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L a facilité avec laquelle on a confondu les
'Adverbes & les Conjon&ions, femble indiquer d’abord
que ces deux fortes de M o t s ont quelque chofe
Je commun dans leur nature $ & ce que nous venons
de remarquer en dernier lieu met la chofe
hors de doute , en nous apprenant que toute la
lignification de l’Adverbe eft dans la Conjonction,
qui y ajoute de plus l ’idée de liaifon entre des
proportions. Concluons donc que l e s C o n jo n c t i o n s
f o n t d e s Mots q u i d é j ig n e n t e n t r e l e s p r o p o f i t i o n s
u n e l i a i f o n f o n d é e f u r l e s r â p o n s q u e l l e s o n t
e n t r e e l l e s .
D e la la diftinétion des Conjonctions en copula-
t iv e s , adverlatives, disjonCtives, explicatives , périodiques
, hypothétiques, conclufives , caufatives ,
tranfitives, & déterminatives , félon la différence des
iaports qui fondent la liaifon des propofitions.
Les Conjonctions copulatives & , n i , ( & en latin
o*, a c , a t q u e , q u e , n e c , n e q u e ) , défîgnent entre
des propofitions lemblables une liaifon d’unité , fondée
fur leur fimilitude.
Les Conjonctions adverlatives m a i s , q u o i q u e ,
( & en latin f e d 3 a t , q u a m v i s , e t f i , &c ) , défignent,
entre des propofitions oppofées à quelques égards,
une liaifon dunité, fondée fur leur compatibilité
intrinsèque.
Les Conjonctions disjonCtives o u , f o i t , ( v e , v e l 3
a u t , f e u , J iv e ) , défignent entre des propofitions
incompatibles une liaifon de ch o ix, fondée fur leur
incompatibilité même.
Le s Conjonctions explicatives f a v o i r , ( q u r p p e ,
n em p e , n im i r u m , f c i l i c e t , v id e l i 'c e t ) , défignent
entre les propofitions une liaifon •d’identité, fondée
fur ce que l ’une eft le dèvélopement de
l ’autre.
Les Conjonctions périodiques q u a n d , lo r fq u e
( q u a n d o ) , défîgnent.entre les propofitions une liai—
Ion pofitive d’ exiftence, fondée fur leur relation à une
même époque. .
Le s Conjonctions hypothétiques f i 'Jinon [ ( f it
n i f i , f i n ) , défignent entre les propofitions une
liaifon conditionnelle d’exiftence, fondée fut ce que
la féconde eft une fuite de la première.
L e s Conjonctions conclufives a i n f i , a u [ f i , d o n c .,
p a r t a n t , ( e r g o , i g i t u r , & c ) , défignent entre les
propofitions une liaifon néceffaire d’exiftence, fondée
fur ce que la fécondé eft renfermée éminemment dans
la première.
M O T
Le s Conjonctions caufatives c a r 3p u i f q u e , ( n a n t i
e n im , e t e n im , q u o n i a m , q u ia ) , défignent entre
les propofitions une liaifon néceffaire d’exiftence,
fondée fur ce que la première eft renfermée éminemment
dans la fécondé.
Les Conjonctions tranfitives o r , ( a t q u i , a u t em 5
&c ) défignent entre les propofitions une liaifon
d’affinité , fondée fur ce qu’elles concourent à une
même fin.
Les Conjonctions déterminatives q u e , p o u r q u o i ,
&c( q u o d , q u a m , q u um , u t , c u r , q u a r e , &c ) ,
défignent entre les propofitions une liaifon de détermination
, fondée fur ce que l ’une, qui eft incidente ,
détermine le fens vague de quelque partie de l ’autre,
qui eft principale.
O n v o it , par ce d é ta il, la vérité d’une remarque
de l ’abbé Girard ( r o m . u y p u g . z? 7 ) ,
« que les Conjonctions font proprement la partie
» fyftématique du difoours, puifque c’eft par leur
» moyen qu’on affemble les phrafes , qu’on l ie
» les fens , & que l ’on compote un T ou t de plu-
» fieurs portions, q u i, fans cette efpèce , ne p a -
» roifroient que comme desr énumérations ou des
» liftes de parafes , & non comme un ouvrage
» fuivi & affermi par les liens de l ’analogie ».
C ’eft précifément pour cela que je divife la claffe
des M o t s indéclinables en deux ordres de M o t s ,
qui font les fupplétifs & les difeurfifs : les Adverbes
& les Prépofitions font du premier ordre, on en
a vu la raifon ; les Conjonctions font du fécond
ordre, parce qu’elles font les liens des propofit
io n s , en quoiconfifte la force, l ’âme, & la vie du
difoours.
Je vas rapprocher dans un tableau raccourci
les notions fommaires qui réfultent du détail de
Tanalyfe que nous venons de faire.
Cettp feule expofition fommaire des différents
ordres de M o t s eft fuffifànte pour faire apercevoir
combien d’idées différentes fe réunifient dans la
lignification d’un feul M o t énonciatif : & cette
multiplication d’idées peut aller fort loin , fi on y
ajoûte encore celles qui peuvent être défignées par
les différentes formes accidentelles que la décii-
nabilité peut faire prendre aux M o t s qui en font
fufoeptibles ,• telles que fon t, par exemple , dans
a m a v e r a t , les idées du mode, du nombre, de
la perfonne , du temps ; & dans ce lle du temps ,
les idées du raport dexiftence 4 l ’époque , & du
raport de l ’époque au moment de la parole.
M O T M O T
S Y S T È M E f i g ü r i d e s e fp è c e s d e Mots.
A F F E C T I F S .
Cn
H
O
1
I n t e r j e c t i o n s .
É N O N C I A T I F S
M
BQ
3
r ÇO, fe I N o M S .
- w f K
f
R O N O M S ,
H H A d j e c t i f s ,
Sz
t 2 g
ƒ fubftantifs.
1 abftr aCtifs.
{propres. . M
appeiialifs,
fd e la Irc perf.
< de la IIe perfonne.
(.de la IIIe perfonne.
{phyfiques.
métaphyfiques.
ç fubftantif o u abftrait.
9*1
M Cq ‘
S
O
K
V e r b e s ,
P r é p o s i t i o n s ,
{
(^adjeCtifs o u concrets
3. apcatfiïfisfs. .
A d v e r b e s ,'
Ç de temps.
[ de lieu.
J d’ordre,
j de quantité.
| de caufe.
(_de manière.
Ç copulatives.
[I adverfatives. disjonCtives.
explicatives.
) périodiques.
C o n j o n c t i o n s , ^ hypothétiques.
" conclufives.
caufatives.
tranfitives.
^déterminatives.
Cette complexité d’idées renfermées dans la lignification
d’un même M o t , eft la feule caufe de
tous les malentendus dans les arts , dans les
fciences , dans les affaires, dans les traités p o litiques
&- civils ; c’eft l ’obftacle le plus grand qui
fe préfente dans la recherche de la vérité , &
l ’inftrument le plus dangereux dans les mains de
la mauvaife foi. On devroit être continuellement
en garde contre les furprifes de ces malentendus ;
mais bn fe perfuade au contraire que , puifqu’on
parle la même langue que ceux avec qui l ’on
traite , on attache aux M o t s les mêmes fens qu’ils
y attachent eux-mêmes ; in d e m a l i l a i e s .
Les philofophes préfentent contre ce mal une
foule d obfervations folides, fubtiles, détaillées ,
mais par là même difficiles à faifir ou à retenir :
:je n’y connois qu’un remède, qui eft le réfultat>
de toutes les maximes détaillées de la Philofophie :
E x p l i q u e - ^ o u s a v a n t t o u t , avant d’entamer
une difeuffion ou une difpute, avant d’avouer
un principe ou un fa it , avant de conclure un aéle
ou un traité. L ’application de ce remède fùp-
pofe que l’on fait s’expliquer , & que l ’on eft en
état de diftinguer tout ce qu’ une faine Logique
peut apercevoir dans la lignification des M o t s ; ce
qui prouve , en pafiant , l ’importance de Tétude
■ Je la Grammaire bien entendue l 8c l ’injuftice ainfi
que le danger qu’i l peut y avoir à n’en pas faire
affez de cas.
O r i ° . i l faut diftinguer dans les M o t s la
lignification objective & la lignification formelle.
L a lignification objective, c’eft l ’idée fondamentale
qui eft l ’objet individuel de la lignification du M o t , &
qui'peut être défignée par des M o t s de différentes
efpèces : la lignification form e lle, c’eft la manière
particulière dont le M o t préfente à l ’efprit l ’objet
dont i l eft le ligne , laquelle eft commune à tous les
M o t s de la même efpèce , & ne peut convenir à ceux
des autres efpèces.
L e même objet pouvant donc être fignifîé par
des M o t s de différentes efpèces, on peut dire que
tous ces M o t s ont une même lignification objective
, parce qu’ils repréfentent tous laj même idée
fondamentale j mais chaque efpèce ayant fa manière
propre de préfenter l’objet dont i l eft le
ligne , la lignification formelle eft néceffaire ment
différente dans des M o t s de diverfes efpèces , quoiqu’ils
puiflent avoir une même lignification objective.
Communément ils o n t , dans ce cas , une
racine générative commune, qui eft le type matériel
de l ’idée fondamentale qu’ils répréfentenî
tous j. mais cette racine eft accompagnée d inflexions
& de terminaifons , q u i , en déngnant la diverlité
des efpèces, caraftérifent eu même temps la fign^