forme grammaticale , & le fens on lignification ; en
forte qu’un mot peut avoir une forme grammaticale
mafculine, félon l ’ufage de l ’élocution, & réveiller
en même temps un fens fém in in .
EnPoéfîe , on dit '.rime f éminine, vers fém inins ,
quoique ces rimes & ces vers ne réveillent par eux-
mêmes aucune idée de femme. I l a plu aux maîtres
de l ’arc d’appeler ainfi, par extenfion 'ou imitation,
le s vers qui finiffent par un e muet. Ce qui a donné
lieu à cette dénomination , c’eft que la terminaifon
fém in in e de nos adjeétifs finit toujours par un e
m u e t , bon, bon-ne; u n , u n - e ; f i n i t , fa in - te ;
p u r } pu-re ; horloger, horlogè-re, &c.
I l y a différentes obfervations à faire fa: la rime
fém in in e ; on les trouvera dans les divers traités que
nous avons d e là Poéfie françoife. Nous en parlerons
a u mot Rime.
L e peuple de Paris fait du genre fém in in certains
mots que les perfonnes qui 'parlent bien fon t ,
fans conteftation, mafeulins : le peuple d i ; une
belle éventaille, au lieu d'un bel éventail; & de
même une belle h ô t e l, au lieu d'un: bel hôtel. Je
crois que Je l qui finit le mot bel & qui fe joint
a la vo y e lle qui commence le mot, a donné lieu
.à cette méprife. Ils difenc enfin , la première â g e ,
la belle âge ; cependant âge eft mafcuiin, l ’âge
v i r i l , l ’âge mur p ~un âge avancé. Voye\ G enre.
( M. vu Mars aïs.)
(*) F E R M E T É , C O N S T A N C E . Synonymes.
L a Fermeté eft le courage de fuivre fes deffeins
& fa raifon; & la Confiance eft une perfévérance
-dans fes goûts. L ’homme ferme réfifte à la féduc-
t io n , aux forces étrangères , à lui-même : l ’homme
confiant n’eft point emu par de nouveaux objets,
i l fuit le même penchant qui l ’entraîne toujours
également. On peut être confiant en condannant
foi-même fa Confiance ; celui-là feul eft ferme ,
qu e la crainte des difgrâces, de la douleur, de la
mort ‘ même , l ’efpérance de la g lo i r e , de la fortune
, ou des plaifîrs, ne peuvent écarter du parti
qu’ i l a jugé le plus raifonnable & le plus honnête.
Dans les difficultés & les obftacles-, l ’homme
fe rm e eft foutenu par fon courage & conduit par
fa raifon ; i l va toujours au même but : l ’homme confia
n t eft conduit par fon coeur ; il a toujours les mêmes
befoins.
O n peut être confiant avec une ame pufillanime,
un efprit borné : mais la Fermeté ne peut être que
dans un caractère plein dè forc e , d’élévation , & de
raifon.
L a légèreté & la facilité font oppofees à la
Confiance; la fragilité & la foibleffe font oppofées
à la Fermeté. ( A n o n y m e . )
( 'f L ’auteur de cet article a pu comparer la Fermeté
feule à la Confiance ; mais i l auroit dû cori-
fiilter l'article C onstant* , F erme , Inébranlab
le, Inflexible. ( V oy e \ cet article» ) I l n auroit
pas oppofé la Légèreté & la F a c ilité à la Corif-
tànce, ni la F ra g ilité & la Foiblejfe à la Fermeté.
L a Légèreté fait qu’on n’eft pas confiant ; la F o iblejfe
y qu’on n’eft pas, ferme ,* la F ra g ilité , qu’on
n’eft pas inébranlable ; & la F a c ili té , qu’on n’eft
pas inflexible. V o y e^ auffi Stabilité, C onstance,
F ermeté. [M . B e a u z é e .)
F Ê T E , f. f. C ’eft le nom à l ’Opéra de prefque tous
les divertinements.. L a F ê le que Neptune donne à
Thétis,dans le premier a61e, eft infiniment plus agréable
que c e lle que Jupiter lu i donne dans le fécond.
U n des grands défauts de l ’Opéra de T h é tis , eft
d’avoir deux aéles de fuite fans F ê tes : i l étoit peut-
être moins fenfîble autrefois ; mais i l a paru très-
frapant de nos jours ,■ parce que le goût du Public eft
décidé pour les Fêtes.,
L ’art d’amener les F ê te s , de lés .animer, de les
faire fervir à l ’aétion principale, eft fort rare ; cependant
fans cet art , les plus belles F êtes ne font
qu’un ornement poftiche-
I l femble qu’on fe ferve plus communément du
terme de Fête pour les divertiflements de Tragédies
en Mufique, que pour ceux des Ballets : c’eft un plus
grand mot confacré au genre, que l ’opinion, l ’habitude,
& le préjugé paroilfent avoir décidé le plus
grand. Voyer; O péra. ( Ca h u z a c . )
* F I C T IO N , f. f. B e lle s Lettres. Produétion
d e s 'A r ts , qui n’a point de modèle complet dans la
nature.
L ’imagination compofe & ne crée point : fes
tableaux le$l.iplus originaux ne font eux-mêmes que
des copies, rjeja ^détail ; & . c’eft le plus ou le moins
d’analogie entre le s différents traits qu’elle affemble.,
qui conftitue les quatre genres de Fiction que nous
allons diftinguer ; la vo ir, le parfait, l ’exagéré, le
monftrueux, & le fantaftique.
L a F ic tion qui tend au parfait, ou la Fiétiôn
en beau, eft l ’affemblage régulier des plus belles
parties dont un compofé naturel foit fufceptible*
& dans ce fens étendu, la Fiction eft effencielle à
tous les arts d’imitation. En Peinture, les Vierges
de Raphaël & les Hercules du Guide n’ont point
dans la nature de modèle individuel ; i l en eft dé
même , en Sculpture , de la Vénus pudique & de
l ’A p o llon duVatican ; i l en eft de même, en Poéfie,
des cara&ères de Cornélie , de Didon , d’Orofo
mane , &c- Qu’ont fait les artiftes ? ils ont recueilli
les beautés éparfès des modèles exiftants., & en ont
compofé un Tout plus ou moins parfait > fuivant le
choix plus ou moins heureux de ces beautés réunies.
V o y e \ , dans l ’article C ritique , la'formation du
modèle in telle élu e l, d’après lequel l ’imitation ..doit
corriger la nature.
C e que nous difons d’un caraétère ou d’une figure,
doit s’entendre de toute compofition ârtificielîè &
imitative.
Cependant la beauté de compofition n’eft pas
toujours un affemblage de beautés particulières :
elle eft relative à l’effet qu’on fe propofe , & confiée
dans le choix des moyens les plus capables f?
d’émouvoir l ’ame, de l ’étonner , de l ’attendrir, &c.
A in f i, la furie qui pourfuit Orefte , doit ^ être effrayante
à la vue j ainfi, le gardien d’un férail doit
être hideux : la baffeffe & ia noirceur concourent
de même à la beauté d’un tableau héroïque. Dans
Jâ tragédie de la mort de Pompée , la compofition
eft b e lle , autant par les vices de Ptolomee, d A ch il-
las , & de Septime , que par les vertus de Cornelie
& de Céfar; dans la tragédie de Britannicus , N éron
, Agrippine , & Narciffe , ont leur beauté poétique.
Un même caractère a auffi fes traits d ombre
& de lumière , qui s’embeiliffent par leur mélange :
les fentiments bas & lâches de F é lix achèvent de
peindre un Politique ; mais i l faut que les traits
oppofés contraftent enfemble, & ne détonnent pas.
Narciffe eft du même ton que Burrhus ; Therfîte
n’eft pas du même ton qu’A chille .
C ’eft furtout dans ces compofidpns morales , que
le peintre a befoin de l ’ étude la plus profonde, non
feulement de la nature en tant que modèle pour
l ’imiter, mais de la nature {peétatrice pour l ’intéreffer
& l ’émouvoir.
Hora ce, dans la peinture des moeurs , laiffe le
choix ou de fuivre l ’opinion, ou d’obferver les
convenances; mais le dernier parti a cet avantage
fa t le premier., que-dans tous les temps les convenances
fuffifènt à la perfuafion & à l ’intérêt. O n
n’a befoin de recourir ni aux moeurs ni aux préjugés
du fiècle d’Homère , pour fonder les caractères
d’U ly fie & d’A chille : le premier eft diffimulé,
le poète lui donne pour vertu la prudence ; le fécond
eft colère , i l lui donne la valeur. Ces convenances
font invariables comme les effences des
chofes , au lieu que l ’autorité de l ’opinion tombe
avec elle . Tout ce qui eft faux eft pafïager; la
vérité feu le , ou ce qui lu i reffemble, eft de tous Tes
pays & de tous les fiècles.
L a Fiction doit donc être la peinture de la vérité
, mais de la vérité embe llie , animée par le
choix & le mélange des couleurs qu’elle puifê dans
la nature. I l n’y a point de tableau fi'parfait dans
la difpofition naturelle des chofes , auquel l ’imagination
n’ait pas encore à retoucher. L a nature , dans
fes opérations , ne penfe à rien moins qu’à être
pittorefque : ici elle étend des plaines, où 1 oeil
demande des collines ; là elle refferre l ’horizon
par des montagnes, où l ’oe il aimeroit à s’égarer
dans le lointain. I l en eft du moral comme du phy-
fique : l ’Hiftoire a peu dè fujets que la Poéfie ne
foit obligée de corriger & d’embellir, pour les rendre
intéreffants. C ’eft donc au peintre à compofer
des produétions & des accidents d e , la nature un
mélange plus vivant , plus va r ié , plus attachant
que fes modèles. Et quel eft le mérite de les copier
fervilement ? Combien ces copies font froides
& monotones, auprès des compofitîôns hardies du
génie en liberté ! Pour voir le monde tel qu’i l e f t ,
nous n’avons qu’à le voir en lu i -m êm e ; c e ft un
monde nouveau qu’on demande aux Arts , un
monde tel qu’i l devroit être , s’i l n’ étoit fait que
pour nos plaifîrs. C e f t donc à i ’artifte à fe mettre
à la place de la nature, Si à diipofer les chofes
fuivant l ’efpèce d’émotion qu’i l a deffein de nous
caufer, comme la nature les eût difpofées e lle -
même , fi e lle avoit eu pour premier objet de
nous donner un fpeétacle riant, gracieux , ou touchant.
O n a prétendu que ce genre de Fiction n’avoic
point de règle sûre , par la raifon que l’idée du
beau , foit en Morale foit en Phyfique , n’étoit ni
abfolue ni invariable. Quoi qu’i l en foit de la
beauté phyfique , ' fur laquelle du moins les nations
éclairées & polies font d’accord depuis trois-mille
ans , la beauté morale eft la même chez tous les
peuples de la terre. Les européens ont trouvé une
égale vénération pour la juftice , la générofiré , la
confiance , une égale horreur pour la cruauté, la
lâ ch e té , la trahifon, chez les fauvages du. nouveau
monde & chez les peuples les plus vertueux.
L e mot du cacique Gatimofin, jEt m o i, f u i s -
j e fu r un lit de rofes ? auroit été beau dans l ’ancienne
Rome ; & la réponfe de l ’un des proferits
dè Néron au liéteur , Utinam tu tam fo r tite r
f e r ia s , auroit été admirée dans la Cour de Monté-
fuma.
Mais plus l ’idée & le fentiment de la belle nature
font déterminés & unanimes, moins le choix en eft
arbitraire, & plus par conféquent i ’imiîation en eft
difficile, & la comparaifon dangereufe du modèle
à l ’ imitatiorir G’eft là ce qui rend fi gliffante la
carrière du génie dans la Fiction qui s’élève au
parfait ; car c’eft furtout dans la partie morale que
nos idées fe font étendues. Nous ne parlons point de
cette anatomie fubtile qui recherche , s’i l eft permis
de s’exprimer ainfi , julqu’aux fibres les plus déliées
de l ’ame ; nous parlons de ces idées grandes &
juftes, qui embraüent le fyftême des pâmons, des
v ice s, & des vertus dans leurs rapports les plus
éloignés. Jamais le coloris , le defun, les nuances
d’ un caractère, jamais le contrafte des fentiments
& le combat des intérêts n’ont eu des juges plus
éclairés ni plus rigoureux ; jamais par conféquent
on n’a eu befoin de plus de talents & d’ étude pour
réuffir, aux yeux de fon fièc le , dans la F ic tion morale
en beau. Mais en même temps que les idées
dès ju g e s 'fe font épurées, étendues, élev ée s, le
g o û t , & les lumières des peintres ont dû s’épurer,
s’é le v e r , & s’étendre. Homère feroit mal reçu au-
jourdhui à nous peindre un fage comme Neftor :
mais auffi ne le peindrpit-il pas de même. O n vo it
l ’exemple des progrès de la Poéfie philofophique
dans les tragédies de M. de Voltaire. _ Les premiers
maîtres du Théâtre fembloient avoir épuifë le s
combinaifons des caractères, des intérêts , & des
paffions: la Philofophie lui a ouvert de nouvelles
routes ; Mahomet » A lz ir e , Idamé, font du fiècle