i l eft certain q ue vefcor iva n i ne peu t a v o ir aucun
rap o r t à m e i, Sc qu ’i l n’eft r e la t i f qu ’à- ipfe\ i l
fau t donc e x p liq u e r comme s’i l y a v o i r , q u ib u s ipfe
vefcor y meique vefcuntur , fans q u o i l ’on s’expote
à ne p o u v o ir rendre aucune bonne raifon du tex te .
S ’i l fe trouve que lq u e s lo cu tio n s de l ’un ou de
l ’autre genre qu i ne foien t p o in t autorifées p a r l ’u fàge ,
q u o iq u ’on p u t l e s e x p liq u e r pa r le s mêmes princip
e s dans le s cas où e lle s auroient l ie u ;. on ne
do it rien en inférer contre le s exp lica tion s q ue l ’on
v ien t de donner. IL peu t y a v o ir différentes raifons
dé lica tes de ces ex ception s : mais la p lu s u n iv e r fe lle
& la p lu s g é n é r a le , c’ eft que le s conftruCtions figuré
es font toujours des écarts qu’on ne doit fe
perm ettre que fous l ’au torité de l ’u fa g e , q u i eft lib re
& trè s -lib re . L ’u tàge de notre lan g u e ne nous p erm
e t pas de d i r e , Le peuple romain & moi déclare
& fa i s la guerre a u x peuples de l*ancien L a tium
; & l ’ utage de l a lan g u e la t in e a permis à
T i t e - L i v e & à tou te l a nation dont i l rapporte
une form u le authentique , de dire. E g o populufque
romarins popu lis prifcorum latinorum beltum in-
dico fa c io qu e : lib e r té de l ’ ufage q ue l ’ on ne doit
p o in t taxer de c a p r ic e , pa rc e qu e tou t a fa calife, lo r s
même qu’ on ne la connoît po in t.
L e mot de Nombre eft encore ufité en G ram "
maire dans un autre fens ; c’eft p ou r d iftin gu e r , entre
le s différentes e fpèc es de mots-, ceux dont l a lig n ifica
tion renferme l ’idée d’une précifion numérique:
J e pen fe qu’i l n’ é to it pas plu s raifonnaijle de donn
é e l e nom de Nombres à des mots qu i expriment
une idée in d iv id u e lle de Nombre, qu’ i l ne l ’anroit été
d’a p p e le r êtres-, le s noms propres q u i expriment
une idée in d iv id u e lle d’ être : i l f à l lo i t la if le r à ces
mots l e nom -de fleu r s e fp è c e s , en y ajoutant la
dénomination* v a g u e de numéral y ou une dénomin
ation moins g é n é r a le , qu i auroit indiqué l e fens
p a r t ic u lie r déterminé, par la précifion numérique,
dans le s différents mots de l a même e fp èc e.
I l y a des n om s , des adjeCtifs, des verbes , & des
adverbes numéraux ; & dans l a p lu p a r t des lan gu e s
on donne l e nom de Nombres ca rdinau x, aux adjeCtifs
numéraux q u i fervent -à déterminer la quot
ité préc ife des individus de la lignifica tion des noms
a p p e lla tifs ; un , deux , trois , quatre , Sec : c’ eft
q ue l e matériel de ces m o t s , eft communément
rad ica l des m o ts numéraux correfpondants dans les
autres claffe s ,, & que l ’idée in d iv id u elle du Nombre,
u i eft en v ifagé e feu le & d’ une manière, abftraite
. ans ces adjeCtifs, eft combinée a v e c q u e lq u e autre
id é e a c c e ffo ire dans le s autres mots. J e commenc
e ra i donc par le s adjeCtifs numéraux.
i . I l y en a de qua tre fortes en fran ço is , que je -
nomme rois v o lo n tie r s adjeCtifs collec tifs , adjeCtifs
o rd in a u x , adjeCtifs multiplicatifs ., & adjeCtifspar-
t it ifs .
L e s adjeCtifs c o lle c tif s , communément a p p e lé s
ca rd in a u x , fon t ceux qui déterminent la quo tité
des individus p a r la précifion numérique -, u n , d e u x ,
trois , quatre , c in q , f i x , f e p t , Huit, n e u f , dix r
v in g t , trente , &c. Les adjeCtifs pluriels quelques,
plufieurs , tous , font aufii collectifs ‘r mais ils ne
font pas numé rau x,- parce qu’ils ne déterminent
pas numériquement la- quotité des individus.
Les adjeCtifs ordinaux font ceux* qui déterminent
l ’ordre des individus avec la précifion numérique ,*
deuxième , troifième ,. quatrième , cinquième ,
fixièm e , feptièm e , huitième , neuvième, dixième 3
vingtième, trentième , &c. L ’adjectif quantième eft
aufii- ordinal, puifqu’il détermine l ’ordre des individus
; mais il n’eft pas numéral, parce que la.dé-
termination eft vague & n’a pas la précifion nu-,
mérique : dernier eft aufii ordinal fans être numéral,
parce que la place numérique du dernier
varie d’un- ordre à l ’autre; dans l ’un le dernier eft.
troifièmej*dans l ’autre, centième; dans un autre,
millième , &c. Les adjeCtifs premier & fé con d font
ordinaux effenciellement, Sc numéraux par la dé-
cifion de l ’ufage feulement : ils ne font point tirés
des adjeCtifs collectifs numéraux, comme les autres ;
on diroit unième au lieu de premier, comme on
dit quelquefois deuxième au lieu de fécond. Dans
la rigueur é tym o lo g iq u e premier veut dire qui
e j ï a v a n t , & la prépofition latine proe en eft la
racine ; fé con d veut dire qui f u i t , du verbe latin
fequor : âinfi, dans un ordre de cfiofes , chacune
eft première, dans le fens étymologique , à‘ l’égard
de celle qui eft immédiatement après , la cinquième
àr l ’égard de la fixième, la quinzième à l ’égarff
de la feizième, &cy chacune eft pareillement f é condé
à l’égard de celle qui précède immédiatement
, la cinquième à1 l’égard de la quatrième,
la quinzième a l ’égard de la quatorzième, &c.
Mais l ’ufage ayant attaché a ces deux adjeCtifs la
précifion numérique de l ’unité & de la dualité ,
l ’étymologie perd fes droits fur le fens.
Les adjeCtifs m ultiplicatifs font ceux qui déterminent
la quantité par une idée de multiplication
avec la précifion numérique ; double ,
triple , quadruple', quintuple, f e x tu p lè , ocluple,
noncuple, décuple , centuple. Ce font les feuls adjeCtifs
multiplicatifs numéraux ufitésv dans notre
langue , & il y en a même quelques-uns qui ne
le font encore que*par les mathématiciens, mais
qui pafferont fans doute dans l ’ufage général. M u ltiple
eft aufti un adjeCtif multiplicatif, mais il n’eftr
pas numéral, parce qu’i l n’indique pas avec la
précifion numérique. L ’adjeCtif Jimple, confidéré
comme exprimant une relation à l ’imité, & con-
foquemment comme l’oppofé de multiple , eft un
adjeCtif multiplicatif par effence, & numéral par
ufage : fon correfpondant en allemand eft numéral
par l yétymologie ; einfach ou e in fd ltig , de ein
( un) , comme fi nous difions uniple.
Les adjeCtifs p a r titifs font ceux qui déterminent
la "quantité par une idée de partition avec la précifion
numérique. Ndus n’avons en François aucun-
adjeCtif de cette efpèce , qui foit diftingué des
ordinaux par le matériel ; mais Us en. diffèrent
N O M
<par le fens, qu’i l eft toujours aifé de reconnoître :
jc’étoitla même chofe en grec &en latin, les ordinaux
y devenoient partitifs , félon l ’occurrence ; la douzième
partie ( pars d ifodeciraa), 4} èvay.atllK<Am.
î . Nous n’avons que trois fortes de noms numérau
x : fa v o ir , des collec tifs , comme c o u p le ,
d ixa in e , douzaine, q uinzaine, v ingtaine, trentaine
j quarantaine , cinquantaine, fo ix a n ta in e ,
centaine, m illie r , million ; des m ultiplicatifs 9 -
q u i , pour le matériel, ne diffèrent pas de l’ad-
je& if mafeulin correfpondant, fi ce n’eft qu’ils
prennent l ’article ^ comme le double, le triple ,
le quadruple, Stc ; & des p a r t itif s , comme la.
m o itié , le tiers , le q uar t, le cinquième , le -
fixième , le feptième , & ainfi des autres , qui ne
diffèrent de l ’adjeCtif ordinal que par l ’immutabilité
du genre mafeulin & par l ’ac'compagnement
de l ’article. En allemaud le nom p a r t i t i f fe forme
du neutre de l ’ ordinal avec la finale l : dritte , troifième;
drittel, le tiers : vïerte, quatrième; viertel, le
quart ; &c. Tous ces noms numéraux font abftraits,
5. Nous n’avons en françois qu’une forte de
verbes numéraux, & ils font multiplicatifs , comme
doubler, tripler, quadrupler, & les autres formés
immédiatement des adjeCtifs multiplicatifs «ufités.
Bin e r peut encore être compris dans les verbes
multiplicatifs, puifqu’i l marque «ne fécondé aCtion,
ou le double d’un aCte ; biner la vigne , c’ eft lui
donner un fécond labour ou doubler 1 aCïe de labourer
; biner , parlant d’un cu ié , c’eft dire en un jour
deux meffes paroiffiales en deux églifes deffervies par
le même curé.
4. Notre langue reconnoît le fyftême entier des
adverbes o rdin au x, qui font premièrement ,fe co n -
dement ou deuxièmement, troifièmemeru, quatrièmement
, Scc. Mais je n’y connois que deux
adverbes m u ltip lic a tifs , favoir, doublement Sc
triplement ; on remplace les autres par la prépô-
fition à avec le nom abftrait multiplicatif ,* au
quadruple, au centuple , & l ’on dit même au
d ou ble , au triple. N u l adverbe p a r t i t i f , en
françois , quoiqu’i l y en eût plufieurs en latin ;
bifariam ( en deux parties ) , trifariam ( en trois
parties ) , quadrifariam ( en quatre parties ) ,
multifariam ou p lu r if ariam ( en plufieurs parties.*)
L e s latins avoient aufii un fyftême d’adverbes
numéraux , que l ’on peut appeler ité ratifs, parce
qu’ils marquent répétition d’évènement ; f em e l ,
bis , t e r , quater , quinquies , fe x ie s , fep tie s ,
oclies , novie s , decies , vicies , ou vigefies , tre-
cies ou trigefies , Scc. L ’adverbe général itératif,,
qui n eft pas numéral, c’eft pluries , ou multoties,
ou faepe. Les allemands forment leurs adverbes i t é ra
tifs , en ajoutant mal à'-l’adjeClif ordinal ; & de
cet adverbe ils forment des adjeCtifs ité ra t ifs , au
moyen de la terminaifou ig.
O n auroit pu étendre ou reftreindre davantage
l e fyftême numéral des langues ; chacune a été
déterminée par fon génie propre , qui. n’eft que le
réfultat d’une infinité de circonftances dont les com-*
binaifons peuvent varier fans fin.
L ’abbé Girard a jugé à propos d’imaginer une
partie d’oraifon diftinCte", qu’il appelle des Nombres
: il en admet de deux elpèces , les uns qu’il
appelle calculatifs -, Sc les autres qu’il nomme
collectifs ; ce font les mots que je viens de défi—
gner comme adjeCtifs & comme noms collectifs.
Il fe fa it, 2 la fin de fon Difcours X , une objection
fur la nature de fes Nombres collectifs ,
qui font de véritables noms, ou, pour parler fon
langage , de véritables fubftantifs : il avoue que la
réflexion ne lui en a pas échapé , & qu’il a même
été tenté de les placer dans la cathégorie des noms.
Mais « j’ai v u , dit-il , que leur effence confiftoit
». également dans l ’expreffion de la quotité : que '
» d ailleurs leur emploi, quoiqu’un peu analogh-
» que à la dénomination, portoit neanmoins un
» caractère différent de ' celui des fubftantifs ; ne
» demandant point d’articles par eux-mêmes , &
» ne fe laiffant point qualifier par les adjeCtifs nomi-
» naux , non plus que par les verbaux, & rarement
» par les autres ».
I l eft vrai que l ’effence des noms numéraux
collectifs confifte dans l ’expreflion de la quotité ;
mais la quotité eft uhe nature abftraite dont le
nom même quotité eft le nom appellatif ; couple,
douzaine , vingtaine font des noms propres ou
individuels : Sc c’eft ainfi que la nature abftraite de
vertu eft: exprimée par le nom appellatif, vertu ,
Sc par les noms propres prudence , courage, chaf-
teté, Scc.
Pour ce qui eft des prétendus caractères propres
des mots que je regarde comme des noms nuiriez
raux collectifs, l ’abbé Girard me paroît encore
dans l’erreur. Ces noms prennent l’article comme
! les autres,. Sc fe laiffent qualifier par toutes le*-
efpèces d’adjeCtifs que le grammairien a diftin-
guées : par ceux qu’il appelle nominaux ; une
belle d ou raine, une bonne douzaine, une douzaine
femblable : par ceux qu’il nomme verbaux ;
une douzaine choifie , une douzaine préférée ,
une douzaine rebutée : par les numéraux ; la
première douzaine, là. cinquième douzaine , les
trois douzaines ,• par les pronominaux : cette
d ouzaine, ma douzaine , quelques douzaines ,
chaque douzaine , Scc. Si l ’on allègue que ce n’e&
pas par eux-mêmes que ces mots requièrent l ’article
, c’eft la même chofe des noms appellatifs,
puifqu’en effet on les emploie fans Particle, quand
on ne veut ajouter aucune idée acceffoire à leur lignification
primitive ; parler en père , un habit d’hom-
■ me , un palais de roi.
J’ajoûte que , fi l ’on a cm devoir réunir, dans la
même cathegorie , des. mots aufii peu femblables
que deux Sc couple , dix Sc dixaine , cent Sc
centaine , par la feule raifon qu’ils expriment
également la quotité; il falloit aufii y joindre,
double , doubler , fecondement, bis Sc bifariam ,
triple triuler , troifièmemejit , ter Sc trifariam,
p p p p 1