dire , Cet homme-là mérite d'être cru > i l ne fa u t
p a s le cuire ; mais on fera sûr de faire rire avec
la même équivoque , en fuppofanc un homme con-
danné a être brûlé -, qui, au moment où l’on va
mettre le feu au bûcher, veuf parler encore pour
fa juftificadon, & en admettant un interlocuteur
qu’il lui adreffe ces mots : V a , mon A m i , ce que
tu dis-là & rien , c ' efi la même chofe , tu ne fe ra s
p lu s cru*
Le Calembour devient auffi. plus piquant par
des circonftances que le hafard feul peut amener.
Par exemple, un officier de marine fefoit a table
un fort long récit d’une tempête qu’il avoit effuyée
vingt ans auparavant; E n fin , d i t - i l , nous
je tâm e s /’ancre , & nous donnâmes de nos nouvelles..—
V ou s avie\ donc perdu la tête tout à f a i t ,
reprit quelqu’un , puifque voulant donner de vos
nouvelles , vous avie\ commencé p a r je te r T’ancre ?
Voilà ceux que les dilTertaceurs & les conteurs ne
pardonnent pas, ainfi que les prétendus Beaux-eforits,
parce qu’alors on les abandonne pour r ire, & qu’on
n’y revient plus. L e Calembour employé de cette
manière feroit une arme défenfîve affez utile en
fociété ; mais de quoi n’abufe-t-on pas ? On en a
fait quelque fois une arme très-oftenfïve : tel eft
ce mot fameux de Molière au parterre, le jour
que le premier préfîdent de Harlay, qu’on croyoit
reconnoître d'ans Tartuffe , en fit fufpendre la repré-
fentation : Meffieurs , nous comptions avoir l'honneur
de vous donner aujourdhui Tartuffe , mais
M . le premier ptéfident ne veut p a s qu'on le
jo u e . Telle eft encore cette repartie amère d’un
homme à une femme qui lui demandoit pourquoi
i l la conjidéroit fi attentivement : Je vous regarde,
Madame, répondit-il, mais j e ne vous confidère p a s ,
Il y a une remarque affez fingulière à faire fur
ceux qui écoutent un Calembour : c’eft que le
premier qui le devine le trouve toujours excellent ;
Sc les autres plus ou moins mauvais, à raifon du
temps qu’ils ont mis à le deviner, ou du nombre
de perfonnes qui l ’ont entendu avant eux; car dans
le monde moral, c’eft l ’amour-propre qui abhorre
le vide.
I l paroît qu’il n’y a point de langue ou morte
ou vivante qui prête plus au Calembour que la
françoife. Les françois en font tous les jours fans
qu’ils s’en aperçoivent : mais les étrangers furtout
y f°nCptis a chaque inftanr. On connoît celui de
cet angLois qui trouvoit fes bottes trop équitables ,
tro p ju jle s , & qui croyoit parler plus honnêtement,
en difànt qu’il revenoit du dévoyement de S. Germain*
Au refte, toutes les langues du monde fournirent
néceffairement une ample matière aux équivoques
; la nature eft fi riche, nous fournies remués
par tant de caufes, -que notre articulation ne
peut mffire à diftinguer les nuances que nos ieux
& notre efprit peuvent apercevoir ; ainfi, les Calembours
doivent être auffi anciens que les hommes.
Si nous voulions parler ici des doutes & de
IJobfcurité que des raports de mots ont jetés dans
l ’Hîftoîre ancienne , des changements 8t des mal-*
heurs qui ne font arrivés que faute de s’entendre $
nous trouverions moyen de donner quelque importance
au Calembour , & de remonter peut-être à
1 origine de l ’antipathie qui exifte entre la F h ilo -
fophie & lui ; mais nous nous contenterons cf ajouter
qu’i l faudroit avoir bien de la rancune pour le bannir
abfolument de la foc ié té , aujourdhui que nous fom—
mes affez éclairés pour q u i l . ne puiffe plus nous
donner que matière à rire.
Pour finir dignement cet a rtic le , nous devrions
indiquer fon étymologie ; mais nous avons le courage
d avouer que nous ne la connoiffons pas. O n
croit bien y trouver le mot latin Calamus ; mais
i l faudroit quelque chofe de plus : d’ailleurs cette
origine ne conviendroitpoint aune plaifanterie que
l ’oreille feule peut admettre. On doit nous trouver
bien généreux de convenir ainfi de notre impuif-
fance: car i l ne tiendroit qu’à nous de dire qu’i l
dérive du compofé KaÀAiSo'lpvf , f e d ivifant en
beaux ram ea u x , ce qui exprimeroit affez bien le s
différentes fignifications d’un même m o t .'C ’eft ici
le feul lieu de parler de deux autres rébus connus
fous le nom de Charade & de Contrepetterie , q u i ,
fans avoir aujourdhui les mêmes refîources que le
Calembour, ont pu produire autre fois les mêmes,
erreurs.
Pour faire une Charade, i l faut choifîr un mot
compofé de deux fyllabes , qui chacune faffe un
mot, tel que mouton , alors on propofo ce mot à
deviner, en difant , ou à peu près : Mon premier
défigne ce qui n 'a p oin t de confifiance ; fa n s mon
fé con d i l njy auroit p o in t de M ufique : mon Tout
efi un animal pacifique. Ainfi , la Charade eft toujours
une plaifanterie préparée.-V . C harade.
On fait une Contrepetterie lorfqu’on tranfpofe
la première lettre de deux mo ts , ce qui arrive
fréquemment à ceux qui parlent avec trop de vo*
lub ilité; mais pour qu’elle foit exacte, i l faut que
la phrafe ait toujours quelque fens, quelque ridicule
qu il foit : exemples , un f e u trop près du port 5
pour un .peu trop près du fo r t ; le caire fe mouche 3
pour le maire fe couche.
L a Contrepetterie offre quelque fois des contraftes
affez plàifants : la Charade peut quelque fois être
un madrigal & même une épigramme ; mais e lle
reffemble toujours à un commentaire , & ne fe pré-?
fonte jamais que fous le même afpeét. O n voit
d’ailleurs que ces deux fortes de rébus font dénués
de gaieté par leur conftru&ion, & que les p lu sp la i-
fants font ceux que nous ne pouvons citer ic i. ( A n o n
y m e . |
(N.) K O U F îQ U E ,a d j. L a n gue s .Cara&ère arabe %
ainfi nommé de la v ille de Kouffa , où i l étoi- par*
tieulièrement en ufage. Vov e\ un Mémoire hijlori-
que & critique fu r les langues orientales , par
M. de Guignes , dans les Mémoires de V Académie
des In fcription s , tom. x x x v i . ( l 'É d i t e u r . )
L , f. 113*
L L
« L , f. F- c ’ eft la douzième lettre &-la neuvième
conforme de notre alphabet. Nous la nommons
èLe ■ les grecs i ’apeioient lambda , & l es/ he
breux lam e i : nous nous fommès tous .mépris.
Un e confonne reprèfente une articulation ; «
toute articulation, étant une modification de la voix,
fuppofe néceffairement une voix , parce q u e lle
ne peut pis plus exifter fans la voix , qn une
çouleur fans un corps coloré. Une conforme ne
peut donc être nommée par elle-meme , i l faut
lui prêter une voix ; mais ce doit être la moins fen-
L e caraétère majufcule L nous vient des la t in s ,
qui l ’avoient reçu des grecs-; ceux-ci le tenoiént des
phéniciens ou des hébreux, dont 1 ancien lamed eft
fomblable à notre L , fi ce n e ft que l.angle y >eft
plus a ig u , comme on peut le voir dans la difler-
tation du P . Sou cie t, & fur les médailles hébraïques.
L ’articulation repréfontée par l , eft lin g u a le ,
parce qu e lle éft produite par un mouvement particulier
de la langue dont la pointe frappe alors
contre le palais , vers la racine' des dents" fupe
rièures. .O n donne auffi à cette articulation le nom
de liquide , fans doute parce q u e , comme deux
liqueurs s’ incorporent pour n en plus faire qu une
feule réfultée de leur mélange , ainfi cette ^articulation
s’allie fi bien avec d autres., qù elles
ne paroiffent plus faire enfemble quune fouie
modification inftantanée de la même v o ix , comme
dans blâme , c l é , p l i , g lo fe , flû te , p la ine , bleu ,
clou , gloire , &c.
L tripiieem , ut P lin io vidè iur , fonum habet :
ex ile m , quando geminatur Cecundo loco profita,
u t ille , Metellus ; plénum , quando f in it no,mina
v e l fy lla b a s , & quando habet ante f e in eâd'em
fy lla b â aliqiiam confonantem , ut f o l , f y lv a ,
flavus > clarus ;• medium'in a lïis , ut leftu s, le é là ,
îeétum , (Prifc. lib. ï. D e qçcidèntibus ütterarum.)
S i cette remarque eft fondée fur Un ufage r é e l, elle
éft perdue aujourdhui pour nos Organes, & i l ne
nous eft pas poffibie d’imaginer les difterêncês
qui fefoient prononcer la lettre T, ou foibie , ou
pleine , ou moyenne. Mais i l pourroit bien efi
être de cette obforvatîon de Pline , répétée affez
modeftement par Prifcien , comme de tant d?autres
que font quelques-uns de/ nos grammairiens fur
: certaines1 lettres “ de ’ notre a lp h a b e t& q u i , pour
paffer par plufieurs " bouches , 11’ èn. acquièrent pas
plus, de vérité;,6c te lle eft, par exemple , Poplhïon
de ceux qui prétendent trouver dans notre langue
pRJMM, ET l'IT TÉR dT ' TQ1Ï}Ç Ü t
un z confonne différent de 7 , & qui lui donnent
le nom dé mouillé fo ib ie . V oy e 1 I.
O n diftingue auffi une l mouillée dans quelques
langues modernes de l ’Europe ; par exemple , dans
lè mot françoisVrmyêz7 , dans le mot italien meglio
( meilleur J , & dans le mot efpagnol llamar
( appeler :). L ’ortographe dés italiens & des e f-
pagnols à l ’égard de cette'articulation ainfi confi-
dérée , eft une & invariable;^// chez les uns, //
chez les ,autres , en' eft toujours le caraétere di(-
tinéti'f : chez nous c’eft autre chofe. ^
i ° . Nous iepréfontons . l ’articulation mouillée
dont i l s’a g i t , par la fettie lettre / quand ^ elle eft
finale' & précédée d’un z , foit prononce ,s foit muet,’
comme dans b a b il, c i l , mil ( forte de graine ) ,
g en til ( païen ) , péril , b a i l , vermeil, é c u e il,
fe n o u il j & c. I l faut feulement^excepter f i l , N i l ,
mil ( àd jé ftif numérique' qui n entre que dans les
expreffions1 • numériques éompofées , comme m il-
Jept-cèn i-fo ixaftié) 5 & l gs adjetlifs en z7 , comme
v U , c iv il , f i lb t i l , &c. où la lettre / garde
fa prononciation naturelle : i l faut auffi excepter
lés cinq mots f u f i l , four c i l , o u t i l, g r i l , gentil
( jo li ) , & le nom f i l s où la lettre / eft entièrement
mu ette.. ; ’ . , , ,
i ° , Nous repréfentons l ’articulation mouillée
par //, dans le mbt S u lli ; & dans ceux ou i l y
a .avant U un i prononcé, comme dans f i lle , angu
ille , pillage , cotillon ,p o in t ille u x , &c. 11 faut
excepter G il le s , m ille , v ille , & tous les mots
commençans par i l l , comme illégitime , illum in é,
illufion , illujlre , & c. •'* . x . '
30. Nous repréfentons la même articulation par
i l l , de manière que T z eft réputé muet lorfque
la v o y e lle prononcée avant l ’articulation , eft autre
que z ou u , comme dans p a i lla f f e , o re ille,
oille , f e u i l l e r o u i l l é , &c. ‘
Rbüérgue f l c, ; 1 '' ' ' ■ / / 11 . ' ' ' . . . r Qu’i l me foit permis de dire ce que^ je pente
dë notre prétendue / mouillée ; car enfin i l raut
bien, ofor quelque chofe centre les préjugés. I l
fomble que l ’z prépofitif de nos diphthongues doive
pat-tout nous faire' illufion ■ c’eft cet z qm a
trompé les grammairiens , qui 'ont cru demeler dîfns
notre langfie une confonne qu’ils ont appelée i 1
mouillé fo ib ie ; & c’eft, je crois, le mêmez qui les
trdmpe for notre / mouillée qu’ ils appellent le
mouillé fo r t.' . ' .. f .
Dans lés mots f e u illa g e , 'gentilleffe , f em d la n t ,
carillon , : merveilleux , ceux qm parlent le mieux
ne font entendre à mon oreille que 1 articulation
D a'd 1 •