latin , d u ou ih r en allemand, t u , que l ’on prononcera
t o u en italien , t u ou v o u s en françois ,
marquent déterminément le fujet auquel on adreffe
la p a ro le, &c. Les Noms au contraire n’ont point
de relation fixe à la parole , c’eft a dire, point
de Perfonne*fixe ; fous la même terminailon , ou
fous des terminai Ions différentes , ils font tantôt
d’une Perfonne & tantôt d’une autre, félon l ’occurrence
: ainfi , dans cette phrafe, E g o J o a n n e s
v i e i l , le Nom J o a n n e s eft de la première Per-
fonne par concordance avec e g o , comme e g f f eft
du malculin -par concordance avec J o a n n e s ; le
Pronom e g o détermine la Perfonne, qui eft effen-
ciellement va<nie dans J o a n n e s , comme le Nom
J o c in n é s détermine la nature , qui eft effencielle-
ment indéterminée dans e g o •' dans J o a n n e s v i d i f i i ,
le même Nom J o a n n e s eft deialeconde Perfonne,
parce qu’i l exprime le fujet à qui on pa rle; &.
en cette occurrence, on change quelquefois la ter-
minaifon ; d om in e pour d o m in a s '■ dans J o a n n e s
v i d i t , le Nom J o a n n e s eft de la troiiième Perfonne,
parce qu’i l exprime l ’être dont on parle fans lui
adrefTer la parole.
D e même donc que , fous le nom de Genres ,
on a raporté les Noms à différentes claffes qui
ont leur fondement commun dans la nature des
êtres on -a pareillement, fous le nom de Per-
fonnes , raporté les Pronoms à des claffes différenciées
par les diverfes relations des êtres a la t t e
de la parole. Les Perfonnes font à l ’égard des Pronoms,
ce que les Genres font à l ’égard des- Noms;
parce que l ’idée de la relation à 1 acte de la paro
le eft l ’idée cara&ériftique des Pronoms, comme
l ’idée de la nature eft celle des Noms. L ’ idée de
l a relation à i ’aéte de la p a ro le, qui e ft_effen-
c ie lle & précife dans les Pronoms , demeure vague
& indéterminée daris les Noms ; comme l ’ idée
de la nature , qui eft effencielle & précife dans
le s N om s , demeure vague & indéterminée dans
les Pronoms. Ainfi , les êtres déterminés dans les
Noms par l ’idée précife de leur nature, font fuf-
ceptibles de toutes les relations polfibles à la parole
; & réciproquement, les êtres détermines dans
les Pronoms par l’idée précife de leur relation à
l ’acte de la parole, peuvent être raportés à toutes
les natures.
Les Adjectifs & les Verbes font toujours des
M o t s qui préfentent à l ’efprit des êtres indéterminés
, puifqu’à tous égards ils ont befoin d’être
appliqués à quelque Nom ou à quelque Pronom ,
pour- pouvoir prendre quelque terminaifon déterminative.
Les Perfonnes , par exemple , qui ne
font dans les Verbes que des terminaifons, fuivent
la relation du fujet à l ’acte de la parole , & les
Verbes prennent te lle ou telle terminaifon perfon-
n elle félon cette relation de leurs fujets à 1’aCte
de la parole : e g o J o a n n e s v i d i , t u J o a n n e s y i d i f i i ,
J o a n n e s v id i t .
50. L e fil de notre analyfe nous a menés jufqu’içi
i la véritable notion des Noms & des Pronoms,
L e s N o m s f o n t d e s Mots q u i p r é f e n t e n t à V e f i .
p r i t d e s ê t r e s d é t e rm in é s p a r V id é e p r é c i f e d e
l e u r n a tu r e ; & de là la divilion des Noms en
appellatifs & en propres, & ce lle des appellalifs
en génériques & en Ipécifiques ; de là encore une
autre divilion des noms en lubftantifs & abflraCtifs ,
félon qu’ils préfentent à l ’efprit des êtres réels ou
purement abftraits. V o y e - x N om.
L e s P r o n o m s f o n t d e s Mots q u i p r é f e n t e n t à
V e f p r ï t d e s ê t r e s d é t e rm in é s p a r V id é e p r é c i f e
d e l e u r r e la t i o n à V a r ie d e la p a r o l e ; & de ià
la divilion des Pronoms par la première , la fécondé
,& la troiiième perfonne. V o y e -^ P r o n o m .
Mais nous ne connoiffons encore de la nature
. des Adjeétifs & des Verbes qu’un caractère générique
, lavoir que l e s u n s & l e s a u t r e s p r é f e n t
e n t à l ’ e f p r i t d e s ê t r e s in d é t e rm in é s ; .& i l nous
refte à trouver la différence caraCtériftique de ces
deux efpèces. Cependant les deux efpèces de variations
accidentelles, qui nous relient à examiner,
lavoir les Temps & les Modes , appartiennent au
Verbe exclufivement. Par quel moyen pourrions-nous
donc fixer les caractères fpé'cifiques dé ces deux elpèces
? Revenons fur nos pas.
Quoique les uns & les autres ne préfentent à
l ’efprit que des êtres indéterminés., les uns & les
autres renferment pourtant dans leur lignification
une idée très-précife : par exemple , l ’idée
de la b o n t é eft très-précife dans l ’AdjeCtif b o n ; &
l ’idée de Y a m o u r n e l ’eft pas moins dans le Verbe
a im e r , quoique l ’être en qui fe trouve ou la
b o n t é ou Y a m o u r y foit très-indéterminé. Cette
idée précife .de la lignification des AdjeCtifs & des
Verbes doit être notre reffource , fi nous faififfons
quelques obfervations des ufages connus.
Une fingularité frapante, unanimement admife
dans toutes les lan gu es , c’èft que l ’AdjeCtif n’a
reçu aucune variation relative aux Perfonnes qui
caraClérifent les Pronoms. Les AdjeCtifs mêmes dérivés
des Verbes , q u i , fous le nom de Participes ,
réunifient en effet la double nature des deux parties
d’oraifon n’ont reçu nulle part les inflexions
perfonnelles , quoiqu’on en ait accordé à d’autres
Modes du Verbe. A u contraire , tous les AdjeCtifs,
tant-ceux qui ne font qu’AdjeCtifs que les participes
, ont reçu, du moins dans, les langues qui
les comportent, des inflexions relatives aux Genres ,
dont on a vu que la diftinCtion porte fur la différence
fpécifique des Noms , c’eft à dire fur la nature
des êtres déterminés qu’ils expriment.
Cette préférence univerfelle des terminaifons génériques
fu r ie s terminaifons perfonnelles pour les
Adjectifs , ne femble-t-elle pas infinuer que l ’idée
particulière qui fixe la lignification de l ’AdjeCtif
doit être raportée à la nature des êtres ?
. L ’ indétermination de l ’être préfenté à T efprit
par i ’Ad je&if feu l, nous indique une fécondé propriété
générale de cette idée caraCtériftique ; ce ft
q u e lle peut être raportée àplufieurs natures : ceci
fe confirme encore par la mobilité fies terminaifons
de l ’Afijeétif félon le Genre du Nom auquel on
l ’applique ; la diverfité des Genres fuppolè ce lle
des natures, du moins des natures individuelles.
L ’unité, d’objet qui réfulte toujours de l ’ union
de l ’A d jëéë f avec le Nom , démontre que l ’idée
particulière qui conilitue la lignification individuelle
fie chaque A d jc f f if , eft vraiment une idée
partielle de la nature totale de._cet objet unique
exprimé par le concours dès deux parties d orai-
fon. Quand je dis, par exemple , & i\ je prelente
à i’efprit an objet unique déterminé'aq en préfente
un autre également -unique & déterminé , quand
je dis l o i é v a n g é l iq u e ; un autre, quand je dis n o s
l o i s . L ’idée de l o i fe trouve pourtant toujours
dans ces trois exprefiions : mais c eft une idee to-
- taie dans- le premier exemple ; & dans les deux
autres ce n’eft plus qu une idée partielle^, qui concourt
à former l ’idée totale , avec l ’autre idée
partielle qui conilitue la fignification propre , ou
de l ’AdjeCtif é v a n g é l i q u e dans le fécond exemple ,
ou de i ’AdjeCtif n o s dans le troiiième. C e qui
convient proprement à n o s - l o i s , ne peut convenir
ni à la l o i é v a n g é liq u e , ni à la Loi en général,;
de même, ce qui convient proprement a la l o i
é v a n g é l iq u e , ne peut convenir ni à n o s l o i s ni
à l a . l o i etf général : c’ell que ce font des idées
H l - totales toutes différentes : mais ce qui eft vrai de
la l o i en g én é ra l, eft vrai en particulier de la
l o i é v a n g é l iq u e & de n o s l o i s , parce que les idées
ajoutées à ce lle de l o i ne dé truifent pas ce lle de
l o i y qui eft toujours la même en foi.
- I l réfulte donc de ces obfervations , que l e s
A d j e c t i f s f o n t d e s Mots q u i p r é f e n t e n t à V e f p r i t
d e s ê t r e s in d é t e rm in é s , d é f ig n é s f e u l e m e n t p a r
■ une id é e p r é c i f e q u i p e u t s 'a d a p t e r à p l u f i e u r s
n a t u r e s .
Dans l’expofition fynthétique des principes de
Grammaire, telle qu’on doit la faire à ceux qu’on
enfeigne , .cette notion des AdjeCtifs fera l ’origine
& la fource de toutes les métamorphofes auxquelles
les ufages des langues ont aflujéiti cette
elpèce de M o t s y puifqu’elie en eft ici ie -réfultat
analytique : non feulement elle expliquera les
variations des Nombres, des Genres, & des'Cas , &
la néceflité d’appliquer un AdjeCtif à un Nom pour
en tirer un fervice réel ; mais elle montrera encore
le fondement de -la divifion des AdjeCtifs en
AdjeCtifs phyfiques & en AdjeCtifs métaphyfîques , &
de la tranlmutation des uns en Noms & des autres en
Pronoms.
totales qui renferment, dans leur compréhenfion,
plus d’attiibuts que celles que l ’on exprime quand
on dit Amplement un h om m e , un v a j è , des f i g u r
e s . C ’eft que l ’idée précife de la fignification
individuelle de cette forte d’AdjeCtifs eft une idée
partielle de la nature totale. D ’où il fuit q u e , fi
i ’on ne veut envifager les êtres dans le difeours
que comme revêtus de cet attribut exprimé nettement
par l ’Ad jeCtif, i l arrive fouvent que l ’Adjectif
.eft employé comme un Nom , parce que
l ’attribut qui y eft précis conilitue alors toute la
nature de l ’objet que l ’on a en vue ; c’eft ainfi
que nous difons le b o n , le v r a i , Y h o n n ê t e ,
Y u t i l e , les f r a n ç a i s , les r o m a in s , les a f r i c
a i n s , &c.
Les AdjeCtifs métaphyfiques font ceux qui défî-
gnent les êtres indéterminés par une idée précife
qui , étant ajoutée à ce lle de quelque nature déterminée
, conilitue avec elle une idée totale dont
la compréhenfion ell toujours la même , mais dont
l ’étendue eft reftreinte. T e ls font les AdjeCtifs l e ,
c e y p lu f i e u r s : car quand on dit l e r o i , c e l iv r e ,
p l u f i e u r s c h e v a u x , on exprime des idées totales
qui renferment encore dans leur compréhenfion les
mêmes attributs que celles que l ’on exprime quand
on dit Amplement r o i , l i v r é , c h e v a l y quoique
l ’étendue en foit plus reftreinte ; parce que l ’ idée
précife de la fignification individuelle de cette forte
d’AdjeClifs ,' n’ell que l ’ idée d’un point de vue qui
aftigne feulement une quotité particulière d’individus.
D e là vient que , fi l ’on ne veut envifager
dans le difeours les êtres dont on parle que comme
•confidérés fous ce point de vue exprimé nettement
par l ’AdjeCtif, i l arrive fouvent que l ’AdjcCtif
eft employé comme Pronom , parce que le point
de vue qui y eft précis ell alors la relation unique
qui détermine l ’ être dont on parle ; c’eft ainfi
que nous difons , a p p r o u v e c e q u e v o u s a v e \
f a i t .
peut-être qu’i l auroit été aufti bien de faire de
ces deux efpèces d’AdjeClifs deux parties, d’oraifbn
différentes', qu’i l a été bien de diflinguer ainfi
les Noms & les Pronoms : la poffibililé de changer
les Adjc&ifs phyfiques en Noms & les AdjeCtifs
métaphyfiques en Pronoms , indique de part &
| d’autre les mêmes différences ; & la diftinClion
effeClive que l ’on a faite de l ’A r t ic le , qui n’eft qu’un
AdjeCtif métaphyfique , auroit pu & dû s’étendre à
toute la claffe fous ce même nom. V o y e \ A d j e c t i f
. & A r t i c l e .
6 ° . Les Temps font des formes exclufîvemeit
propres au Verbe , & qui expriment les différents
raports d’exiftenee aux diverfes époques que 1 on
peut envifager dans la durée. I l paraît, par les
ufages de toutes les langues qui ont admis des
T em p s , que c’eft une efpece de variation exclufivement
propre au V e rb e , puifquxi l n’y a que le
Verbe qui en foit revêtu, & que les autres efpèces
de M o t s n’en paroi fient pas fufceptibles : mais i l
eft conftanc aufti qu’i l n’y a pas une feule partie
Les AdjeCtifs phyfiques font ceux qui défignent
les êtres indéterminés par une idée précife q u i ,
étant ajoutée à ce lle de quelque nature déterminée
, coiiftitue avec elle une idée totale toute
différente , dont la compréhenfion eft augmentée.
T e ls font les AdjeCtifs p i e u x , r o n d , f e n i b la b i é :
car quand on dit un h om m e p i e u x y un v a f e r o n d ,
■ des f ig u r e s f e m b l a b l e s , on exprime des idées