
» le nom que Ton doit donner aux notes j elles
» donnent, pour ainfi dire , l ’entrée du chant.
» Quand-les Métaphores font régulières , i l n’eft
» pas difficile de trouver le raport de c o m p a -
» raifon. La Métaphore eft donc auffi étendue que
» la comparaifor. 3 & lorfque la comparaifon ne
» feroit pas jufte ou feroit trop recherchée, la M e ut
taphore ne feroit pas régulière.
» Nous avons déjà remarqué que les langues n ont
» pas autant de mots que nous avons d’idees.: cette
» difette de mots a donné lieu à plufieurs M êla nt
phores j par exemple , le coeur tendre , le coeur
» d u r , un rayon de m ie l, les rayons d’une roue,
» &c. L ’imagination v ien t , pour ainfi dire, au fe -
» cours de cette difette ; elle liipplée, par les images
» & les idées acceffoires , aux mots que 4 a langue
» peut lui fournir ; & i l arrive même , comme
» nous l’avons déjà d i t , que ces images & ces idées
» accelfoires occupent l ’elpnt plus agréablement
» que fi l ’on fe fervoit de mots propres, & que lles
» rendent le difcours plus énergique : par ^exemple,
» quand on dit d’un homme endormi, qu’ i l eft en-
» J'eveli dans le fom m e il, cette Métaphore dit
» plus que fi l ’on difoit Amplement qu’ i l dort. Les
» grecs Jurprirent Troie enfevelie dans le vin &
» dans le fommeil ( Invadunt urbem fomno.vinoque
» fepultam , Æ n . i l • 265 )• Remarquez i ° . q u e ,
» dans cet exemple, Sepultam a un fens tout nou-
» veau & différent du fens propre. z°. Sepultam^
» n’a ce nouveau fens , que parce qu i l eft joint à
» fomno vinoque , avec lelquels i l ne fauroit etre
» uni dans le fens propre 5 car ce n’eft que par une
» nouvelle union des termes que les mots fe donnent
» le fens métaphorique. Lumière n’eft uni dans le
» fens propre qu’avec le feu , le f o l e i l , & les autres
» objets lumineux j celui qui le premier a uni lu -
» mière à e fp r it , a donne à lumière un fens mé-
» taphorique , 8c en a fait un mot nouveau par ce
» nouveau fens. Je voudrois que 1 on put donner
» cette interprétation à ces paroles d Horace ( A r t .
» poét. 47 ) :
» Dixeris egregiè, notum Ji callida verbum
» Reddiderit juncliira novum.
« L a Métaphore eft très-ordinaire 3 en v o iti en-
>5 core quelques exemples. O n d i t , dans le fens
» propre , s^enivrer de quelque liqueur ; & l ’on dit
» par Métaphore y s ’enivrer de p la i f ir s 3 la bonne
» fo r tu n e enivre les f o i s , c’ eft à dire qu’elle leur
» Hit perdre la raifon • 8c leur fait oublier leur
» premier état.
Ne vous enivré'point des éloges flatteur*
Que vous donne un amas de vains admirateurs.
Boileau, Art poét, ch. iv.
Le peuple, qui jamais n’a connu la prudence,
S ’enivroit follement de fa vaine efpérance.
Henrie.de. ch, vij,.
» Donner un frein à fes pajfions, c’eft-a-dife.,
» n’en pas fuivre tous les mouvements, les retenir ,
» les modérer, comme on retient un cheval avc-c le
» frein, qui eft un morceau de fer qu’on met dans
» la bouche d’un cheval. '
» Mèzerai, parlant de l’héréfie , dit qu’il étoit
» néceffàire d’arracher cette fvtginie ( Abrégé de
» l ’hiftoire de France , François I I ) , c’eft à dire,
» cette femence de divifion ,* fi^anie eft là dans
» un fens métaphorique : c’eft un mot grec, ,
» lolium y qui veut dire ivraie , mauvaife herbe
» qui croît parmi les blés & qui leur eft nuifible.
» Zizanie n’eft point en ufage au propre , mais
» il fe dit par Métaphore pour difcorde, méfiant
telligence, divifion y femer la \i\anie dans une
» famille.
» Materia (, matière ) fe d it, dans le fens propre,
» de la fubftance étendue, confidérée comme prin-
» cipe de tous les corps ; enfuite on a appelé ma-
» tière , par imitation & par Métaphore, ce qui
» eft le fujet, l ’argument, le thème d’un difcours ,
» d’un poème, ou de quelque autre ouvrage d’efprït.
» Le Prologue du I. livre de' Phèdre commence
» ainfi :
Æfopus autor quarn materiam reperit,
Hune ego polivi verjibui fenariis ,•
» j ’ai poli la matière , c’eft à dire , j’ai donné
» l’agrément de. la Poéfie aux fables iju’Éfope a
» inventées avant moi. x .
» Cette maifon efi bien riante , c eft a dire,
» elle infpire la gaieté , comme les perfonnes qui
» rient. La fleur de la jeuneffe , le feu da l’amour,
» Paveuglement de l ’efprit, le fil d un difcours ,
» le fil des affaires.
>» C’eft par Métaphore que les différentes clafles
» ou confédérations auxquelles fe réduit tout ce
» qu’on peut dire d’un fujet, font appelés lieux
nt communs en Rhétorique & en Logique, loci.com-
» munes. Le genre , l’efpèce, la càufe, les effets,
» &Çy font des lieux communs , c’eft à dire que
» ce font comme autant de cellules où tout le nt monde peut aller prendre, pour ainfi dire, la
» matière d’un difcours & des arguments fur toutes
» fortes de fujets. L ’attention que l ’on fait fur ces
» différentes clafles, réveille des penfées que l’on nt n’auroit peut-être pas fans ce fecours.^ Quoique m ces lieux communs ne foient pas d?un grand
» ufage dans la pratique , il n’eft pourtant pas
» inutile de les connoître ; on en peut faire ufage
» pour réduire un difcours à certains c^efs : mais
» ce qu’on peut dire fur ce point n’eft pas de m o n
» fujet. On appelle auffi en Théologie , par Ment
taphore y loci theologici, les differentes fources
» où les théologiens puifent leurs arguments. Telles
» font l ’Écriture fainte, la tradition çontenue dans
» les-écrits des SS. Pères , les conciles , ^ tt En termes de Chimie, règne fe d it , par M t-
» taphore, de chacune des trois claffes fous lefr
b quelles les chimiftes rangent les êtres naturels.
» i° . Sous le règne a n im a l, ils comprennent les
» animaux. z ° . Sous le règne v ég é ta l, les végé-
» taux , c’eft à dire, ce qui c ro î t , ce qui produ it,
»» comme les arbres & les plantes. 3°. Sous ,1e règne
» minéral y ils comprennent tout ce qui vient dans
» les mines.
• » On dit auffi par Métaphore , que la Géo-
.» graphie & la Chronologie fo n t les d eux ieitx
>» dé l ’Hifioire. O n personnifie l ’Hiftoire , & on
» dit que ,1a Géographie 8c la Chronologie fon t ,
» à l ’égard de i ’Hiftoire , ce que les^ieux font
» à l ’égard d’une perfonne vivante : par 1 une, elle
» v o i t , pour ainfi dire, le s - lie u x , & par 1 autre,
» les temps ; ç’eft à dire qu un hiftorien doit s ap-
» pliquer à faire connoître les lieux & les temps
» dans lefquels fe font paffés les faits dont i l décrit
» l ’i i i f t o i r e . _
% » Les mois primitifs , d’où les autres font dé-
» rivés, ou dont ils font compofés , font appelés
» racines par Métaphore : i l . y a des Dictionnaires
» où les mots font rangés par racines. O n dit
» auffi par Métaphore , parlant des vices ou des
>> vertus , je te r de profondes racines y pour dire
» s ’ affermir.
» Calus y dureté , du rillon, en latin callum ,
» fe prend fouvent dans un fens métaphorique ;
» labor quafi callum quoddàm obducit dolori ,
» dit Cicéron ( Tùfc. I t , n. 15 , f e c l . 3 6),’ le travail
» fait comme une efpèce de calus à la douleur ,
» c’eft a diré que .le travail nous rend moins fen-
» fibles à la douleur 3 & au troifième livre des
» Tulculanes ( n . 21 , fe c l. 5 3 ) i l s’exprime de
» cette forte : M ig i s mémoverant Corinthifubito
» adfpecloe parietinæ , quam ipfos corinthios ,
» quorum animis diuturna cogitatio callum vert
tufiatis obduxerat ; -je fus plus touché de voir
» tout d’un coup les murailles ruinées de Corinthe ,
» que ne l ’étoient les corinthiens mêmes, aux-
» quels l ’habitude de- voir tous les jours depuis long
» temps leurs murailles abattues, avoit apporté le
» calus de l’ancienneté; c’eft à dire que les co-
» rinthiens , accoutumés à voir leurs murailles
» ruinées , n’étoient plus touchés de ce malheur.
» C ’eft ainfi que ca llere, qui ,.dans le fens propre,
» veut dire avoir des durillons , être endurci ,
nt fignifie enfuite , par extenfion & par Métaphore,
» fa v o ir bien , connoître parfaitement3 en forte
» qu’i l fe foit fait comme un ca lu s^ dans l ’efprit
» par raport à quelque connoiflance. Quo paclo
» J d fieri fo le a t calleo (T e r . Heaut. act. I I I ,
» fi> i j , v. 37 ) 3 la' manière dont cela fe fait a
» fait un calus dans mon efprit 3 j’ai médité fur
» cela ; je fais à merveille comment cela fe fait 3
» je fuis maître pa ffé, dit madame Dacier. I lliu s
» cenfim^ calleo ( id. Adelph. a it . 1V , f c . j. v.
» J? ) : j ai étudié fon humeur, je fuis accoutumé
» a fes manières, je fais le prendre comme i f faut.
» V ile fe dit au .propre de la faculté de voir ,. &
s) par extenfion, de la manière,de regarder les
» objets 3 enfuite on donne, par Métaphore y le nom
» de vûe aux penfées, aux proje ts, aux deffeins :
nt avoir de grandes vues , perdre de vûe une en-
» treprife , n’y plus penfer.
» Goût fc d i t , au propre, du fens par leque l
» nous recevons les impreffions des faveurs. L a
» langue eft l ’organe du goût. A v o ir le g oû t dent
pravé y c’ eft à dire, trouver bon ce que com-
» munément les autres trouvent mauvais, 8c trou-
» ver mauvais ce que les autres trouvent bon. Enfuite
» on fe _ fert du terme de goû t par Métaphore,
» pour marquer le fentiment intérieur dont i ’efprit
» eft affecté à l ’occafion de quelque ouvrage de la
» nature ou de l ’art. L ’ouvrage plaît ou déplaît,
» on l ’aprouve ou on le défaprouve 3 c’eft le
» cerveau qui eft l ’organe de ce goû t-là. L e goût
nt de P a r i s s 3 efi trouvé conforme au goû t d ’A -
» thènes y dit Racine dans fa préface d’Iphigénie 3
» c’ eft à dire -, comme i l le dit lui-même, que les
» fpeëtateurs ont été émus à Paris des mêmes
» çhofes qui ont mis autrefois en larmes le plus
» favant peuple de la Grèce. I l en eft du goû t
» pris dans le Cens figuré, comme dsx g oût pris dans
» le fens propre.
» Les viandes plaifent ou déplaifent au g oû t, fans
» qu’on foit obligé de dire pourquoi : un ouvrage
» d efprit , une penfée, une expreffion plaît ou dé-
» p la î t , fans que nous foyons obligés de pénétrer
» la raifon du fentiment dont nous fommes af-
» feétés»
» Pour fe bien connoître en mets & avoir un goût
m sur , i l faut deux chofes : i° . un organe délicat 3
» z ° . de l ’expérience, s’ être trouvé fouvent dans
» les bonnes tables , & c : on eft alors plus en état
» de dire pourquoi un mets eft bon ou mauvais.
» Pour être connoiffeur en ouvrage d’efprit, i l faut
» un bon jugement, c’eft un préfent de la nature 3
» cela dépend de la difpofïtion des organes : i l faut
» encore avoir fait des obfervations fur ce qui plaît
» ou fur ce qui déplaît; i l faut avoir fu allier
» l ’ étude 8c la méditation avec le commerce des
» perfonnes éclairées : alors on eft en état de rendre
» raifon des règles & du goût.
nt Les viandes & les affaifonnements qui plaifent
» aux uns , déplaifent aux autres ; c’eft un effet
» de la différente conftitution des organes du goût :
» i l y a cependant fur ce point un goût général
» auquel i l faut avoir égard , c’eft à dire qu’ i l
» y a des viandes 8c des mets qui font plus géné-
» râlement au goût des perfonnes délicates. Il en,
» eft de même des ouvrages d’efprit : un auteur ne
» doit pasfe flatter d’attirer à lui tous les fuffrages;
» . mais i l doit fe conformer au goû t général des
» perfonnes éclairées, qui font au fait.
» L e goût y par raport aux viandes , dépend
» beaucoup de l ’habitude & de l ’éducation.-Il en
» eft de même du goût de l ’efprit : les idées exem-
» plaires que nous avons reçues dans notre jeuneffe
» . nous fervent de règle dans un âge plus avancé3
» te lle eft la force de l ’éducation, de l ’habitude,