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l ’oraifbn funèbre, une déclamation dans laquelle on
exagère.
L a Poéfie d’enthoufiafme , comme l'Epopée ,
l ’Ode , eft le genre qui reçoit le plus ce ftyle. On
le prodigue moins dans la Tragédie, où le dialogue
doit être aufli naturel qu’élevé ; encore
moins dans la Comédie, dont le ftyle doit être plus
£mple.
C ’eft le goût qui fixe les bornes qu’on doit donner
au ftyle figuré dans chaque genre. Balthazar Gra-
tian dit , que Les penfées partent des vafies côtes
de la mémoire , s’embarquent fu r la mer de
V imagination, arrivent au port de Vefprit, pour
être enregifirées à la douane de Ventendement.
C ’eft précifément le ftyle d’Arléquin ; i l dit à fon
maître, ha balle de vos commandements a rebondi
fu r la raquette de mon obéiffance. Avouons que
c’eft là fbuvent ce ftyle oriental qu’on tâche d’admirer.
Un autre défaut du ftyle figuré eft l ’entaffement
des Figures incohérentes. Un poète, en parlant de
quelques philofbphes , les a appelés
. . . . d’ambitieux pygmées,
Qui fur leurs pieds vainement redrefïes ,
Et fur des monts d’arguments entafles ,
D e jour en jour, fuperbes Encelades,
Vont redoublant leurs folles efcalades.
JEpit. de Rougeau a Louis Racine.
Quand on écrit contre les philofbphes, i l feu-
droit mieux écrire. Comment des pygmées ambitieux
, redrefTés fur leurs pieds , fur des montagnes
d’arguments , continuent-ils des efcalades? Quelle
image feuffe & ridicule i quelle platitude recherchée
|
Dans une Allégorie du même auteur, intitulée h a Lithurgie de Cythère, vous trouvez ces vers-
ci :
De toutes parts , autour de l’inconnue,
Ils vont tomber comme grêle menue,
Moiffons de coeurs fur la terre jonchés,
Et des dieux même à fon char attachés.
D e par Vénus nous verrons cette affa're.
Si s’en retourne aux deux dans fon ferrai!,
En ruminant comment il pourra faire
Pour ramener la brebis au bercail.
Des moijfons de coeurs jonchés fu r la terre
çomme de la grêle menue; & parmi ces coeurs
palpitants à terre des dieux attachés au char de
R inconnue ; Vamour qui va de par Vénus rumine*
élans fon ferrail au ciel, comment il pourra faire
pour ramener au bercail cette brebis entourée de
coeurs jonchés ! tout cela forme une figure fi
feuffe , fi puérile à la fois & fi grolfière, fi incohérente
, fi dégoûtante, fi extravagante , fi platement
exprimée, qu’on eft étonné qu’un homme qui
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fefoit bien des vers dans un autre genre & qui
avoit du g o û t , ait pu écrire quelque chofe de fi
mauvais.
O n eft encore plus furpris que ce ftyle appelé
marotique ait eu pendant quelque temps des approbateurs.
Mais on ceffe d’être furpris , quand on
lit les épicres en vers de cet auteur ; eues font
prefque toutes hériffées de ces Figures peu naturelles
& contraires les unes aux autres.
I l y a une épitre à Maroc qui commence ainfi :
Ami Marot, honneur de mon pupitre,
Mon premier maître , acceptez cette épitre
Que vous écrit un humEle nourrifion
Qui fur Parnafle a pris votre ccuflon,
Et qui jadis en maint genre d’efcrime
Vint chez vous feul étudier la rime.
Boileau a dit dans fon épitre à M o liè re ,
Dans les combats .d’efpric favant maître d’efcrime.
Du moins la Figure étoit jufte. O n s’efcrime dans
un combat ; mais on n’ étudie point la rime en s’efi
crimant ; on n’eft point l ’honneur du pupitre d’un
homme qui s’efcrime; on ne met point fur un pupitre
un ecuffonpourrimer ànourriffonrtout c ela eft
incompatible ; tout cela jure.
Une Figure beaucoup plus vicieufe eft celle-ci :
Au demeurant allez haut de ftature,
Large de croupe, épais de fourniture,
Flanqué de chair , gabionné de lard,
T el en un mot que la nature & l’a r t ,
En moïfîbnnant les remparts de fon ame ,
Songèrent plus au fourreau qu’à la lame/
h a nature & Vart qui maçonnent les remparts
d’une ame , ces remparts maçonnés qui f e trouvent
être une fourniture de chair & un gabion de
lard , font affurément le comble de l ’impertinence.
V o ic i une Figure du même auteur, non moins
feuffe & non moins compofée d’images qui fe dé-
truifent l ’une l ’autre :
Incontinent vous l’allez voir s’enfler
De tout le vent que peut faire fouffler
Dans les fourneaux d’une tête échauffée,
Fatuïté fur Sotife greffée.
L e leéleur fentaffez que la F a tu ïté , devenue un
arbre greffé fur l ’arbre de la S o t ife , ne peut être
un foufflet., & que la tête ne peut être un fourneau.
Toutes ces contorfions d’un homme qui s’écarte
ainfi du naturel, ne reffemblent pas affurément à la
marche décente, aifée, & mefurée de Boileau. Ce n’eft
pas là l ’Art poétique.
Y a -t-il un amas de Figur es plus incohérentes,
plus
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plus dilpafates, que cet autre paflage du même
poète?
Oui, tout auteur qui veut fans perdre haleine
Boire à longs traits aux fources d’Hipocrène,
Doit s’impofer l’indifpenfable loi
De s’éprouver , de defcendre chezfoi,
Et d’y chercher ces femeiiees de flamme
Dont le vrai feul doit embrafer notre ame.:
: Sans quoi jamais le plus fier écrivain
Ne peut prétendre à cet effor divin.
Quoi ! pour boire à longs traits i l faut defcendre
dans foi & y chercher. le vrai des femences de feu ,
fans quoi le plus fier écrivain n’atteindra point à un
effor ? Qu el monftrueux affemblage 1 quel inconcevable
galimathias !
O n peut dans une A llé gor ie ne point employer
les F ig u r e s , les Métaphores, & dire avec fîmpliçité
ce qu’on a inventé avec imagination. Platon a plus
d’Allégories encore que de F ig u r e s ; i l les exprimé
fbuvent avec élégance 6c fans fefte.
Prefque toutes les maximes des anciens orientaux
& des grecs font dans un ftyle f ig u r é . Toute's ces-
fentences font des Métaphores, de courtes Allégories :
& c’ eft là que le ftyle f ig u r é fait un très-grand effet,
en ébranlant l ’imagination & en fe gravant dans là
mémoire.
Nous avons vu que Pythagore d i t , D a n s la
tempête ado re z l ’ é c h o , pour lignifier , D a n s le s
trou b le s c iv i ls retirez -vou s à la cam p ag n e. N ’ a t -
t ife \ p a s le f e u a vec l ’ ép é e , pour dire, N ’ ir r ite^ p a s
l e s e fp r it s éch a u ffé s .
I l y a dans toutes les langues beaucoup de proverbes
communs qui font dans le ftyle f ig u r é . ( VOLT
A IR E .) ■ ■ > ■ ' -
( N . ) F IN , D É L IC A T . S y n o n ym e s .
I l fuffit d’avoir affez d’efprit, pour concevoir ce
qui eft f i n ; mais i l faut encore-du g o û t , pour entendre
ce qui- eft d é lica t . L e premier eft au deffus
de la portée de bien des gens ; & le fécond trouve
peu de perfonnes qui foient à la fienne.
U n difcours f i n eft quelquefois utilement répété
à qui ne l ’a pas d’abora entendu ; mais qui ne fent
pas le d é lica t du premier co u p , ne le fentira jamais.
On peut chercher l ’u n , & i l faut faifïr
l ’autre.
F in eft d’un ufag.e plus étendu; on s’en fert également
pour les traits de malignité, comme pour
deux de bonté. D é l i c a t eft d un fervice comme
c’un mérite plus rare; i l ne fîedpas aux traits malins
, & i l figure avec grâce en fait de chopes flatteufes.
A in f i, l ’ondit Une fatyre f in e , Une louange d élica te .
^ . F in e s se , D é l i c a t e s s e . ( h ’ a bb é G i r a r d . )
. ( N . ) F IN , S U B T IL , D É L IÉ . S y n o n .
U n homme f i n marche avec précaution par des
chemins couverts ; .un homme f u b t i l avance adroitement
par des voies courtes; un homme d é lié va
d’un air libre & aifé par des routes sures. .
G R A MM. E T h lT T É R A T . Tome I L
F I N 113
L a défiance rend F in ; l ’envie de réuffir, jointe à
laprëfence d’efprit, reud S u b til ; l ’ufage du monde
& des affaires rend D é lié .
Les normands ont la réputation d’être tzès-fins;
les gafcons paffent pour fu b tils ; la Cour fournit les
gens les plus déliés, [ h ’ abbé GlRARD. )
(N . ) F I N A L E , adj. Appartenant à la fin ,
Déterminant: la fin- Jugement f in a l. Sentence
filia le . Impénitence fin a le . Perfévérance fin a le .
Les grammairiens appellent heu re fin a le , la
dernière lettre de chaque mot ; 6c Syllabes fin a le s ,
les dernières fyllabes des mots, celles qui font les
rimes. Voyez Rime.
Les maîtres d’écriture appellent f in a le s , certaines
lettres courantes dont la figure indique q u e lle s
peuvent s’employer, ou même qu’elles doivent uniquement
s’employer à la fin des mots.
I l y a , dans l ’alphabet hébreu & dans l ’alphabec
g r e c , des lettrés fin a le s de cette efpece : en hébreu
, par exemple, les lettres tsade , p h e , n o u n ,
mem , chaph , dont les figures au commencement
ou au milieu des mots font fl 3 0 D > fe figurent
ainfi y q J CD q, quand elles font fin a le s ; le figm a &
fe figure ainfi à la fin s, comme on le voit dans 1q
mot plcris ( médius.) ( M . B e a u z é e . )
* F IN E S S E , Ph ifo fop h ie , M ora le , & B e lle s -
heu r e s . C ’eft la faculté d’apercevoir, dans les rapports
fuperficiels des circonftances & des chofes ,
lès facettes prefque infenfibles qui fe repondent 9
les points indiviubles qui fe touchent, les fils déliés
qui s’entrelacent 6c s’uniffent.
L a F in e fie M è r e de la pénétration, en ce que
la pénétration fait voir en grand, & la Fineffe
en petit détail. L ’homme pénétrant^ voit loin ;
l ’homme f in voit clair , mais de près : ces deux
facultés peuvent fe comparer au teiefcope & au
microfcope. U n homme pénétrant, voyant Brutus
immobile & penfif devant la ftatue de Caton , 6c
combinant le cara&ère de Caton , celui de Brutus »
l ’état de R om e , le rang ufutpé par Cefar , le mécontentement
des patriciens , Sec , auroit pu dire :
B ru tu s médite quelque chofe d’ extraordinaire.
U n homme f in auroit dit : V o ila B ru tu s qui
f e complaît a v oir les honneurs rendus à fo n oncle;
8c auroit fait une épigramme fur la vanité de Brutus.
U n f in courtifan , voyant le défavantage du camp de
M. de Turenne , auroit dit en lui-même , Turennefe
bloufe; un grenadier pénétrant néglige de travailler
! à. fon logement, 6c répond au Général : Je vous
. cannois , nous ne coucherons p a s ici.
L a Fineffe ne peut fuivre la pénétration ; mais
quelquefois aufli elle lui échape. U n homme profond
eft impénétrable à un homme qui n’eft que
f in ; car celui-ci ne combine que les fuperficies :
mais l ’homme profond eft quelquefois furpris par
; l ’homme f in ; fa vue hardie, vafte, & rapide, dédaigne
ou néglige d’apercevoir les petits moyens; c’eft
Hercule qui cou rt, & qu’un infe&e pique au talon.