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v e r s . U n Parterre é c la iré le s au ro it avertis qu’ils
n'ont pas p lu s ce d ro it- là , q ue c e lu i de changer
l a pro fe de M o l i è r e , & d’y fubftituer la leu r . )
( M . M a r m o n t e l . )
Moralités. E fp è c e de D ram e . O n repréfen-
to i t le s M o r a li t é s a v e c le s farces & le s lo ttife s.
L e fujet q u e lq u e fo is en é to it pris dans la rîature ,
comme c e lu i de Y E n f a n t p ro d ig u e : mais plu s
fouv ent la F a b le en éto it a llé g o r iq u e , & a lo rs le s
idées l e s p lu s abftraites o u le s p lu s fantaftiques y
éto ien t perfonnifiées 5 c’é to ient la C h a ir , Y E f p r i t,
l e M o n d e , B o n n e c om p a g n ie , J e b o is à v o u s,
A c c o u tum a n c e , P a j f e - t em p s , F r ia n d ife , Ôcc.
D an s la M o r a li t é de YH om m e j u j l e ôc du
M o n d a in , un an g e promenant une âme en l ’autre
monde , lu i fa it v o ir l ’E n fe r , dont v o ic i la de f-
c r ip î io n , un p eu différente de c e lle de l ’Éné ide &
de la Henriade :
En cette montagne & haut roc.
Pendus au croc ,
Abbé y a , & moine en froc i
Empereur, ro i, duc, comte & pape.
Bouteiller, avec fon broc ,
D e joie a poc.
Laboureur aulG ô fon foc >
Cardinal , évêque ô fa chape.
Nul d’eux jamais de là n’ échape.
Que ne les happe
Le Diable , avec un ardent broc.
Mis ils font en obfcure trape j -
Puis fort les frape
Le Diable , qui tous les attrape
Avec fa rappe.,
Au feu les mettant en un bloc.
L a M o r a li t é de Y E n f a n t in g r a t d e vo it être
un e x c e llen t D ram e p o u r l e temps. I l y a de
l ’ inté, ê t , de l a .conduite , & une cataftrophe qu i
devoit fa ire alors l a p lu s terrib le imp re flion. C e t
e n fa n t , J p ou r le q u e l fes p è re & mère fe fon t dép
o u i llé s de leu r s biens-, le s r e ç o it a v e c d u r e té ,
■ lorfque, réduits ! l ’ indigence , i ls v eu len t recourir
à lu i , & le s menace de le s méconnoître s’i l s fe
préfentent de nouveau. A p r è s le s a v o ir chaffés de
c h e z l u i , i l fe m e t à t a b l e , fe fa it ap p o r te r un
p â té ; & comme i l eft p r ê t à l ’ouvrir, fon p ère ,
une fécondé f o i s , v ien t lu i demander l ’aumône. C e
f ils dénaturé l e méconnoît & l e chaffe de fa m a i-
fon . L e dé fe fpoir ..s’empare de l ’âme du p è r e ; i l
f o r t , & rend comp te à fa femme du traitement qu ’i l
a reçu. L ’un & l ’autre prononcent contre le u r fils
le s p lu s ter r ib les malédictions.
L e f i l s , aprè s le - départ du p è r e , v eu t ouvrir
l e pâ té , & à l ’inftant i l en fort un crapaud qui
s’ élance fur lu i & qu i lu i couvre l e v ifa g e . C om m e
perfonne ne peu t l ’en, détacher , on s’adreffe au
curé , à l ’év êq u e ., & enfin au pap e j & comme le
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coupable eft vraiment repentant , le foureraitl
pontife ordonne au crapaud de fe détacher de fa
face. L e crapaud tombe, l ’enfant iugrat recouvre
l ’ufàge de la parole , & , accompagné de fon beau-
père , de fa femme , de fes amis, & de fes domef-
tiques , i l va fe jeter aux pieds de fon père & de
fa mère , & il en obtient fon pardon. O n v o i t ,
par cet exemple , que la M o r a l i t é étoit une leçon
de moeurs, comme fon nom même l ’annonce. Mais
à la fin on s’aperçut du ridicule des allégories qui
étoient en ufage dans la M o r a l i t é . Dans le prologue
Y E u g è n e , Jodelle en fait fentir l ’abus :
On moralife un confeil, un écrit,
Un temps, un tout, une chair , un efprit.
V o j y e i A llégorie. ( M . M a r m o n t e l . )
M O T , f. m. L o g i q u e . G r a m m a i r e . I l y a trois
chofes à confîdérer dans les M o t s pie matériel, l ’étymologie
, & la valeur.
L e matériel'des M o t s comprend tout ce qui concerne
les voix fimpies ou articulées , qui conftituent
les fyliabes qui en font les parties intégrantes j ÔC
C’eftce qui fait la matière des a r t i c l e s V o i x , Sy l labe,
A ccent , P rosodie , L ettres , C onsonne*
V oyElle , Diphtongue b c .
L ’étymologie comprend ce qui appartient à la
première origine des M o t s * à leurs générations
lucceffives ôc analogiques , & aux différentes altérations
qu’ils fubiffent de temps à autre ; & e’eft
la matière des a r t i c l e s Étymologie , Formation
, O nomatopée , Métaplasme • a v e c / e s
e f p è c e s , Euphonie , Racine , L angue. A r t i c l e
i i j , §. 22 , ôcc.
N Pour ce qui concerne la valeur des M o t s 5
elle confîfte dans la totalité des idées qui en eonfti-
tuènt le fens propre ou le fens figuré. Un M o t eft
pris dans le fens propre, lorfqu’i l eft employé pour
exciter dans l ’efprit l’idée totale que im a g e primit
if a eu intention de lui faire lignifier : .& i l eft pris
dans un fens figuré, lorfqu’i l préfente 2 l ’efprit une
autre idée totale à laquelle i l n’a raport que par
l ’analogie dé ce lle qui eft l ’objet du fens p ro p r e »
A in fi, le fens propre eft ^antérieur au fens figuré, i l
en eft le fondement ; c’eft donc lu i qui caraétérife
la vraie nature des M o t s , & le feul par conféquent
cjui doive être l ’objet de cet article. Ce qui appartient
au fens figuré eft traité aux a r t i c l e s Figure,
T rope a v e c l e u r s e f p è c e s -, &c.
L a voie'analytique & expérimentale me paroit,
à tous égards & dans tous les genres , la plus sure
que ptiine prendre l ’elprit humain pour réuflir dans
les recherches. Ce principe, juftifié négativement par
la chute de la plupart des hypothèfes qui n’avoient
de réalité que dans les têtes qui les avôient conçues
, & positivement par les fuccès rapides &
prodigieux de la Phyfique moderne, aura partout
la même fécondité ; & l ’application n’en peut
être' qu’heuteufe , même dans les matières grammaticales.
Le s M o t s font comme les inftrumen&
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de la manifeftation de nos penfées ; des inftruments
ce- peuvent être bien connus que par leurs Services ;
& les Services ne fe devinent poin t, on les éprouvé ,
on les v o i t , on les obferve. Les différents ufages
des langues font donc, en quelque manière , les
phénomènes grammaticaux , de l ’obfervation defquels
f l faut s’élever à la généralisation des principes &
aux notions univerfelles. • --
O r le premier coup d’oe il jeté fur les langues
montre fenfîblement que le coeur ôc 1 e fprit ont
chacun leur langage. Ce lu i du cceur^eit mtpire
par la nature , & n’a prefque rien d arbitraire ;
auili eft-il également entendu chez toutes les nations
, & i l Semble même que les b ru te s qui nous
environnent en ayent quelquefois 1 intelligence j
le vocabulaire en eft cou rt, i l fe réduit aux le uies
interjections, qui ont partout les mêmes radicaux,
parce que lles tiennent à la conftitution phyfique
de f organe.' ( V o y e \ I n t e r j e c t i o n . ) Elles de-
fignent, -dans celui qui s’en Sert, une. affedion,
un Sentiment ; elles ne l ’excitent pas dans l ’âme
de celui qui les entend, elles ne lu i en présentent
que l ’idée. Vous converfez avec votre ami ,
que la goutte retient au lit ; tout à coup i l vous
interrompt par a h i , a h i '\ Ce c r i , arrache par la
douleur, eft le Signe naturel de l ’exiftence de ce
Sentiment dans fon âme , mais i l n’indique aucune
idée, dans fon efprit. Par raport à vous', ce M o t
vous communique-t-il la même affeCtion ? . Non j
vous n’y tiendriez pas plus q u e votre ami , &
vous deviendriez fon écho : i l ne fait naître en
vous q u e l ’ id é e de l ’exiftence de ce Sentiment douloureux
dans votre ami , précisément comme s’il
vous e u t dit , V o i l à q u e j e r e j f e n s u n e v iv e ^ &
f u b i t e d o u le u r . L a différence qu’ i l y a , c’eft
que vous ê t e s bien plus perfuadé par le cri inter-
je é tif, que vous ne le leriez par la propofiiion
froide que je viens d’y fubftituer j ce qui prouve ,
pour le dire en paffant, que cette propofition n’ eft
point, comme, le paroît dire le P. Buifier ( G r a m m
a ir e f r a n ç o i f e , n ° . 163 & 1 6 4 ) , l ’équivalent
de i ’interjeCtion o u f , ni d’aucune autre : le langage
du coeur fe fait auffi entendre au coeur, quoique par
occafion.il éclaire l ’efprit.
Je donnérois à ce premier ordre de M o t s le
nom d’ a f f e c t i f s , pour le diftinguer de ceux qui
appartiennent ' au langage de 1 e fp r it , ôc que je
défignerois par le titre Y é n o n c i a t i f s . Ceux - ci
font en plus grand nombre, ne font que pe,u ou
point naturels , & doivent leur exifténee & leur
lignification à la convention ufuelle & fortuite de
chaque nation. Deux différences purement mate-
térielles , mais qui tiennent apparemment à celles
de la nature même , Semblent les partager naturellement
en deux claffes j les M o t s déclinables
dans l ’une , & les indéclinables dans l’autre. ( V o y e ^
I n d é c l i n a b l e . ) Ces deux propriétés oppofées font
trop uniformément attachées aux mêmes efpèces
dans tous les idiomes , pour n’être pas des fuites
uéceffaiies de l’idée diftinftiye des deux claffes ;
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& i l ne peut être qu’utile de remonter , par l^çxà-
mai analytique dé ces caraftères, jufqua 1 i-çe
effencielle qui en eft le fondement. Mais i l n y
a que la dcclinabilité qui puiffe être l'objet de
cette an a ly fe, parce qu’elle eft pofitive & qu elle
tient à des faits ; au lieu que l ’indéclinabilite n eft
qu’une propriété négati. e , & qui ne peut nous rien
indiquer que par fon contraire.
I. D e s Mots d é c l in a b l e s . Les variations qui
réfultent de la déclinabitité des M o t s , font ce qu’on
appelle en Grammaire les N om b r e s , les C a s ,
les G e n r e s , les P e r f o n n e s , les T em p s , & les
M o d e s . .
i ° . L e s N ombre s font des variations qu i défi-
gnent le s différentes qu o tité s . -( V o jy e \ N o m b r e . )
C ’eft c e l le qui eft la plus un iv e rfe llem en t adoptée
dans les' lan g u e s ., Ôc la plu s conftamment adrnife
dans toute s le s e fpèces de M o t s d éclinables 3 fa -
v o ir , le s .N oms , le s P ronoms , le s A d je c tifs , ôc
le s Ve rb e s . C e s quatre efpèces de M o t s d o iven t
donc avo ir une fign ification fondamentale c om m u n e ,
au moins ju fq u ’a un certain po int : une p ro p r ié té
m a té r ie lle qu i le u r .e f t c om m u n e , fu p p o le n é c e f-
fa irement q u e lq u e cho fe .de commun dans leu r
nature j ôc la nature des fignes confifte dans le u r
fignification. Mais i l eft certa in qu on ne p eu t
nombrer que des êtres j ôc par con fequent i l fenib le
néceffaire de con clure qu e la fign ification fondamentale
, commune aux quatre e fpe c es de M o i s
d é c lin a b le s , confifte à préfenter a 1 e fprit les idees
des êtres , fo it réels fo it ab ftraits, qui peuvent etre
le s objets de notre penfé e.
Cette conclufion n’eft pas conforme, je l ’avoue,
aux principes de la G r a m m a i r e g é n é r a le ( p a r t . I l ,
c h a p . j ) , ni à ceux de M. du Mariais , de M Du-
c lo s , de M. Fromant j elle perd en cela 1 â^ n -
tage d’être foutenue par des autorités d’autant plus
graves , que tout le monde connoît les grandes
lumières de ces auteurs refpeétables : mais enfin
des autorités ne font que, des motifs, & non des
preuves j Ôc elles ne doivent fervir qu a confirmer
des conclu fions déduites légitimement de principes
inconteftables, & non à établir des principes peu
ou point difeu tés. J’ôfe me. flatter que la fuite de
cette analyfe démontrera que je ne dis ic i rien de
trop. Je continue..
Si les quatre efpècçs dé M o t s déclinables pre-
fentent également d l ’efprit les idees des êtres j la
différence de ces efpèces doit donc venir, de la différence
des points de vue fous lefquels elles font
envifager les êtres. Cette conféquence fe confirme
par la différence même des lois qui règlent partout
l’emploi des Nombres relativement à la diverfite des
efpèces, '
A l ’égard des Noms & des Pronoms , ce font les
befoins réels de l ’énonciation , d .apres ce qui exifte
dans l ’efprit de celui qui p a r lé , qui règlent le
choix des Nombres. C ’eft tout autre chofe des Adjectifs
ôc des V ertes ; Üsne prennent les terminailons
Ç c c c z