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Songe aux cris des vainqueurs, fonge aux cris des mou-
rants.
Dans la flamme étouffés, fous le fer expirants ;
Peins-tQÎ, dans ces horreurs, Andromaque éperdue.
Dans ce tableau , les ieux d’Andromaque ne le
détachent point de Pyîrhus : elle ne diftingue que
lu i ; tout le refte eft confus & vague. C ’eft ainfi
que tout doit être relatif & fubordonné à l ’intérêt
qui domine dans le moment de la N a r r a t i o n ;
Comme elle n’eft jamais plus tranquile , plus
défintéreflee, que dans la bouche du poète ; elle n eft
jamais plus libre de fe parer des fleurs de la
Poéfîe : aufti , dans ce calme des efprits , a - t-e lle
befoin de plus d’ornements que lorfqu’elle eft paf-
honnée. O r fes ornements les plus familiers font les
Defcriptions & lés Compàraifons. V o y e z c e s m o t s
à L eu rs a r t i c l e s . ( NI. M A R M O N T E L . )
(N . ) N A R R A T IO N O ratoire. {Rhétorique.)
Cicéron la définit l ’expofition des fa its, ou propres
à la caufe ou étrangers, mais relatifs 8c adhérents a
la caufe même.
Trois qualités lui font effencielles ; la brievete ,
la clarté, & la vràifemblance.
L a N a r r a t i o n fera courte & préçife;, fi elle ne
remonte pas plus haut, & ne s’ étend pas plus loin
que la caufe ne l ’e x ig e , & f i , .lorfqu’on n aura
befoin que d’expofer les faits en maüe , elle en
n églige les détails .( car fouvent c eft affez .de
dire qu’une choie s’ eft fa ite, fans expofercomment
e lle :s eft faite ); fi elle, ne fe permet aucun écart;
fi elle fait entendre ce qu’elle ne dit pas; fi elle
om e t , non feulement ce qui nuiroit a la caufe ,
mais ce qui n’y ferviroit point ; fi elle ne dit qu’une
fois ce qu i l y a d’eflenciei à dire, & fi elle ne dit rien
de plus.
Bien des gens le trompent, dit Cicéron-, a une
apparence de brièveté, & font très-longs en croyant
être courts. Ils,s’efforcent de dire beaucoup de chofes
en peu de mots ; c’eft peu de chofes qu’i l faut
dire, & jamais plus qu’ i l n’ eft befoin d’en dire. Par
exemple , celui-là croit être b ref, qui dit : « J’ai
» approché de fa maifon ; j’ai appelé fon efclave ;
» je lui ai demandé à voir fon maître ; i l m a
» répondu qu’ i l n’y étoit pas ». T ou t cela eft dit
en peu de mots ; mais les détruis en font inutiles.
« J’ai été le v o ir , je ne Fai pas trouvé » , diroit
allez : le refte eft inutile. I l faut donc éviter la
fuperflnïîé des chofes, comme la furabondance des
mots.
L a N a r r a t i o n fera claire, ajoute l’ orateur , fi
les faits y font à leur place & dans leur ordre
naturel ; s’i l n’y a rien de louche & rien de contourné
, point de digreffion, rien d’oublié que
l ’on délire, rien au delà de ce qu’on veut Lavoir :
car les mêmes conditions qu’exige la brièveté , la
clarté les demande ; & fi une chofe n’eft pas bien
entendue, ’fouvent c’eft moins par l ’obfcurité que
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par la longueur de la N a r r a t i o n . I l ne faut pas
non pltïs y négliger la clarté des mots en eux-
mêmes , & la lucidité de l ’expreffion en general;
mais c’eft une règle commune à tous les genres de
difeours*
Quant à la vraifemblance , elle confifte à pré-,
fenter les chofes comme on les voit dans la nature ;
à obferver les convenances relatives au naturel,
aux mceûjrs , à la qualité des perfonrres ; à- faire
aacorder^îe récit avec les circonftances du; lieu ., de
l ’he'ure où Fattion s’eft p a ffée, 8c de l ’efpace de
temps qu’i l a fa llu pour l ’exécuter ; à s’appuyer
de la rumeur publique 8c de l ’opinion meme des
auditeurs.
I l faut de plus obferver', dit - i l , de ne jamais
interpoler;-la N a r r a t i o n ' dans un endroit o ù ’ elle
nuife ou ne ferve pas à la caufe ; de ne l ’employer
qu’à propos,. 8c pour en tirer avantage.
L a N a r r â t i o n nuit lorfqu’elle préfente quelque
tort grave , qu’on a foi-même, & qu’a force d ex eu fes
& de raifonnements on eft enfuite .oblige d adoucir.
Si le cas arrive , i l faut avoir l ’adrefle de difperfer
dans la plaidoirie l e s parties de laéfeion, 8c à
chacune .d’elle oppofgr , fur le champ une raifqn
qui i’affoiblifie : afin que le, remède fçqt incontinent
appliqué fur la p la ie , 8c que.la defenfe tempere
l ’imprefljon d’un fait odieux.
L a N a r r a t i o n ne fert de rien , lorfque par l ’ad-
verfaire les faits viennent d’être expofés tels que
nous voulons qu’ils le fô ien t , ou que 1 auditeur
en eft déjà ihftruit, 8c que nous n avons aucun
intérêt de leur donner. une autre face. f,
Enfin , Ta N a r r a t i o n n’eft pas telle que la caufe
là demande, quand l ’orateiir expofe clairement 8c
avec des couleurs brillantes ce qui ne lui eft pas
favorable & qu’i l néglige & laiffe- dans Fombra
ce qui lui eft avantageux. L e talent contraire ^
ce défaut eft de idifîimuler, autant qu’i l eft poflible,
tout ce qui nous accufe ; < d.e le paffer-légèrement,
fi on ne peut le diftîmuler ; & de n’appuyer &
de ne s’étendre que fur les circonftances q ui peuvent
nous favorifer. : '
C’eft avec ces principes fimples que Cicéron ît
été ; je ne dis p a s . le- plus ingénieux, car c’ eft un
don de la nature, mais le plus délié , le plus adroit
des orateurs^ quant aux moyens & à la manière
d’animer la N a r r a t i o n . Voyez P a t h é t i q u e .
( M i M A R M ON T E L . ) ‘
(N . . ) , N A S A L , E . adj. Appartenant au nez.
L e mot N a f a l vient du latin N a f u s { nez ). Ce t
adje&if fait au pluriel mafeulin n a f a l s 8c non
pas nafaux , à caufe de l ’équivoque ayec; n a f e a t t
( ouverture du nez d’un grand animal ) on dit donc
d e s f a n s n a f a l s , ^
I l y a dès voix & des articulations n a f a l e s , qui
font oppofées aux voix 8ç aux articulations orales.
( V o y e 1 V o i x , A rticulation , O rale.) Les
voix n a f a l e s font celles dont l ’émiflion fe fait #
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en partie par l ’ouverture de la boiichë, & en partie
par le canal du nez ^ te lle s font celles qu’on entend
dans les premières fyliabes des mots A n d r é ,
a i n f i , i n d ig n e , o n g l e t , h um b le , j e u n . Les ar-,
ticulations n a f a l e s font celles qui font palier par
le nez une partie de l ’air fonore qu’elles modifient
i ce -font les deux articulations qui s’entendent
dans les monofyilab'ès m e , n e 8c les deux confonnes
m, n , qui en font les lignes, font en con-
féquence deux confonnes n a f a l e s . .-
A dire vrai , quoique nous âyons des voix 11a*
faite s , nous n’avons point proprement de voyelles
n a f a l e s , 8c nous nous fervons des mêmes-voyelles
pour repréfenter les orales- & les n a f a l e s . Comme
la N a f a l i t é eft une propriété accidentelle- qui
furvient à la vo ix, fans aucun changement à la
dilpo’fition du tuyau qui la cara&érifè; i l eft plus
naturel de marquer cette propriété ^accidentelle
par un ligne qui accompagne la vo y elle -, que
d’imaginer une v o y elle n a f a l e figurée autrement
que la v o y elle orale correlpondante : le mécha-
nifme. de la parole en paroît mieux analyfé.
En examinant combien notre alphabet exigeroit
de voyelle s' (vo y e z V o y e l l e ) , je paroîs délirer
que nous ayons un ligne de N a f a l i t é qui fe. mette
lur la v o y elle , tel que pourroit être notre accent
circonflexe , qui par fes deux pointes indïqueroit
les deux ilfues de la voix; & je le délire en effet
pour la p'erfeélion de notre Orthographe. Mais
fans prendre ce parti , qui étoit le plus fage &
le plus luminëùx , notre ufage en a autorifé un
autre très-raifonnable , en mettant après la voyelle
l ’une des deux confonnes n a f a l e s M o u N .
En effet, i l eft de l ’effence de toute articulation
( voye% A rt icu la tio n ) , de précéder la voix
qu’elle modifie ; 8c c’eft par conféquent la même
chofe de toute confonne à l’égard de la voyelle».
Donc une confonne à la fin d’une fyllabe doit où
y être muette., ou y être fuivie d’une voyelle
prononcée quoique non- écrite : & c’ eft ainfi que
nous prononçons m a l , n e f , f o u p i r , r é b u s , c a p ,
d o t , comme s’i l y avoit m a le y n è f e f o u p i r e ,
r éb u jfe , c a p e , d o t e ; aii contraire nous prononçons
il b a t , i l p r o m e t , i l f i t . , i l c r u t , f a b o t ,
il v e u t , d é g o û t , comme s’i l y avoit i l b a , i l
p r om é , i l f i , i l c r u , f i b o , i l v e u , d ê g o û ,
fans t . I l a donc pu être àuflî raifonnable de placer
m ou n à la fin d’une fyllabe , pour y être
des lignes muets par raport aux. articulations que
ces lettres repréfentent pofitivement, mais fans cener
d indiquer l ’émiflion n a f a l e de l’air effenciel à ces
articulations’: en ce cas, i l étoit raifonnable au fil
de placer ces lignes de N a f a l i t é après la voyelle ;
1 • parce qu’avânt la -vo y e lle ils • auro'iént nécef-
fairement marqué leurs- articulations ; i Q.- parce1
que l ’accidentel ne doit être marqué qu’après l’ef-
fenciel. On verra - ( a r t i c l e M ') que les latins
ayoient vraifemb'Liblement adopté ce moyen: &
c e ft probablement d’ eux que nous le tenons., s’i l
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h’ eft chez n o u s , comme chez eux, un effet lu g g é r é
par la nature.
L ’articulation M eft labiale muette , comme B
& P ; de là vient que quand on l ’emploie comme
fimple figne de N a f a l i t é , c’eft lorfqr e la fyllabe
fuivante dans le même mot commence par l ’une
des trois labiales muettes M , B , P , comme em-
m e n e r , f la m b e a u , t im b r e , c om b le r » h um b le ,
e m p i r e , . im p ô t , c om p o t e : on fe fert encore de
la lettre M comme figne de N a f a l i t é , à la fin
des mots dont les dérivés ont à la fyllabe fuivante
l ’articulation M ; ainfi , on écrit f a im à caufe de
f a m i n e , e f f a im à caufe t f e f f a im e r , n om à caufe
de n om m e r . Hors de ces circonftances , c’eft la
lettre N qui eft le figne ordinaire de N a f a l i t é ;
t a n d i s , e n f e r , i n f o i e n t , p o n t e , u n ,. j e u n -,
r ie n .
M. Fabbé de Dangeau nomme encore nos voix
n a f a l e s , voix f q u r d e s ou e f c la v o n e s : f o u r d e s ,
apparemment parce que le reflux de l ’air fonore
vers le canal du nez çccafionne, dans l'intérieur
de la bouche , line forte de retentiflement moins
diftinét, que quand i ’émiflion s’en fait entièrement
par l ’o,uverture de la bouche ; e f c l a v o n e s , parce
que les peuples qui parlent l ’efçlavon o n t , dit-il ,
dès caractères particuliers' pour les exprimer. L a
dénomination de n a f a l e s me paroît préférable, parce
qu’elie indique le méchanifme de la formation de
ces voix. ( M . B e a u z é e . )
(N . ) N A S A L E . B e l l e s - L e t t r e s . On appelle
v o y e l l e n a f a l e celle dont le fon retentir dans le
nez : elle eft formée par un fon pur que la voix
fait d’abord entendre, comme le fon de V a , de V e ,
de Fo , & c , lequel , intercepté par l ’organe de
la parole., va expirer dans les narines., 8c devient
le fon harmonique de la voix qui l ’a précédé. C e
fon fugitif , ce retentiflement eft exprimé dans l ’écriture
par les deux confonnes qui ci clignent les deux
maniérés d’intercepter le fon de la voix pour le
rendre n a f a l ; c’ eft à dire que, fi le l'on doit être
intercepté par la même application de la langue
au palais qu’exige l'articulation de V n , V n eft le
figne de la n a f a l e ; & fi le fon eft intercepté par
l ’union des deux lèvres , comme pour l ’articulation
de V m , c’eft par l ’m qu’on le défigne : on
voit des, exemples. de l ’un 8c de l ’autre dans les
mots c a rm e n & m u f a m : 011 y voit aufti que le
figne du fon n d f a l eft précédé par le figne de
la v o y elle pure qui le modifie ; & ce figne d iftingue
chacune des n a f a l e s , a n , e n , o n , u n ,
8c c . Dans notre langue, la n a f a l e i n , qui fans doute
nous .a paru trop grêle , a cédé fa place à la n a -
f q l e e n ; 8c. au lieu- de d é f i t n , nous prononçons
d e f le n . Nous avons fubftitué de même , 8c pour la
même raifon, en prononçant le latin , la n a f a l e om
à la n a f a l e um : ainfi, pour d o m in u m , nous difdns
d om in om .
Le s nafales françoifes diffèrent des nafales.
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