
III» L a franfpofition de lettres ou de fyllabes eft
appelée M étathèfe, [xvrt&itris. C ’eft ainfï que nous
«fiions Hanovre pour Hanover.
IV . L a réparation d’une fyllabe en deux eft apÎ
*elée D ié r è je , éietipans : comme aid ai de trois f y i-
abes au lieu d’a u lte , v ita l pour vit ce ; & dans
T ib u lle , dijpoluenda pour dijfolvenda. En françois,
L a i s y nom p ropre, eft de deux fyllabes; & dans
le s frères la is , ce mot n’eft que d’une fyllabe :
& de même Creiife, nom propre de trois fyllabes ;
creufie', adjeCtif féminin, diifyllabe : nous , mo-
nofyllabe ; A n tin ou s , quatre fyllabes , &c.
V» L a contraction ou réunion de deux fyllabes
en une fe fait en deux manières : i° . lorfque deux
fyllab e s fe réuniffent en une fans rien changer dans
l ’écriture, on appelle cette contraction Synérèfe ;
comme lorfqu’au lieu S aureis en tcois fyllabes ,
V ir g ile a dit aureis en deux fyllabes:
Dépendent lychni laquearibus aureis.
Æneid. I. ,730.
20. Mais lorfqu’i l réfùlte un nouveau fon de la
çontraCtion , la Figure eft appelée Crafe , xpao-ts,
c ’efl à dire , mélange, comme en françois Oât
pour A o û t y p an au lieu d € p a on ; & enlatiu/nf/z
pour mihi - ne ?
Ces diverfes altérations, dans le matériel des mots
s’appellent d’un nom général JMétaplafmes , /aîto.-
aa\a.TfMs y tranformatio , de pitra^rxeia-Tw, trans-
fo rm o.
L a fécondé forte de Figur es i qui regardent
le s mots, ce font les Figures de conftruCtion;
quoique nous en ayons parlé au mot C onstruction
, ce que nous en dirons ic i ne fera pas
inutile.
• D ’abord i l faut obferver que , lorfque les mots-
font rangés félon l ’ordre fucceffif de leurs rapports
dans le difcoiirs, & que le mot qui en détermine un
nutre eft placé immédiatement & fans interruption
après le mot qu’i l détermine , alors i l n’y a point
de Figure de conftruCtion ; mais lorfque l ’on s’écarte
de la nmp.licité de .cet ordre, i l y 4 Figur e. V o ic i les
principales,
I. U E llip Je ,%fXu-\is, dereUclio, praetermiffio,
d e feclus y de a s«r« , linquo : a in fi, quand l ’em-
preffement de l ’imagination fait fupprimçr quelque
mot qui feroit exprimé félon la conftruCtion p lein e,
on dit qu’i l y a E llip fe . Pour rendre raifon des
phrafes elliptiques , i l faut les réduire à la çonf-
truCtion p lein e , en exprimant ce qui eft fous-
entendu félon l’analogie commune : par exemple,
qccùfare fu r t i , c’eft accujdre de crimine fü r t i ;
& dans V ir g ile , auos .egç ( Æneid. 1, 135». ) la
conftruCtion e f t , vos quos ego in ditione meâ
teneo. « Quoi I . vous que je tiens fous mon em?
« pire ; vous , mes fujets ; vous, que je pourrons punir,
» vous ofez exciter de pareilles tempêtes fans mon
» aveu » ? A d C a jlo r is , fuppléez cedem : ma-
neo Romce, fuppléez in urbe, comme Cicéron
a dit ; in opp\do A ntiochice; & V irg ile (Æneid,
U li ) cèlfam Buthroti afcendimus urbetrty
paffage remarquable & bien contraire aux règles
communes fur les «méfiions de lieu . E f t
regis tueri fu b d ito s , fuppléez o jfc ium , &c.
I l y a une forte d’Ellipfe qu’on appelle Z e u gm a f
mot grec qui fignifîe connexion , ajfemblage :
c’eft lorfqu’un mot qui n’eft exprimé qu’une fois »
raffemble pour ainfi dire fous lui divers autres mots
énoncés en d’autres membres ou incifes de la période.
Donat en rapporte cet exemple du L u i de VÉnéid.
i 3 ■ *
Trojugena interpres divûm, qui numina Phcebi,
Qui tripodas, Clarii lauros , qui Jidera fentis, '
E t volucrum linguas, & prcepetis omina pennes.
C e troy en, c’efl Hélénus , fils de Priam •&
d Hecube. Dans cet exemple , f e n t i s , qui n’eft
exprimé qu une fois , raffemble, fous lu i cinq incifes
ou i l eft fous-entendu : Q u i fe n t is , id e f t , qui
CQgnofcis numina P h c eb i, qui fe n t is tripod as,
qui f e n t is lauros C la r ïi, qui f e n t is jid e ra , qui
f e n t is ling uas volucrum, qui fen t is ominapennee
prcepetis. V o y e z ce que nous avons dit du Zeu gm a ,
au mot C onstruction. V oy e \ auffi Z eugme,-Hy -
POZEUGME & MÉAZOZEUGMÉ.
II. L e P léon a fm e , mot grec qui fignifîe Surabondance
y *Atoict<rfds} abundantia; nxUcI plenus;
îrÀ6o»a£«, p lu s hàbeo, ahundo. Cette Figur e eft
le contraire de l ’Ellipfe j i l y a Pléonafme lorfî-
qu i l y a dans la phrafe quelque mot fuperflu ,
en forte que le fens n’ en feroit pas moins entendu ,
quand ce mot ne feroit pas exprimé , comme quand
on d i t , Je Vai vû de mes y e u x , j e l ’ a i entendu
de mes oreilles j j ’ irai moi-même ; mes y e u x ,
mes oreilles , moi - même, font autant de P lé o -
nafmes.
Lorfque ces mots , fuperflus quant au fens, fervent
à donner au difçours , ou plus de grâce , ou
plus de netteté, ou plus de force & d’énergie , ils
font une Figure approuvée comme dans les exemples
ci-deffus ; mais quand le Pléonafme ne produit
aucun de ces avantages, c’eft un défaut de f t y l e ,
ou du moins une négligence qu’on doit éviter. V oy e\
Pléonasme & P érissologie.
III. L a Syllepfe ou Synthèfe fert lorfqu’au lieu
de eonftruire les mots félon les règles ordinaires du
nombre, des genres, des c a s , on en fait la conf»
truâion relativement à la penfée que l ’on a dans
l ’efprit ; en un m o t , i l y a S yllepfe lorfqu’on fait
la conftruétion félon le fens, & non pas félon les
mots. C ’eft ainfi qu’Horace ( T. Od. IJ. ) a dit :
F atale monjlrum qv.ee , parce que ce monftre fa-*
t a l , c’étoif Cléopâ tre; ainfi, i l a dit quee relativement
à Cléopâtre qu’i l avoit dan$ l’c fprit, & non
pas relativement à monjlrum. C ’eft ainfi que nous
difons , la plu part des hommes s*imaginent, parce
que nous avons dans l ’efprit une p lu ra lité, & non
le fingulier la plupart. C ’èft par la même F i gure
que le mot de perfonne, qui grammaticalement
eft: du genre féminin, fe trouve fouventfuivi
de i l ou de i ls , parce qu’on a dans l ’efprit Vhomme ou
le s hommes dont on parle. Voye\ Synthèse.
IV . L a quatrième forte de Figure , c’eft i’ i î y -
perbate, c’ eft à dire , con fujion , mélange de mots ;
c ’eft lorfque l ’on s’écarte de l ’ordre fiicceffif des
rapports des mots, félon la conftruétion fimple. En
vo ic i un exemple où i l n’y a pas un feul mot qui foit
placé après fon corrélatif 8c félon la conftruétion
fimple.
Aret ager ; vitio, moriens, Jîtit, atris, herbe.
Yirg. ecl. VII. 52.
L a conftruftion fimple eft ager aret ,• herbu, moriens
præ vitio aëris, J îtit. L ’Ellipfe & l ’Hyperbate
font fort en ufage dans les langues où les mots
changent de terminaifons, parce que ces terminai-
fons indiquent les rapports des mots > & par la
font apercevoir l’ ordre ; mais dans les langues qui
n’ont point de c a s , ces Figur es ne peuvent être
admifes que lorfque les mots fous-entendus peuvent
être aifément fupplécs, & que l ’on peut facilement
apercevoir l ’ordre des mots - qui font tranf—
pofés : alors les E llipfes & les tranfpofîtions donnent
à l ’efprit une occupation qui le natte. I l eft facile
d’en trouver des exemples dans les dialogues , dans
le ftyle foutenu, & furtout dans les poètes. Par
exemple ,, L a vérité a befoin des ornements que
l u i prête l ’im agin ation , Difçours fur Télémaque ;
«on voit aifément que Y imagination eft le fu je t , &
que lu i eft pour à elle.
L e livre fi connu de l’ hiftoire de dom Q uichotte,
commence par une tranfpofition : D a n s une contrée
d ’Efpagne qu on appelle la M a n ch e , v iv o it,
i l n ’y a p a s long temps , un gentilhomme , &c :
la conftruétion e f t , U11 gentilhomme vivoit dans y
£cc. Uoyej Hyperbate.
V . L ’ Imitation. Le s relations que les peuples
ont les uns avec les autres , foit par le commerce
foit pour d’auttes intérêts , introduifent réciproquement
parmi eu x , non feulement des mots, mais
encore des tours & des façons de parler qui ne
font pas analogues â la langue qui les adopte j
,c’eft ainfi que dans les auteurs latins on obfêrve
des phrafes grèques qu’on appelle des H e llén ijm e s ,
q u ’on doit pourtant toujours réduiaf à la conftruc-
•tion pleine de toutes les langues. Fo y e \ C onstruction,
& Hellénisme, HéeraÏsme, G allicisme ,
I diotisme.
V I . U Attraction. L e méchanifme des organes
de la parole apporte des changements dans les
lettres ou dans les mots qui en fuivent ou qui en.
précèdent d’autres 3 c’eft ainfi qu’une lettre forte
que l ’on a â prononcer, fait changer en forte la
douce qui la précède. I l y a en grec de fréquents
(exemples de ces changements qui font amenés
par le méchanifme des organes; .c’efl: ainfi qu’en
la tin on dit allô,qui au lieu S a d -lo q u i, irruere
pour inruere, &c.
D.e même la yùe de l ’efprit tourné vers un certain
m o t , fait fouvent donner une terminaifon fem-
blable a un autre mot qui a relation â celui - là j
c’eft ainfi qu’Horace, dans l ’Art p oétique, a di: , M e-
diocribus ejfe p o ë tis , où l ’on voit que mediocribus
eft attiré par p o ë tis .
O n peut joindre à ces Figur es V A r ch a ifm e ,
âpxuur/AK, façon de parler à l’ imitation des anciens;
àfxatas, antiquus : c’ eft ainfi que V ir g ile
a dit, o lli fubridens pour U li; & c’eft ainfi'que
nos poètes , pour plus de naïveté, imitent quelquefois
Marot.
L e contraire de l ’Archaïfme, c’eft le Néologifme,
c’eft à dire , fa ç o n de parler nouvelle. Nous avons
un Dictionnaire néologique , compofé par un critique
connu , contre certains auteurs modernes qui
veulent introduire des mots nouveaux & des façons
de parler nouvelles &- affeétées, qui ne font pas
confacrces par le bon ufage & que nos bons écrivains
évitent. C e mot vient de deux mots grecs, dos,novust
& aîyosyfermo.
I l y a quelques autres Figures qu’ i l n’eft u tile
de connoître, que parce qu’on en trouve fouvent
les noms dans les commentateurs ; mais on doit
les réduire à celles dont nous venons de parler.
En voici quelques-unes qu’on doit rapporter à l ’H y -
perbate.
1 . U A n a ftrop h e , *y«.rpo$av convertere, ,
vert-o : l ’Anaftrophe eft ie renverfement des mots ,
comme mecum, tecum , yobifeum , au lieu de
cum m e , cum t e , cum vobis ; quam ob rem , au
lieu de ob quam rem; his accenfa fuper . ( V ir g .
Æneid. 1. 23. ) pour accenfa fupe r his . Robert-
fon, dans le fupplémenc de fon Dictionnaire, lettre A ,
dit, dva<7Tpo<p«, inver f i o , prcepojlera rerum f e u ver-
borum collocatio. V oy e \ A nastrophe.
2. Tmefzs, R . rpUa-a, futur premier du verbe
inufité T/ittu, J e co , je coupe : i l y a Tméfis lo r f qu’un
mot eft coupé en deux. C ’eft ainfi que Virg
ile , au lieu de dire , fiubjecla fep tem tr ion i, a dit ,
fieptem fu b je é la trioni ( G eorg. I I I } 3 8 1 .) ,* &
( Æn. v m . 74. ) , i l a dit quo te cumque pour
quocumque te, & c ; quando confiumet cumque pour
quandocumque confiumet. 11 y a plufieurs exemples
pareils dans Ho ra ce, & ailleurs. V o y e^
T m è s e .
3. L a Parenihèfe eft auffi confidérée comme cau-
fant une efpèce d 'H y p e rb a te p a r c e que la Paren-
thèfe eft un fens à p a rt , infère dans un autre donc
i l Interrompt la fu ite ; ce mot vient de irafà, qui
entre en compoütiori, de i n , & de rfâtipi ,
pono. I l y a dans l ’opéra d’Armide une Parenthèfe
célèbre , en ce que le muficien l ’a obfervée auffi dans
le chant ;
Le vainqueur de Renaud ( fi quelqu’un le peut être )
Sera digne de moi.
O n doit éviter les Parenthêfes trop longues, &
les placer de façon qu’elles ne rendent point la