
n en acquièrent de nouveaux , & ce n*eft guère
que par les tours qu’elles s’enrichiffent.
Plulïeurs mots employés par V irg ile étoient
déjà vieillis du temps de Sénèque. L a Langue
de Racine vieilliroit a u f l i & fe corromproit peut-
être bientôt, fi une inftitution inconnue aux romains
ne v e iilo it à en maintenir les r ic h elfes &
la pureté : ce dépôt eft confié à l ’Académie
fra fl^ o iife .
Les L a n g u e s , comme les lo is , doivent toujours
être rappelées au principe dont elles émanent. L a
nôtre d o i t , aux ouvrages du génie , fa force & fon
abondance ; e lle doit à la grande fociabilité de
la nation une partie de fes grâces : mais c’ eft à
la communication réciproque des gens du monde
ëc des gens de Lettres, qu’e lle doit fon véritable
caractère j & c’eft à leur affociation feule , qu’elle
peut devoir la confervation de fes avantages.
Pour prévenir la èorruption du langage , i l
f a u t . connoitre la nature & la fource des alté-
rarations qu’y amène le cours irréfiftible des
chofes.
I l n’ y a point de force qui puiffe fixer une
Langue au point’ où e lle fe trouve j c’eft le feul
objet où l ’autorité n’ait point de prife. L ’Hiftoire
nous apprend qu’i l étoit plus aifé- à un empereur
romain de nommer fon cheval confiai, que de faire
un mot latin.
L a puiffance qui produit les révolutions du
langage eft une puiffance fecrè te, fouvent aveug
le , déterminée par des befoins momentanés ,
plus fouvent par des caprices inexplicables 5
cette p u i f fa n c e réfide dans cette portion de la f o -
ciété qui , par un effet de nos moeurs , donne
l e ton a toutes les autres.
Souvent une fauffe délicatefle p r o f c r i t une ex-
preffion , parce que le fon blefife un peu l ’o-
rê ille , ou- qu’e lle rappelle quelque idée a c c e fo
foire dont le goût s’offenfe ; plus fouvent un
mot difiparoîty fans qu’on en puiffe afligner la
caufe.
D ’un autre côté , le défaut de' précifion dans
les idées , l ’igndrance des étymologies & des principes
| l ’inattentioiî avec laque lle on parle &
l ’on écoute dans le monde , fait qu’on dénature
la Véritable acception des mots , fouvent les plus
importants } abus d’autant plus dangereux , qu’i l
tend à confondre lés idées en corrompant le langage*
; . M e . WÊÈm
Enfin, cette a f f e c t a t io n fi commune parmi nous,
cette petite ambition de . fe diftinguer par le langag
e quand, on ne peut fe diftinguer par fon
e s p r i t -, fait hafarder fouvent des c x p r e f f io n s -&
des .tournures , q u r , adoptées fans réflexion dans
quelques fociétés diftingüées , font faifies avidement
par le peuple, imitateur des Grands , & fi-
niffent quelquefois par prendre racine dans la Langue.
C ’eft aux bons écrivains fans doute a maintetùi' ?
par leurs ouvrages, la pureté de la L a n g u e , & à
défendre le bon goût contre les innovations de
quelques auteurs, à qui i l ne manque que du génie
pour avoir de l ’originalité , qui prennent pour de
l ’ imagination un affemblage forcé de figures incohérentes
, & qui croient fe faire un ftyle en
affeétant péniblement des alliances de mots inu-
fitées , qui ne font qu’une recherche puérile lo r s qu'elles
ne font pas inlpi.rées par le befoin d’exprimer
une nouvelle combinaifon d’idées.
Mais c’eft à la fource du mal qu’i l faut placer
le remède. C ’eft aux hommes du grand monde,
dont l ’efprit eft éclairé par l ’étude & la réflexion
qui connoiffent les principes de la Langue &
cultivent l ’art d’écrire j qui lavent unir les bienféances
du monde à celles du goût j c’eft à eux , dis-je, à prévenir
les outrages que notre Langue peut recevoir
de la frivolité , dé l ’ignorance , ou des vaines prétentions
, dans les fociétés où ils vivent.
L e plus grand fervice que la Langue puiffe
attendre de l ’Académie françoife , c’eft la perfection
d’un Dictionnaire , où les définitions de chaque
m o t , fes acceptions diverfes , les nuances
acceffoires qui le féparent de fes fynonymes ,
enfin le degré de nobleffe ou de familiarité que
l ’ufage y a attaché, foient déterminés avec précifion
& rendus fenfibles par des exemples choifis
avec goût.
C ’eft dans ce tra vail, dont l ’Académie s’occupe,
que l ’on fent combien les lumières & le goût des
gens du monde fon t, non feulement utiles , mais
indifpenfables. Les gens de Lettres ont une con-
noiflance plus ‘aprofondie des principes de la
Langue écrite : les premiers o n t , fur la La n gue
parlée , un tàét que les connoiffances ne peuvent
fuppléer. C ’ eft à eux qu’i l appartient de:diftinguer,
dans l ’emploi de certaines expreflions , ce qui eft
de l ’ufage , d’avec ce qui eft de mode $ ce qui eft
de la Langue de la Cour d’avec ce qui n’eft
qu’un jargon de cotterie : à fixer les limites de
ce bon ton fi recommandé & fi peu défini ,
qui n’appartient point à l ’efprit , -& fans -lequel
un homme d’efprit court quelquefois le rif*
que d’ètre ridicule 5 qui n’eft pas le bon goût ,
dont les principes font plus fixes -& l ’influence
plus étendue ; qui n’eft .çnfin qu’un fentiment
fin des convenances établies 5' qui, embellit l ’efe
prit & le goût dans le monde } mais, qui borne-
roit l ’effor dés talents , fi oçf vouloit foumettre,
à fes règles fugitives & variables, les ouvrages de
l ’imagination & du génie. ( £ ’ÉD IT E U R .)
* L a n g u e n o u v e l l e . On a parlé prefquc de nos
jours d’un nouveau fÿftême de Grammaire , pour
former une Langue univerfeile & abrégée qui pût
faciliter la correfpondance & le commerce entre
les nations de l ’Europe. O n affûre que M. Léibnita
s’étoit occupé férié ufemeot de ce projet mais 0»
Ignore jufqu’où i l avoit pouffé fur cela fes réflexions
& fos recherches. O n croit communément
que l ’oppofition & la diverfité des efprits parmi les.
hommes, rendraient l ’entreprife impoffible j & T on
prévoit fans doute que , quand même on irivente-
roit le langage le plus court & le p lus aifé , jamais
les peuples ne voudroient concourir à l ’aprendre :
aufli n’a-t-on rien fait de confidérable pour cela.
L e P. L am i, de l ’oratoire , dans l ’excellente
Rhétorique qu’i l nous a la if fé e , dit quelque chofe
des avantages & . de la poflibilité dune Langue
faéfcice : i l fait entendre qu’on pourroit fupprimer
les déclinaifons & les conjugaifons , en choifïffant
pour les verbes, par exemple , des mots qui ex-
primaffent les a v io n s , les paffions, les manières,
& c , & déterminant les perfonnes , les temps , &
les modes par des monofyllabes qui fuffent les
mêmes dans tous les verbes. A l ’égard des noms ,
i l ne voudrait- aufli que quelques articles qui en
marquaffent les divers râports j & i l propofe pour
modèle la Langue des tartares mogo'ls, qui femble
avoir été formée fur ce plan.
Charmé de cette première ouverture , j’ai voulu
commencer aû moins l ’exécution d’un projet que
les autres ne font qu’indiquer ; & je crois avoir
trouvé fur tout cela un fyftême des plus naturels
& des plus faciles. Mon deffein n’eft pas au refte
de former un langage univerfel à l ’ufage de p lu -
fieurs nations. Cette entreprife ne peut convenir
qu’aux Académies lavantes que nous avons en Europe
, fuppofé encore qu’elles travaillaffent de concert
& fous les aulpices des Puiffances. J’indique
feulement aux curieux un langage laconique &
Ample , que l ’on faifit d’abord, & qui peut être
varié à l ’infini ; langage enfin avec leque l on eft
bientôt en état de parler & d’écrire, de manière
à n’être entendu que par ceux qui en auront la
clef.
L ’ufage des conjugaifons dans les La ûgu es la vantes
, eft d’exprimer en un feul mót une a&ion,,
la perfonne qui fait cette aétion, & le temps où
e lle fe fait. Scribo , j’écris , ne lignifie pas Amplement
l ’a â ion d’écrire , i l fignihe encore que
c ’eft moi qui éc ris , & que j ’écris a préfent. Cette
mécanique, toute belle qu’elle eft , ne nous convient
pas ; i l nous faut quelque chofe de plus confiant
& de plus uniforme. V o ic i donc tout notre plan de
conjugaifon.
i° . L ’infinitif ou, l ’indéfini fera en as ; donner ,
donas.
L e paffé de l ’infinitif en is , avoir donné ,
donis.
L e futur de l ’ infinitif en u s , devoir donner ,
donus.
L e participe prefent en o n t , donnant, donont.
x . Les terminaifons t£ , e , i , o , m , & les pro—
noms j o , t o , lo , no , vo , yo , feront tout le mode
indicatif ou abfolu.
donne , jo dona ; tu donnes, to dçjia j i l donne,
lo dona ; nous donnons , no dona ; vous donnez ,
vo dona; ils donnent, \o dona. *
Je donnois , j o d oné; tu donnois; to donc; il
donnoit, lo d o n é , &c. J’ai donné, j o dont ; tu as
donné, to doni ; i l a donné, lo d o n t , & c. J’avois
donné, j o dono ; tu avois donné , to dôno ; i l
avoit donné , lo dono y &c. Je donnerai, j o donu ,*
tu donneras , to donu; i l donnera, lo donu , &c.'
30. A l ’égard du mode fubjonétif ou dépendant,
on le diftinguera en ajoutant la lettre & le fon r
â chaque temps de l ’indicatifj de forte que les fyllabes
a r , e r , i r y o r , u r , feroient tous nos temps du fub-
jonéfif.
On dira donc, que je donne, j o donar; to
d onar, Scc. Je donnerois, j o doner, to doner,
&c. J’aye donné , j o d o n ir , to d o n ir , &c. J’au-
rois donné, j o donor , to donor , &c. J’aurai donné,
j o donur, to donur. Cependant je ne voudrois employer
de ce mode que l ’imparfait, le plufqueparfait,
& le futur.
4°. Quant au mode impératif ou commandèur ,
on exprimera la fécondé perfonne , qui eft prefque
la feule en u fa g e , par le préfent de l ’indicatif tout
court. A in fi, Ton dira, donnez , dona.
L a troifième perfonne ne fera autre choie que l e
fubjon&if qu’i l donne, lo donar.
5°. O n désignera l ’interrogation , en mettant la
perfonne après le verbe: donne - 1 - i l , dona lo ;
a-t-il donné, doni lo ; avoit-il donné, dono lo ;
donnera-1 -il , jlo n u lo ; donneroit - i l , doner lo ;
auroit-il donné , donor lo ; aura-t-il donné, do-*
nur lo.
6 °. L e pa flïf fera formé du nouvel indicatif en <r,
& du verbe auxiliaire f a s , être ; être donné , f a s
dona ; je fuis donné,, jo fa d on a ; tu es donné,
to fa donà ; i l eft donné, lo f a d on a , &c.
7°. I l y a plufieurs fubftantifs qui font cenfés
venir de certains verbes avec lelquels ils ont un
raport vifîbie : d on a tion , par e x emple, vient naturellement
de donner ; v olonté, de vouloir ; f e r -
vice , de f e r v i r , &c. Ces fortes de fubftantifs fe
formeront de leurs verbes , en changeant la termi-
naifon de l ’infinitif en ou : donner , donas ; donation
, do no u : vouloir , vodas ; volonté, vodou :
fervir , fervas ; fervice -, fervou : & c. A u furplus ,
on fuivra communément le tour, les figures, & l e
génie du françois.
S °. .On pourra, dans le choc des voyellés , employer
la lettre n pour empêcher i ’élifion & pour
rendre la prononciation plus douce. Nous allons
faire l ’application de ces r è g le s , & l ’on n’aura pas
de peine à les comprendre , pour peu qu’on life ce
qui fuit.
M 0 D È L E de conjugaifon abrégée,
Verbe auxiliaire , f a s , être.
I n f in i t i f , ou Indéfini*
Etre , S a s .'
A voir é té , S is .
LU 3