
toutes les occurrences. La langue grèque elle-même,
qui admet les cas dans les autres noms, n’y a point
aflujetti fes infinitifs ; elle exprime les raports à
l ’ordre de l ’énonciation , ou par l ’article qui fe met
avant l ’infinitif au cas exigé par la Syntaxe grèque ,
ou par des prépofitions conjointement avec le même
article. Nous dilons en Iran cois avec un- nom , le
temps de dîner, pour le dîner, .&c ; & avec un
verbe , le temps d ‘ aller, pour aller, &c : de même
les grecs difent avec le nom , aptt rv etpiVly, -xpts to
•ïpirloT , & avec le verbe wpa ry. -xap$vio-dai , wpos to
9optvisHa.t.
Les latins ont pris une route différente; ils ont
donné à leurs infinitifs des inflexions analogues aux
cas des noms; & comme ils difent avec les noms
tempus prandli , ad prandium , ils difent avec les
verbes, tempus eundi , adeundum.
Ce font ces. inflexions de l ’infinitif que l ’on
appelle Gérondifs , en latin Gerundia , peut-être
parce qu’ils tiennent lieu de l ’infinitif même, vi-
cem gerunt. Ainfi, il parois que la véritable notion
des Gérondifs exige qu’on les regarde comme différents
cas de l ’infinitif même , comme des inflexions
particulières que l ’iifage de .la langue latine a
données à l’infinitif, pour exprimer certains points
de vue relatifs à l ’ordre de l ’énonciation; ce qui
produit en même-temps de la varié.é dans le .dû-
cours , parce qu’on n’ eft pas forcé de montrer à
tout moment la terminaifon propre de l’infinitif.
On diftingue ordinairement trois Gérondifs : le
premier a la même inflexion que le génitif des
noms de la fécondé déclinaifon, fcr iben di; le fécond
eft terminé comme le datif ou l’ablatjf,_/Z'/7-
bendo ; & le troifième a la même terminaifon que
le nominatif ou l’accufatif des noms neutres de
cette déclinaifon , fcribendum. Cette analogie des
terminaifons des Gérondifs avec les cas des noms ,
eft un premier préjugé en faveur de l’opinion que
nous embraffons ici; elle va aquérir un nouveau degré
de vraifemblance par l ’examen de l ’ufage qu’on en fait
dans la langue latine.
I. Le premier G é ro n d if, celui qui a la terminaifon
du génitif, fait dans le difeours la même
fonction , la fonction de déterminer la lignification
vague d’un nom appellatif, en exprimant le terme
d’un raport dont le nom appellatif énonce l ’antécédent
: tempus fcribendi , raport du temps à
l ’évènement ; fa c i lita s fcribendi , raport de la
puiffance à l ’acte ; caufa fc r ib en d i, raport de la
caufe à l ’effet. Dans ces trois phrafes , fcribendi
détermine la lignification des noms tempus , fa c i lita
s y ca ufa , comme elle feroit déterminée par le.
génitiffe riptionis , fi l ’on difoit tempus fe r ip tion is ,
fa c i l ita s fer ip tion is , caufa feriptionis. Voyez
G é n i t i f .
II. Le fécond G é r o n d if, dont la terminaifon eft
la même que celle du datif ou de l ’ablatif, fait les
fonctions tantôt de l ’un & tantôt de l’autre de ces ças.
. .En premier l ie u , ce G é ro n d if fait dans le difeours
les fondions du datif. Ainfi , P lin e , en parlant des
ditrérentes efpèces de papiers ( lib. xm. ) , dit
emportîica in u tilis feribendo , ce qui eft la même
chofe que in u tilis fe r ip tio n i, au moins quant à
la conftruétion : pareillement comme on d ie, a li-
cui rei operam dare , Plaute dit ( Epidic. ad . i v . ) ,
Epidicum queerendo operam dabo.
En fécond lie u , ce même G éron d if eft fréquemment
employé comme ablatif dans les meilleurs auteurs.
i ° . O n le trouve fouvent joint à une p r é p o f i t io n
' dont i l eft le complément : In quo i j l i nos j u -
reconfulti impediunt , à difcendoqùe deterrent.
( C i c . de Orat. L u . ) . Tu quid cogites de tran-
feundo in Epirum feire fa n é v'elim ( Id. ad A t t ic ,
lib. ix. ). Sed ratio reclè fcribendi ju n c la cum
loquendo éft (Quin til. lib. 1. ),. H e u f e n e x , pro
vapulando , Hercle ego abs te mercedem petajn
(Piaut. auliil. act. ni.)! O n voit dans tous ces
exemples le G é ro n d if fervir de complément aux
prépofitions à , d e , cum , & p r o ; a difeendo ,
comme a ftudio ; de tranfeundo , comme de tran-
f i tu ; cum loquendo s de même çpiccum locutione ;
pro vapulando -, de même que pro verberibus.
z ° . O n trouve ce G é ro n d if employé ' comme
ab la tif, à caufe d’une prépofition fous entendue dont
i l eft le complément. On lit dans Quintilien
{ lib. XI . ) , memoria e'xcolendo augetur; c’eft la
même chofe que s’i l avoit dit , memoria culturâ
augetur. O r i l eft évident que la conftmétion pleine
exige que l ’on fnppiée la prépofition à : memoria
augetur à culturd ; ondoie donedirç auffi , augetur
ab excolendo.' ,
III. L e trojfième Gérondif, qui eft terminé en dum,
eft quelquefois au nominatif & quelquefois à l ’accufatif.
i . I l eft employé au nominatif dans ce vers de L u - 1
crèce ( lib. I. ) ,
Æternas quoniam panas in morte timendum ;
darts ce paflage de Cicéron ( de fenect. ) , Tanquant
aliquam viam longam con fe ce ris , quam nobis
quoque ingrediendum f i t ; dans cet autre du même
auteur ( lib. v u . epijl. v ij. ) , D ifc e jji ab eo bello ,
in quo aut in aliqu as infidias incidendum , au t
deveniendum in vicion s manu s, aut ad Jubam
confugiendum ; enfin dans ce texte de T ite - L iv e
( lib. X X X V . ) , B o ii noeîe fa ltum , qùâ tranfeun-
dum erat R om a n is , infederunt ; & dans c e lu i- c i
de Plaute ( Ep idic. ) , A liq u a confilia reperiun-
dum eft.
z . I l eft employé à l ’accufatif dans mille occa-
fions : Conclamatum propè ab univerfo Senatu
e f t , perdomandum feroces dnimos ejfe. ( T ite r
L iv e , lib. X X X V I I . ) " -
Legati refponfa ferunt, alia arma latinis
Qiixrendat autpacem trojano abrégépetendum,
Virg. Æn, |§ |
Quum oculis ad cernendUm non egeremüs ; ( Cic.
de natqnî JDeorum. ) E t inter agendum , occur-
fa r e càpro , cornu f e r i t i l l e , caveto ; ( Virg.
egl. i x . ) Namque ante domandum ingent-es tollem
animos. ( id. Georg. III. )
Nous croyons donc avoir fuffifamment démontré
que les Gérondifs font des cas de la fécondé déclinaifon
: nous avons ajouté que ce font des cas de l ’infinitif,
&ce fécond point n’eft pas plus douteux que le
premier.
Nous avons remarqué dès le Commencement,
«pie les points de vue énoncés en latin par les
Gérondifs , lè font en grec & en françois par
rinfinicif même fans changement à la terminaifon ;
c’eft même le procédé commun de prefque toutes
les langues. Cette première obfervation fuffiroit
peut-être pour établir notre doétrine fur la nature
des Gérondifs; mais l ’ufage même de la langue
latine eii fournit des preuves fans nombre dans mille
exemples, ou l ’infinitif eft employé pour les mêmes
fins & dans les mêmes circonftances que les Gérondifs.
On lit dans Plaute ( Mensch. ) , D um datur mihi
occajio' tempufque ABiRE, pour abeundi ; dans Cicéron
, tempus efi nobis de illâ vitâ agere, pour
ag endi; dans Céfar , confilium coepit omnem à
f e equitatum d im i t t e r e , pour dimittendi ; .&
chez tous les meilleurs écrivains.on trouve fréquemment
l ’infinitif pour le premier G é ron dif II n’eft
pas moins ufité pour le troifième : c’eft ainfi que Virgile
a écrit ( Æ n . I. ) ;
Ron nos aut ferro Libycos POPULAKE penates
Venimus 3 aut rapt as adlittora VERTERE proedas;
oii l’on voit populäre 8c vertere , pour ad popu-
landum & ad vertendum. De même Horace dit
( I. od. 3. ) ', au d a x omnia perpeti, pour adper-
petiendum ; & ( i . ep. zo .) ira sc i celerem,pour ad
irafeendum. Il eft plus rare de trouver l ’infinitif pour
le fécond Gérondif ; mais on le trouve cependant,
& le voici dans un vers de Virgile ( ecl. VU ) ,
où deux infinitifs différents font mis pour deux Gérondifs
:
E t GANT ARE pares , & RESPONDERE parati ;
ce qui, de l’aveu de tous les commentateurs, fîgnifîe,
& in gantando p a r e s , 6*û^ r e s p o n d e n d u m
parati.
Nous concluons donc que les Gérondifs ne font
effectivement que les cas de l’infinitif, & qu’ils
ont , comme l ’infinitif, la nature du verbe & celle
du nom. Ils ont la nature du verbe , puifque l ’infinitif
leur eft fynonyme , & que’, comme tout
verbe, ils expriment l’exiftenqp d’une modification
dans un fujet ; & c’eft par coriféquent avec raifon
que, dans le befoin , ils prennent le même régime
que le verbe d’où ils dérivent. Ils ont auffi la nature
du nom , & c’eft pour cela que les latins leur ont
.donné les terminaifons affeétees aux noms, parce
qu’ ils fe conftruifent dans le difoours comme les
noms, & qu’ils y font les mêmes fonctions. C ’eft
pour cela auffi que le régime du premier G é ron d if
eft fouvent le g én itif, comme dans ces phrafes :
A liq u o d f u i t principium generandi animalium
( Varr. lib. U. de R . R . i . ) ; f u i t exemplorum
legendi p o te flas ( C ic . ) ; veftri adhortandi caufa
'( fit* L iv . lib. X X I . ) ; generandi animalium ,
comme generationis animalium ; exemplorum legendi
, comme leclionis exemplorum ; vejlri adhor-
tàndi y comme adhortaiionis vejlri.
Les grammairiens trouvent de grandes difficultés
fur la nature & l ’emploi des Gérondifs : la plupait
prétendent qu ils ne font que le futur du participe
paffif en corrélation avec un mot fupprimé par
ellipfe. Cette ellipfe , on la fupplée comme on
.peut ; mais c eft toujours par un mot qu’on n’a jamais
vu exprimé en pareilles circonftances, & qu’on
ne peut introduire dans le difeours fans y introduire
en même temps l ’obfcurité & l ’abfurdité. Les uns
fous-entendenc l ’infinidf a d i f du même verbe , pour
être comme le fujet du Gérondif: Sanctius, Sciop-
pms , & Voffius , font de cet avis ; & , félon eux (
c eft cet infini,if fous—entendu qui régit l ’accufatif r
quand on le trouve avec l e . Gérondif: ainfi, pe -
tendumejl pacem à rege, fîgnifîe, dans leurfyftême,
petere pacem a rege e jl petendum ; petere pacem
a rege, ce ft le fujet de la propofîtion ; petendum
en eft l ’attribut : tempus petendi pacem , c’ eft
tempus petere pacem petendi ; petere pacem eft
comme un nom unique au génitif, lequel détermine
tempus, petendi eft un adjeétif en concordance avec
ce génitif.
Les autres fous - entendent le nom negotium , &
voici comme ils commentent les .mêmes exprefi-
'fions : Petendum e jl pacem à r eg e, c’eft à dire ,
negotium petendum à rege e jl cincàpacem ; temp
u s petendi pacem , c’ eft à dire , tempus negotii
petendi circà pacem.
Nous lavons déjà d i t , on n’a point d’exemples
dans les auteurs latins, qui autorisent la prétendue
ellipfe cpie l ’on trouve ic i; & c’eft cependant la
lo i que l ’on doit fuivre en pareil cas , de ne jamais
fuppofer de mot fous-entendu dans des phrafes où
ces mots n’ont jamais été exprimés ; cette lo i eft
bien plus preffante encore , fi on ne peut y dérober
fans donner à la conftruétion pleine un tour obfcur &
forcé.
C ’eft fans doute la forme matérielle dès Gérond
if s qui aura oceafionné l ’ erreur* & les embarras
dont i r eft ici queftion : ils paroiffent tenir de près
à la forme^du futur du participe paffif, & d’ailleurs
on fe fert des uns & des autres dans les mêmes
occurrences , a quelque changement près dans la
Syntaxe. On dit éga lement, tempus e jl fcribendi
epijlolam , & feribendoe epiftolce ; on dit de même
feribendo epijlolam ,. ou in feribendâ ep iflo la ; &
enfin ad fcribendum epijlolam, ou ad Jcribendam
epijlolam ; fcribendum e jl ep ijlo lam , ou feribenda