
captatrix, &c : ce font des mots qui font du reffort de
la dérivation.
I l faut obferver i ° . qu’ i l y a deux fortes de
xacines élémentaires qui entrent dans la Formation
des compofés : les unes font des mots qui peuvent
également paroîcre dans le difoours fous la figure
fimple & fous la figure compofée, c’ eft à dire ,
feuis ou join:s à un autre mot ; telles font les
racines élémentaires des mots magnanimus ., ref-
p u b lica , fénatufconfidcum, qui font magnus &
animus , res 8c p u b lica , fen a tu s .. 8c confultum :
les autres font abfolument inufitées hors de la compofition
, quoiqu’anciennement elles ayent pu être
employées comme mots fimples : telles font j u x
& ju g ium , f e s & Jidium , e x ôc ig ium , p le x &
pliciitm , fp e x 8c fpic ium , Jies & Jlitium , que
1 on trouve dans les mots c o n ju x , conjugium ;
p r ce fe s , proe jidium ; remex , remigium ; fu p p le x ,
fupplicium ; e x t ifp e x , frontifpicium y antljles , foljiitium .
I l faut obferver 3 °. qu’i l y a ' quantité de mots
réellement compofés , qui au premier afpeft peuvent
paroître fimples , a caufe de ces racines élémentaires
inufitées hors de la compofition ; quel-
que fagacité 8c un peu d’attention fufHfent pour
en faire déméler l ’origine : tels font les mots j u -
d e x , ju j lu s , j u j i i t ia , ju v è h i s , trinitas, ce terniras
, & une—infini ce d’autres. Judex renferme
dans- la compofition les deux racines j u s 8c dex ;
cette dernière fe trouve employée hors de la compofition
dans Cicéron, d icis g r a tiâ , par manière
de dire : ju d e x lignifie donc ju s d ic en s , ou qui
j u s dic it ; 8c c’eft effectivement l ’idée que nous
.avons de celui qui rend la juftice : ce qui prouve ,
pour le dire en paflant, que la définition de n om,
comme parlent les lo gicien s, diffère alfez peu ,
quand e lle e fte xa fte , de la définition de chofe. I l
en eft de même de la définition 'étymologique de jujlus 8c de jujiitia : le premier lignifie in jure
Jlans, & le fécond in jure conjlantia ; exprelfions
conformes a l ’ idée que nous avons de l ’homme jufte
& de la juftice.
Quant a juvenis, i l paroît ennis lignifier juvando ; & cet ennis eft un adje&if employé dans
hi-ennis, tri-ennis, & c , pour lignifier Qui a dés
années : perennis paroît n’en être que le fuper-
la t if, tant par fa forme que par fa fi unification :
ainfi, juvenis veut dire juvando ennis, qui a alfez
d’années pour aider : cela eft d’autant plus probab
le , que juvenis eft effectivement relatif au nombre
des années • & que tout homme parvenu à cet
âge eft dans T obligation réelle de mériter par fes propres
fervices les fecours qu’ i l tire de la fociété.
A u refte , la fupprêlfion d’une n dansjuvenis ne le
tire pas plus de l ’an a lo g ie, que le changement de
cette lettre en m n’en tire le mot de folemhis , ‘
qui femble être formé de folito ennis , & ficrnifie Jolitus quotannis , qui Jieri folet quotannis ;
& de fa it , dans plufieurs bréviaires on trouve le
mot d’annuel pour celui de folennel, dans la qualification
des fêtes.
Les mots trinitas & ceternitas font également
compofés : trinitas n’eft autre chofe que trium
unit a s ; exprelfion fidèle de la foi de l ’Ég life
catholique fur la'nature de Dieu ; trinus & unus;
trinus in p e r fo n is , unus in fu b jla n tiâ . Pour Ce
qui eft du mot ceternitas, i l fignifie oevi-triféitas,
ou cevi triplicis u n ita s , la trinité du temps , qui
reunit & embraffe tout à la fois le préfent, le paffé, &
le futur.
I l faut obferver 40. que la compofition & la dérivation
concourent fouvent- à la Formation d’un
meme mot; en forte que l ’on trouve, des primitifs
fimples & des primitifs compofés , comme des dérivés
fimples & des dérivés compofés. Capio eft
un primitif fimple ; particeps eft un primitif composé
-, capax eft un dérivé fimple ; p a r t ic ip a i eft un
dérivé compofé. Les uns 8c les autres font également
fufceptiblès des formes de la dérivation phiiofophi-
que & de la dérivation grammaticale ; capio ,
capis , capit j particeps , p a r tic ip is , participi ;
c a p a x , capacis , capaci ; p a r tic ip o , participas.,
participât.
I l faut obferver $°. que les primitifs n’ont pas
tous. ^,e raerne nombre de dérivés, parce que toutes
les idees primitives ne font pas également fufcep-
tibles du même nombre d’ idées modificatives , ou
que l ’ufage n’a pas établi le même nombre d’inflexions
pour, les exprimer. D ’ailleurs un même
mot peut être primitif fous un point de v u e , &
dérivé fous un autre : ainfi , amabo ' eft primitif
relativement à amabilis , am a b ilita s , & i l eft
dérivé à’amo; de même affeclare eft primitif relativement
à affec latio, affectator, 8c i l eft dérivé
du fupin, qui en eft le générateur immédiat.
A in fi, un même primitif peut avoir fous lui diffé-
rens ordres de dérivés , tirés immédiatement d’autant
de primitifs fùbalternes, & dérivés eux-mêmes de Ce
premier.
I l faut obferver 6°. que comme les telminaifons
introduites par la dérivation grammaticale forment
ce qu’on appelle dêclinaifon 8c conjugaifon , on
peut regarder aufli les terminaifons de la dérivation
philofophique comme la matière d’une forte
de dêclinaifon ou conjugaifon philofophique.'Ceci
eft d’autant mieux fonde, que la plupart des ter-
minaifons de cette fécondé efpèce font fournies à
des lois générales , & ont d’ailleu rs , dans la même
langue ou dans d’autres, des racines qui expriment
fondamentalement les mêmes idées qu’elles défîgnenc
comme acceffoires dans la dérivation.
Nous difons en premier lie u , que ces terminaifons
fo n t foumifes à des lois générales, parce*
que te lle terminaifon indique invariablement une
même idée accefîoire, telle autre terminaifon une
autre idée,*'de manière que, fi l ’on connôît bien la
dëftination ufuelle de toutes cës terminaifons , la
connoiffance d’une feule racine donne fiu; le champ
.celle d’un grand nombre de mots. Pofons d’abord
quelques principes ufuels fur les terminaifons, 8c
.nous en ferons enfuite l ’application à quelques ra-
jcines.
i ° . Le s verbes en a r e , dérivés du fupin d’un
autre verbe, marquent augmentation ou répétition ;
ceux en ejfere., ardeur & célérité ; ceux en urire ,
défir v if; ceux en illa r e , diminution.
i° . Dans les noms ou dans les adjeétifs dérivés
des verbes , la terminaifon tio indique l ’aétion d une
manière abftraite ; 'celle en tus pu en tum en exprime
le- produit ; ce lle en tor pour le mafculin ,
& en tr ix pour le féminin, défigne une perfonne
qui fait profeffion ou qui a un état relatif à cette action
y celle en a x , une perfonne qui a un penchant
naturel ; ce lle en a c ita smarque ce penchant même.
O n pourroit ajouter un grand nombre d’autres
principes femblabies ; mais ceux-ci font fuffifants
pour ce que l ’on doit fe propofer ic i': un plus
grand détail appartient plus tôt à un ouvrage fur
les analogies de la langue la t in e , qu’à l ’Encyclopédie
; & i l eft: vraifemblable que c’étoit la matière
des livres de Céfar fiir cet objet.
Éprouvons maintenant la fécondité de ces principes.
Dès que l ’on fait , par exemple, q u e canere
fignifie ch anter, on en conclut avec certitude la
lignification des mots canta re, chanter à pleine
•voix ; cantitare , chanter fouvent ; canturire , avoir
grande envie de chanter'; ca n tilla r e , chanter bas
& à différentes reprifes ; ca n tio , l ’aétion de chanter
; ca n tu s , le chant , l ’effet de cette aétion ;
'c an tor 8c c a n tr ix , un homme ou une femme qui
fait profeflion de chanter, un chanteur, une chan-
teufe ; ca n a x , qui aime à chanter.
Pareillement de capere, prendre , on a tiré par
analogie capture, capejfere , faifir ardemment , fe
hâter ae prendre; ca ptio , cap tus, captatio , capta-
tor, captatrix , c a p a x , capacitas.
D e la différente deftinatiomdes terminaifons d’une
même racine , naiffent les différentes dénominations
des mots qu’elles conftituent : delà les diminutifs, les
augmentatifs , lesincep ifs , les inchoatifs , les fréquentatifs
, les défidératifs, 8cc , félon que l ’idée pri-.
mirive eft modifiée par quelqu’une des idées acceffoires
que ces dénominations indiquent.
Nous difons en fécond l ie u , que. ces terminai-
■ fo n s o n t , dans la même langue ou dans quelque
autre , des racines qui expriment fonclamentale-
ment les mêmes idées ,. qu’elles défignent comme
accejfoires dans la dérivation ; nous allons en
faire l ’effai fur quelques-unes, où la ehofe fera affez
claire pour faire préfumer qu’i l peut en être ainfi
des autres dont on ne conribitroit plus l ’origine.
i ° . Dans les noms , les terminaifons men 8c
mentum fignifîent chofe >figne fenfible par lui-même
ou par fes effets : l ’unê & l ’autre paroiffent venir
du verbe minere , dont Lucrèce s’eft fervi, & qu’on
retrouve dans la compofition des verbes e-minere ,
im-minere, pro-minèrë , & qui tous renferment la
lignification que nous prêtons ici à men 8c à mentum ;
la voici juftifiée par l ’explication étymologique de
quelques noms :
Flumen , ( men ou res quce f in it . )
Fulmen , ( men quod Julget. )
Lumen , ( men quod lucet. )
Semen, ( men quod feritur. )
V im e h , ( men vinciens , quod vincit. ) '
Carmen, peigne à carder , ( men quod carp it. )
I l eft vraifemblable que les romains donnèrent le
même nom à leurs Poèmes ; parce que les premiers
qu’ils connurent étoient fatyriques 8c piquants comme
les dents "du peigne à carder , & avoient une deftina-
tionanalogue , celle de corriger.
Armentum , ( mentum q u o d a ra t, ou ararepotejl. ■)
Jumentum, ( mentum. quod ju v a t , ou mentum ju *
gatorium. ) A *' ^V. p M j. ‘ %
Monumentum , ( mentum quod monet. )
A limentumy jgientum quod a l i t .)
Tejlamentum, [mentum quod tejlatur. )
Tormentum , ( mentum quod torquet. )
L a terminaifon cw/wm femble venir de colo, j ha^
bite , 8c fignifie effectivement une habitation, ou du
moins un lieu habitable :
Cübiculum, [ cubandi lotus.')
Ccenaculum, [ccenandi locus. )
Habitaculum , ( habitandi locus. )
Propugnacülum , (propugnandi locus. )
I l faut cependant obferver . pour la vérité de ce
principe, que cette terminaifon n’a le fens 8c l ’origine
que nous lui donnons i c i , que quand elle eft
adaptée à une racine tirée d’un verbe : car fi on
l ’appliqüoità un nom, elle en feroit un fimple diminutif;
tels font les mots corculum , opufculum, cor-
p u fcu lum , & c.
i 0-. Dans les adjeCtifs, la terminaifon undus défigne
abondance & plénitude , & vient d unda ,
onde , fymbole d’agitation, ou du mot undare ,
d’où abundare , exundare. Ordinairement cette terminaifon
eft jointe à une autre racine par l ’une des
deux lettres euphoniques b ou c.
Cogita-b-undus, [cogitationïbus u n d an s .j
Furi-b-undus, [furore ou fu r ii s undans. )
Foe-c-undus, [feetu abundans. )
F a -c -u n d u s , [ J ’andi copia abundans. )
L a terminaifon J lu s , venue deJlo, marque Habilité
habituelle.
Juflus , [ in ju r e conjlans. )
Modejlus , ( in modo conjlans. )
M o le jlu s , ( pro mole Jla n s . )
M oe jlu s , ( in moerore conjlans. ) •
H o n e jlu s , [ in honore conjlans. )
S c e le jlu s , [ in feelere conjlans. )
30. Dans les verbes, la terminaifon f e e r e , ajout
é e 'à quelque radical fignificatif par lu i - meme ,
donne les verbes inchoatifs, c’ eft à dire, ceux qui
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