
ton f i lle j fort hauteur ?. C ’eft l a même ch o fe du
p léo n a fm e ; le s e x em p le s q uè l ’on en trou v e dans
le s m e illeu r s auteurs ne p rou vent p o in t qu’un
a u tre fo it admiffib le , & ne doivent p o in t empêcher
de rega rder com m e v icieu fe s toutes le s lo cu tio n s
o ù l ’ on en fe ro it un ufage non au torifé : .tels font
tou s le s ex em ples q ue S an d iu s fabrique pour la juf-
tificaîîon de Ion fyftêm e contre le s verbes neutres.
Il faut pourtant avouer que Prifcien femble avoir
autorifé les modernes à imaginer ce complément
qu’il appelle cognatcefignificationis : mais comme
Prifcien lui-même l’avoit imaginé pour fes vues
particulières , fans s’appuyer de l ’autorité des bons
écrivains ; la ferme u’eft pas plus recevable en ce
cas , que fi le latin eût été pour lui une langue
morte.
- J ’ai remarqué un peu plus haut que c’éroit un
vice d’avoir réuni fous la même'dénomination de
neutr es, les verbes qui ne font en effet ni a&ifs ai
paffifs, avec ceux qui'font adifs intranfitifs ; & cela
me paroît évident fi ceux-ci font adifs, on ne doit
pas faire entendre qu’ils ne le font pas , en les appelant
neutres; car ce mot, quand on l’applique aux
verbes , veut dire qui n e f i ni a c t i f n i p a f f if, &
c’eft dans le cas préfent une contradidion màni-
fefte. Sans y prendre trop garde , on a encore réuni
fous la même cathégorie des verbes véritablement
Î'aflîfs, comme tomber , p â lir , mourir, & c . C ’eft
e même v i c e , & i l v ien t de l a même caufe.
Ces verbes paffifs réputés neutres, & les verbes
adifs intranfitifs , ont été envifagés fous le même
afped que ceux qui font effectivement neutres ; parce
que ni les uns ni les autres n’exigent jamais de
complément pour préfenter un fens fini : ainfi, comme
on dit fans complément, D ieu ex ifie , on dit fans
complément au fens ad if, ce lièvre cou roit, & au
fens paffif, tu mourras. Mais cette propriété d’exiger,
ou de ne pas exiger un complément pour la
plénitude du fens, n’eft point du tout ce qui doit
faire les verbes adifs , paffifs, ou neutres : car comment
auroit-on trouvé trois membres de divifion
dans un principe qui n’admet que deux parties con-
iradidoires ?
L a v é r ité eft donc qu ’on a confondu le s id ées ,
& qu’il falloir envifager les verbes concrets fous
deux afpeds généraux qui en auroient fourni deux
divifions différentes.
La première divifion, fondée fur la nature générale
de l’attribut, aüroit donné les verbes adifs, les
verbes paffifs, & les verbes neutres : la fécondé,
fondée fur la manière dont l ’attribut peut être énonce
dans le verbe, auroit donné des verbes abfolus
& des verbes relatifs, félon que le fens en auroit
été complet en fo i, ou qu’i l auroit exigé un complément.
A in f i , amo & curro fon t des verbes a d i f s , parce
q u e l ’attribut qui y e ft énoncé eft une a d io n du fujet :
mais amo e f t r e la t i f , pa rc e q u e l a plénitu de du
e x ig e un com p lém e n t , p u ilq u e , quand on a im e , I
on aime quelqu’un ou quelque chofe; au contraire
curro e f t 'a b fo iu , parce que le fens en eft comp
let , par la raifon que l ’adion exprimée dans ce
verbe ne {>orte fon effet fur aucun fujet différent de
celui qui l ’a produit.
Am o r & pereo font des verbes paffifs, parce
que les attributr qui y font énoncés font, dans le
fujet, des impreffions indépendantes de fon concours :
mais amor eft relatif, parce que la plénitude du
fens exige un complément qui énonce par qui l ’on
eft aimé ; au contraire/?*?/™ eft abfolu, par la raifon
que l ’attribut paffif exprimé dans ce verbe eft fuffi*
famment connu indépendamment de la caufe de
l ’impreffion. Voye\ Relatif.
Les verbes neutres font effenciellement abfolus,
parce^ qu’exprimant quelque état du fuj'et, i l n’y a
rien à chercher pour cela hors du fujet.
Les grammairiens ont encore porté bien plus loin
1 abus de la qualification de neutre à l ’égard des
verbes, puifqu on a même diftingué des verbes neutres-
a c tifs & des verbes neutres-pajjifs ; ce qui eft une
véritable antilogie. I l eft/vrai que les grammairiens
n ont pas prétendu par ces dénominations défigner
la nature des verbes , mais indiquer fimplement
quelques câraéteres marqués de leur conjugaifon.
« De ces verbes neutres, dit l ’abbé de Dangeau
» ( Opufc. p a g . 187. ) , i l y en a quelques-uns qui
» forment leurs parties compofées.. . par le moyen
» du verbe auxiliaire avoir, : par exemple , f ai
» couru , nous avons dormi. I l y a d’autres verbes
» neutres qui forment leurs parties compofées par
» le moyen du verbe auxiliaire être : par exemple ,
» le s verbes ven ir , arriver ; car on d i t , j e f u i s
» v en u , & non pas j ’ a i venu.') ils fo n t arrivés,
» & non pas ils ont arrivé. Et comme ces verbes
» font neutres^ de leur nature, & qu’ils fe fervent de
» l ’auxiliaire erre, qui marque ordinairement le paffif,
» j e les nomme des .verbes neutres-paffifs . . . .
» Quelques gens même -font allés plus loin &
» ont donné le nom de neutres-actifs aux verbes
» neutres qui forment leurs temps compofés par
» le moyen du verbe a v oir, parce que ce verbe avoir
» eft celui par le moyen duquel les verbes adifs,
» comme ch anter, battre , forment- leurs temps
» compofés. C ’eft pourquoi ils difent que dormir,
» q u i fait f a i dormi, éternuer qui fait f a i éterri
n u é , font des verbes neutres-actifs ».
Sur les mêmes principes on a établi la même
diftindiôn dans la Grammaire latine , fi ce n’ eft
même de là qu’elle a paffé dans la Grammaire
françoife : on y appelle verbes neutres-actifs ceux
qui fe conjuguent à leurs prétérits comme les verbes
ad ifs ; dormio , dormiVi, comme audio , audivij
& l ’on appelle au contraire neutres ■p a ffifs , ceux
qui fe conjuguent à leurs prétérits comme les verbes
paffifs , c’eft à dire, avec l ’auxiliaire fum & le prétérit
du participe ; ga ud eo, g a vifus fum ou f u i .
Voye-[ P articipe.
Ü a i s o u t r e J.a c o n t r a d i c t io n q u i f e t r o u v e e n t r e
le?
les dfiûx tèrmes réunis dans la même dénomination,
ces termes, ayant leur fondement dans la nature in-
trinfèque des verbes, ne peuvent fervir, fans incon-
fiéquence & fans équivoque, à défigner la différence
des accidents de leur conjugaifon. S’il eft im po rtant
dans notre langue de diftinguer ces différentes espèces,
i l me femble qu’i l fuffiroit de réduire les verbes à
deux conjugaifons générales; l ’une où les prétérits
fie for mer oient par l ’au x ilia ire avoir, & l ’autre où
ils prendroient l ’auxiliaire être : chacune de ces
conjugaifons pourroit fe divifer , par raport à la
formation des temps fimples , en d’autres efpèces
fubalternes. L ’abbé de Dangeau n’étoit pas éloigné
de cette v o ie , quand i l expofoit la conjugaifon des
verbes par ferions ; & je ne doute pas qu’un partage
fondé fur ce principe ne jetât quelque lu mière
fur nos conjugaifons. Voye\ P a r a -
PIGME.
A u refte, i l eft important d’obferver que nous
avons .plufieurs verbes qui forment leurs prétérits,
ou par l ’auxiliaire a v o i r , ou par l ’auxiliaire ê t r e :
tels font c o n v e n i r y d em e u r e r , d e f e e n d r e , m o n t e r ,
p a j f e r , r e p a r t i r ; & la plupa rt, dans ce cas , changent
de fens en changeant d’auxiliaire.
^ C o n v e n ir , fe conjuguant avec l’auxiliaire a v o i r ,
f ig n ïü é ê t r e c o n v e n a b le : S i c e la //i ’ a v o i t c o n v
e n u , j e V d u r c i s f a i t ; c’eft à dire , f i c e la
m a v o i t é t é c o n v e n a b le . Lorfqu’i l fe conjugue avec
l ’auxiliaire ê t r e , i l fignifie a v o u e r ou c o n f e n t i r : V oui Êt e s c o n v e n u d e c e t t e p r em iè r e v é r i t é , c’eft à
dire, v o u s a v e \ a v o u é c e t t e p r em iè r e v é r i t é ; I l s
s o n t c o n v e n u s d e l e f a i r e , c’ eft à dire, i l s o n t
c o n f ie n t i à l e f a i r e .
D em e u r e r fe conjugue avec l ’auxiliaire a v o i r
quand on veut faire entendre que le fujet n’eft
plus au lieu dont i l eft queftion, qu’i l n’y .étoit
plus , ou qu’i l n’y fera plus dans le temps de
l ’époque dont i l s’agit : IL a d e m e u r é l o n g t em p s
à P a r i s , veut dire qu’r/ n ’y e f i p l u s ; J’a v o i s
d e m e u r é f i x a n s à P a r i s Iq r fq u e j e r e t o u r n a i
e n p r o v in c e . I l eft clair qu’ alors j e n ’y é t o i s p l u s .
Quand i l fe conjugue avec l ’auxiliaire ê t r e , i l
fignifie que le fujet eft encore au lie u dont i l
eft queftion, qu’i l y é to it , ou qu’i l y fera encore
dans le temps de l ’ époqu e dont i l s’agit : M o n
f r è r e e s t d e m e u r é à P a r i s p o u r f i n i r f ie s é t u d e s ,
.c’eft à dire , qu’i/ y e f l e n co r e ; M a foe u r é t o i t v
d e m e u r é e 1 R h t im s p e n d a n t l e s v a c a n c e s , c’ eft à
dire , qu’ e l l e j y é t o i t e n c o r e .
Les trois verbes de mouvement defeendre, monter
, pajfer, prennent l ’auxiliaire avoir quand on
exprime le lieu par où fe fait le mouvement : Nous a v o n s m o n t é o u d e Nous s c e n d u les degrés ; a v o n s p a s s é par la Champagne après
.a v o i r p a s s é là Meufe. Ces mêmes verbes prennent
l ’auxiliaire être , fi l ’on n’exprime pas le nom
«u lieu par où fe fait le mouvement, quand même
on exprimeront le lieu du départ ou le terme du
jnouvèment : Votre fils é t o i t d e s c e n d u quand
<xRAm m . B T L lZ T É R A Ï '. ’ Tem IJ.
vous êtes monté dans ma chambre ; Noire année
Ét o it p a s sé e de Flandre en A l fa ce.
Repartir fignifie répondre , ou partinune fécondé,
f o i s ,• les circonftances le font entendre : mais dans
le premier fens i l forme fes prétérits avec l ’auxiliaire
avoir ; I l a r e p a r t i avec e fp r it, c’eft à
dire, i l a .répondu : dans le fécond fens il prend à
fes prétérits l ’auxiliaire être ; I l est r e p a r t i promptem
en t, c’eft à dire, i l s ’en e fi a llé.
L e verbe périr fe conjugue a fiez indifféremment
avec l ’un ou lau tre des deru: auxiliaires : Tous ceux»
qui étaient fu r ce vaijfeau ont p é r i ou sont
p é r is .
O n croit affez communément que le verbe aller
prend quelquefois l ’auxiliaire avoir', &c qu’alors
i l emprunte é té du ver ht être': l ’abbé Regnier le
donne à entendre dé cetlè forte ( Gramm. franç»
in - i z , pag. 389'). Mais c’eft une erreur : dans
cette phrafe , J ’ ai été à Rom e , on ne fait aucune
mentionv-du verbe a lle r , & elle fignifie littéralement
en latin f u i Romce ; fi elle rappelle l ’idée
d1 a lle r , c’eft en vertu d’une métonymie , ou , fî
vous voulez , d’une métalepfe du conféquent qui
réveille l ’idée de l ’antécédent , parce qu’il faut
antécédemment aller à Rome pour y être , St y
être a llé pour y avoir été. ( Voye^ Ai ler). Ce n’eft
donc pas en parlant de la conjugaifon , qu’un grammairien
doit traiter du choix de l ’un de ces tours
pour l ’autre ; c’eft au traité des tropes-qu’i l doit en
faire mention. ( M. B e a u z é e . ) .
N O B L E S S E , f. f. S e lle s - S e t très. Il y a f rois-
mille ans qu’Homère a défini mieux que perfonne
la Noblejfe po litiqu e , fon objet , fes titres, fa fin,
lorfque dans l ’Iliade ( lib . x i l ) . Sarpédon dir à
Glaucus : « A m i , pourquoi fommes-nous- révérés
» comme des dieux dans la L y c ie ? pourquoi p o ffé-
» dons-nous le s plus fertiles terres. & recevons-nous
» les premiers honneurs dans les feftins ? G’eft pouc
» braver les plus grands, périls Sc pour occuper au
» -champ de Mars Tes premières places; c’eit pour
» faire dire à nos foldats , De tels princes font dignes
» de commander à la L y c ie ».
C ’eft d’après cette idée d’élévation dans les fen-
timents, & d’après les habitudes qu’e lle fuppofe,
que s’eft formée l ’idée de Noble jfe dans le langage.
U es âmes fans eeffe nourries de gloire & de vertu,
doivent naturellement avoir une façon de s’exprimer
analogue à l ’élévation de leurs penfées. Les objets
vils & populaires ne leur font pas affez familiers
pour que les termes qui les repréfentent foient de
la langue qu’ils ont aprife. Ou ces objets ne leur
viennent pas dans l ’e ip r it , ou fî quelque circonp
tance leur en préfentè l ’idée & les o b lig e a l ’exprimer
, le mot propre qui les défigne eft cenl’é
leur être inconnu ; 8c c’eft par un mot de leur
langue habituelle qu’ ils y îuppléent. V o ilà le ca-
raftère primitif du langage & du ftyle iioble : orç
fient bien qu’i l a dû varier dans fies degrés & dans
0 o 0 o