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l ’explofion, en quoi confifte l ’effence de l ’articulation;
la différence n’eft que dans la caufe. Les
autres articulations, fous l’impreffion de la même
force expulfive, procurent aux voix des explorons
proportionnées aux obftacles qui en embarraflent
l ’émiffion : l ’articulation gutturale leur donne une
explofion proportionnée a l ’augmentation même de
la force expulfive.
Au fil l ’explofion gutturale 'produit-elle fur les voix
le même effet général que toutes les autres, une
diftinétion qui empêche de les confondre, quoique
pareilles & confécutives : par exemple, quand on dit
la halle , le fécond a eft diftingué du premier auflî
fenfiblement par l ’afpiration h, que par l ’articulation
h quand on dit la balle , ou par l’articulation f
quand on dit la faite. Cet effet euphonique eft
nettement défigné par le nom d’articulation , qui
ne veut dire autre chofe que difiinctïon des membres
ou des parties dè la voix.
La lettre h , qui eft le ligne de l ’cxplofion gutturale,
eft donc une véritable conforme; & fes
iaports analogiques avec les autres confonnes font
autant de nouvelles preuves de cette décifion.
i° . Le nom épeliatif de cette lettre , fi je peux
parler ainfi, c’cft à dire, le plus, commode pour
la facilité de l ’épellation, emprunte néceffaire-
ment le fecours de Ve muet, parce que h , comme
toute autre cordonne , ne peut fe faire entendre
qu’avec une voyelle ; 1*explofion de la voix ne peut
exifter fans la voix. Ce caractère fe prête donc >
comme les autres confonnes , au fyftême d’épellation
propofé dès 1660 par l ’àuteur de la Grammaire
générale , mis dans tout fon jour par M. Dumas
, & introduit aujourdhui dans plufieurs écoles
depuis l’invention du bureau typographique.
z°; Dans l’épellation , on fubftitue à cet e muet
la voyelle néçeffaire , comme quand il s’agit de
toute autre confonne : de même qu’avec b on d it , b a , bé, b i, bo , bu , &c ; ainfi avec h on dit , lia y hé y h i, ho, hu, &c ; comme dans hameau, héros
y hibou, hoqueton, huppé, &c.
3°. I l eft de i’effence de toute articulation de
précéder la voix qu’elle modifie , parce que la voix
une fois échapée n’eft plus en la difpofition de
celui qui parie , pour en recevoir quelque modification.
L ’articulation gutturale fe conforme ici
aux autres, parcè que l ’augmentation de la force
expulfive doit précéder i ’explofion de la voix, comme
la caufe précède l ’effet. On peut reconnoître par
là la fauffeté d’une remarque que l’on trouve dans
la Grammaire fran çoife de M. l ’abbé Regnier
( P a r i s , 1705,in-4°,^>. 3 1;ou 3706 , in -iz,p. 31),
& qui eft répétée dans la Profodie fran çoife de
l ’abbé d’Oliver. Ces deux auteurs difent que Y h
eft afpirée à la fin des trois interjections a h , e h ,
eh. A la vérité l ’ufage de notre orthographe place
ce caradère à la fin de ces mots ; mais la prononciation
renverfe l’ordre- , & nous difons ha , hé y
ho. Il eft impoflible que l’organe de la Parole faffe
entendre la voyelle avant Palpitation.
H
4°. Les deux lettres ƒ & h ont été employées
l ’une pour l ’autre; ce qui fuppole q u e lle s doivent
être de même genre. Les latins ont ait fircum pour
hircum, fo jlem pour hojlem , en employant ƒ pour
h ; & au contraire, ils ont dit heminas pour f e -
minas , en: employant h pour f . Les efpagnols ont
fait paffer ainfi dans leur langue quantité dé mots
la tin s , en changeant f en h : par exemple , i l s
difent, hablar ( p a r l e r ) , de fabulari y ha\er
( faire ) , ‘de fa ce r e ;, herir ( bleffer )p de ferire ;
hado ( deftin ) de fa tum ; higo ( figue ) , de
f ic u s y hogar ( fo y e r ) , d t f o c u s ; Scc.
Les latins ont aufli employé v ou ƒ pour h y en adoptant
des mots grecs : yeneti vient de in%l, P eft a
de «Via, veftis de tâ-«?, ver de «p, &c ; & de même.
fu p e r vient de vVép, feptem de , &c.
L ’auteur des Grammaires de Port-Royal fait entendre
dans fa Méthode efpagnole\ part, l , ch. i i j ) ,
que les effets prefque fembiables de Palpitation h
& du fifflement f ou v ou f , font le fondement de
cette commutabilicé ; & i l infinue dans la Méthode
latine y que ces permutations peuvent venir ffe Pam
cienne figure de Pefprit rude des grecs , qui école
allez fembiable à f y parce q u e , félon le témoignage
de S. Ifidore ,* on 'diviTa perpendiculairement
en deux parties égales la lettre H , & l ’on prit la
première moitié r pour ligne de Pefprit rude, &
l ’autre moitié q pour fymbole de l ’efpnt doux. Je
laiffe au lecteur à juger du poids de ces opinions »
& me réduis à conclure tout de nouveau que toutes
ces analogies de la lettre h avec lés autres confonnes ,
lui en affurenc- inconte.ftabiemenc la qualité & le
nom.
Ceux qui ne veulent pas en convenir fou tien n en t,
dit M. du Marfais, que ce fig n e ne marquant au-
cun fort p articulier analogue au fo n des autres
confonnes, i l ne doit être confidéré que comme
un fig n e £ afpiration. ( Voye-^ C o n s o n n e ). Je
réponds que cette objeCtion ne prouve rien , parce
qu’elle prouveroit trop. En effet on pourro.it appliquer
le raifonnement à telle clafie de confonnes
que l ’on voudroit, parce qu’en général les confonnes
d’une claffe ne marquent ^meun fon particulier
analogue au fon des confonnes d’une autre
claffe : ainfi, l ’on pourroic dire, par exemple ,
que nos cinq .lettres .labiales b y p y v , f , m,
ne marquant aucun fon particulier ânalogue aux
fons des autres confonnes., elles ne doivent être
confédérées que comme les lignes de certains mouvements
des lèvres. J’ajoute que ce-raifonnement
porte fur un principe faux , & qu en effet la lettre A
défigne un objet de l ’ouïe très-analogue à celui
des autres confonnes , je veux dire une explofion
rée lle des voix. Si l ’on a cherché Paaalogie des
confonnes ou des articulations dans quelque autre
chofè , c’eft une pure inéprife.
M a i s , d ira - t - o n , lè s grecs ne Vont jam a is
regardée comme telleÿ c ’ eft pour cela qu’ il* ne
Vont p o in t placée dans leur alphabet, & que ,
H H
dans Vécriture ordinaire y i ls ne la marquent que !
comme les accents au dejfus des lettres s 6' f i
dans la fu ite ce caractère a p a jfé dans Valphabet
la tin y & de là dans ceux des langues modernes,
ce la n e f l arrivé que p a r Vindolence des copiftes,
qui ont j 'u iv ï le mouvement des d o ig t s , & écrit
de. fu ite ce figne avec les autres lettres du m o t,
p lu s tô t que d3interrompre te mouvement pour marquer
Vafpiration au dejfus de la lettre. C eft
encore M. du Marfais ( ibid. ) qui prête ici fon
organe à ceux qui ne veulent pas même recon-
noitre h pour une lettre ; mais leurs raifons demeurent
toujours fans force fous la main meme, qui
écoic la plus propre à leur en donner.
Que nous importe en effet que l e s . grées ayent
regardé ou non ce caraCtère comme u n e ie tt r ç , &
q u e , dans l ’écriture ordinaire , ils ne l ’ayent pas
employé comme les autres lettres. ? n’avons - nous
pas à oppofer à l ’ufage des grecs' celui de toutes
les nations de l’Europe, qui fe fervent aujourdhui
«le l ’alphabet latin, qui y placent ce caraCtère, &
qui remploient dans les mots comme toutes les ■.
autres lettres ? Pourquoi l ’autorité des modernes
le cèdero.ît-elle fu r ' ce point à ce lle des anciens,
bu pourquoi même ne l ’emporteroit - elle p a s, du
moins par la pluralité dés fuffirages ?
C ’e f t , dit-on, que l ’ufage moderne ne doit fon
origine qu’à la négligence de quelques copiftes ;
mal-habiles , & que celui dès grecs p?roît venir
d’une inititution réfléchie. Cet ufage , qu’on appelle
jnoderne, eft pourtant celui de la langue hébraïque
dont le he n’eft rien autre chofe que notre A,-
& cet ufage paroît tenir de plus près à la première
inftitution des lettres, & au feul temps o u ,
felon’ la jadicieufe remarque de M. Duclos ( R e marques
fu r le V e chap. de la I . part, de la
Grammaire générale ) , l ’orthographe ait .été parfaite.
Le s grecs eux-mêmes employèrent au commencement
le caractère H , qu’ils nomment aujourdhui
, à la place de l ’éfprit rude qu’ils imrodui-
firent plus tajd ; d’anciens grammairiens nous apprennent
qu’ils écrivaient H O A O I pour oêZ.,
H E K A T ON pour exctTov ; & qu’avant l ’iiifticution des
confonnes afpbées, ils écrivoient Amplement la-
ténue & H enfuite , THEOS pour ©ÉOS. Nous
avons fidèlement copié cet ancien ufage des grecs
dans l ’orthographe dés mots que nous avons empruntés
d’eux , comme dans rhétorique , théologie ;
Sc eux-mêmes n’ étoient que les imitateurs dçs phéniciens
à qui ils dévoient la connoiffance^des lettres,
‘ comme l ’ indique encore le nom grec nV , aflez
analogue au nom he ou heth des phéniciens & dès
hébreux.
Ceux donc pour qui l ’autorité des grecs eft une
raifon déterminante , doivent trouver dans cette
pratique un: témoignage d’autant plus grave en
faveur de l ’opinion que je défends i c i , que c’eft
le plus ancien ufage , & , à tout prendre, le plus
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univerfel, puifqu’il n’y a guères que 1 ufage pofte-
rieur des grecs qui y faffe exception.
Au furplus, il n’eft pas tout à fait vrai qu ils
n’ayent employé que comme les accents le caractère
qu’ils ont fubftitue à h. Ils-n’ont jamais place
les accents que fur ie s voyelles, parce qu’i l n y a
en,effet que les voix qui foiçnt fufeepcibles de
l ’efpèce de modulation qu’indiquent les accents, 8c
que cette, forte de modification’ eft très, - differente
de l’explofion défignée par les confonnes. Mais ce
que la Grammaire grèque nomme E fp r i t f t trouve
quelquefois for les voyelles & quelquefois for des
confonnes. V o y e ^ E s p r i t .
Dans le premier cas, il en eft de l’elprit for la
voyelle , comme de la confonne qui la précède ; 8c
l ’on voit en effet que l ’efprit fe transforme en'unç
confonne , ou la confonne en un efprit , dans le
paffage d’une langue à une autre; le «p grec devient
ver en -latin ; le fa b u la r i latin devient hablar en
espagnol. On n’a pas d’exemple d’accents transformés
en confonnes, rtide confonnes mécamcrphofées e^
accents.
Dans le fécond cas, il eft encore bien plus
évident que ce qu’indique l’efprit eft de même
nature que ce dont la confonne eft le figne. L ef—
prit & la confonne ne font affociés que parce que
chacun de cès’ caraélères repréfente une articulation,
& l’union des deux lignes eft alors le fymbole
de l ’union. çies .deux caufes d’explofion for la
même voix. Ainfi , la voix.« de la première fyllabe
du mot grec .pifo eft articulé comme la même voix e
dan-; la prèmière fyllabe du mot latin creo : cette
voix, dans les deux langues,,eft précédée d’une double
articulation ; ou, fi l ’on veut, 1 explofion de cette voix
y a deux caufes.
Non feulement les grecs ont placé l’efprit rude
for des confonnes , ils ont encore introduit dans
"■ leur alphabet des caractères repréfentatifs de l ’union
de cet efprit avec une confonne, de .meme qu ils
en ont admis d’autres qui repréfentent l’union de
deux confonnes : ils donnent aux câraéterës de la
première efpèce le nom de confonnes afpirees , ,
<p y-y, 8 y & à ceux de la fécondé le nom de confon
n e s doubles , , % , C* Comme les premières
font nommées afpirées , parce que 1 afpiration leur
eft commune & femble modifier la première des
deux articulations, on pouvoit donner aux dernieres
la dénomination de fefflantes , parce que le fix ement
leur eft commun & modifie aufli la première
articulation : mais les unes & les autres font également
doubles, & fe décompofent effectivement de
la même manière. De même que 4 vaut «ara-, que ç
vaut x<r , &que Ç vaut S'a- ; ainfi, <p vaut nH , % vauc
. KH, & 8 vaut TH.
Il paroît donc qu?attribuer l ’introduction de la
lettre h dans l ’alphabet à la prétendue indolence des
copiftes, c’eft une conjecture hafardee en faveur
d’une opinion à laquelle on tient par habitude ,
ou contre un fentiment dont on n avoit pas appro-
G c %