
•noître que par l ’ufage le plus général de la plus
.nombreufe partie des gens de Lettres. I l y aura,
Ji vous voulez , plu fleurs articles de cette convention
qui auroient pu ,être plus généraux, plusçon-
féquents, plus faciles a faifir : mais enfin ils ne
l e font p a s , & i l faut s’en tenir aux termes de la
convention. I rez -vous écrir t k e k a b i l orne ke v o u
J o i i e r , pour quelque h a b i le h om m e que v o u s fo y e% ?
on ne Jaura ce que vous voulez dire'; ou fi on le
devine, vous apprêterez à rire.
O n répliquera qu’un N é o g r a p h e fagç ne s’avifera
point de fronder fi généralement l ’ufage , & qu’ il
Je contentera d’introduire quelque léger changemen
t, n u i , étant fuivi d’un autre quelque temps
ap rè s , amènera fuceeifivement la reforme entière
fans révolter perfonne. M a is , en p r em ie r l ie u , fi
l ’on e f t bien perfuadé de la -v ér ité du principe fur
leque l on établit fon N é o g r a p h i fm e , je ne vois
pas qu’il y ait plus de fagefle à n’en tirer qu’une
conféquence qu’à en tirer mille ; rien de r a i fo n -
sable n’eft contraire a la fag e fle , & je ne tiendrai
jamais Duclos pour moins fage que Voltaire.
.J’ajoute que cette e ir ç o n fp e C t io n prétendue plus fage
eft un aveu qu’on n’a pas le droit d’innover contre
l ’ufage reçu , & une imitation de cette efpèçe de
prudence qui fait que l ’on cherche à furprendre un
homme que l ’on veut perdre , pour ne p a s s’expofer
aux rifques que l ’on pourroit courir en l ’attaquant de
Iront,
A u refte , e’eff fe faire illufion que de croire
que l ’honneur de notre langue foit intérefle au fuç-
çè&- de toutes les réformes qu’on imaginé. I l n’y
en a peut-être pas une feule qui n’ait dans fa manière
d’écrire quelques - unes de ces irrégularités
apparentes dont le Néographifme fait .un crime à
la nôtre : les lettres: quiefeentes des hébreux ne
font que des caractères écrits dans l’Orthographe
& muets dans la prononciation ; les grecs é c r iv o i e n t
ayyzAos, ayxvpa , & prononçoient comme nous
ferions aiytMs, cLvxvfa. O n n’a qu’à lire Prifcien
fur les lettres romaines , pour voiL que l ’Orthof
raphe latine avoit autant d’anomalies que la nôtre ;
'italien & l ’efpagnol n’en ont pas moins, & en
ont quelques-unes de communes avec nous ; i l y
en a en allemand d’aufli choquantes pour ceux qui
veulent partout la préeifion géométrique ; & l ’an?-
g lo i s , qui eft pourtant en quelque forte la langue
des géomètres , en a plus qu’aucune autre. Par
q u e lle fatalité l’honneur de notre langue fèroit-jl
plus compromis par les inconféquençes ,de fon O r thographe
, & plus intérefle au fiiccès de tous les
fyftê-mes que l ’on propofe pour la réformer ? Sa
g loire n’eft véritablement intéreffée qu’au maintien
de fes u fages, parce que fes ufages font fes lois,,
fes riphefles , & fes beautés ; femblable en cela à
tous les autres idiomes, parce que chaque langue eft
)a totalité des ufages propres à la nation qui la parle,
pour exprimer les penfees par la voix. Noje^ L an-
p v E.
T e l eft Ycprdçle N ^ ographisme du D ie - .
tîonnaîre raifonné des fc ie n c e s ; & c’eft véritablement
l ’idée que j ’en avo is a lo rs : mais de nouvelles
ré fle x ion s . m ’ ont donné d’autres penfées ; & je fuis
perfuadé qu ’un Néographifme raifonné dans fes
principe s , c ircon fp eâ : dans fes changements , u tile
dans les e f fe t s , doit être encoura gé Si applaudi
pa r tous ceux q u i aiment l e b ien. P o u rq u o i donc,
me dira - t - o n , laiffe z -vou s fubfifter c e t a r t ic le ,
p u ifq u e vous l e çondannex ? C ’ eft p ou r la if fe r fous
le s ieu x du leCteu r le s raifons que j” avois crues
lès p lu s opp o fé è s au Néographifme, & q u i m’avoient
féduit. d’abord; mais que je ne regarde aujourdhuî
q ue comme des o b je â io n s , au xq u e lle s je dois répondre.
I . L a prem ière objection , c’ eft que le s Néographes
v io le n t le s lo is de l ’ u fa g e , dont l ’ autorité eft
l a m êm e , dit-on , fur l ’O r th o g rap h e que fur l a pron
onciation.
J e ne l e crois p lu s . L e bon u fa g e d’une langu e
p a r lé e eft , j ’en conv iens ( voye^ U s ~a g e ) , la
façon de p a r le r de la p lu s nombreufe pa rtie de la
C o u r , conformément à la façon d’éc rire de la plus
nombreufe pa rtie des auteurs le s p lu s eftimés du
temps : -mais c e tte définition même donne l ie u à
que lq u es remarques Importantes.
i ° . L a néceffité d e d iftin g u e r vais ut\‘bon ou un mau- u fa g e , annonce qu’i l y a un u fa g e géné ral
com p ofé de tous le s fufrrâ g es , fan§ e x ception , de
to u s ceux qui pa rlen t une lan g u e ; l e bon y eft
m é lé a v e c l e mau v a is , & l e mauvais a fur l e -bon
une influence iné v ita b le & p lu s grande qu’ on ne
c ro it. C omment s’eft ch an g ée la p rononciation de
) avois , ils avaient , qu i , conformément à la
manière dont ils font éc rits , fe prononçoient comme
le s picards le s prononcent encore aujourdhuî? U n
ign o ran t ou un précieux , fous l e vain prétexte
d’év iter la prétendue* dureté de la d iphthongue o\ ,
y aura fubftitué la fim p le v o y e l le ê ; on en aura
d’abord é t é 'c h o q u é comme d’une faute ; mais à
fo rc e d’être répé té e par des imitateurs a v eu g le s ou
amateurs de la f in g u la r i té , ce tte faute a enfin ceffé
de l ’ être & a reçu l a fanCHon du bon u fa g e : &
c’eft ainfi q ue nous avons vu de nos jours Çharo*
lois devenir Charoles dans la prononciation. Rien
ne peu t empêcher ces ch an g em en ts , parce que
tou t l e monde p a r le , & qu’i l n’y a pas partout
des moniteurs autorifés p o u r çenfurer ces innovat
io n s .
I l n’en eft pas tou t à fa it de même à l ’égard de
la lan g u e é c rite. N o u s avons un alp h a b e t d’ emprunt
, & dont le s caraCjtères ne fuftifent pas pour
l a repréfenta tîon des fons de notre la n g u e : on eft
convenu d’ y fu p p lé e r pa r certaines eombinaifons
des eâ raftères empruntés; & de rep ré fen te r , par
e x em p le par c h , l ’a rticulation forte dont j eft la
fo ib le ; par e u , l e fon final du mot feu ; par ou ,
c e lu i du mo t fo u ; pa r une m ou une n après une
v o y e l le , l a na fa lité qu i n’a p o in t de figne prop
re , Çes conventions <?ntçn q u e lq u e manière
comp lété
fcofnplété notre alphabet ; Si c’eft à quoi fè réduit
le code des déeifions de l ’ufage par la repréfen-
tation matérielle dès fons. Ce code eft un moniteur
toujours fubfiftant & répandu partout, qui ne doit
pas réclamer en vain quand <5n en tranfgrefle les
déeifions; les gens de Lettres qui fe font particulièrement
occupés de ce genre d’étude , me pa-
roiffent fuffifamment autorités ; non pour contrarier
le bon u fa g e , mais pour le faire refpeCler, en
indiquant la manière de fe conformer à fes arrêts
irréformables. « L ’ufage qui varie fur la langue
» p a r l é e d i t Duclos ( Remarques fu r la Gram-
«> maire géne'r. I. j ) , n’eft point vicieux , puif-
» qu’ il n’eft point inconféqnent, quoiqu’i l foit in-
» confiant : mais i l n’en eft pas ainfi de l ’écriture ;
» tant qu’une convention fubfifte , elle doit s’ob-
» ferver. L ’ufage doit être confisquent dans l ’em-
t> ploi d’un figne dont rétabliffement e ft arbitraire :
» i l eft inconféquent & en c o n t r a d i c t io n ', quand
» i l d o n n e , à des c a r a c t è r e s affemblcs ., une va-
» leur différente de ce lle qu’i l leur a donnée &
» q u ’i l leur conferve dans leur - dénomination >x.,.
Difons mieux : le véritable ufage, auquel i l faut
déférer, eft celui qui a autorité cfabord les conventions
encore fubfiftantes : celui q u i , fans vou loir
les changer, en pofe de contradictoires taris
aucune modification propre à concilier les unes
avec les autres, ne peut être qu’abufif; i l "faut,
ou le rejeter, ou le modifier. C e parti doit pa-
roître jufte & raifonnable, & c’étoit èn effet celui
du tavant Varron ( D e A n a l. II. ) ; I ta q u ç , dit-
i l , u t fu am quifque confiièiudinem., fe mala eft ,
cor ri gère dèbe.at ; f i e popù lu s , fu am : or le plus
frand défaut qu’on puiffe trouver dans l ’ufage de
écriture , eft d’être inconféquent, contradictoire ,
deftruCtif de lui-même.
2.0. L a , façon de parler de la plus nombreufe
partie de la Cour doit être conforme à la façon
d’écrire de la plus nombreufe partie des auteurs
les plus eftimés -du temps. Ce caraÇtère du bon
ufage eft également néceffaire & pour la langue
parlée & pour la .lan gue écrite..Pourquoi ? c’.eft
xjue les gens de Le ttres, occupés par état dé
' l ’étude des principes’,, & néceflîtés par le befoin.à
reconnoître & à fuivre les plus vrais & les plus
sûrs, .ont été jugés en conféquence les contrôleurs
pés & légitimes du langage prononcé ou écrit.
Si dans la langue parlée i l s’introduit une ex-
preffion nouvelle, c’eft donc aux gens de Lettres,
occupés par é ta t d e l ’ étude & de la p u r e t é du
langage , à examiner d’abord & à a p r en d re au Pub
lic r cette expreflion eft inutile o\i néceffaire ,
fi elle eft analogique ou dé quelle manière elle
peut le devenir, &e. Difons-le fans détour : le
Public eft fout difpofé , Si avec, juftice , à fuivre
le s déeifions que l ’Académie françoife lui préfen-
teroit à temps fur de pareils objets ; au lieu que
l ’habitude une fois contractée: avant les.réclamations,
les rend abfolument "'inutiles quand' elles font trop
tardives.
Çramm. .e t Littér a t * Tqvu U*
Pour ce qui eft de la langue écrite , l ’exercice
de l’autorité des gens de Lettrés a néceffairement
plus de latitude ; premièrement, parce que la
multitude ignorante n’a pas fur l ’Orthographe la
même influence que fur le langage prononcé ; fe-
çondement, parce que les progrès de l ’habitude,
en fait d’Orthographe , ne font pas à beaucoup
près , fi rapides que par raport à la parole prononcée,;
enfin, parce qu’i l eft toujours aifé de rendre
bien fenfibles les contradiétions , les inconfe-
quences, les équivoques d’une Orthographe qui
s éloigné des principès fondamentaux, ainfi que les
avantages d’une Orthographe plus fimple , plus
analogique, Si par là même plus aifée. L e tribunal
de - l ’Académie feroit encore à cet égard le
plus compétant , le plus împofant , & le plus
u t ile ; parce qu’ on feroit affûté que fes' déeifions
feroienc appuyées fur les meilleurs principes , St
qu’e lle ne les donneroit jamais fans les juftifier;
Êh .! pourquoi feroit - on entrer dans la notion du
bon ufage l ’influence des auteurs les plus eftimés,
fi on les réefuifoit à ne faire que nombre, & fl
on les mettoit au niveau de la multitude ignorante 8c
dénuée de principes' ?
II. O n peut aifé ment abufer , d it-o n , du prinr
cipe que les lettres étant inftituées pour repréfenter
les éléments de la vo ix , l ’ écriture doit fe conformer
à la prononciation. '
O u i fans doute, on peut en abufer; car dé quoi
n’abufe-t-on pas? N ’a-t-on pas abufé à l ’excès de
cette déférence même que l ’on prétend due à 1’ 11 fage
fans reftriétion ? & cet abus énorme 11’e f t - i l pas
la fource de toutes' les bizarreries qui rendent
notre Orthographe & l ’art même de lire notre langue
fi difficiles , que les: deux tiers- dé là nation ignorent
l ’un & l ’autre ? O n peut donc abufer , j’en
conviens,' du- principe, .que Quintilien lui - même
approuvoit, S i qu’i l a énoncé d’une manière fl
précife (l Infeit. orat. L . vij. ) ; Ego fie feriben-
dum quicque: judico quomodo fonat ; hic enim
ufus eft litteramm, ut eufibdiant voces & velut
depofitum reddant legentibus : mais i l eft poflîble
auffi d’en ufer avec, fag e fle , avec diferétion, &
furtout avec avantage ; i l eft poflîble d-adopter ,
d’après les caractères autorifés légitimement par
l ’ ufage , un fyftême d’Orthographe plus fimple ,
mieux l i é , plus conféquent ; & fi ce fyftême eft
préfenté avec clarté & juftifié par de bonnes rai-
lons prifes dans la nature de la ch ofe, Quintilien
veut encore, que T on défère beaucoup au jugement
du grammairien qui le propofera : Judicium autem
fiium grammatifus interponat bis omnibus, nam
hoc valere plurimum debet. (Ibid.) J'ôférai donc
ic i , fur l ’autorité du fage Quintilien , propofer
l’efquiffe d’un fyftême d’Orthographe, dans leque l
je crois avojr rçuni toutes les qualités ex ig ib le s ,
fans y laiffer les défaüts qui déskoporçnt. notre
Orthographe a Cruelle : je dis l ’efquijfe , parce
que je n entrerai pas dans un lo n g détail de preuves
® M n u n m