
L e défaut qui accompagne fouvent la F a c ilité
eft la négligence ; elle ne choque p a s , lorfqu e lle
eft l'effet de cet abandon de l ’e fp rit, qui feTaiffe
entraîner au mouvement naturel des fentiments & des
idées. Mais i l ne faut pas croire, comme beaucoup
de jeunes écrivains, que la négligence foie un mérite
; on la pardonne ; mais i l ne faut pas en faire
un objet d’éloge. I l y a peu de négligences heu-
reufesi , & toute négligence eft toujours un défaut.
( L’Édit eur. )
(N.) F A Ç O N S , MAN IÈRES. Synonymes.
I l me femble que F a çon s exprime plus quelque
ehofe d’affeélé, qui tient de l ’etude ou de la minauderie
; & que Manières exprime quelque choie
de plus naturel, qui tient du caraéfcère ou de l ’ed'uca-
tion.
Beaucoup d’hommes ont aujourdhui, comme les
femmes , de petites F a ç on s , pour.fe donner des
grâces ,* & quelques femmes ont pris les Manières
libres des hommes , pour fe diftinguer de leur fexe :
cet échange n’ eft pas à l ’avantage des premiers.
Les Manières de la Cour deviennent F a çon s dans
l a province. ( L ’ abbé G lRARD . )
Le s Manières. & les F a çon s font des aérions &
des mouvements extérieurs , défîmes à marquer les
difpofkions intérieures de l ’ame. ( M . B eauzÉE.)
Lè s Manières font l ’expreffion des moeurs de la
nation ; les F a çon s font une charge des Manières,
ou des Manières plus recherchées dans quelques
individus. Le s Manières deviennent F a ç o n s , quand
elles font affeétées; les F a ç on s font des Manières
qui ne font point générales, & qui font, propres â
un certain caraétère particulier, d’ordipaire petit &
vain. {L e chevalier DE JAUCOUR T.)
Les Manières expriment les moeurs avec vérité ;
les F açon s les expriment fauffement j ou ne lès expriment
point du tout.
I l eft fa g ed e fe défier de quiconque ofe , pour de
légers intérêts, fe mettre au deffus des Manières
nationales; parce qu’i l eft à craindre que, pour un
intérêt plus grand, i l ne fe mette au deffus des
moeurs.
I l eft également fage de ne prendre aucune confiance
en celui qui a trop de F a çon s à lui ; parce
que c’eft une affeélation infidieufe , qui peut fervir
de voile â de mauvaifos moeurs, & qui au moins
déguife les véritables. ( M . B eAUZÉE.)
* F A C T I O N , P A R T I . Synonymes.
( q Ces deux termes fuppofent également l ’union
de plufieurs perfonnes, & leur oppofition à quelques
vues differentes dés leurs : c eft en cela qu’ils
font fynonymes. Mais Faction annonce de i ’aériviré
& une machination fecrette, contraire aux vues de
ceux qui n’eh font point. P a r t i n’exprirne qu’un
partage dans les opinions. ) ( M . B eauzÉE. )
L e terme de P a r t i par lui-même n’a rien d’odieux;
celui de Faction l ’eft toujours.
U n grand homme & un médiocre peuvent avoir
aifément un P a r t i à la C o u r , dans l ’armée , à la
v ille , dans la Littérature ; on peut avoir un P a r t i
par fon mérite, par la chaleur & le nombre de
les amis, fans être chef de Pa r ti. L e maréchal de
Ca tin at,/ peu çonfidéré à la C o u r , s’étoit fait lin
grand P'arti dans l ’armée, fans y prétendre.
U n chef de jPæ??/ eft toujours un chef de Fac tion :
tels ont été le cardinal de R e tz , Henri duc de G u ife ,
& tant d’autres.
U n P a r t i féditieux, quand i l eft encore foib le ,
quand i l ne partage pas tout l ’É ta t , n’eft qu’une
F ac tion . L a Faction de Céfàr devint bientôt un
P a r t i dominant, qui engloutit ia république. Quand
l ’empereur Charles V I difputoit i’Efpàgne à Philippe
V , i l aVôit un P a r t i dans, ce royaume , &
enfin i l n’y eut plus qu’une Faction ; cependant on
peut dire toujours, L e P a r t i de Charles V I . I l n’en
eft pas ainfi des hommes privés. Defoartes eut lon g
temps un P a r t i en France ; on ne peut pas dire qu’i l
eut une Fac tion. ( V o l t a i r e .') •
(®[ C ’eft que les efpagnols qui reftoient attachés aux
intérêts de Charles V 1, le fèfoient ou paroiffoient
le faire en confëquence de l ’opinion qu’ils avoient
des droits de ce prince ; & qu’ils ne machinoient pas
fecrettement, mais qu’ilsagifloient ouvertement contre
fon concurrent. C ’eft précifément la raifon pourquoi
les. amis de Céfar ne formèrent d’ab'o^d qu’une F a c tion
, parce qu’ils étoient obligés de cacher leurs
menées aux yeux du Gouvernement : dès qu’ils furent
fuffifamment en forc e , le fecret devint inutile
& impofïible ; ils formèrent un P a r t i. Defoartes
n’eut jamais de Fac tion, parce qu’i l ne fallut jamais
recourir à des voies obliques ou ténébreufespour être
cartéfîen : cela ne tient qu’a la diverfité des opinions
; mais s’i l s’agit d’opinions théologiques ,. le
P a r t i le moins favorifé & le moins fondé peut aifément
devenir fa c t i e u x , & le devient prefque toujours
; le défir & le hefoin de faire des profély tes conduit
à la Faction. ) {M . B e a u z ÉE .)
F A C U L T É , C f. Hifioire littéraire. I l f e dit
_ des différents corps qui- compofent une univerfité.
I l y a , dans l ’univerfité de Paris, quatre Facultés $
celle des A r t s , ce lle de Médecine, celle de Jurifpru-
dence, & ce lle de Théologie.
(N.) F A D E , IN SIPIDE. Synonymes.
C e qui eft fa d e ne pique pas le goût ; ce qui
eft injipide ne le touche point du tout : ainfi, le
dernier enchérit fur le premier; i l ne manque à
l ’un qu’un degré d5affaifonnement, & tout manque à
l ’autre.
Dans les ouvrages d’efprit., ils font tous les deux
très - éloignés du beau : mais le f a d e , paroiffant
en affeéler & en chercher les g râ c es , déplaît &
choque. ; 1’ infipi de , ne paroiffant pas même le con-
noitre, ennuie & rebute.
A l ’égard de la beauté du fexe , je ne crois pas
qu’ i l y en ait Sinfipide qu’ a ceux qui font d’un
tempérament tout à fait infenfible ; mais on dit une
beauté fa d e , lorfqu’e lle n’eft point animée , &
qu’elle n’a aucun de ces agréments, foit de vivacité
ou de langueur, qui font faits pour réveiller l ’oeil du
fpeétateur. ( L ’abbé G lR A R D . )
( N . ) F A IR E , A G IR . Synonymes.
O n f a i t une chofo ; on ag it pour la fa ir e .
L e mot de Faire fuppofo, outre l ’aétion de la
perfonne , un objet qui termine cette a&ion & qui
en foit l ’effet. Celui- S A g ir n’a point d’autre objet
que l ’aérion & le mouvement de la perfonne, &
peut de plus être lui-même l ’objet du mot Faire.
L ’amoitieux, pour fa ir e réuffir fes projets , ne
néglige rien ; i l f a i t tout agir.
L a fageffe veut que , dans tout ce que nous fe fù n s ,
nous agiffions avec réflexion. [ L ’ abbé G i r a r d . )
(N.) F A L IS Q U E ou P H A L Ï S Q U E , adj. On
cauaélérife par cette dénomination, dans la Poéfie
la tin e, un vers de quatre mefures ou pieds , qui
font les quatre derniers du vers hexamètre : ainfi ,
les deux premiers font indifféremment daétyles ou
fp-ondées ; le troifîème eft daétyle , â moins que
le vers ne devienne fpondaïque comme quelquefois
l ’hexamètre, ce qu’Horace s eft permis une fois 5 le
quatrième eft un fpondée.
■ carminé perpétÜ- 0 c élé- bràré.'
mobïlï-
11 •£^< 11
! ^ 1
maria rïvïs .
cras ïn - gen s ite- ràbïmüs àeqitor.
0 f o r te s p e - jo rd q u é p à f s î .
menfo- rèm co h ï bent àr—. 1 chïtâ. Spondaïque.
L e vers fa lifq u e o k une des efpèces de daétylique
tétramètre : & i l y a apparence que fon nom lui
vient des fa lifqU e s , peuple de l ’ancienne Étrurie,
chez qui fans doute i l prit naiffance, ou dont i l
croit peut-être l ’ efpècefavorite. ( M . B e a u z É E .)
( N . ) F AM E U X , IL L U S T R E , C É L È B R E ,
R EN OM M É . Synonymes.
Toutes'ces qualités marquent la réputation. Mais
ce lle qu’exprime le mot de F am e u x , n’eft fondée
que fur une fimple diftinétion du commun , qui
fait parler du fujet dans une vafte étendue de contrées
& de fîècles , foit que cette diftinétion fe
prenne en bonne ou en mauvaife p a r t , i l n’importe.
C e lle qu’ exprimele mot d’ lllu f t re eft fondée
fur un mérite apuyé de dignité & d’éc la t, qui non
feulement fait connoître , mais qui fait encore
eftimer le fujet & le place dans le grand. C e lle
qu’exprime le mot de Célèbre eft fondée fur un mérite
«le talent, mais de talent d’efprit ou de foience, qui,
fans placer dans le grand & fans fuppofer l ’éclat & la
dignité, fait néanmoins honneur au fujet. C e lle enfin
qu exprime le mot de Renommé, eft uniquement
fondée fur la vogue que donne le fuccès ou le
goût p u b lic , q u i, fans procurer beaucoup d’honneur
au fuje t, le tire Amplement de l ’oubli & rend fon
nom connu dans le monde.
L a pucelle d’O rléan s, décriée chez les anglois ,
eftimée par les françois , eft également fcimeufe
chez l ’une & l ’autre nation. Les princes brillent
pendant leur v ie ; mais ils ne font illujlres dans
la poftérité que par les monuments de grandeur ,
de fageffe , & de bonté qu’ils laiffent apres eux. II
y a dès auteurs célèbres qu’i l n’eft pas permis de •
blâmer , même dans ce qu ils ont de blâmable , fans
faire courir beaucoup de rifque à fa propre réputation.
I l fuffit d’être renommé dans un art ou dans
un métier à Paris , pour y faire bien vite fa fortune.
Fameu x , Célèbre & Renommé fedifent des perfonnes
& des autres chofes; mais ILlttjlre nes’aplique
qu’aux perfonnes, du moins quand on veut être foru-
puleux fur le choix des termes.
Éroftrâte, chez lés grecs, brûla le temple de
Diane pour fe rendre fam eu x ; i l y réuffit plus
par la défenfe que les juges firent de le nommer ,
que par fon aftion : la plupart de nos lib e lle ro n t
le même fort; ils fe tirent de la pouflière & fe
rendent' f 'ameux par un arrêt. L a bataille de Cannes
rendit les carthaginois illujlres■ ,* là journée de Ron-
cevaux ne fit pas le même effet pour les efpagnols
: & ces deux aérions font célèbres dans l ’H i f
to ire , quoique malheureufes pour les peuples qui
en ont confervé la mémoire. Les Gobelins ont été
des teinturiers fi renommés , que leur nom eft demeuré
au lieu où ils travailloient & aux ouvrages
que d’autres ont continués après eux. Je doute que
les vins de Falerne ayent été plus renommés que
ceux de Champagne & de Bourgogne. V oy e \ Ré putation
, C élébrité , Renommée , C onsidération.
( L ’ abbé G i r a r d . )
(N.) FAM IL IE R , È.adj. B elles Lettres. Nous avons
obfe.rve., en parlant de 1’analogie , que dans la
langue ufuelle on devoit diftinguer le Tangage du
peu ple, & celui d’un mondé cultivé & p o li. C ’eft:
du premier qu’eft pris le ftyle bas; c’ eft du fécond
qu’eft pris le ftyle fam ilie r n oble, au deffus duquel
font les différents tons du ftyle é le v é , depuis
le ton févère & majeftueux de l ’H ifto ire , jufqu’au
ton exalté de l’Épopée , & jufqu’au ton prophétique
de l ’Ode.
Entre le populaire & l ’héroïque , entre le bas &
le fublime , i l y a cette reffemblance, que l ’un &
l ’autre abondent en expreffions figurées, hyperboliques
, pleines de force & de chaleur ; parce que
le langage paflionné du bas peuple , comme celui
des héros , eft l ’expreflion immodérée ou des mouvements
de l ’am e , ou des impreflions faites fur
l ’imagination. Du côté ■ du p eu p le , la nature eft
franche & libre ; du côté des héros, e lle eft fière.