
nom , l e pronom ,' l 'a d j e c t i f , fition l e verbe , l a pripo- , Y adverb.e , l a .conjonction, & Y interjection
( voyeç ces huit mots ) : l e méehanifme en eft fournis
au x décidons de Y Analogie & de Y Ufdge (vove^
ces. mots ) , qu i rè g len t & fixent le s lo is de la G ram maire.
L e s différentes pa rtie s d'Oraifon ont chacune
une lignifica tion p r im i t iv e , déterminée dans chaque
la n g u e p a r T U fa g e ou par l ’A n a lo g ie . M a is le s
intérêts mêmes du L a n g a g e autorifent qu e lq u efo is
des dérogations apparentes aux' décifîons primitive s
q u i a voient fixé l e fens des mots : ces dérogations
dde’vOiernanifeonnt alo rs des figures , que je nomme Figures ( voye\ F ig u re ) , & q ue le s g ramma iriens
défignent fpécialemen t fous l e nom géné ral de Tropes. Voye\ T rope. ( M. B e a u z é e .)
O raison. Rhétorique. D e toutes le s reflources
q ue peut em p lo y e r l ’o rateu r p ou r p a rle r à l ’im a g in a t
io n & t riompher de l ’e fp r i t , i l n’en eft pas de plus
efficac e que l ’amp lification . ( T o u t ce q u i fuit fe
fa p o r te en effe t au mot A mplification. )
L amp lifica tion eft , fé lo n L o n g in , l ’ac cumulat
io n de toutes le s circonftances & q u a lité s p a rticu
liè re s à l a ch o fe dont on p a r le , prop re ad onner
au di(cours fa jufte étendue & la fo rc e nécefla ire.
O n peut en ‘ effe t ou nommer Amplement une
ch o fe , ou indiquer fucc in& e inent fes attributs , ou
enfin s’ étendre amp lemen t fur la defçription de fes
p ro p r ié té s , de fes e ffe ts, & de fes divers raports.
A in f i , lo rfq u e l'o r a t e u r , après a v o ir dit ce qui
e f t e ffe n c ie i à fon fu je t , y ajou te encore q ue lqu e
ch o fe , pour donner plu s -d ’ étendue , de f o r c e , ou
d e v iv a c ité à l ’idée p r in c ip a le , c ’eft une amp lific
a tio n . S i , pa r e x em p le , l e but de l ’orateur éto it
d’ex citer dans fes auditeurs l ’ idée de la tou te -fcience
de D ie u , la p rôpo fition p r in c ip a le fe réduiroit à
d i r e , Dieu fait tout: s i l ajou te l e p r é fe n t , l e
p a f f é , l e fu t u r , le s évènements rée ls & ceux
q u i ne fon t q ue poffih le s , tou t en un mo t fe pré -
len te difjin&ement à fes ieu x ; i l ne fa it qu’ am p lifie r
l a prem ière idée.
L e s amp lifications appartiennent princ ipa lement
au f ty le p o é tiq u e & o ra to ire ; & c’eft en c e la qu’i l ;
diffère e ffen ciellem en t du f ty le d id ad iq u e des p h i - I
lo fo p h e s . Q u e lq u e fo is un difeours entier , une
p iè c e ' de P o éfie , n’eft qu’une feu le pen fée é c la ircie
& fortifiée par de nombreufes - amp lifications. L a
fep t ièm e ode du premier liv r e d’H o ra c e n’ eft que
l ’amp lifica tion d’une pen fée trè s -fim p le .
L ’art d’amp lifie r fa it donc une pa rtie im p o r tante
de l ’ art du p o è t e , & c’eft prefque la pa rtie
l a plus e f ie n c ie lle a l ’orateur. A - t - i l a p a r le r des
çh o fes connues ? après a v o ir dit clairemen t c e qu’ i l
a à p r o p o fe r , i l h’a q ue la reflource des am jà ifi>
ca tions , p ou r fou tenir fon difeours , pour ex citer
l ’ attention de l ’auditoire , & pour donner aux vérités
q u ’ i l v eut inculquer une én e rg ie vraiment ejlhétique,
q u i remue l e fentiment.
g u a r td on a e x p o fç to u t ç c q u i eft efTçüciel
pour exciter certaines id é e s , pour convaincre ou
pour toucher, i l peut encore refter un double
doute fur 1 effet quon aura produit. Ou l ’auditeur
n a pas encore eu tout le temps de fe livrer affez
aux iiees quon lui a préfentées pour en fentic
toute 1 impreffion , ce qui exige toujours un temps
plus ou moins lon g , fuivant la portée de J l ’auditeur
j ou ces représentations.., malgré leur foli—
dite^ & leur juftelle , manquent encore d’energia
fentimentale, parce qu’elles font trop abftraites,
trop Amples, trop fpéculatives. Dans ces deux cas, I orajteur aura recours à l ’ am p l i f ic a t io n . E lle re-
medie. au premier inconvénient, en arrêtant l ’auditeur
fur_ l ’ idée qui d o i t le fraper; i l a le temps
de s en bien penetrer. L ’orateur n’eft pas dans, le
cas du geometre , a qui i l fuffit, pour démontrer
une verke d a lléguer de fuite les propofitions qui
conduisent a cellé-là. Ici chaque propofîtion, quelque
évidente qu e lle puiffe être en f o i , doit refter
prefente a l ’efprit pendant un certain temps, pour
qu i l en (ente toute la vérité d’une manière intuitive.
Mais ce n eft pas par des pailles fréquentes que
l ’orateur obtiendra ce but; i l faut qu’i l pourfuive
fon difeours : i l n’a donc d’autre moyen de fixer
l ’attention de l ’auditeur fur ce qu’i l vient de lui
dire , que de le répéter d’une autre manière, en
y ajoutant quelques idées acceffoires, qui préfen-
tent toujours la même chofe dans un nouveau jour.
O r c’eft là ce qu’on nomme Am p lifien L a méthode
la plus facile de faire cette - amplification ,
c’eft d’employer la preuve par induftiori; l ’on
accumule un grand nombre de c a s , en choiftffant
ceux qui répandent le plus de clarté fur l ’objet
qu on a en vde. On trouve dans tous les orateurs
de beaux exemples de cette méthode. ' L ’art d’arrêter
l ’auditeur fur une idée principale , jufqu’à
ce qu’elle ait produit tout l ’effet qu’on s’en prom
e t , e ft, fans, çontre^it, un des.premiers talents
de l ’orateur , fans lequel toute la pénétration 6c
la plus grande folidité font en pure perte*
L amplification n’eft pas moins ;nécelfajre dans
le fécond cas dont nous avons p a rlé, lorfque la
notion qu’on veut inculquer eft trop fimple o a
trop abftraite. : c a r , par cette fimplicité, elle eft
dénuée de l ’énergie ejlhétique ; elle n’agit, que
fur l'entendement, 6c ne repiue point les Facultés
de la volonté. Lors donc que la nature du fujet
oblige d’employer des idées (impies & abftraites,
i l faut les répéter à l ’imagination & au coeur par
des amplifications , les renforcer par diverfes idées
acceffoires , & lès préfenter fous de nouvelles
formes plus fenfibles & plus frapantes. Ainfi , après
que Ha ller a dit : jÉternité, q ui peu t terpefureri
i l ajoute par amplification : L a révolution des
mondes e jl un de tes jo u r s , G* la vie de Vhomme
e ji ph de tes moments.
II eft donc évident que la force de l ’élpquence
dépend en grande partie de l ’amplification , & que
fans e lle L difeours le plus folide fera fec & ne
touchera point. On ne faut oit trop y accoutumer
les
le s jetrnes gens qu i s’ exercent à l ’É lo q u en c e ; mais
malheur , à ceux q u i le s in ftru ifen t , s’ ils ne fentent
pas en q u o i confifte la v é r itab le forc e de l ’am p lification
, & s’ ils s’ima ginen t qu’i l fuffife d’a ccumuler
des m o t s , de répé te r la même ch ofe en d’autres
te rm e s , ou de ra fîem b le r une fo u le de circonftances
inutiles ! ( M. Sulzer. )
L e mot Oraifon eft d’une lignifica tion fo r t étendue
, fi l ’on en confidêrè feulement l ’ é tym o lo g ie ;
i l défigne tou te pen fée exprimé e par l e difeours ,
ore ratio exprejfa. C ’ eft dans c e fens qu’ i l eft emp
lo y é par le s grammairiens. I c i i l défigne un d is cours
prép aré a v e c art p ou r op é re r la perfua-
-fion.
I l fau t obferver qu ’ i l y a une grande différence
entre l e ta len t de YOraifon 6c l ’art q u i aide à
l e former. L e ta len t s’a p p e lle Eloquence ,* l ’a r t ,
Rhétorique : l ’ un p r o d u i t , l ’autre ju g e ; l ’ un fait
YOrateur , l ’autre ce qu ’on nomme l e Rhéteur.
T o u t e s le s queftions dans le fq u e lle s la p e r -
fuafion peu t a v o ir l i e u , font du reffort de f É l o q
uen ce . O n le s réduit ordinairement à trois genres ,
dont l e premier eft l e g en re démonftratif; l e fé co n d ,
l e g en re d é lib é ra t if; l e troifïème , l e genre judiciaire
. L e premier a pour objet (u r to u t le p ré fen t;
l e fécond , l ’avenir ; l e t ro ifièm e , l e p a ffé . Q^ns
l e d ém o n ft ra t if, on b lâme , on lo u e ; dans l e délib
é r a t if , on en g a g e à a g ir ou â n e pas a g i r ; dans
l e ju dicia ire , on accufe , on défend.
L e genre démonftratif renferme donc le s panég
y r iq u e s , le s Oraifons fun èbre s , le s difeours académiques
, le s comp lim ents faits aux rois Sc aux
princes , & c . I l s’a g it ffans ces occafions de r e c u e illir
tou t ce qui peu t faire honneur & p la ir e à l a p e r -
foune qu’on lo u e .
D an s l e genre d ém o n ft r a t if , on préconife la
v ertu ; on la ç o n fe i lle dans l e genre d é lib é r a t if , 8c on montre le s raifons p ou r le fq u e lle s on do it
l ’embrafler. I l ne s’a g i t pas , dans l e genre dé libér
a t if , d’é ta le r des grâces , de ch a tou ille r l ’o r e i lle ,
de flatter l ’ima gin ation ; c’eft une É lo q u e n c e de
fcrv ice , qu i rejette tou t ce qu i a plus d é c la t que
de fo lid ité . Q u ’on entende D émo fthène lo rfq u ’ i l
donne fon avis au p e u p le d’Ath èn e s délibérant
s’i l dé clarera la ‘ guerre à P h ilip p e : c e t orateur
eft riche , i l eft p ompeux ; mais i l ne l ’eft que
pa r la force de fon bon fens.
D an s l e genre ju dicia ire , l ’orateur fixe l ’ état
de l a queftion : i l à p ou r ob jet ou l e f a i t , ou .le
d ro i t , ou le nom ; c a r , dans ce genre , i l s’a g i t
toujours d’un t o r t , ou r é e l ou prétendu r é e l.
• M a is ces trois genres ne font pas t e llem e n t fé -
parés le s uns des a u tr e s , qu ’ ils ne fe réunifient jamais.
L e contraire arrive dans prefque toutes le s
O raifons. Q u e font la p lu p a r t des é lo g e s & des
p an ég y riqu es , finoii des exhortations à la v ertu ?
O n lo u e le s Saints 6c les héros pour échauffer notre
coeur ,& ranimer notre fo ib le fle . O n dé lib ère fur
l e ch o ix d’ un Généra l. : l ’ é lo g e de P om p é e déter-
G r am m . e t L i t t Èr a t . Tome II.
minera le s fuffrages en fa faveur. O n p rou ve qu i l
faut mettre Arch ias au nombre des c ito y en s romains
: p ou rqu o i ? p a rc e qu’ i l a un g é n ie q u i fera
honneur â l ’Em p ire . I l fau t déclarer l a g u e re à
P h ilip p e : p o u rqu o i encore ? parce q ue c eft uu
v o ifin dangereux , dont le s forces , fi ou ne le s
arrête , deviendront funeftes â la lib e r té commune
des g rec s. I l n’y a pas ju qu ’au g en re judiciaire
qu i ne rentre en q u e lq u e forte dans l e dé lib ératif ;
p u ifq u e le s ju ges fon t entre la n é g a tiv e 6c l'a ffir m
a tiv e , & q ue le s p la id o y e r s des avo ca ts ne
(ont q ue p ou r fixer leu r incertitude & le s
attacher au p a rti l e p lu s jufte. En un mot ,
l ’honnêteté , l ’u t i l i t é , l ’é q u i t é , q u i fon t les tro is
objets de ces tro is ' genres , rentrent dans l e même
p o in t ; p u ifqu e tou t ce q u i eft v raiment u t ile eft
jufte 8c honnête , & réciproquement : ce n’eft pas
fans raifon q ue que lq u e s rhéteurs modernes ont
pris la lib e r té de regarder comme p eu fondée c e tte
divifion cé lèbre dans la R h é to r iq u e des anciens.
( L e chevalier d e J AU c o u r t . )
O raison funèbre , A r t . orat. des an c ien s .
Difeou r s o ra to ire en l ’honneur d’ un mort. C e s fortes
de difeours femblent «’a v o ir commencé en G r è c e
q u après l a b a ta ille dé Marathon , qu i précéda de
fe iz e ans la mort de Brutus. Dans H om è re on c é lè bre
des jeux aux obsèques de P a t ro c le , comme
H e r cu le a v o it fa it auparavant aux fun éra ille s de
P é lo p s ; mais nu l orateur ne prononce fon é lo g e
funèbre.
L e s po ètes t ra g iq u e s d’A th èn e s fu p p o fo ie n t , i l
eft v r a i , q ue T h e fé e a v o it fa it un difeours aux funéra
ille s des enfants d’OE d ip e ; mais c’eft une pure
flatterie p ou r la v i l l e d’Ath èn e s . E n f in , q u o iq u e
l e rhéteur A na ximènes attribue à S o lo n l ’inv ention
des Oraifons funèbres , i l n’ en ap p o r te aucune
preuve. T h u c yd id e eft le - premier qu i nous p a r le
des Oraifons funèbres des grecs. I l raconte dans
fon fécond liv r e que le s athéniens firent des obfèques
p u bliques à ceux q u i avo ien t été tués au commen cement
de l a guerre du P é lo p o n n è fe . I l d é ta ille
enfuite c e tte fo le n n ité , & dit qu ’après q ue le s o ffe -
ments furent couverts de terre , l e perfonnage le
p lu s illu f tr e de la v i l le , tant eu É lo q u e n c e qu ’en
d ign ité , pa ffa du fépu lc re fur l a tribune , & fit
YOraifon funèbre des c ito y en s q u i é to ient morts
à la guerre de Samos . L e perfonnage illu f tr e qu i
fit ce t ‘é lo g e eft P é r i c lè s , fi cé lèbre par fes talents
dans le s trois genres d’É lo q u e n c e , l e d é lib éra tif ,
l e ju d ic ia ire , & l e démonftratif.
Dans ce dernier g en re , l ’ orateur p o u v o it fay.s
crainte é ta le r toutes le s fleurs & toutes le s richefle s
de la P o é fie . I l s’ a g i f lo it de lo u e r le s athéniens en
g én é ra l fur le s q u a lité s qu i le s diftin gu oien t des
autres p eu p le s de la G r è c e ; de cé léb re r l a vertu
& l e co u ra g e de ceux qu i é to ien t morts pour l e
fe rv ice de l a p a tr ie ; d:’é le v e r leurs e x p lo its au
defius de ce que leurs ancêtres a v o ien t fa it de plus
g lo r ieu x ; de le s p ro p o fe r p ou r e x em p le aux vivants ;