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lant de la fuperftition ; comme Y Image qu’i l emp
lo ie agrandit fon idée !
Humana ante oculos foedè qinvn vita jaceret
In terris, opprejja gravi fub reîügione,
Quce caput à cceli regionibus ojtendebat.
V o y e z des idées aufli grandes préfentées avec toute
leur force finis les traits les- plus ingénus. « C ’eft
» le déjeuner d’un petit ver que le coeur & la vie d’un
» grand empereur,dit Montagne » ; & en parlant de la
guerre : a C e furieux inoniltre à tant de bras &-à
» tant de, têtes , c’eft toujours l'homme foible ,
» calamiteux , & miférable ; c’eft une fourmilière
ri émue. L ’homme ,eft bien infenfé, d it-il encore !
» i l ne fauroit forger un ciron, & i l forge des
» dieux par douzaine ». Avec quelle fimplicité la
Fontaine a v peint une mort tranquille!
On fortoic de la vie ainfi que d’unbanquet ,
Remerciant fon bôte & faifant fon paquet.
C e qui rend cette familiarité frapante , c’eft l ’élévation
d’arae qu’elle annonce : car i l faut planer
au defîus des grands objets pour les voir au rang
des petites chofes ; & c’ eft en général fur la fitua-
tion de l ’ame de celui qui p a rle , que le poète
doit fe régler pour élever ou abaiffer Ylmacre*
Dans tous les mouvements impétueux , comme
l ’enthoufufme , la paflion, ,&c. l e f t y l e s’enfle de
lui-même ; i l fe tempère ou s’affoiblit quand fam é
s’appaife ôu s’épuifè : ain fi, foutes les fois- que la
beauté du fentiment eft dans le ca lm e , Yîma?e
eft d’autant plus b e lle , qu’elle eft plus fimple
plus familière. Les exemples de cette fimplicité
précieufe font rares chez les modernes ; ils font
communs chez' les anciens : je ne peux trop inviter
les jeunes poètes à s’en nourrir l ’efprit &
lam e .
( f Dans l ’Éloquence, les Images ne doivent j a mais
être forcées} i l faut , dit Cicéron, qu’elles
femblent s’être préfentées d’èlles-mêmes r i l porte
la févérité jufqu’à blâmer la, voûte 'des d e u x , qui
eft aujourdhui une exprèftion commune : Verecuiida
debet effet tran jla tio , ut de duel a effe in alienum
Ibcum , non ïrruiffe , videatur. D e Orat. )
Quant a labus des Images qu’ôn appelle Jeux
de -rtipts , cet abus confiée dans la fàuflcté des
rap.orts.
L e s raports du figuré au figuré, ne font que des
relations d une Image à une Image, fans que ni
l ’une ni l ’autre foie donnée pour 1 objet réel. C ’eft
ainfi que l ’on compare les chaînes de l ’amour avec
ce lles de l ’ambition, & que l ’on dit que celles-ci
font plus pelantes & moins .fragiles. Alors ce font
les idées mêmes que l ’on compare fous des noms
etrangers. .
Mais c’eft abufer des termes, que d’établir une
reffemblance réelle du figuré au fimple : l ’Image
n’eft qu’une eomparaifon dans le fens de celui qui
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1 emploie ; c’eft la donner pour l ’objet même , que
de lui attribuer les mêmes raports qu’à l ’ob je t,
comme dans ces vers :
Brûle de plus de feux que je n’en allumai.
Rac.
Elle fuit, mais en Parche, en me perçant le coeur.
Cor«.
v D e la fîéfion a la realite les raports font pris
1 a; la lettre, & non pas de la Métaphore' à la réalité
: par ex em p le , après avoir changé Syrinx en
rofeau, le .poète en peut faire une Hure ;. mais
quoiqu i l appelle des ly s & des rofes les couleurs
d une bergère , i l n’en fera, pas un bouquet. Pourquoi
cela ? c’eft que la métamorphofe de Syrinx
eft donnée pour Un fait dont le poète eft per-*
fuade ; au lieu que les ly s & les rofes ne font
qu’une eomparaifon dans l ’efprit même du poète.
C eft pourn avoir pas fait cette diftînérioh fi fa c ile ,
que tant de poètes ont donné dans les jeux de
mots , 1 un des vices, les plus oppofés au naturel,
qui fait le charme du ftyle poétique. ( DI. M a r -
m o n t e l . )
( T O n confond affez- fouvent les,.termes d’/ -
n] aBe > de D e fc r ip tion , de P o r t r a it , à caufe de
l ’eftet qui leur eft commun , favoir de peindre
à i ’eiprit l ’objet dont i l s’agît : mais dans le
ftyle d ila&iqu e, i l ne faut pas les confondre.
L a Defcription & le Por tra it entrent dans le
detail des parties de l ’objet qu’on veut faire remarquer,
& on les fait de propos délibéré. U o y .
ces mots; L ’Image ne peint qu’un t ra it , mais-vive-
ment ; elle paroi-: plus tôt un coup de pinceau
échapépar hafard que préfenté à dèflein. L a D e f cription
& le Por tra it font de vérirâbles tableaux
à demeure , qui peuvent être confidérés à loifir
& en détail: Y Image eü un trait de reffetnblance,
vigoureux mais/ paflager ; c’eft comme une apparition
inftantanée. I l y a beaucoup de magnifiques
Defcriptions dans le Télémaque , & de P o r traits
finis dans L a Bruyère : les fables de L a Fontaine
font pleines d’Images qui font prefque l ’effet,
des Defcriptions les plus détaillées & des P o r traits
les plus accomplis.
Q u ’eft-ce donc précifément qu’une Im a g e , dans
'le fens qu’on l ’entend ici ? C ’eft un trait ifolé ,
repréfente d’une manière' vive & courte dans l ’o-
raifon.
Quelquefois c’eft l ’expreflion rapide d’une cir^
confiance :
Un poignard a la main, l ’implacable Athalie
Au carnage animoit fes barbares foldats.
Ces mots , Un poignard à la main , qui expriment
brièvement une circonftanee analogue au
cara&ère de Yimplacable Athalie , font une
Image.
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D ’autres fois c’eft une fimple épithète ( voye\
É p it h è t e ) , q u i , par les idées qu’elle ré v e ille ,
tient lieu d’une Defcription détaillée: Y implacable
Athalie , fes barbares foldats : Nuk défajlreufe ,
s’écrie BofTuet :
-Et la rame inutile
Fatigua vainement une mer immobile;
ces deux épithètes, in u t ile , immobile , font deux
Images y la première , en réveillant avec énergie
les efforts pénibles des rameurs , dont on croit
voir les mouvements redoublés & toujours fans
fuccès ; la féconde , en peignant le calme invincible
de la mer.
, Dans une autre occafion, une Périphrafe, à la
place du terme p ropre, fait difparoître une Image
hideufe , défagreable , nuifible /r id icu le , & c , 8c en
préfente une autre qui eft belle , agréable, u tile ,
noble , . &c. D an f le Po ly eu cîe ( I. i . ), Néaique
ne dit po in t, s l in j î , le *diable vous abufe y i l
s’énonce avec plus de dignité:
A infi, du genre humain V ennemi vous abufe.
« "Remarquez, dit là-deffus M. de Voltaire , que
» cette rériphrafe , Vennemi du genre humain ,
» eft noble , & que le nom propre eût été ridi-
» cnle. L e vulgaire- fe repréfente le diable avec
» des cornes & une longue qu eu e : T ennemi du
» genre humain donne l ’idée d’un être terrible ,
» qui combat contre Dieu même. Toutes les fois
» qu’un mot préfente une Image , ou baffe, ou
» dégoûtante, ou comique; ennobliffez-la par des
» Images acceffoires : mais aufli ne vous piquez
» pas de vouloir ajouter une grandeur vaine a cè
>? qui eft impofimt par foi-même. Si vous voulez
» exprimer que le roi vient, dites , L e roi vient y
» & n’imitez pas" ce poète q u i, trouvant ces mots
» trop communs, dit :
»» Ce grand roi roule ici fes pas impérieux ».
Souvent c’ eft une Métaphore ( voye^ M é t a phore
) , qui femble donner un corps palpable à
une idée abftraite, & la mettre, pour ainfi dire ,
fous- les ieux. L e s coûn'oiffances humaines fo n t
une mer de raifonnements, où le philofophe navige
fu r .quelques fa i t s , pour ^’aborder fouvent q u e n
des terres déferres .( M. de ,'Servan. ). Peut - on
donner une Image plus vive & plus vraie du
vague des opinions humaines quand elles ne portent
pas fur des faics, & de la honteufe iguorance
qui en eft fouvent l ’unique fruit ?
Souvent aufli une Similitude peint aufli vivement
que la Métaphore, qui la fuppofe „quoiqu’elle ne
1 erionce point. Lorfque les catholiques & le spro-
tefiant s , las de difputes & raffafiés d ’injures , :
prirent le pa r ti du filence & du repos y on vit
en un in fiam une fo u le de livres vantés difpa-
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roître & tomber dans Voubli , comme on voit
tomber au fond d’un vaiffeau le fédiment d’une
fermentation qui s’appaife. M . Diderot
En un mot i l y a mille fources élim a ge s pour
une ame fenfible & pleine de fa matière; & m ille
pour un efprit jufte , délicat, é c la iré , qui n’eft
pas réduit à quêter continuellement des expreflions :
car une Image , pour produire un bon effe t, doit
fe préfenter naturellement; autrement, on rifque
de ne donner qu’une caricature.
« Parler à l ’homme avec des Images , die
» M. l ’abbé de Befplas , dans fon E f fa i fu r V Èlo -
» quence de la Chaire ( n . éd. pag. 158. ) , c’eft
» le fixer fur lu i-m êm e , fur la. nature , fur les
» grandeurs q u e lle réunit & qui l ’environnent;
» c’eft le. faire jouir à chaque moment de fon Em-
» pire. Pour Tintéreffer, i l faut peindre; le plus
» grand peintre fera toujours le premier des or a-:
» teuts.Cieéron, ce modèle étemel de l ’Éloquence ,
» eft rempli Images. . . Boffuet doit la plus
» grande partie de fa richeffe à la force de fon
» pinceau, & aux fuperbes Images dont i l fait
» revecir fes penfées. C ’eft ce talent qui fonde les
» grandes réputations. L ’efprit férieux, quelque
■ » délicat q u i l puiffe ê t re , ne fuffit pa s; encore
» moiiisj-’elprit pétillant & fubtil : la curiofîcé fri-
>> voie & avide , qui lui donne pour un moment
» -des auditeurs , les lu i enlève bien v i te , pour les
» rendre au grand peintre de la nature.
» D ’où je conclus , avec le fage Rb llin ( Étud»
» liv . i v . ch. i i j . §. 9. ) que la véritable Éloquence
» eft ce lle qui perfuade; q u e lle ne perfuade or-
» dinairement qu’en touchant ; qu’e lle ne touche
» que par des chofes & par des idées palpables ;
» &. que , par toutes ces raifons , l ’Éloquence de
» l'Ecriture fainte eft la plus parfaite de toutes,
» puifque-les-chofes les plus fpirituelles & les
». plus metaphÿfiques y font repréfentées fous des
» Images vives & fenfibles ». ( M . B e a u z é e . )
( N . ) IM A G IN A T IO N , f. f. Les bêtes en ont
comme vous , témoin votre ch ien, qui chaffe flapq
fes rêves.
L e s chofes f e peignent en la f a u t a i f i e , dit
Defcarces , comme le s autres. O u i ; mais qu’eft-ce
que la faritaifié ? & comment les chofes s’ y p e i-
gnent-élles ? eft-ce avec de la matière fubtiie ?
Que fa i s - je ! eft la réponfè à toutes les queftions
touchant les premiers refforts.
Rien ne vient dans l ’entendement fans une
imagé. U faut , pour que vous aquerriez cette idée fi
contufe d’un efpace infini , que vous ayez eu l ’image
d’un efpace de quelques pieds. ï l faut, pour que
vous ayez l ’ idée dé Dieu , que l ’image de quelque
chofe de plus puiffant que vous ait long temps
remué votre cerveau.
L ’efprit ne crée aucune id é e , aucune image.
L ’Ariofte n’a fait voyager Aftolphe dans la lu n e ,
que long temps après avoir entendu parler de la
lune , de S . Jean , & des paladins.