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O n diftingue les vers grecs & latins , par raport
à la mefure, en quatre fortes ; en vers acatalecli-
q u e s , qui font ceux à la fin defquels i l ne manque
rien 5 en cdialectiques , qui font ceux, à la fin
defquels i l manque une fyliabe ; en brachicata-
lecliques , auxquels i l manqué un pied à la fin ;
& en hÿperciualecliques , qui ont une ou deux
fyllabçs de plus : on les nomme auffi hyperrhè-
tres. Voyè\ '■ A ca t ale c t iq u e , C a ta le c t iq u e .
{ U abbé M a l l e t . )
H Y P E R M È T R E , adj. Littérature. Terme des
Poéfie ancienne. Voye\ H y p e r c a t a l e c t i q u e ;
c’eft la même chofe. Ce mot vient d\'ttey , f u r ; &
/afrpov, mefure. ( A fl ON Y ME. )
( N .) H Y P O B O L E , f. f. C e mot eft grec : Rac.
v-TTo yfub / & ßetWp), ja c io : de là ènc^xw^y fubjicioy
Sc uVo€oâh' , fub jeclio. C ’eft en effet le terme emp
lo y é par' les anciéiïs rhéteurs pour -défîgner la
figure que les modernes appellent fubjeclion. Ce
dernier mot j étant plus'du goût de notre langue ,
& n’ayant d’ailleurs aucune autre lignification qui
puiffe faire équivoque , paroît devoir être préféré.,
Voye-{ S übjection. ( M . B e a u z é e , )
( N . ) H Y P O T Y P O S E , f. f. Efpèce particulière
de defcriptibn , qui a pour objet une aétion, un évènement,
un phénomène , un état, une pafïïon j dont
les circonftances les plus frapantes font rcpréfen-
tées d’une manière vive & énergique.
L e mot grec vTo1.vT«ay/f j exemplar-, vient du verbe
cû,delijito, RR. utt ï ,fu b ; & TV7T9 (o yfiguro - C ’eft
donc une image mife fous les y eu x ; propofita
quoedcim fo rm a r s r um , ita expreffa verbis ut
cerni po tià s videatur quam audiri , dit Quinti-
lien. ( I n f i . orat. I-X. ij. )
Dans Y A thalie dé Racine, Jofabet, racontant la
manière dont elle fauva Joas du carnage , nous
offre un bel exemple de Y Hypotypofe. (T. 2. )
Hélas ! l’ état horrible où le' Ciel me l’o ffrit,
Revient à tout moment effrayer mon efprit.
D e princes égorgés la chambre étoit remplie :
Un poignard à la main , .l’implacable Athalie
A u carnage animoit fes b,arbarés Toldats,
Et ponrfuivoit le cours de fes affa/finats.
3oas , laiffé pour mort, frapa foudain ma vue j
Je me figure encore fà nourrice éperdue,
Qui devant les bourreaux s’était jetée en vain ,
E t fo ib le , le tenoit renvetfé fur fon fein :
Je le. pris tout fanglanty en baignant fon yifage,
Mes pleurs du fenciment lui rendirent l’ufage ;
E t , foie frayeur encore où pour me careiTer ,
D e fes bras innocents je me fentis prefler.*
O n peut voir encore dans la même pièce
( IL 5. ) le fonge d’Athalie,, & dans YÉleclre de
Crébillon ( I . 8. ) celui de Clytemneftre; dans ce tte .
dernière tragédie ( II. 1. ) la peinture effrayante
d’une tempête , & une autre plus abrégée dans la
ïlenr ia de ,.(ch. J.--}. V irg ile ( Æ n . I. 425-440 )
p e in t , dans une belle Hypotypofe, les travaux des
tyriens pour bâtir Carthage ; & dans une autre
( Æ n . II. 26S-2<j7 ) , le fonge d’Enée , où Heéfor
lui apparoît, , l ’exhorte à fuir & à porter ailleurs
les dieux de Troie.
- Si les poètes font pleins d’Hypotypofis admirables
, les orateurs en 011: auffi de très-belles. En
voici une entre mille , prife de Ciçéron; ( In Herr.
de fu p p l. \lxij. 16 1, )
B B S infiammdtus
V errès, ne refpirant que
f i e le re & furore , in
forum venit : ardebant
oculi ; toto e x ore.
crudelitas e minebat.
Exfpec lab an t omnes ,
quo tandem progref-
fu r u s aut qiùdnam de-
turns effet ; quum rep
e n t i hominem p r o -
ripi , atque in fo ra
medio nudari ac deli
g ari y & virgas ex -
pediri ju bet. Clamabat
idle mifer, f e c.ivem ejfe
romanum.
le crime & la fureur ,
vient fur la plàce publique
: i l avoit les yeux étincelants
; tout fon air an-
nonçbit la cruauté. Tout
le monde attendoit où i l en
alloit enfin venir ou quel
parti i l alloit prendre ;
lorfqùe tout à coup i l ordonne
qu’on làififfe l ’homme,
quon l ç dépouille &
qu’on le lie au m ilieu de la
place , & que Ton prépare
des verges. Cependant
le malheureux s’é -
\crioi:, qu’i l étoit citoyen
romain.
On peut regarder comme une Hypotypofe fu-
blimé' de la révolution qui entraine toû r , le bel
exemple d’E xp o lition que j’ai cité fous ce mot
d apres Maifillon. On en trouveroit de très'-beaüx
dans Fléchjer. En voici un de Fénélon( Télém.'XlV) :
« En ce moment Hégéfippe entré , faifît l ’épée
» de Protéfilas, & lui déclare, de la part du roi
» qu’i l va l ’emmener dans Tîlê de Samos. A ces-
» pa ro les , toute l ’arrogance de ce favori tomba,
» comme un rocher , qui fe détache d’une raon-
» tagne efcarpée : l e ' voilà qui fe jette tremblant
» aux pieds d’Hégéfippe ; i l pleure , i l héfite , i l
» bégaie , i l tremble , i l embraffe les genoux de
» cet homme , qu’i l ne daignoit pas une heure
». auparavant honorer d’un de fes regards ». U n
témoin oculaire de cette fcène , l’auroic-il vue plus
nettement & avec plus d’intérêt que dans cette
Hypotypofe ?
Cette figure n’elf pas' rare chez les bons hifto-
rieiis : voyez feulement dans T ite -L iv e ( lib. I. )
le récit du combat des Horaces & des Curiaces j
c’ e â un tableau vivant ; on ne lit point , on
voit les mouvements, on entend les cris des armées,
on partage fuceeflivement leurs efpérances & leurs
craintes.
« I l eft certain que dire fimplement qu’ une v ille
» a été prife d’ âjfaut , c’eft annoncer tout ce
» qu’emporte l ’idée d’un pareil fort ; mais ce mot
H Y S
» fi court ne fait guères d’impreffion. Au côn-
» traire , fi on dèvelope tout ce qui y eft ren-
» fermé, on verra les flammes dévorer les maï-
» f i n s & les temples ,• on entendra le 'fra ca s
» des édifices qui s 3écrouleront, & le bruit confus
» d!une in fin ité de cris différents ,• on f i l a té-
» moin de Vincertitude des uns qui cherchent
» à f u i r , de la douleur des autres qui embraf-
» fient leurs proches pour La dernière f o i s , des
» gémiffements des femmes & des enfants , des
» regrets des vieillards qui ont eu le malheur
» de vivre ju fq u ’à ce jo u r f a t a l ; ajoüte-j-y le
» fa c r é & le profane abandonné au p illa g e ,
» Vempreffement des fo ld a t s q ui emportent leur
» proie pour revenir en chercher une 'autre, les
» prifonniers enchaînés marchant devant leurs
» vainqueurs, une mère fé fa n t tous f i s efforts
» poitr retenir fo n enfant qu on lui enlève , &
» les vainqueurs même qui . en viennent a u x
» mains s ’ ils ' trouvent un meilleur butin à
» emporter. Quoique tout cela foi: compris dans
» l ’idée du f i e , l ’effet eft cependant bien moindre
» à dire la chofe en gros qu’à Texpofër en dé-
» tail ». C ’eft en propres termes une réflexion de
Quintilien ( In f i i t . orat. VIII. iij. ) , & . c’eft une
peinture exacte de l ’utilité de T Hypotypofe, quand
elle eft placée à propos. ( M . B è a ü z é e . )
( N . ) H Y P O Z E U G M E , f. m. Efpèce de
Zëugme , cm Ton n’exprime que dans le dernier
membre de la période , le mot fouS-entendu quoi-
qu’également néceffaire dans les autres. Laffée de
vous foutenir toute feule contre toutes lès attaques
que le monde y que la nature y que votre
propre coeur vous livroit : les deux mots vous
hvroit y exprimés au troifième membre, font fous-
entendus dans le s 'd eu x premiers ; c’eft un H y -
po\eugme. Voyèq Z e u g m e . ( M. B e a u z é e . )
( N . ) H Y S T É R O L O G IE , f. f. Figure de
penfée par cbmbinaifon, qui confifte dans le ren-
verfement de Tordre naturel des penfées. M or ia -
mur y & in media arma rüamus , dit V irg ile
( Æ n . II. 354. ) ; c’eft une Hyfiérologie : en
effet i l n’ eft plus temps, quand on eft mort , de
le précipiter au milieu des ennemis ; mais s’y précipiter
eft un bon moyen pour chercher la mort :
ainfi Tordre naturel des penfées eft ici renverfé.
„ Hyfiérologie eft Compofé de deux mots grecs :
os j P o f i erior, & Ayos, fermo jcorame pour dire,
Hifcours qui énoncé d ’abord ce qui efi le dernier.
Servius, dans fon commentaire fur l ’exemple
que je viens de citer , le qualifie- de uVspo-y.péflspov ; &
nom que les grecs donnôient à cette figure :
i l eft compofé des deux adjeétifs vn^ypofierior ,•
& TrpsTêpof, prlor f c’ zft. à peu près comme nous
; cirions Jens devant derrière.
. Longin regarde Y Hyfiérologie, qu’i l ne nomme
pas , comme une efpèce d’Hyperbate ; & M. de
o . Marc, dans fa 1. Rem. fur la traduction du
H Y S 27 1
ch. 8. du Traité du Sublime par Defpréaux,
adopte cette manière de voir. Autant en fait le
chevalier de Jau court, q u i , après avoir copié ,
fans en avertir , la partie de cette remarque qui
lui fourniffoit , pour Y Encyclopédie , fon article
H ystérologie , renvoie à. i ’article H y perba te;
mais malheurëufement i l n’y en eft pas dit un
mot. C ’èft qu’en effet i ’Hyperbate n eft qu’une
figure de fyntaxe, relative à Tordre analytique des
mots- qui concourent à Texprcffion d’une même
penfée ; au lieu que YHyfiérologie eft une figure
de ftyle par combinaifon, relative à Tordre naturel
des penfées qui concourent à la compofition d’un
même difeours : d’où i l réfulte que ces deux figures
n’ont en effet aucune analogie , & ne doivent pas
être confondues. Mais fuivons la doétrine du commentateur
de Defpréaux & de fon copifle.
« Quintilien, dit—i l , ne nomme nulle part cette
» figure ; & i l la condanne tacitement dans font
», livre ïV . ( & non pas X I . )'ch, ij. quand i l dit e
» Quoedam . . . turpiter converiuntur ; qt f i pepe-*
\» riffe narres , deinde eoncepiffe : . . . in quibus
» f i id quod pofierius efi dixe ris , de priore
» tacere optimum e f i ». ;
C ’eft affez mal employer l ’autorité de Quintilien.
I l parle de la narration néceffaire pour établir
l ’état d’une caufe , & nullement de Tordre ’des
penfées qui conftituent un difeours : c’eft- faire à
Ion texte une violence abforde , que de l ’adapter
ainfi à une chofe fi éloignée du fens naturel en-
vifagé par l ’auteur. Si-je voulois abufer de l ’exemple
, je conclurons d’un autre texte voifin, que Quintilien
donne la préférence à Y,Hyfiérologie fur
l ’ordre_ naturel : car i l commence par dire , Nam.
rie iis quidem accedo, qui femper eo p u ia n t ordine
quo quid aclum f i t effe narrândum ; f e d eo modo
quo expedit. I l ajoute enfuire ,• comme par exception
, Neque ideo tamen non fcepiüs f acéré opor-
tebit ut rerum ordinem fequamur ,- & c ’eft à ce
fujet qù’i i dit, Qucedam vero etiam turpiter con-
v e r t u n t u r &c. Mais remarquez qu’i l dit feulement
queedam, & non omnia ; ce qui feroit encore
laiffer à Y Hyfiérologie un champ affez vafte,
s’i l en étoit effeétivemenc queftion.
« Cette figure , continue, M. de S. Marc ou fon
» copiftë, que nous nommons Renverfement de
si penfée y éft ."très;fréquente chez les poètes à
» qui fouvent la mefure du vers ( la néceffité de
» la rime, le feu de Temlioufîafme ) , & peut-être
» plu$ fouvent encore leur pareffe ( la peine du
» changement , la difficulté d’y remédier ) font
» dire une chofe ayant ce lle qui la doit précéder ,
» la fécondé avant la p rem ière, la plus foible
» avant la- plus forte ; & jufqu’ ici je n’ai guères
»' vu d’endroits -où cela ne fut très-condannable.
» Je n’ éxcepte point de cette cenfure ces trois
» fi connus ( & fi goûtés ) :
« Mais au moindre revers funefle ,
» Le. mafque tombe , l’homme réfie,
» fit le héros s’évanouît.