
■ A in f i, la Finejfe convient plus à TÉpigramme >
la Délicateffe , au Madrigal. I l entre de la D é li cat
ejfe dans les jaloufies des .amants ; i l n’y entre
point de FineJJe. Le s louanges que donnoit .Défi
préaux à Louis X I V , ne font pas .toujours également
délicates ; fes fatyres ne font pas toujours affez
fines;. ;
U n chancelier offrant un jour fa protection au
Parlement, le premier président fe tournant vers fa
comp agnie : JSJeJJîéurs, d i t - il, remercions M on-
jie u r le chancelier; i l nous donne p lu s que nous
ne lui demandons. C ’eft là une repartie très-
fin e .
Quand Iphigénie, dans Racine , a reçu Tordre de
fon père de ne plus revoir A ch ille , elle s’écrie :
Dieux plus; doux t vous n’aviez demandé que ma vie!
L e véritable caractère dé ce vers eft plus tôt la D e '11-
catejfe que la Fin e Jfe. ( V O LT AIRE. )
(N . ) F IN IR , C E S S E R , D IS C O N T IN U E R .
•Synonymes.
O n f in it en achevant Tentreprife;‘ on ce Jfe en
l ’abandonnant; on difcontinue en l ’interrompant.
Pour f in ir Ion difcours à p ropos, i l faut le faire
un moment avant que d’ennuyer. On doit cejfer ïes
pourfuites, dès qu’on s’aperçoit qu’elles font inutiles,
ï l ne faut difcontinuer le travail, que pour fe délaffer
& pour le reprendre enfuite avec plus de goût & plus
d’ardeur.
L ’homme eft né pour la peine; i l n’a pas f in i
nne affaire-, qu’i l lui en furvient une autre : i l a
beau chercher le repos .& la tranquilité, la Providence
ne lui permet pas en cette vie de cejfer de
travailler ;& fi l ’ennui ou l ’épuifement lu i font quelquefois
difcontinuer fon labeur , ce n’eft pas pour
lo n g temps ; i l eft bientôt contraint de retourner à fa
Cache & de reprendre la charue.
L a maxime qui dit qu’i l ne faut rien commencer
qu on ne puiffe f in i r , eft bonne : ce lle qui défend
de cejfer un ouvrage pour en commencer un autre
fans néceffité, me paroît encore meilleure. I l eft
fouvent à propos de difcontinuer le travail de l ’ efi-
prit : mais ce n’eft pas dans le temps que l ’imagL
-nation, pleine de feu , fe trouve en état de mieux
manier fon fujet ; c’eft feulement au premier inftant
qu’on s’aperçoit qu’e lle fè ralentit, parce qu’i l ne faut
n i l ’arrêter quand e lle eft en train, ni la forcer lorfi-
qu’elle s’arrête.
L e s perfonnes qui ne fin ijfen t point leurs narrations
& ne ceffent de parler fans difcontinuer, font
auffi peu propres à la converfàtion que celles qui ne
difent mot. ( U abbé G i r a r d . )
(N.) F L A T T E R I E , f. f. Littérature. Je ne vois
pas un monument de Flatterie dans la haute Antiquité,
nulle Flatterie dans Héfiode ni dans Homère :
leurs chants ne font point adreffes à un grec élevé
en quelque d ignité, ou à madame fa femme, comme
chaque chant des Saifons de Thompfon eft dédié â
quelque r i c h e & comme tant d’épitres envers
oubliées, font dédiées en Angleterre à des hommes
ou à des dames de confidératioh , avec un petit
éloge & les armoiries du patron ou de la patrone à la
tête de l’ouvrage.
II n’y a point de Flatterie dans Démofthène.
Cette façon de demander harmonieufement l ’aumône
commence, fi je ne me trompe, à Pindare: on ne
peut tendre la main plus emphatiquement.
Chez les romains, i l me femble que la grande
Flatterie date depuis Augufte. Jules-Céfar eut à
peine le temps d’être fla tté . I l ne nous refte aucune
épirre dédicatoire à S y lla , à Marius, à Carbon , ni
à leurs, femmes ni à leurs maitreffes. Je crois bien
que l ’on prêtent a de mauvais vers à Lucullus 8c ,à
Pompée.; mais, Dieu merc i, nous n e .le s avons
pas.
C ’eft un ; grand fpeda cle de voir Cicéron, Téga l
de Céfàr en dignité, parler devant lu i en avocat
pour un roi de la Bithinie & de la petite Arménie
, nommé D é jo ta r , accule de lui avoir dreffé
des embûches & même d’avoir voulu TafTaffiner.
Cicéron commence par avouer qu’i l eft interdit en
fa préfence ; i l l ’ap pelle l e vainqueur du monde ,
viûorem orbis terrarum. I l le fla tte ,• mais cette
adulation ne va pas encore jufqu’à la baffeffe, i l lui
refte quelque pudeur.
C ’eft avec Augufte qu’i l n’y a plus de mefure ;
le Sénat lu i décerne l ’apothéofe de fon vivant. C ette
Flatterie devient le tribut ordinaire payé aux empereurs
fuivants; ce n’eft plus qu’un ftyle ordinaire.
Perfonne ne peut plus être flatté^ quand ce que l ’adulation
a de plus outré eft devenu ce qu’i l y a de
plus commun.
Nous n’avons pas eu en Europe de grands monuments
de Flatterie jufqü’à Louis X IV : fon père ,
Louis X I I I , fut très-peu fêté ; i l n’eft queftion de
lui que dans une ou deux Odes de Malherbe. I l
l ’appelle à la vé r ité , félon la coutume, R o i le p lu s
grand des rois , comme les poètes efpagnols le
difent au roi d’Efpagne , & les poètes anglois lau r
éa ts au roi d’Angleterre ; mais la meilleure part
des louanges eft toujours pour le cardinal de Riche-,
lieu , .
Dont l’ame toute grande eft une arae hardie,
Qui pratique fi bien l’art de nous recourir,
Que, pourvu qu’il foie cru , nous n’avons maladie
Qu’il ne fâche guérir (i).
Pour Louis X IV , ce fut un déluge de Flatteries t
i l ne reffembloit pas à celui qu’on prétend avoir été
étouffé fous les feuilles de rofes qu’on lui jetoit ;. i l
ne s’en porta que mieux. .
( i ) Ode de Malherbe. Mais pourquoi Richelieu ne gué»
riftoit - il pas Malherbe d e là maladie de faire des vers fi
platsî . î
L a Flatterie , quand e lle a quelques prétextes
plaufibies, peut n être pas auffi pernicieufè qu’on
le dit ; -elle encourage quelquefois aux grandes
chofes : mais l ’excès eft vicieux comme celui de la
Satyre.
L a Fontaine a dit & prétend avoir dit après
Élope :
On ne peut trop louer trois fortes de perfonnes,
Les dieux , fa maitrefife, fie fon roi.
Çfope le difoit 5 j’ y fouferis quant à m o i,.
Ce font maximes toujours bonnes.
Éfope n’a rien dit de c e la , & on ne voit point
qu’i l ait f la t t é aucun roi ni aucune femme. 11 ne
faut pas croire que les rois foient bien fla tté s de
toutes les Flatteries dont on les accable ; la plupart
ne viennent pas- jufqu’à eux.
Une fbtife fort ordinaire eft ce lle des' orateurs
qui fe fatiguent à louer un prince qui n’en faura
jamais rien. L e comble de l ’opprobre eft qu’Ovide
ait loué Augufte en datant de Pont. ( V o l t AIRE .)
■ ( N . J F L A T T E U R , A D U L A T E U R .
Synonymes.
L ’un & l ’autre cherchent a plaire aux dépens de
la vérité : mais on f la tt e la perfonne du côté du
coeur ; on Y adule du côté de Tefprit.
L e Fla tteu r ne défàpprouve rien; i l juftifie ce
qui eft blâmable, & tâche même d’ériger le vice
en vertu. JJ A d ulateur loue tout; i l fait l ’apologie
•du. mauvais, & ôfe prodiguer les applaudiffements au
ridicule.
L a Flatterie eft propre à nourrir les pallions ;
X A d u la t io n fatisfait la vanité : l ’une eft le talent du
courtifan vulgaire ; l ’autre fait le cara&ère du bel
cfprit à gages.
C e n’eft pas être Fla tteu r que de manier la vérité
avec ménagement, & d’une façon à ne pas déplaire à
ceux qu’ elle choquerait, fi on laleurpréfemoit trop
crûment. Jamais 1 A d u la teu r n’ eut l ’art de lo u e r , fon
fait eft uniquement de débiter des louanges. ( L ’ a tbé
G ir a r d . )
No-nobftant l ’eftime fingulière que Ton me
connoît pour les talents de l ’auteur, je crains fort
qu’i l n’ait pris ic i le contrepied de la vérité, &
•qu’i l n’ait tranfporté à la Flatterie les propriétés
de TA d u la tio n , & à Y A d ulation les caractères de
•la Flatterie : voici mes raifons. Tous les Dictionnaires
difent nettement que Y A d u la tion eft une
Flatterie lâche & baffe : le terme d’A d u la tion eft
donc né depuis celui de F la tte r ie , puifqu’ i l ajoute,
à l ’idée préexiftante de la Flatterie , ce lle de la
lâcheté & de la baffeffe ; & de fa it , Andri de Bois-
regard, dans, fes R é fle x ion s fu r V u fig ep r é fen t
de la langue fran çoife ( tom. 1. pag. 3.1).-, parle
■ S Ad ulateur 8c S A d u la tion comme de mots, nouveaux
, un peu hardis, & meilleurs en Poéfîe qu’en
Proie, D ’autre parc n’ y a - t - il pas plus de baffeffe
& de lâcheté à approuver ou à louer les vices du
coeur que les mâuvaifes productions de Tefprit ?
dès lors ne faudroit - i l pas dire , qu’on fla tte la
perfonne du côté de Tefprit, & qu’on Y adule du
côté du coeur? Tout le refte de l ’article feroit donc
à corriger ' d’après cett-e obfervation, que je crois
d’autant mieux fondée , que Fléchier a dit, dans
T O rai fon.funèbr e du grand Coudé : « L e foible
» dés Grands eft d’aimer à être trompés, & d’écou-
» ter avec plaifir Y A d u la tion & le menfonge donc
» on nourrit fans ceffe leur amour propre ». O r
l ’amour propre eft dans le coeur , & par conséquent
Y A d u la tion s’adreffe au coeur. Sur cela je m’en rapporte
volontiers aux gens de Lettres & aux perfonnes
de goût. ( M . B e a u z é e . )
F L E U R I , E , adj. Littérature. Qui eft en fleu r .
Arbre fleu r i ,. rofier fleu r i. O n ne dit point
des fleurs qu elles fleu r ijfen t, on le dit des plantes
& des arbres. Teint f le u r i , dont la carnation femble
un mélange de blanc & de couleur de rofe. O n
a dit quelquefois’, C ’eft un efprit f le u r i , pour figni-
fier un homme quipofsède une littérature légère , 5c
dont l ’imagination eft riante.
U n difcours fleuri eft rempli de penfées plus
agréables que fortes, d’images plus brillantes que
fublimes, de termes plus recherchés qu’énergiques:
cette Métaphore fi ordinaire eft juftement prife des
fleurs qui ont de l ’éclat fans folidité. L e f i y le fleu r i
ne meffied pas dans ces harangues publiques , qui
ne font que des compliments. Les beautés légères
font à leur p la c e , quand on n’a rien de folide à
dire ; mais le f ty le fleu r i doit être banni d’un plaidoy
er, d’un iermon , de tout livre inftru&if. En
banniffant le f ty le f le u r i , on ne doit pas rejeter le s
images douces & riantes qui entreroient naturelie-
. ment dans le fujet. Quelques fleu r s ne font pas
condannables ; mais le f ty le fleu r i doit être proferiç
dans un fujet folide. Ce ftyle convient aux pièces
de pur agrément, aux Idylles , aux É g lo gue s, aux
Defcriptions des faifons , des jardins; i l remplit avec
grâce une ftânce de l ’Ode la plus fublime, pourvu
qu’i l foit relevé -par des fiances d’une beauté plus
mâle. I l convient peu à la Comédie , q u i , étant
l ’image de la vie commune, doit être généralement
dans le ftyle de la converfàtion ordinaire. I l
eft encore moins admis dans la T ra g éd ie , qui eft
l ’empire des grandes paffions & des grands intérêts 5
& fi quelquefois i l eft reçu dans le genre tragique
& dans le comique, ce n’ eft que dans quelques D e f criptions
ou le coeur n’a point de part, 8c qui amu-
fent l ’imagination avant que l ’ame foit touchée ou -
occupée. L e fty le fleuri nuiroit à l ’intérêt dans la
Tragédie , 8c affoibliroit le ridicule dans la C o médie.
I l eft très à fa place dans un Opéra françois ,
où d’ordinaire on effleure plus les paffions qu’on ne
les traiteï
L e fty le fleu r i ne doit pas être confondit avec le
ftyle doux.