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Je ne peux difconvenir de la vérité de cette
plainte j mais je foutiens aufli qn’ i l n’eft pas poffrble
d’ y remédier.
En premier lieu , Fintroduétion de l ’accent perpendiculaire
feroit un attehtat contre l ’autorité légitime
de l ’Uiàge , qui feul a droit de nous pré-
ienter les caraélères neceflaires à l ’Orthographe 5 &
cette tentative ne réuffiroit pas mieux que ce lle
de l ’empereur Claude en faveur du digamma.
I l eft pourtant vrai que nous fômmes enfin par^-
venus à repréfenter par j le ch foible , 8c
ar v 1 J' adoucie que Claude vouloit peindre par
e digamma. Mais ces deux caractères étoient déjà
autorifés par l ’ufage j on fe fervoit indiftinélement
de i ou de j , foit pour peindre la v o y e lle foit
pour repréfenter la confonne foible de ch ; on fe-
foit de même emploi de u ou de v , foit pour la
v o y e lle foit pour la conlonne foible d e / ; i l n’étoit
donc .queftion de part & d’autre f que de fixer
fcxclufivement l’ un des deux caractères à l ’uné des
deux lignifications, & le fécond à l ’autre : combien
de temps néanmoins 11’a - 1 - i l pas fa llu pour faire
adopter, cette diftinétionfi u t ile , fi néceflaire, & fi
ailée à admettre ?
En fécond l ie u , l ’accent perpendiculaire ne feroit
pas encore cefler les plaintes. I l eft impoflible de
peindre aux ieux toutes les modifications accef-
ioires de la parole , de manière que fur la feule
inlpeftion des lignes l’organe fe prête à une prononciation
fidèle : i l n’y a que Forgane de l ’ouïe
qui puilTe diriger exactement celui de la parole.
L e s nuances des accents à l ’égard de la lettre e
font d’ailleurs fi délicates , Sc le même accent a
une latitude encore fi étendue de variations inappréciables,
quoique fénûbles, que vainement eflaîroit-
on de les peindre exactement ou feulement dé les
, diftinguer par des lignes.
Bornons-nous donc à marquer de l ’accent circonflexe
les ê très-ouverts & très-longs, & de l ’accent
aigu les é fermés ; ce font les deux extrémités
de la latitude dés variations de nos e ; & tous
ceux qui ne font pas à l ’une dé ces extrémités doivent
prendre l ’accent grave, à quelque diftance qu’ils
l'oient, au jugement de l’oreille , de Fun ou de
l ’autre des extrêmes : c’ eft toute la précifion que
nous pouvons obtenir dans l’état préfent des lignes
autorifés par l ’ulage. Mais marquons exaétement
de l ’un, ces trois accents tout e qui n’eft pas muet
ou fehéva : c’eft déjà trop des équivoques inévitables j
& i l feroit abfurde d’introduire ou de maintenir celles
que l ’on peut éviter.
5>°. Le s deux lettres réunies g n fe prononcent
de deux façons , qu’i l eft important de cara&érifer :
quelquefois on les articule l ’une après l ’autre, en
donnant au g le Ion guttural, comme dans a g n a t ,
f ia g n a t io n ; quelquefois aufli g n n’eft que le
fymbole de n mouillée , comme dans a g n ea u , in d
ig n a t io n .
Lorfque g n repréfente n mouillée , i l n’y a qu’à
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Continuer d’écrire comme à Fordinaire, agneau ,
dignité' , répugnance , cognée , ognon , rognure :
c’eft le cas le plus fréquent, & celui e n .c o n s é q u e n c e
où i l faut épargner le changement.
Lorfque les deux çonfonnes g 8c n doivent être
articulées , c’eft ou au commencement ou au milieu
du mot. Dans le premier cas , nul changement
dans l ’Orthographe , parce que jamais n mouillée
ne commence un mot & que les deux çonfonnes y
font néceflaire ment articulées : ainfi, écrivons comme
à Fordinaire gnome, gnomide, gnomique , gnomon
, ' gnomonique , gnojfique. Dans le fécond
cas, i l faut-un caractère diftinélif, parce que gn
au milieu du mot pourroit pafler pour le figne
de n mouillée : /or nous avons déjà .vu ( n°. 7 0. )
que l ’accent grave fur une voyelle fait prononcer
la confonne fuivante ; fefonsren ici le même ufage
pour la même 'raifon , & écrivons agnat , agnation
, agn atiq ue, ig n é , ignicole i ignitio'n, cognât
, cognation , jià g n a t io n , des eaux g a g nantes.
I l y a quelques mots français terminés en egne ,
ou la prononciation femble exiger que Ve pénultième
foit marqué de l ’accent grave , quoique g n
repréfente n mouillée ; & l ’on écrit en effet douègne,
interrègne , qu’ils régnent , imprègne. Pour éviter
l ’équivoque , i l n’y a qu’à écrire avec l ’accent
c i r c o n f le x e douégne , interrègne , qu’ils régnent ,
imprègne : fi Fon ne marque pas le jufte degré
du ton de Ve , on en marquera du moins l ’elpece
fans s’éloigner peut-être beaucoup du point précis;
-& d’ailieurs i l y a tant d’autre.s ,'occàfions où ilr
eft impoflible "d’apprécier les tons au jufte , que
cette petite difficulté apparente doit être comptée
pour rien , dès qu’elle eh fait difparôître une autre
bien plus conudérable.
io ° . L ’ Orthographe ordinaire fe trouve encore
en défaut à l ’occafion des deux çonfonnes g 8c q ,
affez fouvent fuivies d’un u tantôt muet & tantôt
prononcé. On écrit de là même manière guide ,
a n g u ille , g u ife , déguifer, narguer , où Vu eft
muet ; le Guide (peintre) , a ig u ille , Guife ( ville),,
a ig ü ife r , linguale , où Vu fe prononce & fait
diphthôngue avec la vo y e lle fuivante ; ambiguité 9
con tig u ïté , arg uer, où Vu fe prononce féparément
de la vo y e lle fuivante : cependant on écrit
aig u é , c ig u ë , contiguë , pour empêcher de prononcer
les.finales de ces mots comme celles des
mots aigue-manne, f ig u e , fa tig u e . On écrit pareillement
fans diftinétion équarir , liquéfier, q u e ftion
, quintal y o ù l ’w eft a b s o lum e n t muet ; & équateur,
liquéfaction, équeftre, quinquagéfime ,.où l ’u
fe prononce.
Lorfque Vu eft abfolument m u et, foit après le g
foit après le on peut fans inconvénient fuivre
l ’Orthographe ordinaire : nous léguâmes, narguer7
un g u id e , vivre à fa guife , déguifer , anguille ,
aigue-marine, fig u e y fa t ig u e i équarir, liquéfier,
queftion, q uinta l, béqu ille, brique,
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Lorfque Fw fe prononce en fefant diphthôngue
avec la vo y e lle fuivante, après le g ou après le q :
comme i l faut indiquer d’une part que Vu fe prononce
, & de l ’autre qu’i l fait diphthôngue ; i l me
femble que Faccent grave fur Vù eft très - propre
à en indiquer la prononciation, & que le defaut
de tout autre figne laifle aux deux voyelles, la
liberté de faire diphthôngue : ainfi , on f e r a bien
d’écrire lin g ù a le , le Guide ( peintre) > le duc de
Guife, a ig à ife r , aigid lle , a i g îte , conti gîte, équateur,
liq uéfa ction , éqüeftre , qiiinqüagèfinie.-
Si Vu doit fe prononcer fé p a r ém e n t de la voyelle
fuivante, il n’y a pas d’autre figne convenable que
la diérèfe, 8c i l faut écrire argiiér , ambigüité,
« o n t ig ü i t é .
n 0. Pour prévenir l ’équivoque & fixer la vraie
prononciation des mots, pourquoi ne prendrions-
nous pas fagement le parti , en continuant d écrire
de f o u s , dejfus , reffentir, rejfortir , fans ^accent
fur Ve de la première fyllabe parce qu’i l eft
muet , d’écrire aufli déjfein , p réjfentir, p ré jfe r,
avec Faccent aigu parce que IV eft fermé^, de-
trèjfe, méfie, promèjfe , prophétèjfe , avec Faccent
grave fur IV qui précède f i parce qu’i l eft un
peu ouvert, & abéjfe , ils p r e fien t, avec le circonflexe
parce que Vê eft fort ouvert ? O n s’eft
imaginé, 8c c’eft une vraie erreur, qu’i l ne fa llo it
jamais d’accent fur un e fuivi de deux çonfonnes ;
mais qua.nd cela feroit fondé, pourquoi ne pas
regarder f f comme un caractère fimple que l ’ufage a
deftiné à repréfenter le fîffiement fort entre deux
voyelles?
C e principe admis, on n’auroit pas adopte une
-anomalie revoltante en écrivant d e f u e t u d e , p r e -
f é a n c e , p r é f u p o f e r ,p r é f u p o f i t io n , h e n d é c a jy l la b e ,
m o n o f y l la b e , avec une feule f ,' & 1 on auroit écrit
avec deux j f d é f iu é tu d e , p r é f ié a n c e , p r é j f u p o f e r , pré f i ip o f i t io n , h e n d é c a j j i l la b e , m o n o f i l la b e , comme
on écrit les móts analogues d é f i o u i e r , p r é j f e n t i r ,
&C. . . . : , ^ -- ...
. n 0. Les deux voyelles confécutives a i fe prononcent
quelquefois féparément , d autres fois en
une feule diphthôngue où Fon enterjd les Ion s
naturels des deux lettres , 8c plus fouvent comme
un e tiahcôtffermé &tantôt ouvert, quelquefois meme
muet. ' f
Dans le. premier c a s , la diérèfe fur lu n e des
deux marque fuffifamment cette prononciation fuc-
çeflu'e ; l a ï c , L a i s , Z a ï r e , A b i g d i l Je dis la
d ié r è f e f u r l 3u n e d e s d e u x : car dans L a i s , A b i -
g à l l , les çonfonnes finales devant fe prononcer ,
Faccent grave doit être fur IV , ce qui force a placer
la diérèfe fur l ’5 ; au lieu qu’elle peut^refter fur 1 i
dans l a ï c , Z a ï r e , parce que rien n’oblige a la
déplacer.
Quand les deux voyelles font diphthôngue , elles
font fuivies d’un e muet qui fe fait entendre dans
la même émiflïon, ce qui fait une triphthongue :
U me femble qu’alor-s i l faut mettre l ’accent grave
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ftir Va, pour indiquer qu’i l doit fe prononcer j mais
i l faut bien fe garder de la diérèfe , parce que l a
Ce prononce alors en une même fyllab e avec te-»
Écrivons donc aie ( inter jeélion ) , B là ie ( v i l l e ) ,
B ifc aie.
Si les voyelles ai étoient fuivies d’une autre
v o y e lle que IV muet, F i feroit alors la v o y e lle
prépofitive d’une diphthôngue où n cnlreroit point
a ; dans ce cas i l faut mettre la diérèfe fur a ,
pour le'détacher de la diphthôngue fuivante : à ie à l,
p c iién , Baione ( v ille ) , baionète , & même bif-
ed ié n , quoiqu’on écrive Bifcà ie . Dans tous les
exemples de ce fécond cas', Y y eft abfurde.
Quand a i n’eft qu’une faufle diphthôngue repré-
fentative d’un é fermé, cet ai eft f in a l, ou i l eft
fuivi d’une fyllabe qui n’a pas une muet; comme
g a i , quai, f a i , f a im a i, a im o n s , m aitrife,
Laideur, portraiture s’ i l eft repréfentatif d un &
plus ou.moins ouvert, i l tft final mais fuivi dune
confonne , ou bien la v o y elle fuivante a un e
muet ; comme la id ( difforme ) l a i t , jam a is , d ais,
portrait ; les traits , une h a ie , laie ( femelle^ du
fanglier ) , j'a im e , ils aim en t, f aimer ois, maître
vaine, vainement : dans tous ces ca s, on peut continuer
d’écrire comme à l ’ordinaire.
On prononce ai- comme e muet dans fa i fa n t ,
nous f a i f o n s , j e fa i fo i s , vous fa ijie \ , bienfaï-
f a n t , bienfaifance , co n tr e fa ifan t, & autres dérivés
pareils du verbe fa ir e . Mais puifqu i l eft déjà
reçu d’écrire par un e fimple j e f e r a i , j e fe ro ïs ,
& c , fans égard pour Vai de fa ir e ; pourquoi
n’éçriroit-on pas de même f e f a n t , nous fe fo n s 3
j è f e f o i s , vous f e j i e \ , bïén fe fan t, biénfefance,
contrefefant ? M. Rollin & d’autres bons écrivains
nous en ont donné l ’exemple, & la raifon prononce
qu’ i l eft bon à fuivre.
130. Le s deux voyelles réunies oi méritent une
attention particulière. Quelquefois elles fe prononcent;
féparément , comme dans M oïfe , coït z
l ’ufao-e de, la diérèfe en avertit affez ; mais parce
que le t final de coït fe prononce , je c ro is , conformément
aux principes qui précèdent, q u i l faut
écrire côit
I l faut pareillement mettre la diérèfe fur la
première v o y elle b , fi Vi fuivant eft la v o y e lle
prépofitive d’une dipthongue : ainfi , il,faut écrire
' coion , hdiau. Si io n mettoit la diérèfe.fur F z ,
co ïo n , hoïau , elle détacheroit également l ’ ï de
la vo y e lle précédente & de la fuivante, 8c indi-
queroit qu’on peut prononcer co-i-on , ho-i - au „
en trois lyllab e s ; ce qui-eft faux: fi au lieu d i
on jécrivoit coyon , hoyau avec y , ce feroit induirë
à prononcer' coi-ion , hoi-iau , comme on prononce
les mots Êéoyoji ( v ille ) , noyau ; ce qui eft ega lement
faux.
Mais oi eft dans notre Orthographe un figne
équivoque, tantôt d’ un e fimple. plus^ ou moins
ouvert , tantôt d’une diphthôngue qui répond à peu
p*ès à 'o u a , oa ; & quelquefois on rencontre c e