D u c l o s ) contre l'Orthographe du' fecrétaire perpétuel
de rAcadémie. « I l faut avoir , dit le cenfeur ,
» un très-grand mérite , pour fe faire pardonner
» la petite intention de fe diftinguer par des chofes
» minucieufes. I l eft à croire que P a lc a l, Boffuet,
» Defpréaux, & Racine ont heureufement fixé tout
» ce qui concerne notre langue. L ’abbé de S. Pierre ,
» M. Duclos , & quelques autres ont fait imprimer
» leurs ouvrages comme i l leur a plu : le Public
» fenfé n’y a pas pris garde ; & c’eft le fort de
» toutes les innovations qui ne tiennent ni à l ’eüprit
» ni au g'énie ».
I l faut avoir , ce me femble, un bien plus grand
mérite ou du moins s’en croire pourvu , pour
condanner d’une 'manière fi tranchante & fi hautaine
un écrivain auffi eftimable & réellement auffi eftimé
que Duclos. I l faut avoir approfondi les principes
de l ’art de parler & d’éc r ire, & avoir donné'au
Public des preuves authentiques de la fupériorité
de fes lumières en ce genre , pour prononcer qu’un
grammairien philofophe qui s’en occupe avec des
vues louables , n’a que la petite intention de fe
diltinguer par des chofes minucieufes : cependant
S. Jérôme, dont le jugement valoit bien celui du
cenfeur moderne, foutient ( E p . à L a ta ) que
N on fu n t contemmenda quafi p a r v a , fin e quibus
magna confiare non pojfunt. I l faut compter à
l ’excès fur l ’aveugle docilité de fes lecteurs , pour
ofer défendre les _abus de notre' Orthographe actuelle
par l ’autorité des grands écrivains que l ’on
cite 5 comme s’ils avoient fpécialement aprofondi
& aprouvé formellement les principes d’Orthogra-
phe qu’ils ont fuivis dans leur temps ; comme fi
ce lle qu.e l ’on fuit & que l ’on défend aujourdhui
étoit encore la même que la leur en tout point ;
& comme s’i l fuffifoit d oppofer des autorités à des
raifons, dans, une matière qui doit reffortir nûment
au tribunal de la raifon.
« Ces raffinements, s’ils pouvoient jamais être
» adoptés , en produiroient d’autres ; on perdroit
» toutes les étymologies ; on obfcurciroit le génie
» de la langue &_ l ’hiftoire de fes variations ; on
» défigureroit toutes les éditions qui ont paru jufi-
» qu’à nos jours ; les auteurs & les lecteurs , ac-
» coutumés à l ’ancienne Orthograph e, féroient
» réduits à fe placer avec les enfants pour aprendre
» à lire & à écrire ; la nouvelle méthode, pour
» être peut-être plus conforme à la prononciatioh
r> du moment , n’e-n auroit pas moins combattu
» l ’ impreftion d’un long ufàge qui a fubjugué l ’ima-
» gination & les ieux . . . . L a leéture de cette
» Orthographe eft impoffible à tout homme qui
» n’eft pas difpofé à changer de tète & d’ieux en
» fa faveur ». C e font les propres termes d’un
journalifte dans les annonces qu’i l a faites des deux
premières éditions de ma traduftion des Hiftoires
de S a llu fte , où j’ayois fuivi quelques.-uns feulement
des principes que je viens d’expofer.
Ces changements, d i t - i l , en produiroient d’au-
fres. O u i , j’en conviens : l ’art de l i r e , réduit à
un nombre déterminé d’éléments précis , ferôit mis
par fa facilité à la portée des plus ftupides , &
s'aprendroit en peu de temps ; l ’Orthographe ,
Amplifiée & réduite à des principes clairs & généraux
, n’embarrafferoic plus que ceux qui ne vou-
droient pas s’en occuper quelques femaines. Oh l
voilà , je l ’avoue , d’affreux bouleverfements !
On perdroit toutes les étymologies. O u i , on
perdroit les traces incommodes des étymologies;
mais les Savants, que cet objet regarde uniquement
, {auroient bien les retrouver. La langue appartient
à la nation j la multitude n’a nul befoin
de remonter aux étymologies, qui font même
perdues pour elle , malgré les caractères étymologiques
dont on l ’embarraffe dans les livres deftinés à
ion inftruCtion.
Mais paffons à ce qui choque réellement le plus
les défenfeurs de l ’ancienne Orthographe : c’eft
qu’ils feroient réduits ,à fe placer avec les enfants
pour aprendre à lire & à écrire, & qu’i l leur fàu-
droit changer de tête & d’ieux. Eh ! Meffieurs,
n’en changez pas ; gardez votre ancienne Orthographe
, puifqu’elle vous plaît : mais, permettez
aux générations fuivantes d’en adopter une autre,
qui leur coûtera moins que la vôtre ne vous a
coûté , qui leur fera plus utile , qui fervira , au
contraire de ce que vous dites , à fixer notre langue,
à la répandre , à la faire adopter par les étrangers. )
(M . B e a u z é e . )
( N . ) N É O L O G IE , f. f. Invention , ufàge.9
emploi de termes nouveaux , ou. des termes anciens
dans un fens nouveau. L a Néologie: a fes principes ,
fes lo is , fes abus ; & c’eft par l ’abus qu’elle dé-
- génère en Néologisme, N oy é^ N éo lo g ism e .
( M . B e a u z é e . )
N É O L O G IQ U E , ad). Qu i eft relatif au Néo-
logifme. Noye\ N éo lo g ism e . Le célèbre abbé
Desfontaines publia en 1716 un Dictionnaire néologique
^ c’eft à dire une lifte alphabétique de mots
nouveaux , d’expreflïons extraordinaires, de phrafes
in fo lite s , qu’i l avoit pris dans les ouvrages modernes
les plus célèbres, publiés depuis quelque dix
ans. Ce Dictionnaire eft fuivi de l ’éloge hiftotique de
Pantalon-Phébus j plaifànterie pleine d’art, où ce
Critique a fait ufage de la plupart des locutions
nouvelles qui étoient l ’objet de fa cenfure : le tour
ingénieux qu’i l donne à fes expreffions , en fait
mieux fentir le défaut j & le ridicule qu’i l y attache en
les accumulant , n’a pas peu contribué à tenir fur
leurs gardes bien des écrivains , qui apparammeni
auroient fuivi & imité ceux que cette contrer vérité
a notés comme répréhenfibles.
Il y auroit, je crois, quelque utilité à donner
tous les cinquante ans le Dictionnaire néologique
du demi-fiècle. Cette cenfure périodique, en réprimant
l ’audace des Néologuesy arrêteroit d’autant
la corruption du langage qui eft l ’effet ordinaire
d’un Néologifme imperceptible dans fes progrès' f
d’ailleurs la fuite de ces Dictionnaires deviendroit
comme le Mémorial des révolutions de la langue ,
puifqu’on y verroit le temps où les locutions fe
feroient introduites , & celles qu’elles auroient remplacées.
Car te lle expreffion fut autrefois n éolo-
giqite , qui eft aujourdhui.. du bel ufage : & i l
n’y a qu à comparer l ’ufage préfent de la langue
avec les remarques du P. Bouhaurs fur les ^écrits
de Port-Royal ( I I Entretien d’A r if i. & d’E u g ,
pag. .168 ) , pour feconnoître que plufieurs des
expreffions rifquées par ces autèurs ontt reçu le
fceau de l ’autorité publique & peuvent être employées
aujourdhui par les puriftes les plus fcru-
puléux. ( M . B e a u z é e . )
N É O L O G I SM E , f. m. Ce mot eft tiré du grec ;
nos y n ouveau, 8c Ayos, p a ro le , difcoUrs : & 1 on appelle
ajnfi l ’affeCtation de certaines perfonnes à fe fer-
vir d’expreffions nouvelles & éloignées de celles
que l ’ufàge autorife. L e Néologifme ne confifte pas
feulement à introduire dans le langage des mots
nouveaux qui y font inutiles,- c’ eft le tour affeCté
des phrafes, c’eft la jonCtion téméraire des mots,
c’eft la bizarrerie des figures, qui caradérifent furtout
le Néologifme. Pour en prendre une idée convenable
, on n’a qu’à lire le fécond Entretien d’Arifte
& d’Eugène .fur. la Langue fran çoife ( depuis la
p a g . 168 jufqu’à la pa g . 185 ).: le P . Bouhours y
relève avec beaucoup de jufteffe , quoique peut-être
avec un peu trop d’affedation, le Néologifme des
écrivains de P ort-Royal 5 & i l le montre dans un grand
nombre d’exemples, dont la plupart font tirés de
la traduction .de Y Imitation de Jéfus - Chrift donnée
par ces folitaires.
U n auteur qui cônnoît les droits & les décriions
de l ’ufage, ne fe fert que des mots reçus , ou ne fe
' réfout à ên introduire de nouveaux, que quand i l
y eft forcé par une difette abfolue & un befoin in-
difpenfable : fimple & fans affedation dans fes tours,
i l ne rejette point les expreffions figurées qui s’adaptent
naturellement à fon fujet j mais i l ne les recherche
p o in t , & n’a garde de fe laiffer éblouir
par le faux éclat de certains traits plus hardis que
folides.: en un mot, i l connoît la maxime d’Horace
( A r t poét. 3op ) , & i l s’y conforme, avec fcru-
pule :
Scribendi récit fapere eft & princlpium & fo n s .
Noyé% U sage & Style.
I l ne faut pourtant pas inférer, des reproches raifonna-
bles que l ’on peut faire au Néologifme, qu’i l ne faille
rien ôfer dans le ftylei Ôn rifque quelquefois avec
fuccès un terme nouveau, un tour extraordinaire,
une figure inufitée ; & le poète des grâces femble
lui-même en donner le confeil , lorfqu’i l d i t ,
1 Ibid. 48 : )
D ix c r is cgregiè , 7iotum Jî ca llid a verbum
Reddiderit junclura n o vum .Si fo r te necejfe eft
Indiciis monftrare reeentibus abdita rerum ;
Fingere cinctutis non ex audita Cethegis
Confiaget, dabiturque licentia fumpta pudenter.
Mais en montrant une reffourcë au g én ie , Plorace
lui affigne tout à la fois comment i l doit en ufer :
c’eft avec circonfpedion & avec retenue , licentia
fum p ta pudenter ; & i l faut y être comme fo rc i
par un befoin r é e l , f i fo r te necejfe ejt.
Dans ce ca s, le N é o lo g i fm e change de nature ;
& au lieu d’êtrè un vice du f ty ie , c’eft une figure
qui eft , en quelque manière , oppofée a
1’ Arc haï fine.
L ’Archaifme eft une imitation de la manière de
parier des Anciens , foit que l ’on en revivifie quelques
termes qui ne font plus u fités,'foit que l ’on
faffe ufage de quelques tours qui leur étoient familiers
& qu’on a depuis abandonnés : les pièces
du grand Rouffeau en ftyie marotique font pleines
d’A r ch a ïfm e s .Ç t mot vient du grec à^yaios, ancien ,
auquel en ajoutant la terminaifop ic-gls qui eft le
fymbole de l ’imitation , on a qui veut dire
Antiquorum imitatio.
L e N é o lo g i fm e , envifàgé comme le pendant de
Y A r c h a i fm e , eft une figure par laque lle on introduit
un terme, jun tour , . ou une affociation de
termes dont on n’a pas encore fait ufage jufque là ;
ce qui ne doit fe taire que par un principe réel
ou très-apparent de néceflité, & avec toute la retenue
& la difcrétion poffibles. Rien ne feroit plus
dangereux que de paffer les Bornes ; la figure eft
fur les frontières, pour ainlï dire , du vice , & ce
vice même ne change pas de nom ; i l n’y a que
l ’abus qui en fait la différence. ( M . B e a u z é e )«
N É O L O G U E f. m. Ce lu i qui affecte un langage
nouveau , des expreffions; bizarres, des tours
recherchés , des figures extraordinaires. N o y e \ N éologique
& N éologisme. ( M . B e a u z é e ).
' ) N E U F . N O U V E A U . R É C E N T .
Synonymes. ■ '
Ce qui n’a point encore fervi eft neuf. C e qui
n’a voit' pas encore paru eft nouveau. Ce qui vient
; d’arriver eft récent.
Ori dit d’un h ab it, qu’i l eft n e u f \ d’une mode,
' qu’e lle eft nouvelle j d’un fait , qu’ i l eft récent.
Une penfée eft neuve.y par le tour qu’on lu i
donne ; nouvelle, par le fens qu’elle exprime ; récente
, par le temps de fa production.
Ce lu i qui n’à pas encore'l’expéri ence & l ’ufàge
du monde , èft iin homme n e i l f . Celui qui ne commence
que d’y entrer ou' qui ' eft le premier de
fon nom, eft un homme n o u v e a u . L ’on eft moins
touché des anciennes hiftoires que des r é c e n t e s .
( V a b b é Gir a r d . )
N E U T R E , adj. Ce mot nous vient du latin
n e u t e r , qui veut-dire n i V u n n i V a u tr e : ; en le