
Voraifon, félon Arijlote , ne doivent point être
naturelles, mais d’injlitution arbitraire. Eh ,
qu'importe qu’Ariftoce l'ait ainfi penfé, fi la rai ton
en juge autrement ? Le témoignage de ce philo--
fbphe peut êt-ue d’un grand poids dans les chofes
de fait, parce qu’il étoit bon obforvateur, comme
i l paroît même en ce qu’il a bien vu que les Interjections écoient des fignes naturels & non
d’infticution 3 mais dans les matières de pur rai-
Jfonnement, c’eft à la raifon feule à prononcer définitivement
»
I l y a donc en effet des parties d’oraifon de deux
efpèces : les premières font les fignes naturels des
fentiments ; les autres font les fignes arbitraires
des idées : celles-là conftituenc le langage du coeur,
elles font affectives 3 celles - ci appartiennent au
langage de l ’efprit, elles font difeurfives. Je mets
au premier rang les expreflions du fentiment, parce
u’eiles font de première nécefiîté , les befoins
u coeur étant antérieurs & fupérieurs à ceux de
l ’efprit : d’ailleurs elles font l ’ouvrage de la nature,
& les fignes des idées font de l’inftitution de l ’art ;
ce qui eft un fécond titre de prééminence , fondé fur
celle de la nature même à l ’égard de l ’art. V . Mo t .
M. l ’abbé Girard a cru devoir abandonner le
mot Interjection , par deux motifs : « l ’un de
» goût, dit-il, parce que ce mot me paroiffoit
» n’avoir pas l’air affez françois ; l ’autre fondé
» en raifon, parce que le fens en eft trop reftreint
» pour comprendre tous les mots qui appartien-
» nent a çette efpèce : voilà pourquoi j’ai préféré
» celui de Particule , qui eft également enufage».
( Vrais princip. tom. I , dife. i j , pag. 80 ). Il
explique ailleurs (tom. I I, dife. x iij, p. 3 13 .)
ce que c’eft que les Particules, a Ce font tous les
»mots, dit-il, par le moyen defquels on ajoute
» à la peinture de la peofée celle de la fituation ,
» foit de l’ame qui fent , foit de l ’efprit qui
» peint. Ces deux ncuations ont produit deux ordres
» de Particules : les unes de fenfibilité, à qui l’on
» donne le nom à’interjectives-; les autres de toun-
» nure de difcours , que par cette raifon je nom’mç
» difeurfives ».
O a peut remarquer fur cela i ° . que M. Girard
s'eft trompé, quand il n’a pas trouvé au mot Interjection
un air affez françois : un terme technique
n’a aucun befoin d’être ufité dans la converfacion
ordinaire pour être admis 3 il fiiffit qu’il foit ufité
parmi les gens de l’art, & celui-ci l ’eft autant en
Grammaire que les mots pre'pojition, conjonction
, & e , lefquels ne le font pas plus que le
premier dans le langage familier. z°. Que le mot interjeClive , adopte enfoite par cet académicien ,
devoit lui paroître du moins aufïi voifin du barba
rifme que le mot Interjection , & qu’il eft même
moins ordinaire que ce dernier dans les livres de
Grammaire. 3 °. Que le terme de Particule n eft
pas plus connu dans le langage du monde avec le
fens que les grammairiens y ont attaché , & beaucoup
moins ençojre avec celui que lui donne l’auteur
des V ra is principes. 40. Que ce terme eft emp
loyé abufivement par ce fubtil métaphyficien ,
puifqu’i l prétend réunir fous la dénomination de
P articu le & les expreflions du coeur, & des termes
qui n’appartiennent qu’au langage de l ’efprit ; ce
qui eft confondre abfolument les efpèces les plus
différentes & les moins rapprochées.
C e n’eft pas que je ne fois perfaadé qu’i l peut
être u t i le , & qu’ i l eft permis de donner un fens
fixe & précis à un terme technique , aufïi peu déterminé
que l ’eft parmi les grammairiens celui de
P a r ticu le : mais i l ne faut ni lui donner une place
déjà prife, ni lui affigner des fondions inalliables.
Voÿe% P a r t i c u l e .
Prétendre faire un corps fyftématique des diverfes
efpèces £ Interjections, & chercher entre elles des
différences fpécifiques bien carafterifees 3 c e f t ,
me femble , s’impofer une tâche où i l eft très-aife
de fe méprendre , & dont l ’exécution ne feroit pour
le grammairien d’aucune, utilité.
Je dis d’abord qu’ i l eft très-aifé de s’y méprendre,
parce que « comme un même mot , félon qu i l
» eft différémment prononcé , peut avoir différentes
» fio-nifications , aufïi une même In terjec tion, félon
» qu’elle eft proférée , fert à exprimer divers fen-
» timents de douleur, de joie, ou d admiration ». C eft
une remarque de l ’abbé Régnier. Gramm. f r .p . 5 3 !f •
j ’ajoute que le fuccès de cette divifion ne feroit
d’aucune utilité pour le grammairien : en voici les
raifons. Les Interjections font des expreflions de
fentiment diétées par la nature , & q u i tiennent à
la conftitution phyfiquè de l ’organe de la parole :
la même efpèce de fentiment doit donc toujours
opérer dans la même machine le même mouvement
organique, & produire conftamment le meme
mot fous* la même forme. D e là^ l ’indeclinabilite
effencielle des Interjections & 1 inutilité de vouloir
en préparer l ’ufage par aucun art , lorfqu on
eft sûr d’être bien dirigé par la nature. D ailleurs
l ’énonciation claire de la penfee eft le principal
objet de la p a ro le , & le fou lque puiffe & doive,
envifager la G r am m a i r e p a r c e qu elle ne doit-
être chargée de diriger que le langage de 1 efprit 3
le langage du coeur eft fans a r t , parce qu i l eft
naturel : or i l n’eft utile au grammairien de distinguer
les efpèces de mots , que pour en fpecifier
enfoite plus nettement les ufages 3 ainfi, n ayant
rien à remarquer for les ufages des Interjections,
la diftinétion de leurs différences fpécifiqtjes eft abfolument
inutile au but de la Grammaire. _ ■ •
Encore un mot avant de finir cet article*
Les deux mots latins en & ecce font deux Interje
c t io n s , difent les rudiments j elles gouvernent
le nominatif ou Paccufatif, ecce homp ou hominem
; & elles fignifient en françois voici ou v o ilà ,
qui font auflî des Interjections dans notre langue.
Ces deux mots latins feront, fi l ’on v e u t , de$
Interjections ,* mais on auroit dû en diftinguer
l ’ufage : E n indique les objets les plus éloignes,
Ec ce des objets plus prochains 3 en forte que Pilote ,
montrant
montrant aux juifs Jéfus flagellé , dut leur dire ,
Ec ce homo : mais un ju if qui auroit voulu fixer
fu r ' ce fpeélacle l ’attention de fon voifin, auroit
dû lui dire , E n homo, ou même E n hominem.
Cette diftinétion artificielle porte fur les vues di-
yeifes .de l ’efprit : E n & Ecce font donc du langage
de l ’efprit, & ne font pas des Interjections ; ce font
des adverbes, comme hic & illîc . \
C ’eft une autre erreur que c!e croire que ces
mots gouvernent le nominatif ou- l ’aeeufatif3 la
deftination de cés cas eft toute ' différente. Ec ce
homo, c’ eft à dire, ecce adeji homo y Ec ce hominem
, c’ eft à dire , ecce vide ou videte hominem.
L e nominatif doit être le fujet d’un verbe perfon-
nel , & l ’accufatif le complément ou d’un verbe ou
d’une prépoficion j quand les apparences font contraires
, i l y a elliple.
Enfin c’ eft une troifième erreur que de croire
que V o ic i & V o ilà foient en françois les corref-
pondants des mots latins E n & Ec ce , & que ce
foient des Interjections. Nous n’avons pas en françois
la valeur numérique de ces mots latins 3 ici
bc là font les mots qui en approchent le plus.
V o ic i & voilà font des mots eompofés qui renferment
ces mêmes adverbes, & le verbe v o i , dont
i l y a fouvent ellipfe en latin : voic i, voi ici ,*
v o ilà , voi là. C ’eft pour cela que ces mots fe
conftruifent comme les verbes avec leurs compléments
, voilà l ’ homme , voici des livres ; Vhomme
que v o ilà , les libres que voici ; nous v o ilà -, me
voici. A in fi, voici & voilà ne font d’aucune efpèce ,
puifqu’ils comprennent dés mots de plufieurs efpèces,
comme du , qui lignifie de le , d e s , qui veut dire
de les , & c. ( M . B e a u z é è . )
IN T E R L O C U T E U R , f. m. Grammaire. Nom
que l ’on donne aux différents perfonnages que l ’on
introduit dans un dialogue. I l faut attacher des
caràétères différents à fes Interlocuteurs, & les leur
conferver depuis . le commencement du dialogue
jufqu’ à la fin. Ces caractères feront plus v ra is ,
marqueront plus de goût , donneront lieu au poète
de montrer Ton génie , beaucoup plus s’ils font
différents que s’ils font contraftés. L e contrafte donne
à tout un ouvragé un tour épigrammatique, p e t it ,
faûtice , & déplaifant. ( A n OA FikfjE. )
IN T E R M È D E , f. - m. Littérature. C e qu’on
donne en fpeétacle entre les adtes d’une pièce de
théâtre , pour amufer le peuple tandis que les
aéteurs reprennent haleine ou changent d’habits, ou
pour donner le loifir de changer les décorations.
Voye\ C o m é d i e .
Dans l ’ancienne Tragédie , le choeur chantoit
dans les Intermèdes, pour marquer les intervalles
entre les aétes. Vqye^ C h oe u r , A c t e , &e.
Les Intermèdes confiftent pour l ’ ordinaire chez nous
en chanfons, danfes, ballets , choeurs de Mufique, &c.
Ariftote & Horace donnent pour règle de chanter,
pendant ces Intermèdes , des chanfons qui foient
Gramm. et Littêrat. Tome II% '
tirées du fujet principal 3 mais dés qu’on eut ôte
les choeurs, on introduifît les mimes , les dan fours,
& c , pour amufer les fpeélateurs. V o y e \ F a r c e s ,
DiCtionn. de Trévoux.
En France on y a fubftitué une fymphonie de
violons & d’autres inftruments. ( A n o n ym e . )
I n t e r m è d e , B e lle s -L e t tr e s , & Mufique. C ’ e f t
u n p o è m e b u r l e f q u e o u c o m i q u e e n u n o u p l u f i e u r s
adtes ,. c o m p o f é p a r l e p o è t e p o u r ê t r e m i s e n
m u f i q u e 3 u n Intermède, e n c e f e n s , c ’ e f t l a m ê m e
c h o f e q u ’ u n o p é r a b o u f f o n . Voye-{ O p é r a .
Nous avons peu de ces ouvrages 3 Ragonde ,
P laté e , & le Devin de v i l la g e , font prefque les
fouis que nous nommons. Les italiens en ont une
infimei- : ils y excellent. -C’eft là qu’ils montrent,
plus peut-être encore que dans les drames férieux,
combien ils font profonds çompofiteurs, grands
imitateurs de la nature , grands déciamateurs, grands
pantomimes. Les traits de génie y font répandus
à pleines mains. Ils y mettent quelquefois tant de
forc e , que l ’homme le plus ftupïde en eft frapé 3
d’autres fois tant de délicateffe, que leurs compo-
fitions ne femblent alors avoir été faites que pour
un très-petit nombre d’ames fenfibles & d’oreilles
privilégiées. Tout le monde a été enchanté, dans
la Servante maitreffe , de l ’air Serpina penfie-
rette : i l eft pathétique, voilà ce qui n’a échapé
à perfonne 3 mais qui eft - ce qui a fenti que ce
pathétique eft hypocrite ? I l a dû faire pleurer les
fpedlateurs d’un goût commun , & riroTes fpedfateurs
d’un goût plus délié. ( A nonyme.)
IN T E R P O L A T IO N , f. f. B e lle s - Le ttre s ,
Terme dont fe fervent les critiques , en parlant des
anciens manuferits auxquels on a fait dés change-»
ments ou additions pofterieures.
Pour établir une Interpolation, le P . Ruinart
donne ces cinq règles. I l faut premièrement que
la pièce que Io n veut donner pour ancienne, ait
l ’air de l ’antiquité qu’on prétend lu i attribuer 3
i ° . que l ’on ait de bonnes preuves que cette pièces
a été interpolée ou recouchée 3 30. que les Interpolations
conviennent au temps de 1Tnterpola-
teur; 40. que ces Interpolations ne touchent point
au fond de la p iè c e , & ne foient point fi fréquentes
qu’e lle en foit tout à fait défigurée 3
que les reftitutions que l ’on fait reviennent parfaitement
au refte de la pièce. ( DiCt. de Trévoux. )
IN T E R R O G A T I F , IV E , adj. Gramm. Une
phrafe eft interrogative , lorfqu’e lle indique , de
la part de celui qui p a rle , une queftion plus tô t
qu’une affertion : on met ordinairement à la fia
de cette phrafe un point formonté d’ une forte de
petite s retournée en cette manière ( ? ) 3 & ce point
fe nomme auflî point interrogatif. Par exemple ,
Fortune, dont !a main couronne
Les forfaits les plus inouïs ,
Du faux éclat qui t’environne
Serons-nous toujours éblouis 2 Roujfeaiu
w ?