
» qui commencent par thr, indiquent un violent
» mouvement ; par w r , une action oblique , qui
» n’eft pas droite; par c l , une liaifon , une adhé-
» rence : i l fait voir de même que le Ion des
» terminaifons en plufieurs noms s’accorde avec ce
*> qu’ils lignifient. Chacun peut faire de pareilles
» remarques fur les langues qui lui font connues ;
w & ^ *es & ufc faire quand on s’en veut rendre
» maître, qu’on veut les aprendre & s’en fervir. Ainfi,
» ce que nous difons ici eft de conféquence, quoiqu’il
» ne le paroiffe pas ».
Perfonne n a mieux fenti que le préiîdent dé
Brofles 1 importance des remarques de ce genre.
W a llis n’en avoit qu’un petit nombre , & c’étoit
déjà beaucoup qu’i l eut obfervé ces faits dans fa
langue maternelle ; i l avoit même effayé de remonter
à l ’o rig in e, mais i l s’étoit contenté d’af-
figner quelques mots g rec s , latins , italiens , ou
françois , conftruits de même & lignifiant à peu
près la même chofe. Notre favant magiftrat, dans
f ° n Traite de la form ation méchanique des
langues , a porté fes vues jufqu’à la caufe primi-
i i v e , qui a deftiné certaines conlonnes ou certains
affemblages de confonnes, à peindre , dans toutes les
langues & indépendamment de tout emprunt, certaines
qualités ienfibles.
__tf_Par exemple, dit-il , pourquoi la fermeté &
» la fixité font - elles le plus fouvent défignées
»> par le caractère f i ? pourquoi le caractère f i eft-
» i l lui -même l ’interjection dont on fe fert pour
» faire relier quelqu’un dans un état d’immobi-
» lité ? »
«"siAa, colonne ; repetf, fo lid e , immobile ; rtîpà ,
f ié r ile , qui demeure conflaniment fa n s f r u it ;
ir*ptÇw , j ’ affermis y j e fo u tiens ,• voilà des exemples
grecs : en voici de latins ; fiar e , f i ip s , f iu -
pere , f tu p id u s , ftam tn y fiagnum ( eau dormante ) ,
ftellcB ( étoiles fixes ) , firenuu s : & en françois ,
f ia b l e , état ( autrefois efiat de f ia tu s ) , efiime ,
con fifian ce , ju f ie (in jure flans ) , &c.
« Pourquoi le creux & l ’excavation font-ils mar-
» qués par f c ? md.Wta , t^xcLiAa , fo u ir cxctopn j
» e fq u i f ; feu tum , fea tu r ir e , fea b ie s , fe y p h u s ,
» fculpere , ferobs , feru ta r i ; écuelle ( ancienne-
» ment efcuelle ) , fearifier , fcàb r eu x , fcu lp -
» ture ».
Écrire (autrefois ejerire ) vient de feribere ,* &
1 on lait qu’anciennement on écrivoit avec une
forte de poinçon qui gravoit les lettres fur la' cire
dont les tablettes étoient enduites ; & les grecs,
par la meme analogie , appeloient cet inftrument
ocapep ts.
« Leibnitz, a fi bien fait attention a ces fingu-
» larités, qu’ i l les remarque comme des faits conf-
» tants : i l en donne plufieurs exemples dans fa
» langue. Mais quelle en pourroit être la caufe ?
*> C e lle que j’entrevois ne paroitra peut-être pas
» fatisfelante ; favoir, que les dents étant la plus
» immobile des parties organiques de la v o ix , la
» plus ferme des lettres dentales, le t , a été
» machinalement employée pour défigner la fixité ;
» comme pour défigner le creux & la ca vité , on
» emploie le k ou le c , qui s’opère vers la g o rg e ,
» le plus creux & le plus cave des organes de la
» voix. Quant à la lettre f , qui fe joint volon-
» tiers aux autres articulations , elle ell i c i , ainfi
» qu’elle ell fouvent ailleu rs, comme un aug-
» mentatif plus marqué, tendant à rendre la peinture
» plus forte ».
Comment la lettre ou la conforme f produit-
elle cet effet ? C ’ell que la nature' de cette articulation
confiflant à intercepter le fon fans arrêter
entièrement l ’a i r , elle opère une forte de
fifflement qui peut être continué & prendre une
certaine durée. A in fi, dans le cas où elle ell fuivie
de t , il femble que le mouvement explofif du
fifflement foit arrêté fubitement par la nouvelle
articulation ; ce qui peint en effet là fixité : &
dans le cas où i l s’agit de f c , le mouvement de
fibilatîon paroît défigner l ’aélion qui tend à creufer
& à pénétrer profondément, comme o n - le fent
par l ’articulation k , qui tient à la racine^ de la
langue*
« N , la plus liquide de toutes les lettres , ell
» la lettre cataélériftique de ce qui agit fur le l i -
» quide : no , vaî/s , navis , navigiumÿ vtcpoj, nzr-
» bes , n u a g e , ôte.
» DemêmeyZ, compofé de l ’articulation labiale
» fifflante f ôc de la liquide / , ell affeélé au fluide,
» foit igné , foit aquatique , foit aérien, dont i l
» peint affez bien le mouvement; flamma , f lu o ,
» f ia tu s y fiu c ïu s , &c ; cpAo£ , flamme ; «pAs^, veine
» où coule le f i n g ; ytejlüo'i, fleuv e brûlant d ’en-
» f e r ; ôte : ou à ce qui peut tenir du liquide par fa
» mobilité ; en anglois f l y ( mouche & voler ) , f l ig t
» ( fuir ) , &c.
» Leibnitz remarque q u e , fi 1 f y ell jo in te ,
» s i y y efi diffipare , dilatare , S L , efi dilabi
» vel labi cum receffit : i l en cite plufieurs exem-
» pies dans la .lan g u e , auxquels on peut joindre
» en anglois flid e ( gliffer ) , f lin k ( s’échaper ,
» s’évader) yflip ( g liffer, c o u le r ) , &c.
» On peint la rudeffe des chofes extérieures par
» l'articulation r , la plus rude de toutes. 11 n’èn
» faut point d’autre preuve que les mots de cette
»> efpèce; rude, âpre , âcre, roc, rompre y râc ler,
» irriter y ôte.
» Si la rudeffe eft jointe à la cavité, on joint
» les deux caraélériftiques; feabrofus. Si la rudeffe
» ell jointe à l ’échapement, on a joint de même
» deux caraélérilliques propres ; frangere , brifer,
» brèche y " lis , [ph ur ou phour) c’ell à dire ,f r a n -
i) gere. On voit par ces exemples , que l ’articula-
» tion labiale , qui peint toujours la mobilité ,
» la peint rude par fra n g e r e , & douce par fluere.
» La même inflexion r détermine le nom des
» chofes qui vont d’un mouvement vite accompagné
» d’une cy ta ine foree^ rapide, ravir > rouler,
f
» r a c le r y rainure, ra ie , rota , rheda , ruere, 8tc.
„ Auffi fert - e lle fouvent aux noms des rivières
» dont le cours ell violent ; R h in , R h ô n e , E r i-
» d an us , Garonne y R h a ( le V o lg a ) , Ar.axesy
» &c. > • , 1 1 H
» V a lo r e ju sy dit Henfélius en parlant de cette
n lettre, erit egreffus rapidus & vehemens, tre-
v mulans & firepidans ; hinc etiam affert affec-
» tum vehementem rapidumque. O e il la feule
» obfervation raifonnable qu’i l y ait dans lefy llême
* abfurdc que cet auteur s’eft formé fur les pro-
» priétés chimériques qu’i l attribue à chaque let-
» tre . . . »
Toutes ces remarques, Ôt mille autres que 1 on
pourroit faire & jullifier par des exemples fans
nombre, nous montrent bien que la nature agit
primitivement fur le langage humain, indépendamment
de tout ce que la réflexion, la convention,
©u le caprice y peuvent enfuite ajouter : & nous
pouvons établir comme un principe, qu’i l y a de
certains mouvements des organes appropries a de-
figner une certaine claffe de chofes de même efpece
ou de même qualité. Déterminés par differentes
circonftànces , les hommes envifagent les chofes
fous divers afpeéls; c’ell le principe de la plus
grande différence de leurs idiomes : fen e flra ( du
grec çai'vw , briller , luire ) exprimoit chez les
fatins I ainfi qi^e notre mot fenêtre qui en eft tiré ,
le paffage de la lumière ; v en ia n a , en Efpagne ,
défîgne le paffage des vents ; ja n e lla y en langue
portugàife, marque une petite porte; croifee, en
françois , indique une ouverture coupée en quatre
par une croix; partout c’eftau fonds la même chofe ,
euvifagée ici par fon principal u fag e, là par fes
inconvénients, ailleurs par une relation accidente
lle de reffemblance, chez nous par fa forme.
Mais la chofe une fois v u e , l ’homme , fans convention
, fans s’en apercevoir, forme machinalement
fes mots le plus femblables qu’ il peut aux
objets lignifiés. C’ eft à peu près la conclufîon du
préfident de Brofles , qui continue ainfi :
« Publius - Nigidius , ancien grammairien latin
( i l étoit contemporain de Cicéroa ) , » ppuffoit
» peut-être ce f^ftême trop loin/, lorsqu'il vou-
» lo it l ’appliquer pour exemple aux pronoms-per-
»> fonnels, & qu’i l remarquoit que , dans les mots
» ego ôc nos , le mouvement organique fe fait
» avec un retour intérieur fur. foi-même , au lieu
» q u e , dans les mots tu Ôc vos , l ’ inflexion fe
» porte au dehors vers la perfonne à qui on s’adreffe.
» Mais i l eft du moins certain qu’i l a rencontré
» julle dans la réflexion générale qui fuit. Nomina
v> verbaque, non pofitu fo rtu ito , f e d quâdam
» vi y ratione natures fa c ta effe P u b liu s -N ig i-
s> dius in grammaticis Commentants docet ,* rem
» fa n é ni. philofophiæ differtatïonibus celebrem.
» Quæri enim fo litum apuâ philofophos , <pv<rti
» tet o’vd^ttTct f u i t y % .( naturâ nomina fin t , an
» impofitione ) : in eam rem milita argumenta
* dicit y car videri p o jjin t verba effe naturalia
» m a g i s q u a m a r b i t r a r ia . . . . . N a m f i c u t t
» ( inquit ) q u u m a d n u im u s b a b n u im u s , motus^
» q u id a m i l l e v e l c a p i t i s v e l o c u lo r u m à n a t u r â
» r e i q u am - f i g n i f i e a t n o n a b h o r r e t ; i t a i n v o -
» c i b u s q iia f e g e f l u s q u id a m o r i s & f p i r i t â s n a -
» t u r a l i s e f i . E a d e m r a t io e f i in g roe c i s q u o q u e
» v o c ib u s q u a m e f f e i n n o f t r i s a n im a d v e r t im u s .
A u l. G e ll . x . j v .
» Qu’on ne s’étonne donc pas de trouver des
» termes de figure & de qualification femblables
» dans les langues de peuples fort différents les
» uns des autres , qui ne paroiffent avoir jamais
» eu de Communication enfemble». Toutes les nations
fontinfpirées par le même maître, & d’ailleurs
tous les idiomes descendent d’une même
langue primitive ( V o y e ^ L angue) : c e ft affez
pour établir des radicaux communs à toutes le s
langues poftérieures, quoique ce ne foit pas affez
pour en conclure une liailon immédiate. Ces radicaux
communs prouvent que les mêmes objets
ont été vus fous les mêmes afpeéls , ôc nommés
par des hommes femblablement organifés : mais la
même manière de conftruire eft ce qui prouve
l ’affinité la plus immédiate , furtout quand elle fe
trouve réunie avec la reffemblance des mots radicaux.
( M .B e a u z é e . )
* O P É R A , f. m. B e l l e s - L e t t r e s , M u f i q u e .
Poème dramatique chanté.
Sur un théâtre où tout eft prodige , i l paroît
tout fimple que la façon de s’exprimer ait fon
charme comme tout le refte : le chant eft le merveilleux
de la parole. Mais à un fpeélacle où tout
fe paffe comme dans là nature & feion la vérité
de l ’Hiftoire , par quoi fommes nous préparés à entendre
Fabius y Régulus , Thémiftocle , Titus ,
Adrien, parler enchantant ? Que diroit-on f i , fur
la Scène frauçoife , on entendoit Augufte , C o r -
n é lie , Agrippine , ou Brutus , s’exprimer ainfi ? Les
italiens y font habitués, me direz-vou s. Ils ne
peuvent l ’être au point de s’y plaire. Ils ont perdu
leur Tragéd ie, & n’en ont point fait un bon O p é r a .
Dans les fujets qu’ils ont pris , le merveilleux du
chant ne tient à rien , n’efl fondé fur rien. Mais
i l y a plus : ces fujets même ne font pas faits
pour la Mufique. L e moyen de conduire, de nouer,
& d e dénouer, enchantant , des intrigues auffi compliquées
que celles d’Apoftolo-Zen o , qui quelquefois
, Comme dans l ’Andromaque, enlace dans
un feul noeud les incidents & les intérêts de deux
de nos fables tragiques ? L e moyen de chanter avec
! agrénfent des conférences p olitique s, des haran-
I eues , 6-c ? Métaftafe eft plus concis, plus rapide
que Zeno ; mais tous les fàcrifices qu’i l lui en a
coûté pour s’accommoder à la Mufique, n’ont pu
changer la nature des chofes. A u ffi, quelque préci-
fion que Métaftafe ait mife dans la Scène, on l ’abrège
encore , & c’eft la mutiler.
U n poème eft plus ou moins analogue à l a ‘