
âge. Mais quand i l s’int greffe pour T ity re , qu’i l
craint pour lui quelque accident, i l élève le ton ,
pour donner à ion avis plus de poids & par la
plus d’efficacité ; occurfare capro c a veto :
cave .ferait foible & moins honnête?, parce qu’ il
marquerait trop p eu d’intérêt ; i l faut quelque chofe
de plus preffant, caveto.
Trompé par les faufifes idées qu’on avoit prifes
des deux formes impératives latines , M. i ’abbé
Regnier a voulu trouver de même , dans T Impéra
tif de notre langue , un préfent & un futur:
dans fon fyftême, le préfent eft l is ou l i f e le
futur, tu liras ou vous lirey ( Grammaire franç.
in - i z , P a r is , 1706 , page 34 0 ) . Mais i l eft
évident en foi & avoué par cet auteur même ,
que tu liras ou- vous Ure\ , ne diffère en rien
de ce qu’i l appelle le fu tu r fimple de l ’indicatif,
& que je nomme le préfetit pôftérieur ( voye%
T em p s ) ; f i ce n e f t , d it- il, .en ce q u i l eft emp
lo y é à un autre ufage. C ’eft donc confondre
les modes que de raporter ces expreffions à Y Imp
é ra tif ,• & i l y a d’ailleurs une erreur de fait à
croire que le préfont pôftérieur , ou , fi l ’on veut,
le futur de l ’indicatif , foit jafnais employé dans
le fens impératif. S’i l le met quelquefois au lieu
de Y Im p é ratif , c’eft que lés deux modes font
également direéb ( voye-{ M o d e ), & qiie la forme
indicative exprime en effet la même relation temporelle
que la forme impérative. Mais1 le fens
impératif eft fi peu commun a ces deux formes \
que l ’on ne fiïBftitue ce lle de l ’indicatif à l ’autre ,
que'pour faire di(paraître le fens accefloire imp
é ra tif y ou par énergie, ou par euphémifme.
O n s’âbftient de la forme impérative par énerg
ie , quand l ’autorité de celui qui parle eft (i
grande, ou quand la j'uftice ou la nécèffité de la
•chofe eft (i évidente-, qu’i l fuffit de l ’indiquer pour
en attendre Texéeütion : Dominum lîe um tuum
adorabis, & i l l i f o l i fervies ( Matth . iv. 10. ) , -pour
adora ou àdorato ,fe'rvi onfervito.
O n sabftient encore de cfette forme par eu’phé-
mifme , ou afin d’adoucir par un principe ,de-civ
ilité Timpreffion de Tautorité réelle , ou afin
•d éviter par un principe d’équité T e ton impérieux
qui ne peut convënir auh homme qui prié.
A u refte Te choix entre- ces différentes formes eft
uniquement une attaire de goût ; & iT arrive fou-
vent a cet égard la même chofe qu’à l ’épTro? de
tqüs lés autres fynonymès , que l ’on chofti: plfis :-
tôt pour la fatisfeârion de l ’oreille que pour'celle ;1
de l ’ e fp rit, bu pour contenter l ’efpric par urie a'utre
Ÿûe que ce lle de la précifîon. A u Fond, i l étôit ,
très - poffible , & peut-être aurait - i l -été plus ré- . j
Indicatif . Sufcrjonétiif
X/atin. làudo» ■ : laudem:
Allemand. ich lobe.- . d afs k i léb
François. j e loue. - ■ que f e foué,
Italien. todo. ck’ io -lydiJ
Efpagnol. alabo. . que aWbe. ■
gulicr,. quoique- moins énergique, de ne pas intfo~
du ire le mode im p é r a t i f& de s’en tenir au temps
de 1 ind icatif, que je n ommepréfent pôftérieur :
vous adorerez le Seigneur votre D i e u , & vous ne
fervirez que lui. G’ èft même le foui moyen dire61
que Ton ait dans plufieurs langues , & fpéciale-
ment dans la nôtre , d’exprimer le commandement à-
la troifieme perfonne : le ftyle des règlements politi*
ques en eft la preuve.
Puifque , dans la langue latine & dans la fran-
çoife , on remplace fouvent la forme reconnue pour
impérative par ce lle qui eft purement indicative ,
i l s’ enfuit donc que ces deux formes expriment
Une ndême relation temporelle , & doivent prendre,.
chacune dans- le mode qui leur eft propre, la même
dénomination de Préfent pôftérieur. Gette coiffer
quence fe confirme encore par l ’ufage dés autres
langues. Non feulement les grecs emploient four
v en t , comme nous, le préfent pôftérieur de l ’indicatif
ponr celui de Y Im p é ra tif, ils ont encore
de plus que nous la liberté d’ufcr du préfent pofo-
térieur^ de Y Im p éra tif pour celui de l ’indicatif :
« â" ou y a J'fatro'i pour écarits ( Eurip. ) littérale-
ment , f i s ergo quid f de pour fa c iè s ( vous lavez
donc ce que vous ferez ? ). C ’eft pour la même
raifon que la forme impérative eft la racine immédiate
de la forme indicative correfpondante dans-
la langue hébraïque ; & que le s grammairiens hébreux
regardent lun e & T ’autre comme des futurs:
par égard pour l ’ordre de l a génération , ils donnent
a Y Im pératif le nom depremier f u t u r , & a-
Tautré le nom de fécond fu tu r . Leur penfée revient
à la mienne; mais nous employons diverfos dénominations.
Je ne puis regarder comme indifférentes
celles qui font proprès au- langage didactique ; &
j’adopterois- volontiers,, dans ce fens, la maxime
de Coménius ( Janua ling . tit. I . period. 4 . ) :
Totius eruditio'tiis p o fu it fundamentum qui
nomenclaturam rerum naturae & artis perdidicit.*
J-ôfe me flatter’ de donner à Y article T em p s une
jüftificàtiôn plaufible du changement que j’introduis
dans la nomenclature des temps.
Je me contenterai d’ajouter ic i une remarque-
tirée de l ’analogie de la formation des' temps ; ceffc
qu’i l en eft de celui que je nomme préfent pofté-
• rieur de Y Im p é ra tif, comme de ceux des autres
modes qui font reconnus pour des préfents"en la t in ,
en allemand , en françois, èn italien, en efpagnol;
’ i l eft, dérivé de f a même racine immédiate qui eft
'excTûfivemént prôpre aux préfents : ce qui devient*,
pour ceux qui entendent les droits de l ’analogie
une nouvelle raifon d’inferi-re dans la claffe des pré-
fonts le temps impé ratif dont il s’agit.
■ : Infinitif
laudïlte.
loben
louer.
loÂare. ■. : alaban -
Impératif. . ,
•iauda ou laudat-Q»
lobe.
■ lou e ou loue^.
lodà.
alaba.
, Si nos grammairiens avoient donné ^aux analogies'
X’ attention qu’ elles exigent ; outre qu elles auraient
fervi à leur faire prendre des idées juftes de chacun
des temps, elles les auraient encore conduits à
reconnoîcre dans notre Im p é ratif un prétérit dont
je ne fâche pas qu’aucun grammairien, ait fait mention,
fi ce n’eft M. TaBbé de Dangeau, qui 1a
montré dans fos T ab le s, mais qui femble la v o ir
oublié dans l ’explication, qu’i l en donne en-fuite.
( O pufcules fu r la Langue fran çoife , O n avoit
pourtant l ’exemple de la langu e grèque ; & la facilité
que nous avons de la traduire littéralement
dans ces circonftances, devoit montrer fenfiblement
dans nos verbes ce prétérit de Y Impératif. ^ Mais
A po llon e avoit dit ( Ub. 1 , cap. 30 ), Qu, on ne
commande, p a s Us chofes paffées ni , Us pré-,
fen te s : chacun a répété cet adage fans-l’entendre,
parce qu’on n’avoit pas des notions exaétes du pré->
font ni du prétérit; & i l femble en conféquence
eu e perfonne n’ait ofé voir ,ce que l ’ufage le plus
Indicatif. Subjo
Préfont auxiliaire» ï . ù ; , - que j
Prétérit compofé. j ’ a i lu. q u e j.
Préfont auxiliaire. J e f u i s . _ que j
Prétérit compofé. j e fu i s fo r ti. J
fréquent- mettoit tous les jours fous les yeux, A y e z
lu ce livre quand je r e v i e n d r a i i l eft clair que
TexprefTion nye^ lu eft impérative, qu’e lle eft. du
temps prétérit, puifqu’elle défigne Taélion de lire
comme paffee à l ’égard de mon retour : enfin que
c’eft un prétérit pôftérieur , parce que ce pafTé eft
relatif à une époque poftérieure à Tatfte de la parole ,
j e reviendrai.
C e prétérit de notre ' Impératif a les mêmes
propriétés que le préfent. I l eft pareillement bien
remplacé par le prétérit pôftérieur. de l ’ indicatif ;
vous aurez lu ce livre quand j e reviendrai ; &
Cette fübftitutiorï de l ’un des temps pour l ’autre a
les mêmes principes que pour les prefonts ; c’ eft
énergie ou euphémifme , quand on s’attache a la
précifion; c’eft harmonie, quand on fait moins d’attention
aux idées accefloires différenciellcs. Enfin
ce prétérit; fe trouve dans l ’analogie de tous les
prétéritsFrançois ; i l eft compofé du même auxiliaire^
pris, dans le même mode.
nétif. Infinitif. Impératif.
*aye. avoir. uye.
jaye lu. avoir lu. aye la.
e fo is . être. fo is ,
e f o i s fo r ti. être fo r ti. fo i s fo r ti.
M, Tabbé Girard prétend ( V ra is p r in c ip e s ,
D i f cours vin. du verbe , p . 1 3 .) que I ufage
n ’ a point f a i t dans nos verbes de mode impératif,
parce qu’i l ne caraélérifo l ’idée accefloire de commandement
, à la première & fécondé perfonne ,
que p a r la fuppreffion des pronoms dont le verbe
f e f a i t ordinairement accompagner , & a la
troifieme perfonne p a r Vaddition de la particule
' l ue*
J'avoue que nous n avons pas de troifîème perfonne
impérative ; que nous employons pour cela
c e lle du temps correfpondant au fubjon&if, qu’ i l
life , qu’i l a it lu ; & qu’alors i l y a néceflaire-
xnent une ellipfe qui fort à rendre raifon du fub-
jo n é tif, comme s’i l y avoit , par ex em p le , je
veux qu’ i l life , je défire qu’ i l a it lu. En cela
nous imitons les latins , qui font fouvent le même
ufage , non feulement de la troifième , mais même
de toutes les perfonnes du fubjon&if, dont on 11e
peut alors rendre raifon que par une ellipfe fom-
b lable.
Mais pour ce qui concerne la fécondé perfonne
au fingulier & les deux premières ,-au p lu r ie l, la
fuppreffion même des pronoms, qui font nécef-
faires partout ailleurs , me paroît être une forme
caradteriftique du fens im p é ra tif, & fuffire pour en
conttituer un mode particulier, comme la différence
4e ces mêmes pronoms fuffit pour établir ce lle des
perfonnes.
D ’après toutes ces confidérations , i l réfulte que
Y Impératif des conjugaifons latines n’a que le
préfent pôftérieur : que ce temps a deux formes
différentes, plus ou moins impératives, pour la
fécondé perfonne tant au fingulier qu au p luriel; &
une feule forme pour la troifième, parce que 1 an
doit moins d’égard à la troifîème perfonne, qui eft
abfonte, qu’à la fécondé, qui eft préfente.
Singulier, z . le g e ou legito.
3. leg ito .
P lu r ie l, z . leg ite ou legitote.
3. le gunt o.
Ce- qui manque à Y Im pératif, l ’ufage le fupplée
par le fubjonôüf; & ce que les rudiments vulgaires
ajoutent à c e c i , comme partie du mode Im p é ra tif,
y eft ajouté faufFement & mal à propos.
L a Méthode latine de P ort-Royal propofe une
queftion, favoir comment i l fe peut faire qu’i l y
ait un Im p é ratif dans l e verbe p a ff if , vu que ce
qui nous vient des autres ne femble pas dépendre
de nous, pour-nous être commande a nous-memes :
& on répond que c’eft parce que la difpoficion &
la caufe en eft fouvent en notre pouvoir ; qu ainfi,
Ton dira amator ab hero , c’ eft à dire , fa i t e s f i
bien que votre maître vous aime. I l me femble
que la définition que j’ai donnée de ce mode donne
une réponfo plus fatisfaifante à cette queftion. L a
forme impérative ajoute à la lignification principale
du verbe l ’idée accefloire de la volonté de
celui qui p a rle; & de quelque caufe que puiffe
dépendre l ’effet qui en eft T o b jet, i l peut le défirer
& exprimer ce- défir : i l n’eft pas neceflaire^ a
Texactitude grammaticale , que les -penfoes que 1 on
fe propofo d’exprimer ayent l ’exaftitude morale ;