
verfer avec des anglois .naturels, & de nous avancer
par là dans la connoiflance de leur langue. L a
gazette d’Angleterre , qu’on trouve à Paris en plusieurs
endroits, eft encore un moyen pour faciliter
l a même Étude. Comme cette feuille eftamufante,
& qu’elle roule fur des fujets connus d’ailleurs ;
pour peu qu’on entende une partie , on devine aifé-
xnent le relie : & cette lecture donne peu à peu l’intelligence
que l ’on cherche.
L a Angularité de cette Étude , & la facilité'du
progrès, mettroient de l ’émulation parmi les jeunes
gens , à qui avancerait davantage ; & bientôt les
plus habiles fendraient de guidés aux autres. Je
conclus enfin que , toutes chofes ég a le s , on appren-
droit plus d’anglois en un an que de grec en trois
ans ; c e li pourquoi, comme nous avons plus à traiter
avec l ’Angleterre qu’avec la G rè c e , que dailleurs
i l n’y a pas moins à profiter d’ un côté que de
l ’autre, après l e françois & le la t in , je confeille-
rois aux jeunes gens de donner quelques moments à
l ’anglois.
j ajoute que notre emprelTement pour cette langue
adoucirait peut-être nos fiers : rivaux, qui pren-
droient pour nous , en conféquence , des fentiments
plus équitables j ce .qui . peut avoir ion utilité dans
l ’occafion.
D u relie, i l eft des exercices encore plus utiles
au grand nombre, & qui doivent faire partie de
l ’éducation j tels font le De/ïin , le C a lcu l & l ’Écriture
, la G éométrie élémentaire-, la Géographie, la
Mufîque , &c. I l ne faut fur cela tout au plus que
deux, leçons par femaine ; on y emploie fouvent.
l e temps des récréations, & l ’on en fait furtput
l a principale occupation des fêtes & des congés.
S i l ’on eft fidèle a cette pratique depuis l ’âge de
huit à neuf ans jufquà la fin de l ’éducation , on
-fera marcher le Tout à l a fois-, fans nuire à.'Y Étude
des langues j & l ’on aura le plaifir touchant de voir
bien des fujets réuftîr à tout,. C ’eft une fatisjfaétion
que j’ai eue moi-même aifez fouvend Auffi je fou-
tiens que tous ces exercices font moins difficiles &
moins rebutants que dés thèmes, & qu’ils attirent
aux écoliers beaucoup moins de punitions de lap a it
des maîtres.
Depuis l ’âge de douze ans jufqu’à quinze & fe iz e
on fuivra le fyftême d'Études expofé ci-deflus ; mais
alors les enfants prépareront eux - mêmes l ’explication
: pour cela on leur fournira tous les feepurs ,
traductions, commentaires , &c. L ’ufage contraire
m’a toujours' paru déraifopnable ; i l eft en effet
bien étrange que des maîtres, qui fe procurent toutes
fortes de facilités pour entrer dans les liv res , s’obf-
tinent à refufer les mêmes fecours à de- jeunes
écoliers. A u furplus, ces enfants feront occupés à
diverfes çompofitjons françoifes & latines : fur quoi
l ’une des meilleures choies à faire en ce genre ,
eft de donner des morceaux d’auteurs à traduire gn
françois ; donnant enfuite tantôt la verfion même
à remettre en la t in , tantôt des thèmes d’imi:ation
fur des fujets femblables, O n pourra les appliquer
également à d’autres compofitions la tin es , pourvu
que tout fe fafle dans les circonftances & a v e c . les
précautions qui conviennent. Je ne puis m’empécher
de placer ici quelques réflexions que fait fur cela
M. Pluche (topi. V I .du Spectacle de La nature,
a S i l eft, dit-il, de la dernière abfurdité d’exiger
oes enfants de -compofer en profë dans une langue
qu ils ne lavent pas, & dont aucune règ le ne peut
leur donner le goût ; i l n’eft pas moins abfurde
d exiger de toute une trou pe, qu’elle fe mette à
méditer des heures entières- pour faire huit qu dix
vers ,• fans en fenti-r la ftruéture ni l ’agrément : i l
vaudrait mieux pour eux avoir écrit une petite lettre
d unftyle aifé , dans leur propre langue, que de s’être
fatigues pour produire à coup sur de mauvais v ers, foie
en la t in , foit en grec.
t w 11 fenfible que plufieurs courront les mêmes
rifques dans le travail des amplifications & des
pièces d’Éloquence , où i l faut q u e i’efprit fourniffe
tout de lui-même , \ le fonds & le ftyle : peu y
reuflîflent j s’i l s’en trouve fis dans cent , quelle
vraîfemblance y a-t-il à exiger des autres de l ’invention
, de l ’ordonnance , du raifonnement, des
images, des mouvements, & de l ’Éloquence? C ’eft
demander un beau chant à ceux qui n’ont ni Mufîque
ni gofier . . . Lorfqu’une heureufe facilité de concevoir
& de s’ énoncer encourage le travail des
jeunes gens , & infpire plus de harcîifle au maître ,
je voudrais principalement infîfter fur ce qui a l ’air
de délibération ou de raifonnement ; j’aurois fort
à coeur d’aflu jettir un beau naturel à ce goût d’ana.-
l y f e , à,cet efprit méthodique .& a ifé ,.q u i eft recherché
& applaudi dans toutes les confirions ,
poifqu i l n’y a aucun état où. i l ne faille parler
liir le champ, expofer un projet, difouter des inconvénients
, & rendre compte dé ce qu’on avu, &c. » .
Quoi qu’i l en f o i t , i l eft certain que des enfants
bien dirigés par la nouvelle méthode , auront vu
dans, leur cours S Études quatre fois plus de latin
qu’on n’en peut voir par la méthode vulgaire. En
-effet, l ’explication devenant alors le principal exercice
c laifiqu e, on pourra expédier dans chaque
féance au moins quarante lignes d’auteur , profe ou
vers j & . toujours, comme on l ’a d i t , en répétant
de latin en 'françois, puis de françois en latin ,
l ’explication faite par le maître ou par un écolier
bien préparé : travail également efficace pour entendre
le la t in , & pour s’énoncer en cette langue ;
car i l eft vifible qu après s’être exercé chaque jour
pendant huit ou dix ans d’humanités à traduire .du
françois en la t in , & cela de vive voix & par éc rit,
on acqtierra mieux encore qu’à préfent la facilité
de parler latin dans les claffes fiipérieures , fup*
pofé qu’on ne f î r pas auffi bien d’y parler françois.
Ce travail enfin, continué depuis fix ans ju fqu’à
quinze ou fe iz e , donnera moyen de voir &
d’entendre prefque tous les auteurs claffiques , les
plus beaux traités de Cicéron , plufieurs de fes
oraifons, V irg ile 8ç H orace en entier ; de même que
les Inftitutesde Juftinien, le Catéchifme du Concile
de T ren te, &c.
E11 effe t, loin de borner l ’inftruérion des huma-
niftes à quelques notions d’Hiftoire & de Mytholo
g ie ,. inftitution futile , qui ne donne guères de
facilité pour aller plus lo in , on ouvrira de bonne
heure le fanéluaire des fciences des arts à la
Jeünefle : & c’ eft dans cette vue qu’oh joindra aux
livres de clàffe plufieurs traités dogmatiques, dont-
la connoiflance eft néceffaire à de jeunes littérateurs
j mais de p lus, on leur fera connoître , par
une leéture aflidue , les auteurs qui ont le mieux
écrit en notre lan gu e, poètes , orateurs , hifto-
riens , artiftes , philofophës; ceux qui ont le mieux
traité la Morale , le D ro it, la P o litiq u e , &ç. En
même temps on entretiendra^, comme on a dit ,
& cela dans toute la fuite des É tu d e s , Énà\mé.tL-
que & la Géométrie , le Deffin , l ’Écriture, &c.
H eft vrai qu e , pour produire tant de bons effets ,
U n e faudrait pas que les enfants fuflent diftràits ,
comme aujourdhui , ' par des fêtes & des congés
perpétuels, qui. interrompent à chaque inftant les
exercices & les Études' : i l ne faudroit pas non- plus
qu ils fuflent détournés par des repréfomations de
théâtre ; rien ne dérange plus les maîtres &, les
difoiples, & rien par conféquent de plus contraire
^ av^nce™efi£ des écoliers , lors même qu’ils
n’ont d’autre É tu d e àfuivre que celle du latin. Ce
feroit bien p is en co re dans le fyftême que je pro-
pofe.
- • D u refte , on pourrait accoutumer les jeunes
.gens, a paroitre en publie.,. mais toujours par des
exercices plus facile s. & qui fuflent le produit
■ Qts Etudes courantes. I l luifiroit pour cela de
Taire expliquer des auteurs latins , de faire décla-
mer des pièces d’Éloquence & de Poéfîe françoife ;
& I on parviendrait au même but par des démonf-
trations publiques fur la Sphère, 1’Arithmétiq.ue, la
G éom é tr ie , Sec.
•j,e ne J°is pas oublier ici que le goût de mol-
le lle & de parure, qui gagne à préfent tous. les
r ÆAtS ’ une nouvelle raifon pour faciliter le
lyiteme fies Études., 8c pour en ôter les embarras
v a 1 .ePines,/ p e g olf i dominant , fl contraire à
1 auitence chrétienne, enlève un temps infini aux
trayaux littéraires, & nuit par conféquent aux progrès
des^ enfants. U n ufage a délirer dans l ’éducation,
c e feroit de les tenir fort Amplement pour les
habits ; mais fiurtout ( qu’on parddhne ces détails
a mon expérience ) de les mettre en perruque ou
£n .cheveux courts , & des plus courts,! jufqu’ a l ’âge
: quinze ans. Par là on gagneroit un temps
.cqnfiderable, & l ’on éviteroit plufieurs inconvénients
à l ’avantage des enfants & de ceux qui les
-gouvernent : ceux-ci alors, moins détournés pour
, luPefflu > donneroient tous leurs foins à la culture
jneceflaire du corps & de l ’efprit ; ce qui doit être le
but des parents & des maîtres. ,
Q u o i q f .i l en fo i t ; les dernières années d’Hu-
manites , employées tant à des levures utiles &
-Oramm. et L it t é r a t . Tome IL
fuivies qu’à des compofitions choifies & bien travaillées
, formeroient une continuité de Rhétorique
dans un goût, nouveau ; Rhétorique dont on écarte-,
roit avec foin tout ce qui s’y trouve ordinairement
d inutile & d’épineux. Pour cela , on feroit compofer
le plus fouvent dans la langue maternelle ; & ,
lo in d’exercer les jeunes rhéteurs fur des fujets
vagues , inconnus , ou indifférents, on n’en choifiroit
jamais qui ne leur fuflent connus & proportionnés.
Je ne voudrois pas même donner des verfions, fi
ce n’eft tout au plus poiir les p r ix , fans les expliquer
en pleine clafle ; & c e la , parce que la tra-
duélion françolfe étant moins un exercice de latinité
qu’un premier eflai d’É lo qu en ce, déjà bien
capable d’arrétér les plus habiles , fi on laifle des
obfcurites dans le texte latin, on-amortit mal à
propos la verve & le genie de l ’écolier, leque l a
befoin de toute fa vigueur & de tout fon feu pour
traduire d?une manière fatisfaifante.
Je ne demanderois donc à de jeunes rhétoriciens
que des traduirions plus ou moins libres , des lettre
s , des e x t r a it sd e s .r é c i ts , des Mémoires , &
autres produirions femblables , qui doivent faire
toute la Rhétorique d’un écolier ; produiions , après
tout , qui font plus à la portée des jeunes gens „
& plus intéreflantes pour le commun des hommes ,
que les difoours bouffis qu’on imagine pour faire
parler H e io r & A c h ille , Alexandre & P o ru s , A n -
nibal & S c ip ion , Céfar & Pompée , & les autres
héros de l ’Hiftoire où de la Fable.
A u refte , c’eft,une erreur' de croire que la R hétorique
foit eflenciellement & uniquement l ’art de
perfuader. I l eft vrai que la perfiiafîon eft un des
grands effets de l ’Éloquence ; mais i l n’ eft pas
moins vrai que la Rhétorique eft également l ’arc
d’inftrüire , a expofer , narrer , difouter , en un mot ,
Part de traiter un fiijet quelconque d’une manière
tout à la fois élégante & jColide. N ’y a-t-il point
d’É l oquence dans les récits de l ’Hiftoire , dans les
deferiprions des poètes , dans les Mémoires de nos
Académies, &c? Voye^ Éloquence , Élocution.'
Quoi qu’i l en fo i t , l ’Éloquence n’eft point un'
art ifo lé , indépendant, & diftingué des autres arts 5
c eft le complément & le dernier fruit des arts &
des connoiflances acquifes par la réflexion , par la
leéture, par la fréquentation des favants, & fur-
tout par un grand exercice de la compofition j
, mais c’ eft moins le fruit des préceptes , que celui
de l ’ imitation & du fentiment, de l ’ufage & du
goût : j c’eft pourquoi les compofitions françoifes ,
les lectures perpétuelles, & les autres opérations
qu’on a marquées, étant plus inftruétives , plus
lumineufes que Y Étude unique & vulgaire du la t in ,
feront toujours plus agréables & plus fécondes, toujours
enfin plus efficaces pour atteindre au vrai but
de: la Rhétorique.
Quant à la : P hilofop hie, on la regarde pour
l ’ordinaire comme une fcience indépendante & dif-
tinéte'de.toute autre; & l ’o n f e pjerfuade qu’e lle