
L e changement des moeurs & des ufages fait que
l a plupart des auteurs ont befoin de Notes. I l y
auroit peut-être d’aufli bonnes Remarques à faire fur
les modernes que fur les anciens. Les Obfervations
îhiftoriques qu on a. faites , rendent l ’antiquité plus
connue. Le s Réflexions ne fervent le plus fouvent
qu a faire perdre de vue la première penfée. ( L'abbé Girard. ) Voyei Considérations, O bservations,
Héilexions , Pensées , f y n .
( N . ) N U E . N U É E . N U A G E . S y n .
Tous ces mots fe difent dès vapeurs qui s’élèvent
<n l ’a i r , & qui ordinairement, après s’y être con-
denfees , retombent en pluie. Cependant i l éft bien
•■ des cas ou la jufteffe ne permet pas d’employer
indifféremment l ’un pour l ’autre.
I l lemble que Nue marque plus particulièrement
le s vapeurs les plus élevées ; que Nuée défigne
mieux une grande quantité de vapeurs étendues dans
l a i r & promettant de l ’orage ; & que Nuage foit
plus propre a caraétérifer un amas de , vapeurs fort
condenfées.
A in f î, 1 idée de Nue fait penfer à l ’élévation ;
ce lle de Nuée , d la quantité & à l ’orage : & celle
de Nuage , à i ’obïcurké.
O n dit donc d un oifeau, qu’i l le perd dans les
R ues , pour dire qu’i l s’élève fort haut dans là rég
io n de 1 air ; qu’une Nuée s’étend vers la droite ,
pour marquer ce qui eft expofé aux accidents dont
e lle menace ; & qu’un Nuage ne tardera point a
cre ve r, pour indiquer qu’i l eft extraordinairement
condenfe & noir.
. Q p i^ees acceffoires deviennent prefque les principales
dans le fens figuré.
O n d i t , Élever quelqu’un jufqu’aux Nues, pour
®ire,A*.e ^ouer exceffivement : ta ir e fauter quelqu’un
aux Nues , pour dire l ’impatienter, faire qu’i l "s’emporte
: Tomber des. Nues, pour dire , être extrêmement
furpris & étonné, ou quelquefois embarraffé,
comme on l ’eft quand on tombe de haut : Un homme
tombe dés Nues, pour défigner un homme qui n’eft
connu ni avoué de perfonhe 'fur la terre : Se perdre
«tans les Nues, en parlant dé quelqu’un q u i , dans fes
difcours & dans fes rayonnements,,s’ élève de manière
à faire perdre aux autres & à perdre lui-
même de vue le fujet qu’il traite ou ce qu’il a
entrepris de prouver. On voit dominer dans toutes
ces phrafes l ’idée d’élévation, celle des vapeurs a
difparu ; & dans tous cescas, on ne pourroit lè fervir
ni de Nuée j ni de N u a g e , qui ne réveilleroit point
lidée d’élévation que l’on envifage principalement.
.On dit .figutément qu’une Nuée fe forme & ne
tardera pas a éclater, pour faire entendre qu’une
entreprife, un complot, une confbiration, un projet
de punition ou de vengeance , le prépare & n’eft
pas loin de fe manifefter par des effets frappants :
& l ’on dit une Nuée d’hommes , d’oifeaux , d’animaux
, pour une troupe confidérable des.uns ou des
autres. On voit dominer ici l ’idée de la quantité
ou de quelque chofe de finiftre.
Enfin l ’on d it, Un Nuage de pouflîère, pour
marquer l’obfcurciffement de l ’air par la quantité
de pouffière qui y eft élevée' : Avoir ïin Nuage
j devant les yeux, pour défigner quelque chofe que
ce foit qui empêche de voir diftin&ement : & plus
figurément encore, onappell e N u a g e s , les doutes,
les incertitudes, & les ignorances de l’elprit humain.
Ici c’eft l’idée ■ «foblcurité qui eft principalement
envifagée. ( ikf. B e a u z é e . )
(N . ) N U M É R A L , N U M É R IQ U E . Ces
deux adjeétifs marquent également un raport aux
nombres ; c’eft leur lignification commune, qui les
fait prendre par pluiieurs pour des fynonymes parfaits.
Cependant ils ont des différences caraétérif-
tiques, puifqu’on ne pourroit pas dire valeur numérale
, terminaifon numérique, & qu’il faut
dire , valeur numérique, 'terminaifon numérale.
C’eft que ■ numéral indique un raport général
& vague aux nombres ; & numérique, un raport
déterminé à tel ou tel nombre précis. Il y a dans
les langues différentes' elpècés de mots numéraux,
qui expriment des raports aux nombres ; & parmi
ceux-là il y a les articles numériques, qui défignent
' la quotité précife des individus comme un , d eux a
trois, & c . ( M , B e a u z é e , )
O
O , f . m. Grammaire. C ’ eft la q uin z ième l e t t r e ,
& la qua trième v o y e l le de l ’alp h a b e t françois. C e
caractère a été lo n g temps l e fîeul dont les grecs
filfent u fa g e p ou r rep r ifen te r l e même f o n , &
ils l ’a p p e lo ien t du nom même de c e fon. Dans
la fuite on in tiod uifit un fécond caractère £1, afin
d’exprimer par l ’ancien l ’o b r e f , & par l e n o u v e au , Vo lo n g : l ’ ancienne le tt r e O ou o, fut alors nommée
O* jcwxpov, O parvum ,* & la n o u v e lle , £l ou © ,fu t
a p p e lé e & plyat. , O magnum.
N o t r e prononciation diftingu e é g a lem en t un o
lo n g & un o b r e f ; & nous prononçons diverfement
un hôte’ ( hofpes ) , & une hotte ( fporta doffu aria) ;
une côte (' co fta ) , & une cotte ( h a b illem en t de
femme ) ; i l faute ( fa lta t ) , & une fotte ( f t u l t a ) ;
beauté -( pu lchritud o ) , & botté ( ocreatus ) , &c.Cependant nous n’avons pas introduit, deux caractères
p ou r défigner ces deux diverfes prononciations
du même fon. I l nous faudroit doubler tou te s nos
v o y e l le s , puifqu’ e lle s fon t tou te s ou lo n g u e s ou
brèves : a eft lo n g dans cadre , & b r e f dans ladre ;
e eft lo n g dans tête , & b r e f dans . i l tette; i eft
lo n g dans é e , & b r e f dans quitte', u eft lo n g
dans flûte , & b r e f dans culbute ,- eu eft lo n g 'd a n s deux , b r e f dans feu , & plu s b r e f encore dans me, te, de, & dans le s fy lla b e s extrêmes de fenêtre ,* ou eft lo n g dans croûte , & b r e f dans déroute.
J e c r o i s , comme je l ’ ai infinité a illeu r s ( voye-{ L e t t r e s ) , q ue la m u lt ip lic a tio n des le tt re s
p o u r défigner le s différences profod iqu es des fons
n’eft pas tans que lq u e s inconvénients. L e p r in c ip a l
fe ro it d’induire à croire qu e ce n’ eft pas l e même
fon q u i eft repréfenté par le s deux l e t t r e s , parce
il i l eft natu re l de conclu re que le s chofes f îg n iées
fon t entre e lle s comme le s fignes : de là une
p lu s grande obfcurité fur le s traces é tym o lo g iq u e s
des,’ mots ; l e p r im i t i f & l e dérivé pou rroient être
éc rits av ec des le ttre s d iffé ren te s , pa rc e q ue l e
méchanifme des o rgane s e x ig e fouv ent q ue l ’on
ch ange la quantité du rad ica l dans l e dérive.
Ç e n’eft pas au refte q ue je ne lo u e le s grecs
d’ avoir v o u lu peindre exactement la prononciation
dans le u r o rth o grap h e : mais -je penfe q ue le s
modifications ac ce ffoires des fons doivent p lu s tô t
ê tre indiquées par des notes pa rticu lière s ; parce
q u e l ’ enfemble eft mieux an a ly fé , & csn féquem-
ment p lu s c la i r ; & q ue l a même note peut s’adapter
à tou te s le s v o y e l l e s , ce qu i v a à la diminu
tion des carattères & à l a fa c i li té de la l e c ture.
. L ’affinité méchan ique du fon o a v e c tous les
a u tr e s , fa it qu’ i l eft commn able a v e c t o u s , mais
O
plus.ou moins, félon le degré d’affinité qui refaite
de la difpofîtion organique : aiufi, o a plus
d’affinité avec e u , u , & ou , qu’avec a , ê , é , i ;
parce que les quatre premières voyelles font en
quelque forte labiales , puifque le ion en eft modifié
par une difpofîtion particulière des lèvres ;
au lieu que les quatre autres font comme linguales
, parce qu’elles font différenciées entre elles
par une difpofîtion particulière de la langue, les
lèvres étant dans le' même état pour chacune d’elles.
L ’abbé de Dangeau ( O p u fc .p a g .6 z ) avoit infinué
cette diftinCtibn entre les voyelles.
Voici des exemples 'de permutation entre les
voyelles labiales & la voyelle o.
O changé en eu : de mola vient meule ; de
novus , n e u f ; de fo ror , foe u r , qui fe prononce
feu r ; de p o p u lu s , p eu p le , de c o r , coeur.
O changé en u : c’eft ainfî que l ’on a dérivé
humanus ôc humanitas de h&mo ; cuijfe de c o x a ;
cuir de corium ; cuit d e coclus ; que les latins
ont changé en us la plupart des terminai fons des
noms grecs en os; qu’ils ont d it, au raport de Quin-
tilien & de Prifcien, huminem pour hominém, fn in -
des pour frondes , &c.
Au contraire , u changé en o : c’eft par cette
métamorphofe que. nous avons tombeau de tumu—
lu s i comble , de culmen ,* nombre, de numerus ;
que les latins ont dit Hecoba pour Hecuba , colpa
pour culpa ; que les italiens difent indifféremment
foffe ou fu jf e ,fa c o ltà on f a c u l tà , popolo ou.
populo.
O changé en ou : ainfî, mouvoir vient de mo-
vere ,• moulin, de moletrina ; pourceau, de porcus ;
g loujfe r , de glocio ; mourir^ de mori, &c.
Les permutations de l ’o avec les voyelles linguales,
font moins fréquentes ;.mais elles font pof-
fibles, parce que , comme je l’ai déjà remarqué
d’après le prélïdent de Broffes ( art. L ettres ) ,
il n’y a proprement qu’une voix diverfement modifiée
par les diverfes longueurs ou les divers diamètres
du tuyau ; & l ’on en trouve en effet quelques
exemples. O eft changé en a dans d ame, dérivé
de domina : en e dans adversùs , au lieu de quoi
les anciens difoient advorsàs , comme on le trouve
encore dans Térence ; en i dans imber, dérivé du
grec o^Æpoj.
Nous repréfentons fouvent le fon o par la diph-
thongue oculaire a u , comme dans a u n e , baudrier9
caufe , dauphin, fa u f fe té , g a u le , haut , ja u n e ,
laurier, maur , naufrage , pauvre , rauque , fa u -
" teur ,• taupe , vautour : d’autres fois nous repréfentons
o par eau ? comme dans eau , tombeau r