a recours à la fynthèfé , &
combine les lignes des idées élémentaires comme
les idées mêmes doivent être combinées ; le difeours
devient ainfi l ’image exaéte des idées complexes &
individuelles, & l ’Étendue vague des N o m s appellatifs
fe détermine plus ou moins, même julqu’à
l ’individualité , félon les moyens de détermination
que l ’on juge à propos ou que l ’on a befoin d’employer.
O r i l y a deux moyens généraux de déterminer
ainfi i ’Étendue de la lignification des Noms appel-
pellatifs.
L e premier de ces moyens porte fur ce qui a
été dit* plus haut, que la Compréhenfîon & l ’Étendue
font en raifon inverfe l ’une de i ’autrê, & que l ’Étendue
. individuelle, la plus reftreinte de toutes ,
fuppofe la Compréhenfîon la plus grande & la
plus complexe. I l confifte donc à joindre avec l ’idée
générale du N o m a p p e lla tif , une ou plufieurs
autres idées, qui , devenant avec celle-là parties
élémentaires d’une nouvelle idée plus complexe ,
préfonteront à l’ efprit un concept d’une Co mpréhenfion
plus grande, & conféquemment d’une Étendue plus
petite.
Cette addition peut fe foire i ° . par un adjeétif
phyfique , comme , u n h om m e f a v d n t , d e s h om m
e s p i e u x , où l ’on voit un fens plus reftreint
que fi l ’on difoit fimplement u n h om m e , d e s ; hommes
: 2°. par une propofition incidente qui énonce
un attribut fociablê avec la nature commune énoncée
par le N o m ap pella tif ; par exemple , u n h om m e
q u e Va m b i t io n d é v o r e , ou d é v o r é p a r V a m b i t io n ,*
d e s h om m e s q u e l a p a t r i e d o i t c h é r ir .
L e fécond moyen ne regarde aucunement la Compréhenfîon
de l ’ idée générale; i l confifte feulement
a reftreindre l ’Étendue de la lignification du N o m
ap p e lla tif, par l ’indication' de quelque point de
vite qui ne peut convenir qu’à une partie des
individus.
Cette .indication peut fe foire, i ° . p a rm i article
partitif , qui défigneroit une partie indéterminée
des individus ; quelques hommes ,
certains hommes , plufieurs hommes : z°. par
un article numérique qui défigneroit une .quotité
précife d’ individus ; un homme , deux hommes ,
mille hommes : 30. par un article poffeffif, qui
saraêlériftioit les individus par un raport de dépenenfidsa
nce ; meus en f i s , tuus en f i s , evandrius : 4 0. par un article dcmonftratif, qui fixeroit
les individus par un raport d’indication précife ; ce livre, cette femme , ces hommes : $°. par un
adjeélif o rdin al, qui fpécifieroit les individus par
un raport d’ordre ; le fécond tome * chaque troi- fième année : ‘6°. par l ’addition d’un autre Nom
ou d’un pronom, qui feroit le terme de quelque
rap o r t , & qui feroit annoncé comme tel par les
fignes autorifés dans la Syntaxe de chaque langue ; la loi de Mo'ife en françois, lex Mo'îjis en latin ,
nU Q min (thoreth Mejfe ) en hébreu, comme fi l ’on
difoit en latin le gis Mo'ifes (chaque langue a les
idiotifmes) : 70. par une propofition incidente, qui ,
fous une forme plus dèvelopée , rendroil quelqu’un
de ces points de vue ; Vhomme ou les hommes dduo nrto ji e, lev ovuoslu maie p qauril 'ém, la’épppéaer qtiueen tvous ave\ reçue , &c.
On peut même , pour déterminer entièrement
un Nom a p p e ila t if , réunir plufieurs des moyens
que l ’on vient d’indiquer. Que l ’on dife , par exempGlrea,
m jm’aaiir el uc omdpeoufxé s epxacre lldeun tMs aorufavisr a g e s de y le Nom
ap peilatif ouvrages eft déterminé par i ’ad jeftif
nleunmtsérique deux , par l ’adjeéiif phyfique excel
, par la relation objective que defigneni ces
deux mots', de Grammaire , & par la relation
pcaaurf adtiuv e Minadriqfauiése par çés autres mots, compofés . C ?eft qu’i l eft poffible qu’une
première idée déterminante, en reftreignant la
lignification du Nom ap p e lla tif , la laiffe encore
dans un état de généralité, quoique l ’Étendue n’en
foit plus fi grande. A in fi, excellents ouvrages,
cette éxprefiîon préfente une idée moins générale
ms ouvrage , puifque les médiocres & les mauvais
font exclus.; mais cette idée eft encore dans un
écteallte dnets goéunvérraaglietés dfuef cGeprtaibmlem adier er,eftriétion : ex
voilà une idée
plus reftreinte, puifque l ’exclufion eft donnée aux
ouvrages de T h é o lo g ie , de Jurilprucfence , *de
oMuovrraalge e,s ded eM aGthraémmamtiaqiurees, , c&etct e,* deux excellents idée totale eft
encore plus déterminée , mais elle eft encore générale
, malgré la préçifîon numérique , qui ne
fixe que la quantité des individus fans en fixer le
ccohmoipxo; fédse upxa rex cedlule ntMs aorufvarias ges de Grammaire , voici une plus
grande détermination qui exclut ceux de Lance lot,
de Sanôtius, de Scioppius , de Voftius, de l ’abbé
Girard, de l ’abbé d’O l iv e t , &c. L a détermination
pourroit devenir plus grande & même individuelle
, en ajoutant quelque autre idée à la Compré-
henfion, ou en reftreignant l ’idée à quelque autre
point de vue.
C ’eft par de pareilles déterminations que les Noms
a p p e lla tifs , devenant moins généraux par degrés ,
fe fubdivifent en génériques & en ipécifiques , &
font envifagés quelquefois fous l ’un de ces alpeéls
& quelquefois fous l ’autre , félon que l ’on fait
a tten tion à l.a to ta lit é des individus auxquels ils