
fu b f ta n t î f , comme a fait M. du M'arfais ; parce
que l ’adjeâtif & le fubftantîf font des mots abfo-
lument différents , & qui ne peuvent jamais être
un même & unique mot : Y Identité appartient ,
non aux différents fignes d’un même o bjet, mais à
l ’objet défigné par différents fignes. I l me femblc
pourrant que l ’on pourroit regarder l ’expreflion
dé M. du Marfais comme un abrégé de ce lle que
la juftefle métaphÿfique parôît exiger ; mais quand
.cela ne feroit p o in t , ne faut-il donc avoir aucune
Indulgence pour la première expofidon d’un principe
véritablement utile & lumineux ? & un petit
défaut d’exaélitude peut-il empêcher que M. du
Marfais n’ait a fe glorifier beaucoup d’être l ’auteur
de ce principe ? M. Fromant lui-même ne doit
guères fe glorifier d’ en avoir fait une cenfure fi
peu mefuree & fi peu jufte ; je dis , fe peu ju j le ,
car i l eft évident que c’eft pour avoir mal compris
le vrai fens du principe de Y Id entité', qu’i l eft
tombé dans l ’inconféquence qui a été remarquée
en un autre lieu. V o y . G enre. ( M . B e a u z é e . )
I D I O M E , f! m. Grammaire. Variétés d’une
langue propres à quelques contrées: d’où l ’on voit
opx Idiome eft fynonyme a Diale éïe ; ainfi, nous
avons Y Idiome gafcon, Y Idiome provençal, Y Idiome
champenois.On donne quelquefois à ce mot la même
étendue qu’à celui de Langue : Servez-vous de V I -
diome que vous aimerez le mieux, je vous Répondrai.
ID IO T ISM E , f. m. ( Gramm. ) C ’eft une façon
de parler éloignée des ufages ordinaires ou des
lo is générales du Langage, adaptée au génie propre
d’une langue particulière. R. iétos, peculiaris,propre
, particulier. C ’eft un termé général dont on
peut faire ufage à l ’égard de toutes les langues:
un Idiotifme g re c , latin , françois, &c. C’eft le
feul terme que l ’on puiffè employer dans bien
des oçcafions ; nous ne pouvons dire cm Idiotifme
efpagn ol, portugais, turc , &c. Mais a l ’égard de
plufieurs langues1, nous avons des mots fpécifiques
fubordonnés à celui dTdiotifme\ & noùs difons
anglicifme , arabifme, celticifme , g a lü c ifm e ,
germanifme , hébraifme , hellénifme , la tin if-
me , &c.
. Quand je dis qu’un Idiotifme eft une façon de
parlër adaptée au génie propre d’une langue particulière
». ç’ éft pour faire comprendre que c’eft
plus tôt, un effet marqué du génie caradériftique
de cette langue , qu’une locution incommunicable
à tout autre Idiom e , comme on àeoutume de le faire
entendre. Les richeffes d’une langue peuvent palier
aifément dans une autre qui a avec e lle quelque
affinité; & toutes les langues en ont plus ou
moins , félon les différents degrés de liaifon qu’ il
y a oii qu’i l y a eu entre les peuples qui les
parlent ou qui les ont parlées. Si l ’italien , l ’ef-
£a g n o l, & le françois font entés fur une même
ingue originelle ; ces trois langues auront apparein
ment chacune à part leurs Idiotifmes particuliers
, parce que ce font .des langues différentes'.*
mais i l eft difficile qu’elles n’ayent adopté toutes
trois quelques Idiotifmes de la langue qui fera
leur fource commune , & i l ne feroit pas étonnant
de trouver dans toutes trois des Cü tic ifmes. I l
ne feroit pas plus merveilleux de trouver des Idiotifmes
de lun e des trois dans l ’autre , à caufe des
liaifons de voifinage , d’ intérêts p olitique s , de-
commerce, de religion , qui fubfiftent depuis long'
temps entre les peuples qui les parlent ; comme
on n’eft pas furpris de rencontrer des Arabifme s
dans l ’efpagnoi , quand on fait l ’hiftoire de la
longue domination des arabes en Efpagne. P e r -
fonne n’ignore que les meilleurs auteiirs de la la tinité
font pleins d’Hellénifmes : 8c fi tous les li t térateurs
conviennent qu’i l eft plus facile de traduire^
du grec que du latin en françois ;■ c’eft que
le génie de notre langue approche plus de ce lu i
de la langue grèque que de celu i de la langue,
la tin e, & que notre langage eft prefque un H e llénifme
continuel.
Mais une preuve remarquable de la communicabilité
des langues qui paroiffent avoir entre elles
le moins d’affinité, c’eft qu’en françois même nous hé -
braïfbns. C ’eft un Hébraifme connu que la répétition
d un adjeélif ou d’un adverbe , que l ’on veut élever ati
fens que5l’on nomme communément fu p e r la tif. V o y i
S u p e r l a t i f . Et le fuperlatif le p lu s énergique
fe marquoit en hébreu par la triple répétition' .du
mot : de là le triple K.yrie èleifon que nous chantons
dans nos égiifes. pour donner plus de force à
notre invocation ; & le triple Sdn clu s , pour mieux::
peindre la profonde adoration des efprits céleftës#
O r i l eft vraifemblable que notre t r è s , formé du
latin très , -.n’a été introduit dafis notre langue
que comme le fymboie de cette, triple répétition ;
très-faint, ter fa n c tu s , ou fa h e tu s , fa n c îu s
fa n c lu s : 8c notre ufàge de lier très au mot po-
ficif par un tiret, eft fondé.fans doute fur l ’intention
de faire fentir que cetÿe addition eft purement
matérielle, qu’elle n’em p ê c h e pas l ’unicé du mot,
mais qu’i l doit être répété trois fois., p u du moins
qu’i l faut y attacher le fens qu’i l auroit s’i l étôic
répété trois -fois; & en effet , les adverbes bien 8c
f o r t , qui expriment par eux-mêmes le fens fuperla
t if dont il. s’a g i t n e font jamais liés de même
au mot poficif auquel on les, joint pour les lu}
communiquer. O n rencontre dans le langage populaire
des Hébraifme s d’une, autre efpèce : Un homme
de D ie u , du vin de D ie u , une moijfon de D i e u ,
pour dire, un très-honnête homme , du vin très-
bon , une moijfon très-abondante ■ ; ou , en rendant
partout le même fens par le même tou r , un.
homme p a r fa it , du vin p a r fa it , une moijfon
p a r fa ite ,* les hébreux indiquant la perfection par
le nom de Dieu , qui eft le modèle & la four ce
de toute perfedion. C ’eft cette efpèce Y Hébraifme
qui fe trouve au P f 3 ? , v. 7 . Jufeitia tua jicu t
montes D e i , pour f icu t montes altijfemi ; & au
P f 64,
P f 6a , v. 10 , flum en D e i pour flumen
maximum.
Malgré les Hellénifmes recohnus dans le la t in ,
on a cru affez légèrement que les Idiotifmes
étoient des locutions propres & incommunicables,
& en conféquence on en a pris & donné des idées
fauffes ou louches ; & bien des gens croient qu’on
ne défigne par ce nom général , ou par quelqu’un
des noms fpécifiques qui y font analogues , que fies
locutions vicieufeS , imitées mal adroitement de
quelque autre langue. Voye-{ G a l l i c i s m e . C ’ eft
une erreur que je crois fuffifamment détruite par
les obfervations que je viens de mettre fous les
yeux du leéteur; je pajffe à une'autre qui eft encore
plus univerfelle , 8c qui n’eft pas moins contraire
à la véritable notion, des Idiotifmes. :
O n donne communément: à: entendre que ce font
des manières de. parler contraires aux lois de la
Grammaire générale. I l y a en effet d es Idiotifmes
qui font dans ce cas ; & comme ils font par là
même les'plus frapants & les plus faciles à diftinguer ,
on a cru aifément que cette oppofition aux lois immuables
de la G ram m aire 'fe fo ir la nature commune
de tous. Mais i l y a encore une autre efpèce
à*Idiotifmes qui font des façpns de parler éloignées
feulement des ufages ordinaires, mais qui ont avec
les principes fondamentaux de la Grammaire gé-.
nérale toute la conformité exigible. O n peut donner
à ceux-ci le nom d’Idiotifmes réguliers ; parce
que les règles immuables de la parole y font fui-
vies , & qu’i l n’y a de violé que les infticutions
arbitraires & ufuelles : les autres au contraire prendront
la dénomination Y Idiotifmes irréguliers, parce
que les règles immuables de la parole y font
violées. Ces deux efpèces font comprifes dans la
définition que j’ai donnée d’abord ; 8c je vas bientôt
les rendre fenfiblespar des exemples, mais en y appliquant
les principes qu’ i l convient de fuivre pour
. en pénétrer le fens, & pour y découvrir , s’i l eft
pomble , les caraélères du génie propre de là langue
qui les a introduits. -
I. Les .Idiotifmes. réguliers n’ont befoin d’aucune
autre attention,.que d’être expliqués littéralement
pour être ramenés enfuite au tour de la langue
naturelle que l ’on parle.
Je trouve , par exemple , que les allemands
difent , ,diefe gelehrten mdnner, comme en latin,
hi doeîi viri , ou en françois, ces fa v a n ts homm
es ; 8c l ’adjeélif gelehrten s’accorde en toutes maniérés
avec le nom mdnner, comme l ’adjeétiflatin
doéîi avec le nom v ir i , ou l ’adjeétif françois
fa v a n t s avec lé nom hommes : ainfi, les allemands
obfervent en cela , & les lo is générales & les.
ufages communs. Mais ils difent , diefe mdnner
fend gelehrt ; & pour le rendre littéralement en
la t in , i l faut dire hi viri fe int doclè., 8c en françois
, ces hommes feont fa vam m en t, ce qui veut
dire indubitablement ces hommes fo n t fa v a n ts :
gelehrt eft donc un adverbe», & l ’on doit recon-
G r a m m . e t L i t t é r a t % Tome I L
noltre ici que les allemands s’écartent des ufages communs,
qui donnent la préférence à l’adjeétif en pareil
ças.On voit donc en quoi confifte le Germanifme lorfi
qu’i l s’agit d’exprimer un attribut mais que lle peut
être la caufe de cet Idiotifme ? L e verbe -exprime
l ’exiftence d’un fujet fous un attribut. Hoy . V e r b e .
L ’attribut n’eft. qu’une manière particulière d’êtrej
& c’eft aux adverbes à exprimer Amplement les
manières d’être , & ;.conféquemment les attributs :
v o ilà le génie allemand. Mais comment pourra-
t-on concilier ce raifonnement avec l ’ufage picfque
univerfel d’exprimer l ’attribut par un adjectif mis
en concordance avec le fujet du. verbe ? Je réponds
qu’ i l n’y a peut-être entre la manière commune
& la manière allemande d’autre différence, que
ce lle qu’i l y auroit entre deux tableaux où 1 on
auroit faifî deux moments différents d’une même
aétion : le Germanifme faifit l ’inftan': qui précède
immédiatement l ’aéte de .juger, où l ’efprit confidère
encore l ’ittribut d’une manière vague & fans ap plication
au fujet ; la phrafe commune préfèrite le
fujet tel qu’i l paroîc a l ’efprit après le jugement ,
& lorfqu’i l n’y . a plus, d’abftraélion. L ’allemand
doit donc exprimer l ’attribut avec les apparences,
de l ’indépendance ; & ç’eft ce qu’i l fait par l ’adverbe,
qui n’a aucune terminaifon dont la concordance
puiffe en défigner l’applicadon à quelque
fujet déterminé. Les autres langues doivent exprimer
l ’attribut avec les caraétères de l ’application
; ce qui eft rempli par la concordance de l ’adjeâtif
attributif avec le fujet. Mais peut-être faut-il fous-
entendre alors le nom avan: l ’adjeélif, & dire que
hi viri f un t d o c li, c’eft la même chofe que hi
viri feint viri docli ; 8c que ego feum mifer , c’eft
la même chofe que ; ego feum homo mifer : en
effe t, la concordance de l ’adjeélif avec le nom 8c
l ’identité du fujét exprimé par les deux efpèces f
ne s’entendent'clairement & d’une manière fatis-
faifante que dans le cas de l ’appofidon ; & l ’appo-
fition ne peut avoir lieu ici qu’au moyen de l e l -
lipfe. Je tirerois de tout ceci une conclufion fur-
pie nante : la phrafe allemande eft donc un Idiô-
tifeme ré gu lie r , & la phrafe commune un Idio tifme
irrégulier.
- V o ic i un Latinifene régulier , dont le dèvelo-
pement peut encore amener des vues utiles : N e -
mintm reperire èfe id qui velit. I l y a là quatre
mots qui n’ont rien d embarraffant ; qui velit id
( qui veuille cela ) eft line propoficion incidence
déterminative de l ’antécédent neminem ; neminem
f ne perfonne ) eft le .. complément ou le régime
objectif grammatical du verbe reperire ; reperire neminem
qui velit id { ne trouver perfonne qui veuille
cela ) , c’eft une conftruélion exaéte & régulière.
Mais que faire du mot efe ? i l eft à la troiûème
perfonne du fingulier ; quel en eft le fujet ? comment
pourra-t-on lier à ce mot l ’infinitif reperire
avec fes dépendances ? Confultons d’autres phrafes
plus claires dont la folution puiffe nous diriger.
Onyrouve dans Horace ( n i . O d . z . ) D u lc e &
N n