
t f t f * N O M
Mais comme ces deux ordres font inféparables, parce
que parler & penfer font liés de la même manière ;
que parler , c’e l t , pour ainfi dire , penfer extérieurement
, 6c que penfer , c eft parler intérieurement :
le Créateur, en formant les hommes ra-ifonnables,
leur donna enfemble les deux inftruments de la raifon,
penfer & parler ; & fi l ’on fépare ce que le Créateur
a uni fi étroitement, on tombe dans des erreurs op-
pofées, félon que l’on s’occupe de l ’un des deux
exclu fi/e me ni à l ’autre.
Les Noms , de quelque efpèce . qu’ils foient,
font fufceptibles de genres, de nombres , de ca s , &
conféquemment fournis a la déclinaifon : i l fuffit
ic i d en faire la remarque 6c de renvoyer aux articles
qui traitent chacun de çes points grammaticaux.
( M- B e a u z é e . )
N o m , Critique facre'e. Ce mot , pris absolument
, fig-nifie quelquefois le Nom ineffable de
Dieu ; c.unique blafphemaffet Nomen, « ayant biaf-
» phémé le Nom faint » ( %év. xxiv , i i)Y II marque
» au ffi la puiffance , la m a l i é : vocabo in No mine
» Dom in i, « je ferai éclater devant vous mon Nom » ;
( E x o d . xxxiij, 19) : eft Nomen meum in eo , « ma
» majefté 6c mon autorité réfideçt en lui » ( E x o d .
xxiij , z 1 ), I l le prend pour une dignité éminente;
donayit illi Nomen quod eft fu p s r omne Nomen
(P h i l . ij, 9) : oleum effufum N omen tuum, (cant. j,
1 j, « votre réputation eft un parfum »• Prendre le
Nom de D ieu ein vain , c’ eft jurer fauffement- Im-
pofer le Nom , eft une marque d’autori,té. Novi
te e x N omine ( E x o d . x x x iij, 11 ). Connoître quelqu'un
par fon Nom , fîgnifie une d iflin é lion , une
am itié , une fam ilia r ité particulière. Su fc iter le
Nom d un mort, fé dit du frère d’un homme décédé
fans enfants, lorfque le frère du mort époufe
la veuve 6c en a des enfants qui font revivre fon
Nom en Ifrael ( D eu t. xxv. 5. )
Dans un fens contraire , effacer le Nom de queU
qu’u n , c’eft en exterminer la mémoire, détruire
fès enfants 6c tout ce qui pourroit faire revivre
fon Nom fur la terre : Nomen eorum delevifii in
(Sternum. ( P f . i i j , 6 . ) Fornicata efl in Nomine
m eo , « le feigneur fe plaint que Judà a fouillé
» fonfacre Nom ». ( E^ech. xvj, 15 .) tia b e sp a u ca
N o mina in S a r d is , qui non inquinaverunt vefti-
menta fu a . I l fe prend dans ce dernier palîage
pour des perfonnes. ( A p o ca ly p . i i j , 4 ). ( L e ciïe-
yalier d e J a u co u r t . )
N OM B R E , f. m. Gramm. Les Nombres font des
terminaifons qui ajoutent à l ’idée principale du mot 1 idee açceffoire de la quotité. On ne connoît que
deux Nombres dans la plupart des idiomes ; le
Singulier qui défigne unité, 6c le pluriel qui marque
pluralité.^ Ainfi, cheval 6c chevaux , c’eft en quel-?
que manière le même mot fous deux terminaifons différentes
: c?eft comme le même m o t , afin de prér
fenter à l ’efprit la même idée principale , l ’idée de
la même efpèce d’animal : les terminaifons font dif-
férentes, afin de défignçr, par Lune, un feul ffidi-
, N O M
vldu dé cette efpèce ou cette feule efpèce ; & pa* 1 a u tre , plusieurs individus de cette efpèce. Le
cheval eft utile d L’Homme, i l s’agit de i ’efpèce j mon cheval ma coûté cher, i l s agit d’un feul
individu de cette efpèce ,• j ’ai acheté dix chevaux anglais , on défigne ici plufieurs individus de la
même efpèce.
I l y a quelques langues , comme l ’hébreu, le
g re c , le polonois, qui ont admis trois Nombres ;
le fingulier qui défigne l ’unité , le duel qui marque
dualité, 6cle pluriel qui annonce pluralité. I l femble
qu i l y ait plus de precifion dans le fyftême des
autres langues. Car fi l ’on accorde a la dualité
une inflexion propre , pourquoi n’en açcordercit-oui
pas auffi de particulières a chacune des autres quotités
individuelles ? Si l ’on penfè que ce feroit accumuler
,-fans befoin 6c fans aucune'compenfation,
les difficultés des langues, on doit appliquer au
duel le même principe : 6c la clarté qui fe trouve
effectivement, fans le feçours de ce Nom bre, dans les
langues qui ne l ’ont point admis, prouve affez qu’i l
fuffit de diftinguer le fingulier 8c. le p lu r ie l, parce
qu’en effet la pluralité le trouve dans deux comme
dans m ille.
Auffi , s’i l faut en croire l ’grèque de auteur de la Méthode Port-Royal (liv, II, çh. j ) , le d u e l,
<ruVx9î., n eft venu que tard dans la langue , 6c y eft
fort peu ufîté j de forte qu’au lieu de ce Nombre
on fe fert fou vent du pluriel. L ’abbé Ladvoeat
pnaougs. apprend , dans fa Gram m aire hébraïque, 3 z , que le. duel ne s’ emploie ordinairement
que pour le s chofes qui font naturellement doubles,
comme les pieds , les mains, les o reilles, 6c les
ieuxj & i l eft évident que la qualité de ces chofes
en eft la pluralité naturelle : i l ne faut même ,
pour s en convaincre, que prendre garde à la terminaifon
,' le pluriel des noms mafeulins hébreux
fe termine en im ; les duels des noms , de quelques
genres qu ils foien t, fe terminent en aim ; .c’eft affû-
rément la même ter minai fo n , quoiqu’elle foit
précédée d’une inflexion earaCtériftique : encore cette
inflexion eft-elle une invention des mafforèthes ; car
dans l ’hébreu fans points , qui eft l ’ancien & véritable
hébreu , on ne connoît que la terminaifon |*—)» (i/n ).
Quoi qu’i l en foit des fyftêmes particuliers des
lang ues par report aux N ornhres , c’eft une chofe
atteftée par la dépofition unanime des ufages de
tous les idiomes , qu’i l y a quatre efpèces de mots
qui font fufceptibles de cette efpèce d’accident; favoir
les noms , les »pronoms, les adjeCfcifs , 6c les verbes •
d’où j’ai inféré ( voye\ Mo t , art. /. ) que ces
quatre efpèces doivent préfemer à l ’efprit les idées
des êtres foit réels foit abftraits , parce qù’on nç
peut nombrer que des êtres. L a différence des principes
qui règlent le choix des Nombres à l ’egard
de ces quatre efpèces de mots , m’a conduit auffi â
les divifer en deux claffes générales ; les mots déterminatifs
, favoir les noms & les pronoms ; & les
indéterminatifs, lavoir les adje&ifs & les verbes :
j’ai appelé les premiers déterminatifs, parce qu’ils
préfentenl
N O M
préfettèiît à l ’efprit des êtres déterminés, puifque
c’eft à la Logique & non a la Grammaire à en fixer
les Nombres ; j’ai appelé les autres indéterminatifs
> parce qu’ils préfentent à l ’efprit des êtres indéterminés
, puifqu ils ne préfentent telle ou te lle
terminaifon numérale, que- par imitation avec les
noffts ou les pronoms avec lefqiiels ils font en rapport
d’identité. Vqye^ Identité'. ■
I l fuit de là que les adjeftifs & les verbes doivent
avoir des terminaifons numérales de toutes les
efpèces reçues dans la langue : en ffançois , par
exemple , ils doivent avoir des terminaifons pour
le fingulier & pour le pluriel ; bon ou bonne , fingulier;
bons ou bonnes , pluriel : aimé ou aimée ,
fingulier; aimés ou aim é e s , pluriel. En grec , ils
doivent avoir des terminaifons pou f le fingulier, pour
le duel, & pour le pluriel : dyctbls, e?>_a0w, â^afioir, fingulier;
tt.ya.Qcl, ayaQa. , dyccQoe , duel J ayaQoi, ayttQcci ,
etyuQct , pluriel ; (piAeo/^tvo#, (piAto^tv« , cp<A«9/*«vov ,
fingulier ; «p/Ato^tvco, cpiAtop.tva , duel ;
<pjAê»/x.mi , (piAïo/tevai , 91Auf^titt , pluriel: ' Sans
cette diverfité de terminaifons, ces mots indéterminatifs
ne pourroient s’accorder en Nombre avec les
noms ou les pronoms leurs corrélatifs.
Les noms appellatifs doivent également avoir tous
les Nombres, parce que leur lignification générale
a une étendue fufceptible de différents degrés de ref-
triéfcion , qui la rend applicable ou à tous les individus
de l ’efpèce , ou à plufieurs foit déterminément
foit indéterminé ment, ou à deux, ou à un feul. Quant à
la remarque de la Gram. gén. part, i l , chap. i v ,
qu’i l y 'a plufieurs noms appellatifs qui n’ont point
de p lu r ie l, je fuis tenté de croire,que cette idée
vient de ce que T on prend pour appellatifs des noms
qui font véritablement propres. L e nom de chaque
métal, or , arg en t, f e r , font, fi vous voulez , fpé-
cifîques; mais quels individus diftinéts fe trouvent fous
cette efpèce ? C ’eft la mêmechofe des noms des vertus
ou des vices , ju ft ic e , prud ence, charité, haîne
lâcheté, & c , & de plufieurs autres mots qui n’ont
point de pluriel dans aucune langue , à moins qu’ils
ne foient pris dans un fens figuré.
Les noms reconnus pour propres font précifément
dans le même cas : effenciellement individuels ils
ne peuvent être fufceptibles de l ’idée acceffoire de
pluralité. Si l’on trouve des exemples qui paroiflent
contraires , c’ eft qu’il s’agit de noms véritablement
appellatifs & devenus propres à quelque collection
d’individus ; comme J u l i i, A n to n ii , Scipiones ,
& c , qui font comme les mots nationaux, Romani ,
A f r i , A q u in a te s , N oftra te s , & c ; on bien i l s’agit
de noms propres employés par antonomafe dans un
fens a p p c lla tif , comme les Cicérons pour les grands
orateurs , les C é fir s pour les grands capitaines,
les P la toits pour les grands philofophes, les Sau-
maifes pour les fameux critiques, &c.
■ Lorfque les noms propres prennent la lignification
plurièle en françois , ils prennent ou ne prennent
pas la terminaifon caraCtériftique de ce Nombre 3
. Gr a m m . L i t t ê r l t a t . Tome I L
N O M 6 6 $
félon l ’occafion. S’ ils défignent feulement plufieurs
individus d’une même fam ille , parce qu’ ils font le
nom propre de la famille , ils ne prennent pa<: la
terminaifon plurièle : les deux Corneille Je fo n t
diftingués dans les Lettres ; les Cicéron ne f e
fo n t p a s également illuftrés. Si les noms propres:
deviennent appellatifs par antonomafe, ils prennent
la terminaifon plurièle ; les Corneilles fo n t rares
fu r notre P a r n a ffe , & les Cicérons dans notre
barreau. Je fais bon gré à l ’ufage d’une diftinctioa
fi utile & fi délicate tout à la fois.
- A u refte, c ’eft aux Grammaires particulières de
chaque langue à faire connoître les terminaifons
numérales de toutes les parties d’oraifon déclinables
, 8c non à l’Encyclopédie, qui doit fe borner
aux principes généraux & raifonnés. Je n ai donc
plus rien a ajouter fur cette matière que deux ob-
fervations de Syntaxe qui peuvent apartenir à toutes
les langues.
L a première , c’eft qu’un verbe fe met fouvent
au pluriel , quoiqu’il ait pour fujet un nom co l-
le& i f fingulier : Une infinité de gens penfent a infi ;
L a plupart f e laijfent emporter p a r la coutume ;
& en latin , P a r s merfi tenue re rate m. ( V irg . ) C ’eft
une fyllepfe qui -met le verbe - ou même l ’adj c t if
en concordance avec la pluralité effenciellen. nt
comprife dans le nom collectif. D e là vient que , fi
le nom co lle é t if eft déterminé par un nom fing
u lie r , i l n’eft plus cenfé renfermer pluralité , mais
Amplement étendue, & alors la fyllepfe n’ a plus
l ie u , & nous difons, la plupart du monde f e laiffe
tromper : te lle eft la raifon' de cette différence qui
paroiffoitbien extraordinaire à Vau gelas {Rem. 47 ):
le déterminatif indique fi le nom renferme une
quantité diferète ou une quantité continue, & la
Syntaxe varie comme les fens du nom collectif.
L a féconde obfervation , c’eft qu’au contraire apres
plufieurs fujets finguliers dont la collection vaut un
p lu r ie l, ou même après plufieurs fujets dont quelques
uns font pluriels & le dernier fingulier , on
met quelquefois ou l'adjèétif ou le verbe au fingulier
, ce qui femble encore contredire la lo i fon-
aamentaLe de la concordance : ain fi, nous difons ,
Non feulement tous fe s honneurs & toutes f e s
richeffes , mais toute f a vertu s ’évan ouît, & non
pas s ’évanouirent ( Vaugelas , Rem. 3 4 0 ) ; & en
latin fo c i is & rege recepto. ( V irg .) C ’eft au moyen
de l ’ellipfe que l ’on peut expliquer ces locutions ;
& ce font les conjonctions qui en avertiren t, parce
qu’elles doivent lier des propofitions. Ainfi, la phrafe
françoife a de foufentendu jufqu’à deux fois s ’évanouirent
, comme s’i l y a v o it , nçn feulement tous
f e s honneurs s’ évanouirent & toutes f e s richeffes
s’évanouirent, mais toute fa. vertu s ’évanouit ; &
la phrafe latine vaut autant que s’ il y a v o it , fo c iis
receptis & rege recepto. En voici la preuve dans
un texte d’Horace :
O nocles ccenoeque deum , quitus ipfe , meique,
Ante farem pvoprium yefeur,
p p p p