
v is à vis de vous , bienfefant. vis à vis de nous,
difficile vis à vis de nous , mécontent vis à vis.
de n o u s , au lieu de coupable, bienfefant: envers
nous j difficile avec nous , mécontent de nous.
J’ai lu dans un écrit public : L e roi mal fa t i s f
a i t vis à vis de fo n Parlement. C ’eft un amas
de barbarifmes. O n ne peut être mal fatisfait. M a l
eft le contraire de f a t i s , qui Lignifie affe-ç. On
eft peu content, mécontent ; on fe croit mal fervi ,-
mal obéi. O n n’eft ni fatisfait,. ni mal fatisfait , ni
content, ni mécontent, ni bien ni mal obéi vis à vis
quelqu’ un, mais de quelqu’un. M a l fa t i s fa i t eft de
1 ancien ftyle des bureaux. Dey écrivains peu correéts
le font permis, cette faute.
Prefque tous les écrits nouveaux font infeétés
de l ’emploi vicieux de ce mot vis à vis. On a
négligé ces expre(lions fi facile s , fi heureufes, fi bien
miles à leur place par les bons écrivains ; envers ,
p o u r , av ec, a Végard, en fa v eu r de.
Vous me dites qu’un homme eft bien difpofe vis
à v is*de m o i, qu i l a un reffentiment vis à vis
de m o i, que le roi veut fe conduire en père vis
À vis de la nation. Dites que cet homme eft bien
difpofé pour m o i , à mon égard, en ma faveur :
q u'il a dp reffentiment contre' moi; que le- roi
veut fe conduire en père du. p eu p le, qu’il-veut agilen
père avec la nation, envers la nation : op bien
vous parlerez fort'mal.'
Quelques .auteurs, qui ont parlé allobroge en
F ra n ç o is , ont dit élogier au lieu de louer ou faire
un éloge ; p a r contre au lieu d’au contraire ; éduquer
ion s élever ou donner de l ’éducation; égalifer
les fortunes pour egaler.
C e qui peut le plus côntribuer à gâter la langue
, à la replonger dans la barbarie, c’eft d’emp
lo y e r dans le Barreau, dans les Confeils d’État, des
expreffions' gothiques dont on fe fervoit dans le quatorzième
fiècle : N ou s aurions reconnu ; nous aurions
obfervé; nous aurions f la tu é ; i l nous aurait
paru aucunement utile.'
Eh I qui voiis empêche, de d ire , N ou s avons reconnu
, nous avons f ia iu é , i l nous a paru u tile ?
L e Sénat romain, dès le temps des Scipion ,
parloit purement, & on auroit fifflé -un fénateur
qui auroit prononcé un folécifme. ;TJn Parlement,
êfclave des formes & des anciens termes, dit au
roi qu’i l ne peut obtempérer. Les femmes ne peuvent
entendre çe mot qui n’ eft pas françois. IL y avoit
vingt manières de s’exprimer intelligiblement.
C ’eft un défaut trop commun d’employer des
termes étrangers pour exprimer ce qu’ils ne Lignifient
pas. A in f i, de c e la ta , qui Lignifie un calque
en ita lien , on fit le mot fa la d e dans les guerres
d’Italie ; de b ow lin g green , gazon où l ’on joqe à
la b oule, on a fait Boulingrin ; roß b e e f, boeuf
rôti , a produit chez nos maîtres d’hôtel du bel air
d.es boeufs rôtis d’agneau, des boeufs rôtis de perdreaux.
D e l ’habit de cheval riding-coat, on a fait
Redingotte ; & du f^llon du fieu; P e Vaux à Londres,
nommé vau x - h a ll , on a fait un f a c s - h a ll à
Paris. Si on continue, la langue fr a n ç o ife , Lî
p o l i e , redeviendra barbare. Notre Théâtre l ’eft
déjà par-des imitations abominables ; notre Langage
le fera de même. Les folécifmes , les barba-
liimes , le ftyle bourfoufflé, guindé, inintelligible ,
ont inondé la Scène depuis Racine, qui fembloit
les avoir bannis pour jamais par la pureté de fa
diétion toujours élégante. On ne^ peut diLfimuler
qu’excepté quelques morceaux d’Eieétre & furtouc
de Rhadamifte, tout le refte des ouvragesMe l ’auteur
eft quelquefois un amas de folécifmes & de
Iprbarifmes jeté au hafard en vers qui révoltent l ’or
e i lle .
I l parut, i l y a quelques années, un Dictionnaire
néologique , dans leque l on montroit ces'
fautes dans tout leur ridicule ; mais malheureufe-
ment cet ouvrage, plus fàtyrique que judicieux ,
étoit fait par un homme qui n’avoit ni affèz de juf-
teffe dans l ’e fp rit, ni un goût affez dé licat, ni
allez d’équité, pour ne pas mêler indifféremment
les bonnes & les mauvaifes critiques.
I l parodie quelquefois très-groffièrement les morceaux
les plus fins & les plus délicats des éloges
des académiciens prononcés par Fontenelle ; ouvrage
qui en tout fens fait honneur à la France.
I l condanne dans C réb illo n , F a is - toi d ’autres
vertus , &c ; Y au teur, dit-il, veut dire , pratique
d’ autres vertus. Si l ’auteur qu’i l reprend s’étoit
fervi dè ce mot pratique, i l adroit été fort plat.
I l eft beau de dire, Je me fais des vertus conformes
à ma fîtuation. Cicéron a dit, Facere de neceffitate
virtutem , d’où eft venu le proverbe , Faire de
néeeffité vertu. Racine a dit dans Britannicus ,
' Qui dans Fobfcurité nourriflant fa douleur,
S’efî fait une vertu conforme à fon malheur.
A in f i, Crébillon avoit imité R a cine, & i l ne
falloir pas blâmer dans l ’un ce qu’on admire dans
l ’autre.
Mais i l eft vrai qu’i l eût fallu manquer abfolu-
mènt de goût 8c de jugement, p'our ne pas reprendre
les vers fùivants qui pèchent tous, ou contre la langu
e , ou contre l ’élégance, ou contre le fens commun*
Mon fils , je t’aime encor tout ce qu’on peut aimer,
Tant le fort entre nous a jeté demyftère;
le s dieux ont leur juftice, le trône a fes moeurs.
Agénbr inconnu ne compte point d’aïeux,
Pour me juftifier d’ un amour odieux.
Ma raifon s’arme en vain de quelques étincelles.
A k
F R A
A h ! que les malheureux éprouvent de tourments!
Un captif tel que moi
Honoreroic fes fers même fans qu’il fût roi.
Un guerrier généreux, que la vertu couronne,
Vaut bien un roi formé par le feçours des lois.
Le premier qui fut roi n’eut pour lui que fa voix.
Je ne fuis point ta mère ; & je n’en fens du moins
Les entrailles, l’amour, le remords, ni les foins.
Je crois que tu n’es point coupable ;
Mais fi tu l’es, tu n’es qu’un homme déteftabie.
Mais vous me payerez fes funeftes appas;
C’eft vous qui leur gagnez fur moi la préférence.
‘ Seigneur, enfin la pa ix, fi long temps attendue,
M’eft redonnée ici par le même héros
Dont la feule valeur nous caufa tant de maux.
Autour d’un vafe affreux dont il'étoit rempli,
Du fang de Nonnius avec foin recueilli,
Au fond de ton palais j’ai ralFemblé leur troupe.
Ces phrafes obfcures, ces termes impropres, ces
fautes de fynraxe, ce langage inintelligible , ces
penfées fi fauffes & fi mal exprimées ; tant d’autres
tirades où l ’on ne parle que des dieux & des enfers
, parce qu’on ne fait pas faire parler les hommes
; un ftyle bourfoufflé & p la t , à la fois hériffé
d’épithètes in u tile s ,‘ de maximes monftrueufes exprimées
en vers dignes d’elles ( i ) , c’ eft la ce qui
a fuccédé au ftyle de Racine ; & pour achever 1-a
(i) Voici quelques-unes de ces maximes déteftables qu’on
ne doit jamais étaler fur le Théâtre.
■ Mais, Seigneur, fans compter ce qu’on appelle crime,
Quoi ! toujours des ferments efclaves malheureux,
Notre honneur dépendra d’ un vain refpeéï pour eux î (i) *v
Pour m o i, que touche peu cet honneur chimérique ,
J’appelle à ma raifon d’ un joug fi tyrannique.
Me Venger & régner , voilà mesSouverains j
Tout le refte pour moi n’ a que des titres vains.
De froids remords voudroienc erivain y mettre obftacle,
Je ne confulte plus que ce fuperbe oracle.
Trag. de. Xerxes.
Quelles plates & extravagantes atrocités ! appeler a fa
raifon d’un joug; mes fouverains font me'venger & régner •
de froids remords qui veulent mettre obftacle a ce fuperbe
oracle ! quelle: foule de barbarifmes & d’idées barbares !
G r a m m . et L ittébcat. Tome I I .
décadence de la langue & du g o û t , ces pièces vifî-
gothés & vandales ont été fumes de pièces plus barbares
encore.
L a Profe n’eft pas moins tombée. O n voit , dans
des livres lerieux & faits pour inftruire, une affectation
qui indigne tout leéteur fenfé.
I l fa u t mettre fu r le compte de Vamour propre
ce qu’ on met fu r ie compte des vertus.
L ’ efprit f e jo u e à pure perte dans ces que f l ions
ou Von a f a i t les f r a i s de penfer.
L e s éclipfes étoient en droit d ’effrayer les hom-
més.
Épicure avoit un extérieur à l ’ uniffon de fo n
ame.
L ’ empereur Claudius renvia fu r A ugufle.
L a religion étoit en collufion avec la nature.
Cléopâtre étoit une beauté privilégiée.
L ’ air de ga ieté brilloit fu r les enfeignes de l ’armée.
L e triumvir Lépide f e rendit nul.
Un conful Je f i t c l e f de meute dans la républi-
que-.M
écénas étoit d ’ autant p lu s év e illé , qu’ i l a ffi-
choit le fommeil.
Julie affectée de p i t ié élève à fo n amant f e s tendres
fu p p lica tion s .
E lle cultiva l ’ efpérancè.
Son, ame épiiifée f e fo n d comme l ’eau.
Saphilofophie n efl p o in t parlière.
Son amant ne veut p a s mefurer f e s maximes
à la toife , & prendre une ame a u x livrées de la
maifon.
- T e ls font les excès d’extravagance où font tombés
des demi-beaux-eLprits qui ont eu la manie de fe fin-
gularifer.
O n ne trouve pas dans Rollin une feule phrafo
qui tienne de ce jargon ridicule ; & c’eft en quoi i l eft
très-eftimable, puiîqu’i l a réfîfté au torrent du mauvais
goût.
L e défaut contraire à l ’affeétation eft le ftyle négligé,
lâ ch e , & rampant ; l ’emploi fréquent des expreffions
populaires & proverbiales.
L e Général pourfuivit f a pointe.
L e s ennemis fu r en t battus à p la te couture.
I l s s ’ enfuirent à vauderoute.
I l f e prêta à des propofitions de p a ix après avoir
chanté victoire.
L e s légions vinrent au devant de D ru fu s p a t
manière d’ acquit.
U n folftat romain f e donnant à d ix a s p a r jour
corps ts ame.
L a différence qu’ i l y avoit entre eu x étoit, au
lieu de dire dans un ftyle plus concis, L a différence
entre eux étoit. L e p la ifir q u i l y a à cacher f e s
démarches à f o n r iv a l, au lieu de dire, L e p la ijir
de cacher f e s démarches à fo n rival.
Lors de la bataille de Fontehoy , au lieu de dire,
D a n s le temps de la bataille , à l ’époque de la bataille
, tapdis , lorfque l ’ on donnoit la bataille.