
» Non feulement ces rodomontades étoient into-
» lérables -, mais elles étoient exprimées dans un
» ftyle qui fefoit un énorme çontrafle avec les fen-
» timenrs fi naturels & fi vrais de C-himène & de
» Rodrigue.'
»Toutes ces images bourfoufflées ne commencèrént
» à déplaire aux eiprits bien faits, que lorfqu enfin
» l a politefie de la Cour de Louis X IV apprit aux
» françois que la mode-ftie doit être la compagne de.
» la valeur 3 qu’ i l faut laiffer aux autres le loin de
» nous louer j que ni les guerriers, ni les mi-
» ni lires , ni les rois ne parlent avec emphafe ;
» & que le ftyle bo.urfoufflé ell le contraire du
» ïublirne. '
» On n’aime point aujourdhui qu’Augufte parle
» de l ’empire abfolu qu’i l a fu r tout le monde,
» & de fo n pouvoir fouverain fu r la terre &
» fu r l ’onde. On n’entend plus qu en fouriant Emilie
» dire â Cinna :
» Pour être plus qu’ un, ro i, tu te crois quelque chofe.
» Jamais i l n’y eut en effet à’Exa gé ra tion plus
» outrée. I l n y avoit pas long temps que des
» chevaliers romains des plus anciennes fam ille s ,
» un Septime , un Achillas ,• avoient été aux gages
» de Pcolomée, roi d’Ég yp te. L e Sénat de Rome
» pouvoir fe croire audeffus des rois 3 mais chaque
» bourgeois de Rome ne pouvoir avoir cette pré-
» tention ridicule. O n haïfloit le nom de roi à
» R ome, comme celui de maître ( D ominu s ) ,
» mais on ne le méprifoit pas : on le mépriloit
» fi peu , que Céfar l ’ambitionna, & ne fut tué que
» p o u r l ’avoir recherché. OCtave lu i- même, dans
» cette tragédie , dit à Cinna :
Aujourdhui même encor je te donne Emilie,
» Ce digne objet des voeux deitoute l’Italie,
» Et qu’ont mife fi haut mon amour & mes foins ,
»> Qu’en te couronnant roi je t’aurois donné moins.
» L e difcours d’Émilie eft donc, non feulement
» exa gér é , mais entièrement faux.
» L e jeune Ptolomée exagère bien davantage ,
» lorfqu’en parlant d’une, bataille , qu’ i l n’a point
» vue & qui s’eft donnée à foixante lieues d’A -
» lexandrie, i l décrit des fleu v e s teints de f a n g ,
» rendus p lu s rapides p a r le débordement des
» parricides ; des montagnes de morts privés
» d ’honneurs fuprêmes , & dont les troncs
» pourris exhalent de quoi fa ir e la guerre au
» refie des vivants ; & la. déroute orguéilleufe
» de P om pé e, qui croit que l ’E g y p te > en dépit
» de la guerre, ayant fa u v é le C i e l , pourra
» fau ver la Terre, & pourra p rêter l ’épaule au
» monde chancelant.
» C e n’eft point ainfi que Racine fait parler
» Mithridate d’une bataille dont i l fort :
» Potnpée.a faifi davantage
» D ’ une nuit qui laiffoic peu de place au courage.
» Mes foldàcs prefque nus, dans l’ombre intimidés,
» Les rangs de toutes parts mal pris 3c mal gardés,
» Le défordre partout redoublant les alarmes,
» Nous mêmes contre nous tournant nos propres armes,
>» Les cris que les rochers renvoyoient plus affreux ,
» Enfin toute l’horreur d ’un combat ténébreux :
»> Que pourroit la valeur dans ce trouble funefte?
»> Les uns font morts, la fuite a fauvé tout le relie }
» Et je ne dois la vie , en ce commun effroi ,
» Qu’au bruit de mon trépas que je laiffe après moi.
» C ’eft là parler en homme. L e coi Ptolomée n’a
» parlé qu’en poète ampoulé & ridicule ». ( Quefl.
fu r l ’E n cÿ c l. art. Exagération. )
« D e même que l ’ imagination d’un grand mâ-
» thématicien, dit encore le même auteur ( Ib .
» art. Imagination ) , doit être d’une exactitude
» extrême, ce lle d’un grand poète doit, être très-
» châtiée. I l ne doit jamais préfenter d’images
» incompatibles, incohérentes , trop exagérées, trop
» peu convenables au fiijet.
» Pulchérie, dans la tragédie d’Héraçlius (/. 3), die
» de Phocas :
» La vapeur de mon fang ira grolfir la foudre
» Que Dieu tient déjà prête à le réduire en poudre.
» Cette E xa géra tion forcée ne paroît pas conve-
» nablè à une jeune princeffe, q u i , fuppofé qu’e lle
» ait oui dire que le tonnèré fe forme des exha-?
» laifons de la terre , ne doit pas préfumer que
• » la vapeur d’un peu. de fa n g , répandu dans une
» maifon, ira former la foudre. C ’eft le poète qui
» parle , & non pas la jeune princeffe ». ,
Me fera - 1 - i l permis de dire que ce jugement
me paroît bien rigoureux & peut - être exagéré ?
Pulchérie. ne parle ici de la foudre que métaphcr-
riquemem , comme du fymbole naturel de la vengeance
divine : en la fuppofant inftruite de la
manière dont fe forme le tonnère ,. elle fait très-
bien que le fang de toute une famille ne contribueroit
que bien peu ou peut-être point du tout à la
formation phyfique de la foudre ; mais elle fait
au ffi, & elle donne à entendre, que le fan g ,
même le plus v i l , répandu injuftementprovoqu e
efficacement la vengeance du C ie l , & groffit en
effet la foudre que d’autres crimes ont déjà allumée
: fous ce point de v u e , l ’expreffion de P u lchérie
eft très-belle , & e lle eft même fans E x a g é ration.
O
En général Y E x a g é ra tio n , comme les autres
figures, ne devient vicieufe que par l ’abus : ce lle
du P f . e x i i j . 4. indiquée au commencement par
M. de V o lta ir e , eft de la plus grande beauté ;
& e lle eft en effet dans la bouche du prophète
même. Mais peut - être eft-ce avec plus de raifon
que L a Motte condanne ce vers de Racine :
Le flot qui l’apporta, recule épouvanté.
« On eft choqué, 'dit - il dans fon D i f c . fu r la
P o é f en gén. & fur l ’ Od. en partie. » , devoir
» un homme accablé de douleur, fi recherché dans
» fes termes & fi attentif à fa defeription : mais
» ce même vers feroit beau dans une Ode 5 parce
»que c’eft le poète qui y parle 3 qu’i l y fait
>> profeffion de peindre j quon ne lui fuppôfe
» point de pafîion violente , qui partage fan atten-
» don j & qu’on fent bien enfin , quand il fe fert
» d’une expreffion outrée , qu’il le fait à deffèin ,
» pour fuppléer, par Y Exa géra tion de l ’image ,
» a l ’abfence de la chofe même »'.
I l y a une figure oppofée à ce lle-ci , que l ’on-
nomme Exténu ation : l ’une & l ’autre ont de
l ’affinité avec Y Hyperbole j mais elles ont néanmoins
des caractères qui les en diftinguentr. ( Hoye^
ces mots).
Quelques rhéteurs donnent à Y E xa gé ra tion le
nom d’A u x è fe . Nous préférons le premier de ces
noms, comme plus françois. (M . B e a u z ê E .)
(N.) E X C E L L E R ,Ê T R E E X C E L L E N T .S y n .
E x c e lle r fuppofe une çomparaifon , met • au-
deffus de tout ce. qui eft de la même efpèce , exclut
les pareils, & s’applique à toutes fortes d’objets.
Etre excellent place Amplement dans le plus
haut degré fans mire f ie . çomparaifon, fou fixe des
é g a u x , Sc ne convient bien qu’aux chofes de goût.
A in fi, l ’on di t , que l e Titien a ex c e llé dans le
coloris 3 Michel Ange, dans le deïfin.3 & que Sylvia
e/l excellente âCtrice.
Quelque méchanique que foit un art j les gens
qui y excellent fe font un nom. Plus un mets eft
ex c ellen t, plus i l eft quelquefois dangereux d’en trop
manger. ( L ’ abbé G i r a r d . )
(N.) E X C E P T É , H O R S , H O RM IS . Syhon.
Ces trois mots caraCtérifent également un rapport
de feparation. jExcepté dénote une féparation
provenante de non-conformité à ce qui eft général
ou ordinaire. Hors & Hormis féparênt par exclu-
lion : le dernier eft. d’un ufage moins fréquent,
me paroît plus particulièrement attaché à l ’exclùfion
qui regarde la perfonne.
Aucun homme n’eft exempt de paillon , excepté
le parfait chrétien. L a lo i de Mahomet permet tou t,
hors I t vin. Hormis vous, belle Iris , tout m’eft
indifférent. ( L ’abbé G lR A R D . )
(N.) E X C IT E R , A N IM E R ,E N C O U R A G E R .
Synonymes.
E x c ite r , c eft infpiret le défir ou réveiller la
paffion. Animer y c’ eft ' pouffer à l ’aCtion déjà
commencée, & tâcher d’en empêcher le ralentif-
jement. Encourager y c’eft diïïiper la crainte ou
m timidité par 1 efpérance d’un fuccès facile , &
faire prévaloir le motif de la gloire ou de l ’intérêt,
lur les apparences du danger & fur les frayeurs de la
poltronnerie.
I l eft des âmes., dores, cjue les plus grandes
misères d’autrui ne peuvent exc iter â la générofité
ni même à la compaflion : ,& i l en eft de fi tendres ,
qu’excitées par tous les objets qu’on leur préfentc ,
elles en prennent les impreffions 3 & n’étant véri-
• tablement rien par elles-mêmes , elles font tour à
tour ce qu’on veut qu’elles foient.
Que penfer de ces gens affeCtueux , q u i, offrant
partout leur médiation, ne font qu’animer les parties
les unes contre les autres ?
Rien n encourage plus le foldat que l ’affùrance ,
le propos, & l ’exemple de celui qui commande.
T e l homme eft encouragé par les premiers fuccès 3
& te l autre, par les premières infortunes : je comp-
terois plus fur le dernier. ( L ’ abbé G i r a r d . )
E X C L A M A T I F , IV E , adj. Propre à l ’exclamation.
Un p o in t ex c lam a tif. Une phrafe ex c lu -
mative.
O n appelle phrafe exc lama tiPe, ce lle où il
fe fait réellement quelque exclamation, marquée
par quelqu’une des interjetions ah ! hélas ! ô !
Sec 3 ou par quelque apoftrophe extraordinaire, par
quelque doute fur ce que Io n délire ou que l ’on
craint, &c.
Lufignan, reconnoiflant la croix que Zaïre lui
a remife, s’énonce par une fuite de phrafes e x c la -
matives:
O Ciel! ô Providence!
Mes yeux , ne trompez pas ma timide efpérance!
Seroit-il bien poffible !
On appelle point e x c lam a tif y un figne de
ponctuation qui fe figure ainfi (. ! ) : fa véritable
place eft après toutes les phrafes qui font ou pa-
roiffent être fuggérées par la furprife, la teneur,
la pitié, la tendrefle , ou quelque autre fentiment
affeCtueux que ce puifie être. H . Ponctuation.
{ M . B e a u z é e . )
(N . )E X C L A M A T IO N , f. f. Figure de penfée
par mouvemént, dans laque lle i l fembie qu’on abandonne
tout à coup le difcours diCté par la raifon,
pour fe livrer aux élans impétueux d’un fentiment
v if & fubit qui faifit l ’am e , comme la douleur ou
la jo ie , l ’efpérance ou la crainte , l ’admiration ou
l ’horreur, le défir ou l ’averfion , l ’amour ou la
haîne , l ’indignation, la furprife, 8cc.
C o rn é lie , entendant vanter les regrets & la douleur
de Géfar à la vue des cendres de Pompée ,s’écrie
avec dédain ( Pompée, v . i.~) :
O foupirs! ô refpeft ! ô qu’ il eft doux de plaindre
Le fort d’un ennemi lorfqu’ il n’ eft plus à craindre !
V o ic i , dans l ’Ode facrée de Roufieau , tirée du
P f 90 y une E x c lam a tio n dictée par l ’admiration Sc
par l ’effroi :
Quels effroyables abîmes
S’entr’ôuvrent autour de moi!
Quel déluge de viclimes
S’ offre à mes yeux pleins d’effroi î