
enfants, que les progrès qu’ils pourraient faire dans
les , habitudes vertueufes.
Cependant la pratique de l ’éducation févère eft
trop, bien établie , & par le s paliages déjà cités, &
par les deux traits qui fuivent, pour être' regardée
comme un fimple eonfeii. I l eft dit au Deutéro-
nome, x s ç j. 1 8. &c. que, s’i l fe trouve un fils indocile
& mutin, q u i, au mépris de les parents, vive dans
l ’indépendance & dans la débauche , i l doit être
lapidé par le peuple , comme un mauvais fujet dont
i l faut délivrer la terre.: O n voit d’un autre côté
que le grand-prêtre H é li , pour n’avoir pas arrêté
le s défordres de les fils , attira fur lui & fur fa famille
le s plus terribles punitions du ciel. ( h iv . 1 .. des
R o i s , ch. i j . )
I l eft donc certain que la m olleffe dans l ’éducation
peut devenir criminelle ; qu’iljfauc par conféquent
une forte de vigilance & de févérité, pour contenir
le s enfants & pour les rendre dociles & laborieux :
c ’éft un m a l, j’en conviens , . niais e’eft un mal
inévitable. L ’expérience confirme en cela les maximes
de la fageffe ; elle fait voir que les châtiments font
quelquefois néceffaires , & qu’en les rejetant tout
à fait on ne forme guère que des fejets inutiles
& vicieux.
Qu oi qu’i l en fo it , le meilleu r, l ’unique tempérament
qui fe préfente contre‘l ’inconvénient dès punitions^
c’ eft la facilité de la méthode que je propbfe ;
méthode q u i , avec une-application médiocre‘de la
part des éco liers , produit toujours un avancement
raifbnnable , fans beaucoup de rigueur de la part des
maîtres.- I l s’en faut bien qu’on en puifte dire autant
de la compofition latine : e lle foppofe beaucoup de
talent & beaucoup d’application ; &. c’eft la caufe
maiheureufe, mais -la caufe néceflaire, de tant'dé
châtiments qu’on inflige aux jeunes latiniftes, & que
le s maîtres ne pourront jamais fupprimer tant
qu’ils demeureront fidèles à cette méthode.
I l eft *donc à fbuhaitèr -qu’on change le fyftême
des Etu de s ; qu’au lieu d exiger des enfants avec
rigueur des compofitions difficiles & rebutantes ,
inacceffibles au grand nombre , on ne leur demande
que des opérations faciles y & en conféque.nce rarement,
fuivies des -corre étions & du'dégoût. D ’ailleurs
l a je une fie paffe rapidement ; & -ce qu’i l faut lavoir
pour entrer-dans le monde, eft d’une grande étendue.
C ’eft pour cette raifon qu’i l faut feifir au plus vite
l e bon 6ç l ’utile de chaque ch ofe, & güfTer fer
tout le refte : ainfi, le premier âg e doit être emp
lo y é par préférence à faire acqûiutiori'des connoif-
fances les plus néceffaires.- Qu e f t - c e en effet que
l ’éducation, fi ce n’eft l ’appremiffàgé de ce qu’i l
faut favoir & pratiquer dans le commerce dé la vie ?’
or peut-on remplir ce grand objet, en bornant i ’infe
truéfion de la Jeuneffe an travail des thèmes & dés
vers ? O n fait que tout cela n eft dans la fuite d’aucun
u fa g e , & que le fruit qui refte de tant d’années
ol E tu des ,fe réduit à peine â l ’intelligence dii latin :
je dis à peine , & je ne dis pas affez. I l n’eft guère
4? iatinifte qui n’avoue de bonne fo i que-le talent
qu’i l avoit acqui? au co llèg e pour compofer en profe.
& en vers , ne lu i faifoit point entendre couramment
les livres qu’i l n’avoit pas encôre étudiés. Chacun,
dis-je , avoue; quaprès- fes brillantes compofitions ,
H o ra ce , V i r g i le , O v id e , T i t e -L iv e & T a c ite ,
Cicéron & Tribonien, ont fouvent mis en défaut
toute fa latinité. I l falloit donc s’attacher moins
â faire des vers inutiles, qu’à bien pénétrer ces
auteurs par la le&ure & par la traduction ; ce qui
peut donner tout a la fois, ces deux degrés éga lement
néceffaires & feffifànts, Intelligence facile dix
latin , éloquence- & compofition françoife.
Pour entrer dans le detail d’une inftruétîon plus
utile , plus facile ,&plus fuivie, je crois qu’i l faut mettre
les enfants fort jeunes à YA béc é : on peut commencer
dès l ’âge de trois ans ; & pourvu qu’on leur, faffe de
ce premier exercice un âmufement plus tôt qu’un trav
a il, & qu’on leur montre les lettres feivant les nouvelles
dénominations . déjà connues par plufieurs
ouvrages ( ^ .A b é c é ,S y l l a b a ir e ), ils liront enfuite
couramment & :de bonne heure , tant en françois
qu’en latin ; on fera bien d’y joindre le grec & le
manuferit. Du refte, trois ou quatre ans feront bien
employés à fortifier i ’enfant fer toute forte de lecture,
& ce fera Une ■ grande avance pour la fuite
des Etu des , où i l importe de lire aifément tout ce
qui fe préfente., C ’eft un premier fondement pref-
que toujours négligé ; i l en réfolte que les progrès.
enfuite font beaucoup plus lents & plus difficiles.
Je voudrais donc mettre beaucoup de foin dans
les premiers temps, pour ■ obtenir une ledture aifée
& une prononciation forte & diftinôfe ; car c’eft l à ,
fi je ne me tromp e, l ’un des meilleurs fruits de
l ’éducation. Quoi qu’i l en foit , fi l’on donne aux
enfants, comme livre de leôfcure, les rudimentslatins-
françois, ils feront allez au fait à fix ans pour expliquer
d’abord le citéchifme hiftorique, puis les
colloques familiers , les hiftoirés choifies, l ’ap-
,pendix du P. Jouvencÿ, &c.
L e maître aura foin-, dans les premiers temps,
de rendre fon explication fort littérale ; i l fera
fentir la raifon des cas & les autres variétés de
Grammaire, prenant tous les jours quelques phrafes
de l ’auteur pour y. montrer l ’application des règles.
On explique de même , à proportion de l ’âge &
/des progrès des enfants, tout ce qui eft relatif à
i ’Hiftoire & à la Géographie , les exprefîions figurées
, &c. à quoi on les rend attentifs par diverfes
interrogations. A in f i, la principale occupation des
étudiants durant les premières années, doit être
d’ expliquer des auteurs fa c ile s , avec l’attention fi
bien ' recommandée par M. Pluche , de répéter
plufieurs fois la même leçon , tant de latin en
François que de françois en latin : après même
qu’on a vu un livre aurt bout à l ’autre , & non
par lambeaux , comme c’ eft la coutume, i l eft bon
de recommencer fer nouveaux frais & de revoir
le-même auteur en entier. O n fent bien qu’i l ne
faut ;pas feivrb pont cela l ’ufag'e établi dans les
collègés , d’expliquer dans le même jour trois ou
quatre auteurs de latinité; ufage qui accommodé
fans doute le lib raire, & peut-être fe profèffeur ,
mais qui nuit véritablement au progrès dés enfants ,
lefqueis -, embarraffés & ferchargés d e liv r e s , n’en
étudient aucun comme i l faut ; outre qu’ils les
perdent, les vendent, & les déchirent, & çonftituent
dès parents ( quelquefois indigents) en frais pouf en
avoir d’autres.
. A u ferplus, je confeille fo r t , contre l ’ avis dé
M. Pluche , d’expliquer d’ abord à la lettre , & con-
féquemment de faire la conftruélion ; laque lle eft ,
comme je crois, trè s-u tile, pour ne pas dire indif-
penfable à l ’égard des commençants. Voye^ Mé thode
& In v er s io n .
Quant à l ’exercice de la mémoire , je ne demanderais
par coeur aux enfants que les prières & le
petit caréchifme , avec lçs décünaifons & conjugâi-
ïbns latines & françoifes : mais je leur ferais lire
tous les jours, à voix haute & diftinéie, des mor--
ceaux choifis de l ’Hiftoire , & je les accoutumerais
à répéter fer le champ ce qu’ils- aùrôient compris
& retenu ; quand ils feraient affez forts , je leur
ferais mettre lé tout par écrit. Du refte , je les
appliquerais de bonne heure à l ’écriture , vers l ’âge
de fix ans au plus tard ; & dès'qu’ils fàuroient un
peu manier la p lum e , je leur ferais copier plu fieurs
fois tout ce qu’i l y. a d’irrégulier dans les
noms & dans les verbes , des prétérits & fopins ,
des mots ifolés , &c. Enfoite à mefore qu’ils acquerraient
l ’expédition de l ’écriture, je leur ferais
écrire avec foin l a plupart des chofes qu’on leur
fait apprendre , comme les maximes choifies , le
catéchifme , la fyntaxe & la méthode, les vers
du P . Buffier pour l ’Hiftoire. & la G éog raphie, &
enfin les plus beaux endroits des- auteurs. A in fi,
j’exigerais d’eux beaucoup d’écriture nette & lifîble ;
mais je ne leur demanderais guère de le çon s,
perfeadé qu’elles font prefque inutiles, & qu’elles
ne laifrent rien de bien durable dans la mémoire.
-Par cette pratique habituelle & continuée fans
interruption pendant, toutes les Etu de s , on s’affû-
re ro ir aifément du travail des écoliers , qui recu-
le,nt prefque toujours pour, apprendre par coe u r ,
& dont on ne fauroit empêcher ni découvrir la-
ne§^ § ence a cet éga rd, à moins qu’on ne mette
a cela un temps confidérable , qu’on peut employer
plus utilement. D ’ailleurs, bien que l ’écriture exige
autant d’application que l ’exercice de la mémoire,
e lle eft neanmoins plus fatisfaifante & plus à la'
portée de tous les fe jets ; e lle eft en même temps
plus utile dans le' commerce de la vie , & fertout
e lle fuppofe la réfidence & l ’affiduïté : en un m o t,
e lle fixe le corps & l ’efprit, & donne infenfi-
blément le goût des livres & du cabinét; au lieu
que lé travail des leçons ne donne le plus fouvent
que deTennui.
.. O u t r e ! explication des bons auteurs & la répé-
tition du textë la t in , fa ite , comme on l ’a d it,
, r. \ expfrcati ° n françoife, on occùpera nos jeunes
latiniftes à traduire de la profe & des vers ; mais
au lieu de prendre , feivant la coutume, des morceaux
détachés de l ’explication journalière, je penfe
qu’ i l vaut mieux traduire un livre de fuite , en
pouffant toujours l ’explication qui doit aller beaucoup
plus vite. L e brouillon 6c la copie de l ’éco-
lieir feront écrits pofément, avec de l ’efpace entre
les lign e s , pour corriger; opération importante ,
qui éft autant du maître que du difeiple , & à
laquelle i l faut être fidèle. L a verfion fera donc
corrigée avec fo in , tant pour l ’orthographe que
pour le françois ; après quoi elle fera mife au net
f ur un cahier propre & bien entretenu.
Ces pratiqués formeront peu à peu les enfants,
fîôîfi feulement aux' tours de notre langue , mais
encore plus à l ’écriture ; acquifition précieufe , qui
eft propre à tous les états & à tous les âdes.
I l ferait à fouhaiter qu’on en f ît ün exercice
claffique, & qu’on y attachât des prix à la fin de
1 année, j ’ajoûterai fer c e la , qu’au lieu de longs
barbouillages-qu’on exige en penfums , i l vaudrait
mieux demander chaque fois un morceau d’écriture
correcte , & y s’i l fe p e u t , élégante.
A l ’égard du g r e c , l ’application qu’on y donne
eft le plus fouvent infruéhreüfe, fertout dans les
collèges , où T o n exige des- thèmes avec la pofi-
tion des accents : on pourrait employer beaucoup
mieux -le temps qu’on perd à tout cela ; c’eft pourquoi
j’en voudrais décharger la Jeuneffe , perfeadé
qu i l feifit à des écoliers de lire^JLe grec aifément,
& d acquérir l ’intelligence originale des mots'François
qui en font dérives. Si cependant-on étoit à
portée de feivre le plan * du P . Giraudeau, on fe
procurerait par fa méthode une intelligence raifonnable
dés auteurs grées ,1e tout fans fe fatiguer & fans
nuire aux autres Études.
_Mai§ travail pour t r a v a il, i l vaudrait encore
mieux étudier quelque langue moderne , comme
1 italien , l ’e fp a g n o l, ou plus tôt l ’anglois, qui eft
plus utile & plus à la mode : la Grammaire an-
g loife eft courte & fa c il e ; on fè met au fait en peu
d heures. A la vérité la prononciation n’eft pas
aifée , non feulement par la faute ' des anglois ,
qui laifiei.it leur orthographe dans une imperfection,
une inconféqnence, qu’on pardonnerait à peine
a un peuple ignorant, mais encore par la négligence
de ceux qui ont fait leurs Grammaires &
leurs^Diélibnnaires, & qui n’ont pas indiqué, comme
ils le pouvoient, la valeur aéhielle de leurs lettres
, dans une infinité de mots où cette valeur eft
différente de l ’ufage ordinaire. M. King , maître
de langues à P a r is, remédie aujourdhui à ce défaut
i^ il montre l ’anglois avec beaucoup de méthode
, & i l en facilite extrêmement la lecture & la
prononciation.
A u refte , un avantage que nous avons pour
Tanglois , & qui nous manque pour le g r e c , c’eft
que la moitié des mots qui çonftituent la langue
.moderne, font pris du françois ou-du latin; prefi
que tous les autres font pris de l ’allemand. D e
p lu s , nous femmes tous les jours à portée de con