
( ^ On leur p a f f e des Malices , on va quelquefois
ju fq u ’ à les y encourager ; parce que , fan s tenir
à rien ae révoltant, la Malice fuppofe une forte
d’ elprit dont on peut tirer parti par la fuite. Cette
force d’indulgence eft pourtant dangereufe : là rufe
que fuppofe l a Malice , oifpofe infenfiblement a la M alignité, parce que rien ne coûte a l’amour
propre pour r é u f f i r ; & de la Malignité' à l a Méchanceté'
, il y a fi peu de diftance , qu’il n’eft
pas difficile de prendre l ’une pour l ’autre. )
( M . B e a u z é e . )
( N . ) M A L IN , MAUVAIS , MÉCHANT ,
MALIC IEU X. Synonymes.
L e Malin l ’eft de fang froid ; il eft rufé ; quand
i l nuit, c’eft un tour qu’il joue : pour s’en défendre
j il faut s’en défier. Le Mauvais l’eft par
emportement ; il eft violent'; quand il nuit , il
latisfait fa paffion : pour n’en rien craindre, il
fie faut pas l’ offenfer. Le Méchant l’eft par tempérament
; il eft dangereux ; quand il nuit, il fuit
Ion inclination : pour en être à couvert, le meilleur
eft de le fuir. Le Malicieuse l’eft par caprice ; il eft
obftiné; s’il nuit, c’eft de rage : pour l ’appaifer , il-
faut lui céder.
L ’Amour eft u n dieu malin, qui fe moque de
ceux qui l ’adorent. Le poltron fait le Mauvais ,
quand il ne voit- point d’ennemis. Les hommes
f o n t quelquefois plus méchants que les femmes ;
mais les femmes font toujours plus malicieufes
que les hommes. ( L ’abbé Gir a r d . ) .
( N. ) MANIÈRES , FAÇON S, Synonymes.
I l me femble que Façons exprime plus quelque
chçfe d’affetté, qui tient de l ’étude ou de la minauderie
; & que Manières exprime quelque chofe
de plus naturel, qui tient du caractère ou de l’éducation.
Beaucoup d’hommes ont aujourdhui, comme les
femmes, de petites Façons, pour fe donner des;
giâces; & quelques femmes ont pris les Manières
libres des hommes, pour fe diftinguer de leur fexe :
cet échange n’eft pas à l’avantage des premiers.
Les Manières de la Cour deviennent des Façons'
dans la Province. ( L'abbé Gir a r d . j
Les Manières & les Façons font des avions
ou mouvements extérieurs, deftinés à marquer les
difpofitions intérieures de l ’âme, f M. B e a u z
é e . )
Les Manières font l ’expreffion des moeurs de la
nation : les Façons font une charge des Manières,
ou des Manières plus recherchées dans quelques
individus. Les Manières deviennent Façons, quand
elles font affeCtées : les Façons font dés Manières
qui ne font point g é n é r a l e s , & qui font propres à un
certain c a r a é t è r e particulier, d’ordinaire petit &
vain. ( A n o n ym e .)
L e s Manières expriment le s moeurs avec vérité :
les Façons les expriment fauffement, ou ne les exprL
ment point du tout.
I l eft fage de fe défier de quiconque ôfe ,
pour de légers intérêts , fe mettre au aeffus des
Manières nationales; parce qu’ i l eft à craindre que ,
pour un intérêt plus grand, i l ne fe mette au defïus
des moeurs. -
I l eft également fage de ne prendre aucune confiance
en celui qui a trop de Façons à lui ; parce
que c’eft une afleétation infidieufe, qui peut fervir
de voile à de mauvaifes moeurs, & qui au moins
déguife les véritables. (M . B e AUZÉe . ) !
M A R O T IQ U E , adj. B e lle s - Lettres. Poéfie|
Depuis que Pafchal Sc Corneille , Racine & Boileau
ont épuré & appauvri la langue de Marot Sc
de Montagne , quelques-uns de nos poètes, regrettant
la grâce naïve des anciens tours qu’elle avoit
perdus , l ’heureufe liberté de fupprimer l ’artic le,
une foule de mots injustement bannis par le caprice
de l ’ufage, & q u e lq u e s inverfions fa c ile s ,
qui , fans troubler le ien s , rendoient l ’expreffior*
plus vive & plus piquante , effayèrent, en écrivant
dans le genre de Marot , d’imiter jufqu’à fon l a n g
a g e : mais comme , pour manier avec grâce un
ftyle n a ïf, il faut être naïf foi-même, & que rien
n’eft plus rare que la naïveté ; L a Fontaine eft le
feul poète qui ait excellé' dans cette imitation»
Boileau n’kccordoit guère que ce mérite à L a Fontaine.
Boileau n’avoit pas r e ç u de la nature l ’organe
avec lequel on fent les beautés (impies &
touchantes de notre divin Fabulifte. Rouffeau , dans
l ’Épigramme , a très-bien réuffi a imiter le ftyle de
Marot ; mais dans l ’Épitre familière , i l a fait de ce
ftyle un jargon bizarre & pénible, très-éloigné du
naturel.
I l eft à (ouhaiter qu’on n’abandonne pas ce langage
du bon vieux temps : i l perpétue le fouvenir,
& i l peut ramener l ’ufage des anciens tours, qui
avoient de la g râce, & des anciens mots, qui ,
doux à l ’o r e i lle , avoient un fens clair & précis.
L a Bruyère en a réclamé quelques-uns : i l y en
a un bien plus grand nombre ; & l’ on feroit un
jo li Dictionnaire de ceux qu’on a eu tort d’abandonner
& de laifler v ie i llir , tels que fé lo n , f é lonne
, fé lon n ie ,■ courtoifie & courtois ; lo y a l ,
d é lo y a l, loy a u té ; fervage ; a llég er , allégeance*
difeors , perdurable , animeuoç , tromperejfe ,
efmoi , càarmerejjè , obliviëusc, brandir, ; concéder
^ dévaler, p â t i r , d olent, douloir, blême s
blêmir, &c. Foye-{ U S A G E .
L ’ancienne langue françoife était un arbre qu’i l
fa llo it émonder , mais qu’on a mutilé peut- être :
& i l n’eft perfonne qui , én lifant Montagne-, ne
reproche à la délicatefle du goût d’avoir été trop
loin ; d’autant moins excufable dans cet excès de
févérité , qu’elle n’a pas été fort éclairée ; &
qu’en retranchant des rameaux utiles , elle en a
laifîe un grand nombre d’infruétueux. ( M . MARi*
MOJH TEL. )
(N .) - .M A S Q U É , D É G U I S É ; T R A V E S T I .
Synonymes. , . ,, , ,H
I l faut, pour être mafquc , le couvrir d un taux
vlfage. I l fu ffit, pour êtte ; déguîfé, de changer
les parures ordinaires. On ne fe lert du mot T iu -
,refit qu’en cas d’affaires férieufes, lorlqu’i l s’agit
de pafîer en inconnu ; & c’eft alors prendre un
habit oïdinaire & commun dans la foc iété, mais
très-éloigné1 & très-différent dé celui de fo n d a !,
O n fe mafque pour aller au bal. O n fe déguife
pour Venir à bout d’une intrigue. O n fe travejiit
pour n’être pas reconnu de fes ennemis, b oye\
D éguisement , T ravestissement. ( L abbe G I RARD.
)
( N . ) M A T IÈ R E , SU JE T . Synonymes.
La Matière elf ce qu’on emploie dans le travail.
L e Su jet eft fur quoi l ’on travaille. '
L a Matière d’ un difeours confifte dans les mots ,
dans lesphrafes, dedans les penfées. L e S u jè f eft .ee
qu’on explique par ces mots, par ces phrafes, Sc par
ces penfées. ' ; • ;. .> , ,
Les raifonnements , les paffages de l ’Ecriture
fainte , les penfées des Pères de l ’Ég life , . les caractères
dès pallions , & les maximes de Morale , (ont
la Matière des fermons. Les myftères de la F oi &
les préceptes de l ’Évangile en doivent être le Su jet.
( L'abbé Gir a r d . )
M ÉD IA L , E , adj. Qu i convient au milieu.
Ce ternie eft propre à l ’art d’écrire. Les maîires nomment
ainfi certaines lettres courantes , dont la forme
indique qu’elles peuvent s’employer au milieu des
mots , ,ou même qu’elles ne font d’ufage qu’au
milieu. U n caractère médial. Une f médiale. Un d
médial. Les lettres médiales font figurées autrement
que les'initia le s ou les. finales. (M . B e a u -
z é e . j
7 » ) M É F IA N C E , D É F IA N C E . Synmym.
Ce font deux difpofitions de l ’âme , qui ôtent
la confiance & détruifent la fécurité. ) ( M . B e a u -
ZÉE. ) ;
L a Méfiance eft une crainte habituelle d’ être
trompé. L a Défiance eft un doute , que les qualités
qui nous-feroient utiles ou agréables foient
dans les hommes , ou dans les chofes , ou en nous-
mêmes.
L a Méfiance eft l ’ inftinét du caraâère timide &
pervers. L a Défiance eft l ’effet de l ’expérience & de
la réflexion.
1 é Méfian t juge des hommes par lui-me me , &
les craint. L e D é fia n t en penfe m a l, & en attend
peu.
On naît Méfiant. Pour être D é f ia n t , i l fuffit de
penfe r , d’ôbferver , & d’avoir vécu.
On fe méfie du caraéïère & des intentions d’un
homme. On fe défie de fon efprit & de fes talents.
{ A n o n ym e . )
M ÉM O IR E , S O U V E N IR , R E S SO U V E N IR .
R ÉM IN ISC EN C E . Synonymes.
Ces quatre mots expriment également 1 attention
renouvelée de l ’elprit à des idées qu’i l a déjà
aperçues. Mais la différence des points de vtié
accefloires qu’ ils ajoutent à cette idée commune ,
affigne à ces mots des caractères diftinftifs, qui
n’échapent point à la jufteffe des bons écrivains,
dans Te temps même qu’ils s’en doutent le moins :
le goût , qui fént plus qu’i l ne difeute , devient
pour eux une forte d’inftir.Ct qui les dirige mieux
que ne feroient les raifonnements les plus fubtils ;
& c’eft à cet inftinCt que font dues ces bonnes fortunés
qui n’arrivent qu’à des gens d’efprit, comme
le difoit Fontenelle , l ’écrivain de nos jours qui
méritoit le mieux d’en trouver, & qui en trouvoit
très-fréquemment.
Mémoire &c Souvenir ex priment une attention
libre de l ’efprit à des idées qu’i l n’a point oubliées,
quoiqu’i l ait difeontinué de s’ en occuper : les idées
avoi'cnt fait d,es: impreffions durables , on y jette
un; coup d’oe il nouveau par choix ; c’eft une aCtion de
l ’âme. -
Rejfoitvenir & Réminifcence expriment line attention
fortuite à des idées que l ’efpiït avoit entièrement
oubliées & perdues de vue : ces. idées n’avoient
fait q u ’ u ne im p r e f f io n l é g è r e , qui avoit été étouffée
ou totalement effacée par de plus fortes ou de plus
r é c e n te s ; elles le repréîentent d’elles-mêmes, ou du
moins fans aucun-concours de notre part; c’eft un
évènement ou l ’âme eft purement pafïïve.
On fé rappelle donc la Mémoire ou le Souvenir
des chofes quand on veut , cela dépend uniquement
de l a liberté de l ’âme. Mais la Mémoire ne
concerne que les idées de l ’efprit'; c’eft l ’aCle d’unè
faculté fubordoùnée à l ’intelligence , e lle fèrt à
l ’éclairer : au lieu que le Souvenir regarde les
idées qui intéreffent le coeur ; c’ eft l ’aftè d’une faculté
néceffaire à la fenfibilité de l ’âme, elle fert à
l ’échauffer.
C ’eft dans ce fens que l ’auteur du P è r e de f a mille
a écrit : Raporte\ tout au dernier moment,
à ce moment où la Mémoire des fa i t s les p lu s
éclatants ne vaudra p a s le Souvenir d ’un verre
Æeau préfenté par l ’humanité à celui qui avoit
f o i f ( Épit. dédicat. ) On peut dire auffi dans le
même fens, qu’une âme bienfaifante ne conferve
aucun Souvenir de l ’ ingratitude de ceux à qui e lle
a fait du b ien; ce feroit fe déchirer elle - même
& détruire fon penchant favori : cependant elle en
garde la Mémoire, pour aprendre à faire le bien;
& c’ eft le plus précieux & le plus négligé de tous
les arts.
On a le Rejfouvenir ou la Réminifcence des
chofes quand on peut : cela tient à deseau fes indépendantes
de notre liberté. Mais le Rejfouvenir
ramène tout à la fois les idées effacées & la conviction
de leur préexiftence ; l ’efprit les recon-
noît ; au lieu que la Réminifcence ne réveille quç