
Y I r r é f o lu il faut écla irer, inftruire , prefîer, con-
vaincre Y Indécis.
Pour déterminer 1*Indécis , i l faut avoir de l ’autorité
fur fon efprit. Pour déterminer 1*Irréfolu,
i l faut avoir un certain empire fur fon ame.
I l eft plus difficile de mener Y Indécis que Y lr -
réfolu. I l feroit peut-être moins aifé de corriger
Y Irréfolu que Y Indécis.
L e terme d* Indécis peut être appliqué aux chofes.
L ’épithète d’Irréfolu ne convient qu’aux perfonfteSJ
( M . Vabbé R O u BAUD. )
( N . ) IR R É S O L U T IO N , IN C E R T IT U D E ,
P E R P L E X IT É . Synonymes.
UIrréfolution eft une timidité à entreprendre*.
L ’ Incertitude, une Irréfolution à croire. L a P e r—
p le x it é , une Irréfolution inquiètev(-M./e marquis
D E V a u V E N A R G U E S . )
J A L
J , f. m. C ’eft la dixième lettre & la feptième
confonne de l ’alphabet françois. Les imprimeurs
■ l’appellent i a Hollande , parce que les hollan-
■ dois i ’introduifîrenc les premiers dans l ’imprefiion.
Conformément au fyftême de la Grammaire générale
de P 'o r t-R o y a l, adopté par l ’auteur du
S u r ea u typographique, le vrai nom de cette
lettre eft j e , comme nous le prononçons dans le
pronom de la première perfonne 5 car la valeur
propre de ce cara&ère eft de repréfenter l ’arcicu-*
lation fifflante qui commence les mots Ja p on ,
j ’ofe , & qui eft la foible de l’articulation forte
q ui eft à la tête des mots prefque femblables ,
chapon , chofe. J eft donc une confonne lin gu a le ,
fifflante, & foible. V o y e \ , au m ot C onson ne,
l e fyftême de M. 'du Mariais fur les confiâmes ,
& à Y article H , celui que j’adopte fur le même fujet.
O n peut dire que cette lettre eft propre a l’alphabet
françois, puifque , de toures les langues anciennes
que nous connoiffons , aucune ne fefoit
ufage de l ’articulation qu’elle repréfente ; & , que
parmi les langues modernes, fi quelques-unes en
fon t u fa g e , elles la repréfentent d’une autre manière.
A in fi, les italien s, pour prononcer ja r d in o ,
jo r n o , écrivent giardinO, giorno. V o y e z le Maître
ita lien de Vénéroni, p a g , $ , édit, de P a r is ,
3705». Les efpagnols ont adopté notré caractère ,
mais i l fignifie chez eux autre chofe que chez
nous ; h i jo , f ils , Juan , Jean , fe prononçant prefque
comme s’i l y avoit ik k o , Kh ou an. V o y e z la
Méthode efpagnole de P o r t -R o y a l, p . 5, édit, de
P a r i s , 1660.
Les maîtres d’Écriture ne me paroiffent pas aporter
a lle z d’attention pour différencier le J capital de
V I y que ne fuivent-ils les errements du caractère
courant ? L ’ i ne defcend pas au deffous du corps des
autres caraéfcères , le j defcend: voilà la règle pour
le s capitales. ( M . B eauzée.)
( N. ) J A L O U S IE , ÉM U L A T IO N S y non.
L a Jaloufie & YÊmulation s’exercent fur le même
objet, qui eft le bien ou le mérite des autres : en
voici la différence.
JJ Emulation eft un fentiment volontaire, courageux,
fiacçre ; qui rend Tame féconde; qui la
J A R
fait profiter des grands exemples , & la porte fou-
vent au deffus de ce qu’elle admire. /
La Jaloufie au contraire eft un mouvement violent
& comme un aveu contraint du mérite qui eft
hors .d’elle : elle và même jufques à nier la vertu
dans les fùjets où elle exifte ; ou , forcée de la re-
connoître , elle lui refufe les éloges ou lui envie
les récompenfes : paffion ftérile , qui laiffe l ’homme
dans l ’état où elle le trouve; qui le remplit de
.lui-même, de l’idée de fa réputation ; qui le rend
froid & fec fur les avions ou fur les ouvrages
d’autrui ; qui fait qu’il s’étonne de voir dans le
monde d’autres talents que les liens , ou d’autres ,
hommes avec les mêmes talents dont il fe pique :
vice honteux, qui, par fôn excès y rentre toujours
dans la vanité & dans la préfomption ; & qui ne
perfuade pas tant, à celui qui en eft bleffé , qu’il a
plus d’efprit & de mérite que les autres, qu'il
lui fait croire qu’il a lui feu! de l ’éfprit & du mérite
(r;. .
L ’Émulation & la Jaloufie ne fe rencontrent
guères que dans les perfbnnes de même ar t, dé
mêmes talents , & de même condition. Les plus vils,
artifans font les plus fujets à . la Jaloufie. Ceux
qui font profeifion des Arts libéraux ou des belles-
Lettres, les peintres , les muficiens, les orateurs ,
les poètes ., tous ceux qui fe mêlent. d’écrire, ne
devroient être capables que d Emulation. ( h A
Bruyère. )
Au fond, la baffe Jaloufie n’a rien de commun
avec Y Émulation , fi néceflaire aux talents : la,
première en eft le poifon ; celle-ci en eft l ’aliment
, & elle eft également glorieufe à ceux qui en
font animés & à ceux qui en font l’objet. (M . U abbé
Bergier. ) .,
J A R G O N , f. m. Grammaire. Ce mot a plu-
fîeurs acceptions. Il fe dit i°. d’un langage corrompu,
tel qu’il fe parle, dans nos provinces : i°. f.
d’une langue faCtice , dont, quelques perfbnnes. con-,
viennent pour fe parler en= compagnie & n’etre,
(!) Tout ceci n’éçoit qu’une période dans l’originaj ; j’aî
oie en faire plufieurs, afin de rendre la difl'in&jon plus
cfaire , & de mieux adapter ce morceau aux autres article^
pareils,, ( M. JBeAVZÉE. )
pas entendues: 30. d’un certain ramage de fociété;
qui a quelque fois fon agrément & la fineffe , &
qui fupplée à l ’efpnt véritable, au bon fens ,
au jugement , à la raifon , & aux connoiffances
dans le s perfonnes qui ont un grand ufage du
monde ; celui-ci confifte dan; des tours de phrafe
particuliers, dans un ufage finguiier des mots, .dans
l ’art de relever de petites idées froides , puériles,
communes, par une expreffion recherchée. On peut
le pardonner aux femmes ; i l eft indigne d un
homme. Plus un peuple eft futile & corrompu ;
plus i l a dé J a r g o n . L e précieux ou cette affectation
de langage fi oppofée à la naïveté , à la
vérité , ail bon goût;, & à la fr-anchife , dont la nation
écoit infectée- & que Moliere décria en une
foirée , fut une efpèce. de J a r g o n . On. a beau
corriger ce mot de J a r g o n par les épithètes de.
jo li f d’obligeant , de délicat , j d’ingénieux ; i l
emporte toujours avec lu i une idée -de frivolité.
On diftingue quelque fois certaines langues anciennes
qu’on regarde, comme fimples , unies , &
primitives , d’autres langues modernes qu’on regarde
comme compoféès des premières, par le mot de
J a r g o n . A in f i,.T o n dit que l ’italien , l ’ efpagnpl,
& le françois y ne font que des J a r g o n s latins. En
ce fens , le latin ne fera qu’un J a r g o n du grec &
d’une autre langue ; & i l n’y en a pas une dont
on n’en pût dire autant. Ainfi , cette diftinCtion des
langues en langues primitives & en J a r g o n s , eft fans
fondement. ( M . D i d e r o t . )
■ Jargon. B e l l e s - L e t t r e s , P o é f i e . I l n ’ a m a n q
u é à M o l i è r e q u e d ’ é v i t e r l e Jargon & d ’ é c r ir e
p u r e m e n t , dit L a Bruyère ; i l a raifon quant
a la pureté du ftyle. Mais quel eft le J a r g o n que
Molière auroit dû éviter ? Ce n’ eft certainement
pas celui des précieufes & des femmes favantes ;
i l eft de l ’effençe de fon fujet f ce n eft pas celui
d’Alain & de Georgette ; i l contribue à carafté-
rifèr leür naïveté villageoife , & .à marquer la
précaution ridicule de celui qui en a fait les
gardiens d’Agnès : ce n’eft pas non plus celui que
Molière fait parler quelque fois aux gens de la
C ou r & du Monde ; car i l n’imite les nngularités
recherchées, de leur langage , que pour tourner en
ridicule cette même affectation nulle recherche
dans le langage du M i f a n t h r o p e , ni du Chrifale
des F em m e s f a v a n t e s , ni de Cléante dans le T a r t
u f f e ; & ce que l ’on ap pelle le J a r g o n du Monde,
i l le réferve à fes marquis.
Scarron , dans fes pièces bouffonnes , employoit
un burlefque emphatique du plus mauvais goût. Ce
J a r g o n fait rire un moment par fa bizarre extravagance;
mais on a honte d’avoir ri.
L e J a r g o iv villageois a été heureufèment employé;
quelque fois par Dufreiny & par Dancourt ;
i l eft très-bien placé dans le jardinier de Y E f p r i t
d e c o n t f a d i c l io n : mais Dancourt, dont le dialogu
e eft fi v if, fi g a i , fi naturel, s’eft éloigné
de la vraifemblance, en entre-mélant fans raifon
dans les perfonnes du même è:at le J a r g o n v illa geois
& le-langage de la v ille : dans l e s t r o i ç
C o n f in e s , fes payfannes parlent comme des demoi-
felles ; & leurs pères & mères, comme des pa y-
fans.
L e J a r g o n villageois a quelque fois l ’avantage
ne, contribuer au comique de fituation, comme
dans l ’ ü f u r i e r g e n t i lh o m m e ; c’eft là furtout qu’i l
eft piquant. Quelque fois i l marque une nuance
de fimplicité dans les moeurs ; & Molière s’en eft:
habilement fervi pour diftinguer la fimplicité groG
fière de G eo rg e tte , de la naïveté d’Agnès. Mais
fi le J a r g o n villageois n’a pas l ’un de ces deux
mérites , on fera beaucoup mieux de mettre un
langage pur dans la bouche des payfàns. L ’ingénuité
a le naturel, la fimplicité même n’a rien
d’incompatible avec la correction du langage. C e
qu’i l y a de plus incompatible avec le J a r g o n ,
v illa g eo is, c’eft un raffinement d’expreffion, une
recherche curieufe de tours -finguiiers ou. de figures
écudiées ; & c’eft ce qui gâte le naturel des payfans
de Marivaux.
Dans la langue italienne , les. différents idiomes
font ennoblis ; parce qu’i l n’y a point de v ille
principale qui donne exclufivement le ton ; & parce
que de bons écrivains les ont tous employés &
quelque fois mélés enfemble, non feulement dans
la Comédie , mais dans des poèmes badins.
L e J a r g o n du Monde & de la Cour a fa place
dans le comique ; Molière eii a donné l ’exemple :
mais on en abufe fouvent ; & parce q u e , dans une
pièce moderne d’un coloris brillant & d’une vérité
de. moeurs très - piquante , ce J a r g o n , emp loyé
avec goût & Cerné de traits & de faillies, a réuffi
au T h é â tre , on n’a ceffé depuis d’écrire d’après ce
modèle .& de copier ce J a r g o n . Les jeunes gens
nç parlent plus d’autre langage fur la Scène comique;
aux perfonnages même qu’on ne veut pas
tourner en ridicule , on donne ' fans difeernement ce
ridicule de l ’expreffion ; & c e la , faute de connoître
le ton du Monde & de la Cour , dont le vrai caractère
eft d’être uni & fimple. ( M . M a r m o n -
tél. I
(N.) JEU D E M O T S . Allufion grammaticale,
dans laque lle on paroît jouer en effet fur les mots ;
plus tôt qu’énoncer une penfée fine. ( V o y e z A ll
u s i o n ) . L a prétendue ; fineffe de ces brillantes
fadaifes dépend de l ’Équivoque , vice en général
fort oppofé à la première qualité de toutes les
langu es, mais fpécialement au génie de la langue
françoife.
« Je 'ne veux , dit M. de L a Motte ( I. D i f c .
f u r l a T r a g é d i e , à l ’occafion des Machabées ) ,
» qu’une feene de V e n c e f l a s ( de Rotrou ) pour
»ex emple de , ces défauts ûe ftyle que réprouve
» la nature . . . . Ladiflas aime éperdûment C a f-
» fandre. I l avoit fu iv i. d’abord la violence de fa
» paffion jufqu’à attenter à la pudeur de fa maître AV;