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ordinaire l , fuivie des diphthongues ietge, ïeffe ,
zant, ion , iexix , dans lefquelles la voix prépo-
fitive i eft prononcée lourdement & d’une manière
Ires-rapide. V o y e z écrire nos femmes les plus fpi-
ri tu elles & qui ont 1 o reille la plus fenfîble & la
plus délicate $ fi elles n’ont appris d’ailleurs les
principes quelquefois capricieux de notre orthographe
ufuelle , perfuadées que l ’écriture doit
peindre la parole , elles écriront les mots, dont
i l s’agit de la manière qui leur paroitra la plus
propre pour caraCtérifer la fenfation que je viens
d analyfer ; par exemple., fa i lla g e , gentilieffe,
f ém i lia n t , ca rillon, mervélieux > ou en doublant
■ la confonne, f e u il la g e , gentilliejfe , fém iü ian t ,
ea r illio n ., mervéillieux. Si quelques-unes ont remarqué
par hafard , que les deux II : font précédées
d’un i , elles le mettront ; mais elles ne fe
dilpenferont pas d’en mettre un fécond après : c’eft
le cri de la nature qui ne c èd e , dans, le s ■ per-
fonnes iiîftrui tes , qu’à la connoiffancè certaine d’un
ufage contraire , & dont l ’empreinte eft encore
vifible dans l ’i qui précède les deux IL
Dans les mots paille , abeille , vanille y rouille
& autres terminés par l ie , quoique la lettre l ne
fifivie d aucune diphthongue écrite, on y entend
aifement une diphthongue prononcée ie, la même qui
termiue les, mots B la ie ( v ille de Guienne ) , payey
foudroyé, truye. Ces mots ne fe prononcent pas tout,
a fait comme s’i l y avoit p a lleu , abélieu fv a n ilie u ,
roulieu ; parce que dans la diphtho.ngue ieu, la voix
poftpofitive eu eft plus longue & moins fourde que
la voix muette e : mais i l n’y a point d’autre différence
, pourvu qu’on mette dans,là prononciation
la rapidité qu’exige une diphthongue, -
Dans les mots b a i l , v e rm e i l , p é r i l ,. f e u îL , f e n
o u i l , & autres terminés par une feule / mouillée ;
c eft encore la même chofe pour l ’oreille que dans les
précédents : la diphthongue i e y eft fenfîble après
1 articulation l ; mais , dans l’orthographe elle eft
fuppriinee,, comme V e muet eft fupprimé à la fin
des mots b a l , c a r t e l c i v i l , f e t ç l , S a ï n t - P a p o u l ,
quoiqu i l foit avoué par les meilleurs I grammairiens
que toute confonne finale, .fuppO'fç l ’e muet.
V q y e - { R em a r q u e s f u r l a p r o n o n c ia t i o n par M.
Harduin, fecrétaire perpétuel de l'Académie d’Arràs.,
p a g . 41. « L ’articulation, d it- il, frappe toujours
» le commencement jSc jamais la fin de la v o ï x j car il
y> n eft pas poffibiede prononcer, a L p u il.S a n s faire
» entendre un e féminin après7 ; & c'eft.fur cet ~et.
» féminin & non fur V a ou-, fur, V i , que tombe -l’ar-
y> ticulation defignée par l : d’où il s’enfuit, que ce.
» mot t e l , quoique cenfé monofyllabe., eft réelle-;
» ment difyllabe dans la prononciation ; i l le prô^t
» nonce en effet c o m m e . t e l le , avec-, cette feule-diffé-
» rence, qu’on appuie un peu moins fur ,1V féminin
» qui, fans être écrit , termine le premier, de ces
» mots » ... Je l ’ai dit moi-même ailleurs ( a r t . H %,
» qu’il eft de reffence. de toute articulation de
» précéder la voix qu’elle modifie, parce que la voix
» une fois échappée n’eft plus en la dUpofitioh de
L
» celui qui p a rle , pour en recevoir quelque modxfr-
» ‘cation ».
I l me paroît donc affez vraifemblable que ce
qur a trompé nos grammairiens fur le point dont
i l s agit , c e ft l ’inexaCtitude de notre orthographe
ufueiie ; & que cette inexactitude eft née de la
difficulté que i on trouva dans le s commencements ,
a e v k e rd à q s l écriture les équivoques d’expreflion.
Je rifquerai ici un eft ai de correction , moins pour
enconfeiller 1 ufage a perfonne, que pour indiquer
comment on auroit pu s’y prendre d’-abord , & pour
mettre le plus de netteté qu’i l eft pofllble dans,
les idees ; car en fait d orthographe, je fais, comme
le remarque très-fagement M. Harduin ( p a g . 54),
« qu’i l y . a encore moins d’inconvénient à laiffer
» les chofes dans l ’état où elles fon t, qu’à admettre
» des innovations confidérables ».
Dans tous les mots où l ’articulation Z eft
fuivie d’une diphthongue où la voix prépofitive n’eft
pas un e m u et, i l ne s’agirort que d’en marquer
exactement la voix prépontive i après les I I , Sc
d’écrire , ' par exemple feu illia g e , gentilliejfeL
f ém iü ia n t , ear illion, merveillieux,. M il lia u t , &c.
• ‘i ° . Pour les mots où l ’articulation l eft fuivie
de la diphthongue finale ie , i l n’eft pas pofllble
de fuivre fans quelque modification la correction
que l ’on vient d’indiquer ; car fi l ’on écrivoit
p a llie , a b e ille, vanillie , rouille ,. ces termi-
naifons écrites pourroient fe confondre avec celles,
des. mots A thalle , Cornélie , Em ilie ,. poulie-
L ufage de la diérèfe fera difparoître cette équivoque.
O n fait qu’e lle indique la féparation de
deux voix confécutives, & qu’elle avertit qu’elles ne
doivent point être réunies en diphthongue ; ainfi, la
diérèfe fur Ve muet qui eft à la fuite d’u n i , détachera
l ’un de l ’aiitre & fera faillir la voix i j fi Ve
muet final, précédé d’un i , eft fans diérèfe , c’efV
la diphthongue ie. O n écrkoit donc en effet p a llie ,
abeille, v a n illie r o u ille ., au lieu de p a ille -5 abeille ,.
vanille, rouillé, parce qu’i l y a diphthongue ; mais i l
fa'udroit écrite, A thali'é Cornélie , Em ilie , -pou*
lie ,"parce qu’i l n’y a pas de diphthongue.
3°« Quant aux mots terminés par une feule l
mouillée -, i l n’eft pas poffible d’y introduire la.
peinture de la diphthongue muette qui: y" eft fup-
primée j la lime mafeulinë, qui par-là dëviendroit-
féminine, occafionneroit dans notre Poéfie un dérangement
trop, confidérable.,; & la formation des
pluriels, des mots.’ en a i l deviendroit étrangement
irrégulière, %/e muet fe ’fiipprime aifément à la fin,
parce que. la nécefllté. de prononcer l a confonne
finale le ramène nëceffaiçemént: niais on ne peut
pas fupprinief de même fans aucun figiiè la
diphtongue1 ie , parce que rien né forte à l ’énoncer ÿ
l ’orthographe doit donc en indiquer la fùppreffionv
O r on indiqué, par ujie apoftfophe la fuppreffion
d’u.né v o y elle :.uflejdiphthohgüè vaut deux voyêl-les-J
üne double apoftrôph.e, ou plus tôt, afin d’éviter la.
çonfufipn , deux points pofés• verticalement vers le
Haut de la lettre finale / , pourroient'donc devenir
L L i p ?
le fîgne analogique de la diphthongue fupprimée
ie y & l ’on pourroit écrire b a l : , vermeil: , pér
il* y f e u l : j fe n o u l ‘ au lieu de b a i l , vermeil
y. péril y f e u i l , fen o u il.
( L a correCfion que je viens d’indiquer, eft
adaptée aux vues de ceux qui penferoietit, comme
m o i, que ^ ce qu’on appelle le mouillé Fort eft
une l fuivie d’une diphtongue, dont Vi prépo- ,
fu if fe prononce très-rapidement.. Mais fi l ’on
veut regarder l mouillée comme une articulation
particulière , on peut en corriger l ’orthographe
par un autre moyen , que je défîre même
de voir adopter, parce que je le crois conciliable
avec toutes les opinions : c’eft de repréfenter ce
mouillé par II en toute occurence , ainfi que le
font les efpagnols.
Ecrivons donc p o r ta il, vermeil, p é r i ll , l ’ancien
mot Langue d 'o ll , f e u l l , fe n o u il ; au lieu de por- ■
taily vermeil y p é r il y Langue d ’o ll , f e u i l , f e -
fLOUÜ.
Ecrivons auffi m â l l e f évêlle roulle ; au lieu
de maille , f éveille, rouille.
Ecrivons de même emallé, mervélleux , éfeulléy
bo u llon , &c. au lieu de émaillé y merveilleux y
é feu illé y bouillon , &c. -
Remarquez, i °. qu’en prenant la double II comme
un caraCfère fimple pour repréfenter / mouillée,
o n ne fera qu’étendre un ufage que nous avons
déjà adopté dans S u lli après la lettre u , ainfi
qu’après . Vi prononcé dans p illa g e , guenille ,
■ étrillé, p é rilleu x , carillon : c’eft donc fuivre
fimplement l ’analogie.
i ° . : Que nous y foraines aùtorifés par l ’exemple ;
d’une nation voîfîne & raifonnable , qui emploie '
.par tout le même figne en pareil cas; les efpagnols
écrivant ca fe llan o , llamamos, llevar : & °fî on '
alléguoit lu fa g e qui en a décidé chez nous d’une ;
autre minière ; les efpagnols nous apprendroient
encore par leur exemple , que c’eft aux gens de
Lettres a diriger & à reCiifier l ’ufage en fait d’orthographe.
v o y e \ le livre intitulé Ortôgraphia
de la lengua caftellana , compue fa p o r la
real Academia efpanola. Tercera impreffion,
en M a d r id , 1763. vo l. 1 8°.
3°. Qu’en fupprimant Vi non prononcé devant
I l m ou illé e , ce ne fera .que continuer ce que nous
avons déjà commencé. Nous écrivions anciennement
cet i devantg n m ou illé, montaigne, Champaigne ,
compaignon , quoique l ’on prononçât comme
aujourdhtii montagne, Champagne y, compagnon. '
Ge qui avoit amené cet i , c’ eft qu’ancienne ment
on prononçoit ai comme è , puifque Jean Marot
fait rimer compaignes avec enfeignes, & Clément 1*°n fils , Champaigne avec baigne : mais du
moins avons-nous abandonne cet i , depuis qu’on
en a reconnu i inutilité pour la prononciation;
fi ce ri eft que , par une de cës bifarreries qui déshonorent
notre orthographe, nous écrivons oignon ,
f e ig n e u r , enfeigner, que nous ferions ' mieux 4 écrire comme on prononce , ogn on } fég n eu r }
enfégner , & comme nous écrivons rogn on s ,
r ég n ois , imprégner.
4°. Indépendamment des droits de l ’A n a lo g ie ,
qui réclame contre cet i inutile à la prononciation;
la double II employée uniquement & par-tout pour
l mouillée-, nous fauveroit de bien des équivoques.
Par exemple , l ’orthographe ordinaire de cuiller
laiffe du, doute fur la prononciation de la première
fyllab e ; faut-il la prononcer eu ou cui ? Mais
qu’on écrive culler, culleron , culterée, l'équivoque
eft levée Sc le doute difparoît. Les trois mots
f u j i l , f i l , p é r i l , également terminés par i l , fe
prononcent-ils de même? l ’orthographe porteroit
à le croire, & ils ont toutefois trois prononciations
différentes : que l ’on continue d’écrire f u j i l , & i l en
‘fera de.,/ comme des autres confonnes muettes
a la fin des mots plomb , répond y drap , aimer,
d iffu s y fa b o t y d e u x : que l ’on écrive f i l y Sc l ’accent
grave avertira que / doit fe prononcer ;
peut-être feroit-ce bien fait d’étendre cette règle ,
& d’écrire radoàb , Jób y D a v id y Jéxyibèl, Jéru-
fa lèm y examen f o i i g , c à p , d o t , Cérès ÿ &c. : enfin
qu’on écrive.p é r ill au fîngulier , & pérills au plur
ie l ; Sc Voilà toutes les équivoques de ce genre
anéanties. Si une v o y e lle eft fuivie de deux II qui
doivent fe prononcer fans être mou illée s, l ’accent
grave fur la v o y e lle précédente en avertira fuffi-
iamment , & l ’on ne fera point tenté de prononcer
les II dans illufion , intèlligence , fc in t il-
lation y collateur. , comme dans vermillon y mer-
vélle y p ointillage y broullerie. )
Quoi qu’i l en f o i t , i l faut obferver que bien des
gens , au lieu de notre L mouillée , ■ ne font entendre
que la diphthongue ie\ ce qui eft uns preuve
• affurée que c’eft cette diphthongue qui mouille
alors l ’articulation l : mais cette preuve eft un
vice réel dans la prononciation, contre lequel les
parents & les inftituteurs ne font pas affez en garde.
Anciennement , lorfque le nom général Sc
indéfini on Le plaçoit après le verbe , comme i l
arrive encore aujourd’hui ; on inféroit entre deux
la .le tt re / avec une apoftrophe : » celui jour por-
toit l ’on les croix en proceffions en plufieurs lieux
dé France Sc les appeloit l ’on les croix noires ».
Joinville.
Dans le paffage des • mots d’une langue à l’autre
, ou même d’un dialeéte dé la même langue
à un - autre ■ ,1 où dans les formations des
dérivés ou des çompofés, les trois lettres / , r , n
font comniuables entre e lle s , parce que les articulations
qu’ elles repréfentent font toutes trois
produites par le mouvement de la pointe de la
langue. Dans la production de n , la pointe de la
langue s’appuie contre les .dents fupérieüres, afin
de forcer l ’air à paffer par le nez ; dans la production
dé / la pointe de la langue s’élève plus
1 haut vers le palais ; dans la production de
1 r y e lle s’élève dans fes trémoiiffeniènts bruf- 1 qués veis la même partie du palais. V o ilà le 1 fondement des permutations de ces lettres. P u lm o ,
D d d a