
L a fameufe fè;e des Lupercaies (îtoit établie en
l ’honneur de la louve qui allaita llomulus &
Rémus.
Sur quoi émit fondée la fête d’Orion , célébrée
le 5 des ides de Mai ? L e voici. Hirée reçut chez
lui .Jupiter, N eptun e , & Mercure; & quand tes
hôtes prirent con g e , ce bon. homme, qui n’avoit
point de femme & qui vouloit avoir un enfant ,
témoigna fa douleur aux trois dieux. O n n’ofe
exprimer ce qu’ils firent fur la peau du boeuf
qu'Hirée leur avoir fervi'àmanger ; iis couvrirent
enfui te cette peau d’un peu de terre, & de là naquit
O ri on au bout de neuf mois.
Prefque toutes les fêtes romaines, fy rie unes ,
grèques , égyptiennes , étoient fondées fur de pareils
contes, ainfi que les temples & les ftatues des
anciens héros. Cetoient des monuments que la crédulité
confacroit à l ’erreur.
Une méd aille, même contemporaine, n’eft pas
quelquefois une preuve. Combien la flatterie n a -
t -elle pas frapé -de médailles fur des batailles
très-indécifes, qualifiées de v i& oire s , & fur des
entreprifes^ manquées , qui n’ont été achevées que
dans la légende ? N ’à-t-on pas, en dernier lieu-,
pendant^la guerre de 1740 des anglois contre-le
roi d’Efpagne , frapé une médaille qui atteftoic la
prife de Carchagène par l ’amiral V ernon,' tandis que.
cet arpiral le voit le liège ? *
Le s médailles ne font des témoignages irréprochables
, que lorfque l ’évènement eft attefté par *
des auteurs contemporains ; alors ces preuves , . fe
foutenant l ’une par l ’autre, conftatent la vérité.
D o it -o n , dans /’Hiftoire , inférer des harang
u e s & fa ir e desportraits ? S i , dans une occafion
importante, un Général d’armée, un homm.e d’État
a parle d’une manière fingulière & forte qui ca-
radérife fon génie & celui de fon f iè ç le , i l faut
fans doute raporter fon difeours mot pour mot;
de telles harangues font peut - être la partie de
Y Hiftoire la plus utile. Mais pourquoi faire dire
à un homme ce qu’i l n’a pas dit ? I l vaudront pref-
que autant lui attribuer ce qu’i l n’a pas fait ; c e ft
une fi&ion imitée d?Homère. Mais ce qui eft
fiétion dans un po èm e , dévient à la rigueur men-
fonge dans un hiflojien. Plufieurs anciens ont eu
cette méthode; cela ne prouve autre chofè, finon
que plufieurs anciens ont voulu faire parade dè leur
éloquence aux dépens de la vérité. V . H a r àn çu e .
* Le s portraits montrent encore bien fouvent plus
d’envie de, briller que d’inftruire : des contemporains
font en droit de faire le portrait des hommes
d’Etat avec lesquels ils ont, négocié , des (généraux
fous qui ils ont fait la guerre. Mais qu’i i éft
à craindre que le pinceau ne foit guidé par la
paflion ! I l paroît que les portraits qu’on trouve
dans Clarendon font faits^avèc plus d’impartialité,
de gravité, & de fageffe, que ceux qu’on lit avec plaifîr
dans le cardinal de Retz.
M û s vouloir peindre les anciens, s’efforcer de
developer leurs âmes , regarder les -évènements'
comme des- cara&è rés avec lefquels on peut lire
furement dans ■ le fond des coeurs, c’eft une en-
treprife bien délicate ; c’eft dans plufieurs une puérilité.
r
D e l a m a x im e d e C i c é r o n c o n c e r n a n t /’Hifi-
toire;. q u e l hiftorien n ’ o f e d i r e u n e f a u j f e t é , n i
c a c h e r l a v é r i t é . L a première partie de ce précepte
eft inconteftable ; i l faut examiner l ’autre. Si une
vérité peut être.de quelque utilité a l ’É tat, votre
üience eft condamnable. Mais je fuppofe que vous
écriviez Y H i f t o i r e d’un prince qui vous aura confié
un fecre t, devez - vous le révéler ? devez-vous dire
-a la Poftérité ce que vous feriez coupable de dire,
en fecret à un feul homme ? L e devoir d’un h i f i
to r i e n remportera-t-il fur un devoir plus grand ?
<■. fuppofe encore que vous ayez été témoin,
d une foibleffe qui n’a point influé fur les affaires
publiques , devez-vous révéler cette foibleffe ? En ce
cas, Y H i J i o i r e Y c t o h une fatyre.
I l faut avouer que la plupart des écrivains d’anecdotes
font plus indifcrecs qu’utiles. Mais que dire
, ces compilateurs infolents, q u i , -fe fêlant un .
mérité de medife , impriment & vendent des fean-
dales, comme Lecaufte veqdoit des poilons ?
l Hiftoire f a t y r i q u e . Si Plutarque a repris
Hérodote de n’avoir pas affez relevé la gloire de
quelques ville s grèques & d’avoir omis plufieurs
faits connus dignes de mémoire , combien font
plus repréhenfîbles aujourdhui ceux q u i , fans avoir
aucun des mérites d’Hérodote, imputent aux princes,
aux nations , des a&ions odieufgs, fans la plus
legere apparence de preuves? L a guerre de 17 5 1 ,
a été écrite en Angleterre. On trouve, dans cette
H i f t o i r e ^ qu’ à la bataille de Fontenoy,' l e s f r a n ç
a i s t i r è r e n t f u r l e s a n g l o i s a v e c d e s b a l l e s em -
p o i f o n n e e s & d e s m o r c e a u x d e v e r r e v e n im e u x f-’
& q u e l e d u c d e C u m b e r la n d e n v o y a a u m i d e
F r a n c e u n e b o i t e p l e i n e d e c e s p r é t e n d u s p p i -
f o n s t r o u v é s d a n s l e s c o r p s d e s a n g l o i s b le j f é s *
L e même auteur ajoute, que les françois ayant
perdu quarance-mille hommes à cette bataille , le
Parlement de Paris rendit un a rrêt, par leque l i l
eçoit défendu d’en parler , fous des peines corporelles;
Des Mémoires frauduleux , imprimés depuis peu ,
font remplis de pareilles abfurdités infolentes. O n
y trouve qu’au fiége de L i lle , les alliés jétoienc
des billets dans la v i l le , conçus..en. çes termes :
F r a n ç o i s , c o n fo le y -y o u s , l a ÏV L à in ten o n n e f e r a pas
v o t r e f e i n e .
Prefque chaque page eft remplie d’impoftures
Sç dp termes offenfants contre la famille royale &
contre j^s. familles principales du royaume, fans
alléguer la plus légère vraifçmblançe qui puiffe
donner la moindre couleur à ces menfonges. Ce n’eft
point écrire Y H i j l o i r e , e’eft écrire au hafard des^l
calomnies. Qa a im p rim é en H o l l a n d e , fou s l e titre
d’H i j l o i r e , line foule de lib e lle s , dont le ftyle eft
aufïi groflier que les injures, & les faits aufli faux
qu’ ils font mal écrits. C ’e f t , dit-on, un mauvais
fruit de l’excellent arbre de la liberté. Mais fi les
malheureux auteurs de ces inepties ont eu la liberté
de tromper les le&eu rs, i l faut ufer ici de la liberté
de les détromper.
D e l a m é th o d e , d e l a m a n iè r e d }é c r i r e /’H i f toire,
& d u f i y l e . O n en a tant dit fur cette matière
, qu’i i faut ici en dire très-peu. O n l’ait affez
que la méthode & le ftyle de Tire - Live ., fa
gravite , fon éloquence fage , conviennent à la
majefté de la république r om a in e ; que Tac ite eft
l e plus fait pour peindre les tyrans ; P o ly b e ,
pour donner, des „leçons de la guerre ; Denys d’Ha-
licarnaffe, pour developer les antiquités.
Mais en fe modelant en général fur ces grands*
maîtres , on a aujourdhui un fardeau plus pefant
que le leur àfoutenir. O n exige des h i f i o r i e n s
modernes plus de détails , des faits plus conftatés.-,
des dates précifes, des autorités, plus d’attention
aux ufages , aux lo is , aux moeurs , au Commerce,
à la Finance , à l ’Agriculture, à la Population. I l
en eft'de Y H i j l o i r e comme des Mathématiques ,
& de la Phyfique : la carrière s’eft prodigieufe-
ment accrue. Autant i l eft aifé de faire un recueil
de gazettes , autant i l eft difficile aujourdhui d’écrire
Y H i j l o i r e .
. O n exige que Y H i j l o i r e d’un pays étranger ne
foit point jetée dans' le même moule que ce lle de
votre patrie.
Si vous faites Y H i j l o i r e de France , vous n’ êtes
pas obligé de décrire le cours de la Seine & de
la Loire ; mais fi vous donnez au Public les conquêtes
des portugais en A f iê , on exige une topographie
des pays découverts. O n veut que vous
meniez votre le&eur par la main le lon g de
l ’Afrique , ou des côtes de la Perfe & de l ’Inde :
on attend de vous des inftru&ions fur les moeurs ,
les lo is , les ufages de ces nations, nouvelles pour
l ’Europe.
Nous avons vingt H i j l o i r e s de l ’établiflement
des portugais dans les Indes ; mais aucune ne nous
a fait connoître les divers Gouvernements de ce
pa ys,, fes relig ion s , fes antiquités, les brames, les
aifciples de J e an , les guèbres, les banians. Cette
réflexion peut s’appliquer à prefque toutes les H i f -
t o i r e s des pays étrangers.
S i , vous n’avez autre chofe à. noirs dire, fiiion
qu’un barbare a fuccédé à un autre barbare fur les
bords de l ’Oxus & de l ’Iaxarte , en quoi êtes-vous
utile au Publie ?
L a méthode convenable à Y H i j l o i r e de votre
pays n’eft pas propre à écrire les découvertes du
nouveau monde. Vous n’écrirez point fur une v ille
comme fur un grand. Empire ; vous ne ferez point
la vie d’un particulier comme vous écrirez Y H i j l o i r e
d’Efpagne ou d’Angleterre.
Ces règles font affez connues; mais l ’art de bien
écrire Y Hiftoire fera toujours très-rare. O n fait
affez qu’i l faut un ftyle grave, p u r , varié , agréa-
'b le . 11 en eft des lois pour écrire Y H iß 0 ire ,
comme de celles de tous les Arcs de l ’ efprit ; beaucoup
de préceptes , & peu de grands arciftes. ( FO L -
TA1RE. )
H I S T O R IO G R A P H E , f. m. Gramm. &
H iß . mod. C e lu i qui écrit ou qui a écrit Y H if -
toire. C e mot a été fait pour défîgner cette claffe
particulière d auteurs j mais on l ’emploie plus
communément confine le titre d’un homme qui a
mérité, par fon talent, fon intégrité , & fon jugement
, le choix du Gouvernement pour tranfmettre
à la poftérité les grands évènements du.règne pré-
fent. Boileau & Racine furent nommés Hifio r io -
graphes fous Louis X IV . M. de Voltaire leur a
fuccédé à cette importante fonction fous le règne
de Louis X V . Cet homme extraordinaire, appelé
à la Cour d’un prince étranger, a laiffé cette place
vacante qu’011 a accordée a M. Duclos , fècrétaire
de l ’Académie françoife. Racine & Boileau n’onc
rien fair. M. de Voltaire a écrit l ’hiftoire du fiècle
de Louis X V . ( M . D id e r o t .*)
H I S T O R IQ U E , adj. Gramm. Qu i appartient
à YHifioire. I l s’oppofe à F ab uleux . O n dit
les temps hifloriques , les temps fa b u leu x . O n
dit encore un ouvrage hifiorique. L a peinture hif-
torique eft ce lle '-qui repréfente un fait réel , une
aétion prife de YH iß o ir e , ou même plus généralement
une aétion qui fe paffe entre des hommes;
que cette aétioii foit r é e lle , ou qu’elle foit d’imagination
, i l n’importe. Ici le mot Hifiorique distingue
une claffe de peintre & un genre de pein«
ture. (M . D i d e r o t . )
H IS T R IO N , f. m. H iß . rom. Farceur , baladin
d’Étrurie. O n fit venir à Rome des H iflr io n s
de ce pays-là vers l ’ an 391 pour des jeux fcéniques;
T ite -L iv e nous l ’apprend, déc. I , lib. vij.
Le s romains ne connoiffoient que les jeux du
cirque , quand on inftitua ceux du théâtre , où des
baladins , qu’on appela d’Étrurie, dansèrent avec
affez de gravité a la mode de leur pays & au
fon de la flûte, fur un fimple échafaud de planches.
O n nomma, ces auteurs Hifirions , parce qu’en
langue tofeane un farceur s’appeloit H ifle r ; & ce
nom refta toujours depuis aux comédiens.
Ces Hifirions , après avoir pendant quelque
temps joint à leurs danfes tofeanes la récitation de
vers M e z groffiers & faits fur le champ , comme
pourroient être les vers fefeennins, fe formèrent
en troupes , & récitèrent des pièces appelées fa ty r e s ,
qui avoient une mufique régulière au fon des
flûtes, & qui étoient accompagnées de danfes & de
mouvements convenables. Ces farces informes durèrent
encore z z o ans , jufqu’à l ’an dé Rome 5 1 4 ,
que le poète Andronicus fit jouer la première
pièce r é g lé e , c’eft à dire , qui eût un fujet fuivi;
& ce fpedtacle ayant paru plus noble & plus par