
écrivains médiocres qui puiflent errer fans confé-
quence.
Nous terminerions ici notre article des Genres,
fi une remarque de M. D u c lo s , fur le cliap. 5 de
l a féconde partie de la Grammaire générale,
n ’exigeoit encore de nous quelques réflexions.
«« L ’inftitu:ion ou la diftinétion des G en r e s , dit
» cet illuftre académicien, eft une choie purement
» arbitraire , qui n’ eft nullement fondée en raifon ,
» qui ne paroi: pas avoir le moindre avantage ,
» & qui a beaucoup d’inconvénients ». I l nous femble
que cette décificn peut recevoir a certains égards
quelques modifications.
Le s Genres ne paroilfent avoir été inftitués que
pour rendre pins fenfible la corrélation des noms
& des adjeétirs 3 & quand i l feroit vrai que la concordance
des nombres & ce lle des c a s , dans les
langues qui en admettent, auroient fuffi pour ca-
raétérifer uettement ce raport0 l ’efprit ne peut
qu’être fatisfait de rencontrer dans la peinture des
penfées un coup de pinceau qui lu i donne plus de
fidelité, qui la détermine plus fûrement , en un
mot , qui éloigne plus infailliblement l’ équivoque.
C e t accelfoire étoic peut-être plus néceffaire encore
dans les langues où la conftruétion n’eft aflu-
jettie à aucune lo i méchanique , & que M. l ’abbé
Girard nomme Tran.fpofitives. lj2L corrélation de
deux mots , fouvent très - é loignés, feroit quelquefois
difficilement aperçue fans la concordance des
Genres , qui y produit d’ailleu rs, pour la fatisfac-
tion de l ’o re ille , une grande variété dans- les Ions
& dans la quantité des fyliabes. V oy e \ Q uant
i t é .
I l peut donc y avoir quelque exagération à dire
que 1 inflitution des Genres n eft nullement fondée
en raifon , & qu’elle ne paroît pas avoir le moindre
avantage 3 elle eft fondée fur l ’intention de produire
le s effets qui en font la fuite.
Mais , dit-on, les grecs & les latins avoient trois
Genres ; nous n’en avons que deux , & les anglois
n’en ont point : c’eft donc line chofe purement
arbitraire. I l faut en convenir ; mais quelle confé-
quence ultérieure tirera-t-on de ce lle-ci ? Dans les
langues qui admettent des ca s , i l faudra raifonner
de la même manière contre leur inftirution : elle
e ft auffi arbitraire que ce lle des Genres ; les arabes
n’ont que trois cas , les allemands en ont quatre,
le s grecs en ont c in q , les latins lïx , & les arméniens
jufquà dix, tandis que les langues modernes du
midi de 1 Europe n’en ont point.
O n répliquera peut - être qu e , fi nous n’avons
point de cas , nous en remplaçons le fervice par
celui des prépofitions ( voye^ C as & Préposition),
& par 1 ordonnance refpedive des mots ( voyez
C onstruction & Régime ) 3 mais on peut appliquer
la même obfervation au fervice des Genres.,
que les anglois remplacent par la pofition, parce
qu’i l eft innifpenffible de marquer la relation de JL’ad-
je c tif au nom.
I l ne refte plùs qu’à obje&er que de -toutes les
manières d’indiquer la relation de 1 adjeélif au nom,
la manière angloife eft du moins la meilleure 3 elle
n’a l ’embarras d’aucune terminaifon : ni Genres , ni
nombres , ni cas , ne viennent arrêter par des difficultés
faftices les progrès des étrangers qui veulent
apprendre cette lan gu e , ou même tendre des pièges
aux nationaux, ^ pour qui ces variétés arbitraires
font des occafions continuelles de fautes. I l faut
avouer qu’i l y a bien de -la vérité dans cette remarque
, & qu’ à parler en général, une langue
débarraffée de toutes les inflexions qui ne marquent
que des raports , feroit plus facile à apprendre
que toute autre qui a adopté cette manière : mais
i l faut avouer auffi que les langues n’ont point
été inftituées pour être apprifes par les étrangers,
mais pour être parlées dans la nation qui en fait
ufage 3 que les fautes des étrangers ne peuvent rien
prouver contre une langu e, & que les erreurs des
naturels font encore dans le même cas, parce qu’elles
ne font qu’une fu ite , ou d’ un défaut d’éducation,
ou d’un défaut' d’attention 3 enfin que reprocher à
une langue un procédé qui lui eft particulier , c’eft
reprocher à la nation fon génie , fa tournure d’ idées,
fa manière de concevoir, les circonftances où e lle
s’ eft trouvée invoiontairemen. dans les différents temps
de fa durée 3 toutes caufes qui ont fur le langage, une
influence irréfiftible.
D ’ailleurs les vices qui paroiffént tenir à l ’infti-
tution même des G en r e s , ne viennent fouvent que
d’un emploi mal entendu de cette inllitution. « En
» féminifant nos adjeétifs , nous augmentons encore
» le nombre de nos e muets ». C ’eft une pure mal*
adreffe. N e pouvoit - on pas choifir un tout autre
caractère ? ne pouvoit - on pas rappeler les termi-
naifons des adjeéfifs mafeulins a certaines c laffe s, &
varier autant les terminaifons féminines ?:
I l eft vrai que ces précautions , en corrigeant un
vice , en laifferoient toujours fubfifter un autre ;
c’eft la difficulté de reconnoître le Genre de chaque
nom , parce que la diftribution qui en a été
faite eft trop arbi:raire pour être retenue par le
raifonnement , & que c’ eft une affaire, de pure mémoire.
Mais ce n’eft encore ici qu’une mal-adreffe
indépendante de la nature intrinsèque de l ’inftitu-
tion des Genres. Tous les objets de nos penfées
peuvent- fe réduire à différentes claffes : i l y a les
objets rée ls , & les abftraits 3 le s corporels , & les
fpirituels 3 les animaux , les végétaux, & les minéraux
3 les naturels, & les artificiels, &c. I l n’y
avoit qu’à diftinguer les noms de la même manière,
& donner à leurs corrélatifs des terminaifons adaptées
à ces diftinéfions vraiment raifonnées : les ef-
prits éclairés auroient aifément faifi ces points de
vue 3 & le peuple n’en auroit été embarraffé, que
parce qu’i l eft p eu ple, & que tout eft pour lui
affaire de mémoire. ( M M . D o u e H ET & B e a u -
zée. ) j
G E N S D E L E T T R E S , Philofophie & L itt軕
rature. C e mot répond précifément à celui dé
Grammairiens : chez les grecs & les romains, on
entendoit par Grammairien > non feulement un nomme
verfé dans la Grammaire proprement dite , qui eft
la bafe de toutes les connoiffances 3 mais un homme
qui n’étoit pas étranger dans la Géométrie, dans
la Philofophie , dans l ’Hiftoire générale & particulière
3 qui furtout fefoit fon étude de la Poéfie &
de l ’Éloquence : c’eft ce que font nos Gens de
Lettres aujourdhui. On ne donne point ce nom à
un homme qui , avec peu de connoiffances , ne
cultive qu’un leul genre. Ce lu i qui, n’ayant lu que
des romans , ne fera que des romans 3 celui qui/,
fans aucune littérature, aura compofé au hafard q u e l ques
pièces de'Théâtre , qui dépourvu de fcience
aura fait quelques fermons, ne fera pas compté
parmi les Gens de Lettres. C e titre a de nos jours
encore p lùs d’étendue que le mot Grammairien n’en
avoit chez les grecs & chez les latins. Le s grecs
fe contentoient de leur langue 3 les romains n’ap-
prenoient que le grec : aujourdhui Y Homme de
Lettres ajoute fouvent à l ’étude du grec & du latin
ce lle de l ’italien, d e l’efpagnol, & furtout d e l ’an-
glois. L a carrière de l ’Hiftoire eft .cent fois plus
immenfo qu’elle ne l ’étoit pour les anciens j &
l ’Hiftoire naturelle s’eft accrue à proportion de
ce lle des peuples. O n n’exige pas qu’un Homme
de Lettres approfondiffe toutes ces matières : la
fcience univerfelle n’eft plus à la portée de l ’homme j
mais les véritables Gens de Lettres fe mettent en
état de porter leurs pas dans ces différents terreins ,
s’ilsme peuvent les cultiver tous.
Au trefois, dans le feizième fiècle & bien avant
dans le dix-feptième , les littérateurs s’ôccupoient
beaucoup de la C r i tique grammaticale des auteurs
grecs & latins 3 & c eft à leurs travaux que nous
devons les dictionnaires, les éditions correctes, les
commentaires des chef-d’oeuvres de l ’Antiquité : aujourdhui
cette Critique eft moins néceffaire , &
l ’efprit philosophique lui a fucçédé 3 c’ eft cet efprit
philofophique qui femble confticuer le caractère des
G ens de Lettres 3 & quand i l fe joint au bon g o û t , i l
forme un littérateur accompli.
C ’eft un des grands avantages de notre fiècle , que
ce nombre d’hommes inftruits qui paffent des épines
des Mathématiques aux fleurs de la Poéfie, & qui
jugent également bien d’un livre de Métaphyfique
& d’ une pièce de. Théâtre : 1*efprit du fiècle les a
fendus pour la plupart auffi propres pour le mondé
que pour le cabinet 3. & c’eft en quoi ils font fort
füpérieurs à ceux des fiècles précédents. Ils furent
écartés dé la fociété jufqu’au temps de Balzac & de
Voiture 3- ils en ont fait depuis une partie devenue
néceffaire. Cette raifon approfondie & épurée que
plufieurs ont répandue dans leurs écrits & dans leurs
converfations , a contribué beaucoup à inftruire &
à polir la nation : l e u r Critique ne s’eft plus con-
fumée fur des mots grecs & latins 3 mais appuyée
d’une faine Philofopnie , elle a détruit tous les préjugés
dont la fociété étoit in fe&é e, prédirions des
aftrologues, divinations des magiciens, fortilèges
de toute efpèce , faux prodiges, faux merveilleux ,
ufages fuperftitiéux 3 elle a relégué dans les écoles
mille difputes puériles , qui étoient autrefois dan-
gerèufes & qu’ ils ont rendues méprifables : par là
iis ont en effet fervi l ’État. O n eft quelquefois
étonné que ce qui bouleverfoit autrefois le monde,
ne le trouble plus aujourdhui3 c’eft aux véritables
Gens de Lettres qu’on en eft redevable.
Ils ont d’ordinaire plus d’indépendance dans l ’efprit
que les autres hommes 3 &ceux qui font nés fans fortune
/trouvent aifément , dans les fondations de
L o u isX IV , de quoi affermir en eux cette indépendance
: onne voit poin t, comme autrefois, de ces"
épitresdédicatoiresque l ’intérêt & la baffeffe offroient
à la vanité. V o y e^ É pitre dédicatoire.
U n homme de Lettres n’ eft pas ce qu’on app
e lle un bel E fp r it ,* le bel efprit foui fùppofe
moins de -culture , moins d’étude, & n’exige nulle
philofophie 3 i l confifte principalement dans l ’imagination
brillante , dans les agréments de la con-
verfation,aidés d’une le&ure commune. U n b el efprit
peut aifément ne pas mériter le titre $ homme de L e ttres
; & Y homme de Lettres peut ne point prétendre
au brillant du bel efprit.
I l y a beaucoup de G ens de Lettres qui ne font
point auteurs , & ce font probablement les plus heureux
j ils font à l ’abri des dégoûts que la profeffion
d’auteur entraîne quelquefois, des querelles que la
rivalité fait naître, des animofités de p a rt i, & des
faux jugements 3 ils font plus unis entre eux 3 ils
jouïflent plus de la fociété 3 ils font juges , & les autres
font jugés. ( V o l t a i r e .)
G É R O N D I F , f. m. Terme-propre à la Grammaire
la tin e . L ’effence du verbe confifte à exprimer
l ’exiftence d’une modification dans un fujet.
V oy e \ V e r b e . Quand les befoins de l ’énonciation
exigent que l ’on fépare^du verbe la confidération
du fujet , l ’exiftence de la modification s’exprime
alors d’une manière abftraite & tout à fait indépendante
du fujet , qui eft pourtant toujours fuppofée
par la nature même de la chofe 3 parce qu’une modification
ne peut exifter que dans un fujet. Cette
manière d’énoncer l ’exiftence de la modification , eft
ce que l ’on appelle dans le verbe Mode in f in it if .
Voye-{ Mode & Infinitif.
Dans cet é ta t, le verbe eft une forte de n om ,
puifqu’i l préfente à l ’efprit l ’idée d’une modification
exiftante , comme étant ou pouvant être le,
fujet d’autres modifications 3 & i l figure en effet
dans le difcoûrs comme les noms : de là ces façons
de pa rler, dormir efl un temps perdu ; dulce &
décorum eftpro patriâ mori : dormir, dans la première,
phrafe, & mori , dans la fécondé , font
des fiijets dont on énonce quelque, chofe. Voye%
N om.
Dans les' langues qui n’ont point de cas, cette
efpèce de nom' paroît fous la même forme dans