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comme dans les fèces d’A po llon ; quelquefois ,
comme à Delphes 8c a /Déios , c’étoit le poète
lui-même , ou les prêtres avec leur famille entière;
dans les veillées-, ,c écoienc les prêtrés fculs : mais au
lieu que dans les folennités. on le fcrvoic communément
de la cy tha re,' ici les prêtres uniffoient
leurs voix au fon des flûtes. D e la vient qu’Arnobc
dit quelque part des' Iiymnes chantés dans les veill
é e s , q u ils font , fi je puis m’expliquer de la
forte, l ’exercice matinal des dieux, exercitationes
(ieonun mqi minasjpollat as ad tbbiam. Ja, L e chevalier
DE JAUcdvRTc )
H Y MN O G R A P H E , f. m. Littérat. ancienne..
Compofiteur à’hymnes. Les premiers poètes de là
G rè ce furent la plupart Hymnographes, & les
plus grands poètes composèrent tous des hymnes :
fans parler ici d’Orphée , d’Homère , & d e C a li i-
maque , on compte parmi ceux dont les hymnes
ont p éri , Anthes, O le ii de L y c ie , O lympe myfien,
Stéfichore, Archiloque , Simonide , Â lc é e , Bacchy-
lide , Pindare ; Pindare , dis-je , qui avoit ch o ifï,
comme on fa it , A p o llon delphien , pour le fujet
ordinaire de fes hymnes ; qui çhantôit dans le temple
ceux qu’i l ayoic compofés ; & q u i, pour prix de ces
mêmes hymnes , oui en faifânt valoir lè dieu
contribuoient fans doute au profit d e .la P y th iey en
avoit obtenu une partie des prémices que l ’on âp-
portoit de toutes parts' à Delphes.
L a Grèce; accordoit des récompenfes de toute
efpèce aux excellents Hymnographes ; difons p lus,
à peine commençoit-elle d fe p o lice r , qu’elle avoir
établi des prix en leur faveur. Paufanias, parlant
de plufleurs Hymnographes qui furent couronnés,
ajoute qu’Orphée & fon difciple JVlufée ne voulurent
jamais confèntir à paroîcre dans la lice , foi:
qu’ils fe défiaffent de la capacité de leurs ju g e s ,
ou qu’ils dédaignaffent des rivaux trop peu dignes
d’eux.
Les romains de leur côté établirent aufli des
prix & des récompenfes pour les Hymnographes :
mais ils n’y fongèrent que lorfqu’ils n’eurent plus ,
pour ainfi dire , de poètes; Horace. & Catulle leur
avoient fait entendre, dans les fêtes féoulaires , des
hymnes qui font encore notre admiration. L a Poéfie
étoit alors en honneur ; e lle tomba avec Auguftë
& Mécène : Domitien entreprit vainement de la
rétablir ; Il propofa des prix pour les Hymnograp
h e s : mais leurs beaux jours ’ étoient paffés, & ne
dévoient pas renaître fous un tyran , qui Crdyoit
couvrir fes vices par un amour apparent pour les
beaux arts. { L e chevalier jde J AV COURT. )
H Y P A L L A G E , f. f. T V a Ma , changement ,
jhbverfion. RR. v-&o.fiub , & , aor. z . paff.
fict\\unf'l91muio, leque l eft dérivé d’aXAoî, ala is . j
Les grammairiens ont admis trois différentes
figures fondées également fur l ’idée générale de
changement ; favoir, Y É n a lla g è , Y Hypallage &
yHyperbate : mais _4 feruble qu’ils n’en ont pas
H Y P
déterminé d’une manière affez précife les caractères
diflinétifs , puifque l ’on trouve les mêmes exemples
raportés à chacune de ces trois figures. V irg ile a
dit ( Æ n e id . I I I , 6 1 j dure claffibùs aujlros ,
au lieu de dire darë clajje s aafiris : M. du Marfais
( des Tropes , parc. I I , art. x v i j ) raporte
cette expreflion a l ’Hypa llage ; Minellius & Servius
l ’ayoient fait de même avant lu i. L e P. Lamy
( Rhét. liv. I , chap. x i j ) cite la même phrafe
comme un exemple de l ’Énallage ; 8c d’autres l ’ont
. raporté à l ’Hyperbate-, Met. lut. de P . R . traité
des Figures de conjlr. ch. v j , de l ’Hyperbate.
L a fignification des mots eft inconteftablement
arbitraire dans fon origine ; & cela eft v ra i, fur-
tout des mots techniques , tels que ceux dont i l
eft ici queftion. Mais rien n’eft- plus contraire aux
progrès des fciences & des arts, que l ’équivoque
& la cqnfufion dans les termes deitinés à en perpétuer
la tradition; par cpnféquent rien de plus
effenciel que d’en fixer le.fens d’une manière précife
& immuable.
O r je remarque en effet , par raport aux motS^,
trois efpèces générales de changements , que les
grammairiens paroiffent avoir envifagées quand ils
ont introduit les trois dénominations dont i l s’a g i t ,
8c qu’ils ont enfuite confondues.
L e premier changement confîfte à prendre un
mot fous une forme, au lieu de le prendre fous
une autre , ce qui eft'proprement un échange dans
les accidents, Comme font les ca s , les, genres, les
temps, les modes, &c. C ’eft à cette première e f pèce
de changement que M. du Marfais a donné
îpécialement le nom hÉ nalldg e , -d’après la plus
grande partie des grammairiens. Hoye^ É nallage,
Mais ce terme- n’ë f t , félon l u i , qu’un nom myf*
térieux, plus propre à cacher l ’ignorance r é e lle ,
qu’ à répandre quelque; jour fur les procédés d’aucune
langue. J’aurai occafion dans plufieurs articles
de cet ouvrage , de confirmer cette penfée par
de nouvelles obfervations, & principalement à Y article
T emps.
L a fécondé efpèce de changement qui tombe
direéïement fur les mots , eft uniquement relative
à l ’ordre fucceffif félon lequel ils font difpofés
dans l ’expreflion totale d’ une penfée. C ’eft la figure
fûe l ’on nomme communément Hyperbate. Voye\
ÏY P E R B A T E .
L a troifième forte de changement , qui doit ca-
raéférifer Y H y p a lla g e , tombe moins fur les'mots
que fur les idées mêmes qu’ils expriment ; & i l
confîfte à préfenter fous un afpeét renverfé la corrélation
des idées partielles qui conftituent une même
peflfée. C ’eft pour'.cela que j’ai traduit le nom grec
Hypa llage par le nom François Subversion : outre
que la prépofltion élémentaire viro fe trouve rendue
ainfi avec fidélité, i l me fembleque le mot en eft p lus
propre àdéfîgner que le changement 4ont 4 s’agit
ne tombe pas fur les mots immédiatement, mais
qu’i l pénètre jufques fous l ’écorce des mo ts , 8c
H Y P
jufques aux idées dont ils font les lignes. Je vas
juftifier cette notion de Y Hypallage par les exemples
mêmes de M. du Mariais , & je me fervirai
de fes propres termes : ce que je ferai fans feru-
pule partout ou -j’aurai à parler des Tropes. Je
prendrai Amplement la précaution d’en avertir-par
une citation & des guillemets , & d’y inférer entré
deux crochets niés propres réflexions.
« Cicéron, dans l ’oraifbn pour Marcellus dit
» a Céfar qu’on n’a jamais vu dans la v ille fon
» epee vide du fourreau , gladium vaginâ vaut
cuum in urbe non vidimus. I l ne s’agit pas du
» rond de la penfée, qui eft de faire entendre que
» Céfar n’avoit exerce- aucune cruauté dans la v ille
» de Rome ». [ Sous cet afpeéb, elle e# : rendue
ici par une Métonymie de la caufe inftrufent-ale
pour l ’effe t, puifque l ’épée nue eft mife à la place
des cruautés dont elle eft l ’inftrument ]. « I l s’agit
» de la combinaifon des paroles qui ne paroiffent
r> pas liées entre elles comme elles le font dans
» le langage ordinaire ; caryacuus fe dit plus tôt du
» fourreau que de l ’épée.
» Ovide commence fes Métamorphofes par ces pa-
» rôles :
» In nova fert animus mutât as dicere formas
»» Corpora,
» L a conftrudion eft , animus fert me dicere
y> fo rm a s mutatas in nova corpora j mon génie
>» me porte à raconter les formes changées en de
» nouveaux corps : i l étoit plus naturel de dire., à
Y> raconter les -corps , c-’eft à dire , à parler des
» corps changés en de nouvelles formes. . . .
» V irg ile fait dire à D id on , Æ n . I H > 3S5 :
»» E t quum frigida mors anima feduxerit artus ;
» après que la froide mort aura féparé de mon ame
» les membres de mon corps ; i l eft plus ordinaire
» de dire , aura féparé mort âme de mon co rp s , le
» corps demeure , ,1’ame le quitte : ainfi , Servius &
» les autres commentateurs trouvent une Hypallage
»dansces paroles de V irg ile.
» L e même poète, parlant d’Enée & de la fibylle
» qui ççnduifit ce héros dans les enfers , dit ,
» Æ n . V I , z68 :
x> Ibant obfcuri folâ fub jiocte per umbram,
» pour dire qu’ilsmarchoient tous feuls dans les té-
» nèbres d’une nuit fombrei Servius & le P . de la Rue
» difent que c eft ici une Hypallage pour ibant f o l i
» fu b obfcurâ noeîe.
» Horace a dit , 7^, od. x iv , 3. ■
» Pocula lethteos ut f i ducentitt' fomnos
1» Traxerim •
»> comme fi j’avois bu les eaux qui amènent le fom -
® du fleuve Léthe. I l étoit plus naturel de
H Y P atfj
» dire, p o c u l a l e t h oe a , les eaux du fleuve Lcthé.
» V irg ile a dit qu’Enée ralluma des feux prefque
» éteints, f o p i t o s f u f e i t a t i g n é s ( Æn. V ; 745 ).
» 11 n’ÿ apoint Ht S H y p a l l a g e ; car f o p i t o s , félon
» la eonftruétion ordinaire , fè raporte à i g n é s . Mais
» quand, pour dire qu’Enée ralluma fur l’autel cî’Her-
» cille le feu prefque etein t, V irg ile s’exprime en
» ces termes, Æ n . v i i , 541.
n . . . Herculeis fôpitas ignibus aras
■ n Excitât : •
» alors i l y a une H y p a l l a g e ; c a r , {Mon la coni-
» binaifon ordinaire, i l anroit d it , e x c i t â t ig n é s f o -
■ srpitos i n a r i s H e r c u l e i s , id eft , H e r c u l i f a c r i s . ‘
» A u liv r eX .i l, vers 187 , pour dire, f i a u con-r
» t r a ir e M a r s f a i t t o u r n e r l a v i c t o i r e d e n o t r e c ô t é 7
» i l s’exprime en ces termes:
» S i n n o f t r u m a n n u e n t n o b i s Victor ia M a r t em
» ce qui eft une H y p a l l a g e , félon Servius : H y p a L
» I d g e . , p ro , f i n n o j l e r M a r s a i in u e r i t n o b i s v i c -
» t o r iam y n a m M a r t em v i c l o r ia c o m i ta tu r » .
- [ Cette fuite,d’exemples ,. avec les interprétations
qui les accompagnent., doit fuffifamment établir en
quoi; confîfte Teffence de cette prétendue figure que
les rhéteurs renvoient aux .grammairiens f & que
les grammairiens renvoient aux rhéteurs. .C ’eft un
renverfçment pofitif dans la corrélation, des idées *
ou l ’expofition d’un certain ordre d’idées, quelquefois
oppofé diamétralement a celui que l ’on veut
faire entendre. E h ! qui ne voit que Y H y p a l l a g e ^
fi elle exifte , eft un véritable, vice dans l ’Élocution
, plus tôt qu’une figure ? 11 eft affez furprenant
que M. du Marfais nen ait pas porté le même
jugement, après avoir pofé des principes dont i l
eft la conclufion néceffaire. Écoutons encore ce grammairien
philofophè].
«Je ne crois pas . . . , quoi qu’en difent les com-
» mentateurs d’Horace , qu’i l y ait une H y p a l l a g e
h dans ces vers de l ’ode x v i i du liv. 1 ,
» V e lo x amænum ftxpe Lucretilem
»3 Mutât Lycceo Faunus >
» c’ eft i dire, que Faune prend Couvent en éehange
» le Lucl'étilc pour le Ly cée j: i l vient Couvent
» habiter-le Lucrétile auprès de la maiCon de
» campagne d’Ho ra ce, & quitte pour cela le L y cé e ,
» fa demeure ordinaire. T e l eft le Cens d’Horace *
» c om m e l a f u i t e d e l ’ o d e le d o n n e n é c e j fa i r e -
» m e n t à e n ten d r e .- C e font les paroles du père
» Sanadon , qui trouve, dans cette, façon de parler
» ( T o m e I , p a g . y 75) ) u n e v r a ie H y p a lla g e , o u '
» u n r e n v e r s em e n t d e . e m j l r u û i o n . ,
» Mais i l me paroît que c’eft juger du latin
» par le françois , que de trouver une H y p a l l a g e
» dans ces paroles d’Horace : L u c r e t i l em m u t â t
» L y c c e o F a u n u s . O n commence par attacher à
» m u ta r è la même idée que nous attachons à notre
» verbe c h a n g e r -, d o n n e r c e q u ’ o n a p o u r c e